Déclaration de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, en hommage aux soldats polonais engagés dans l'armée française en septembre 1939, à Saint-Avold le 1er octobre 2009.

Prononcé le 1er octobre 2009

Intervenant(s) : 

Circonstance : 70e anniversaire de l'offensive de la Sarre et initiative franco- polonaise de transmission de la mémoire à des classes de collégiens, à Saint-Avold (Moselle) le 1er octobre 2009 <br> <br> <br> <br>

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Député-Maire,
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais vous dire toute l'émotion qui est la mienne de me retrouver aujourd'hui à Saint-Avold, aux côtés du ministre polonais des Anciens combattants.
Il y a des gestes qui ne trompent pas et la présence de Janusz KRUPSKI à Saint-Avold témoigne des liens d'estime, de respect et d'amitié entre la France et la Pologne.
S'il y a deux peuples, en Europe, qui éprouvent depuis des siècles des sentiments l'un pour l'autre et partagent un destin commun, ce sont bien nos deux pays.
Ici, à Saint-Avold et dans toute la Lorraine, on le sait mieux que partout ailleurs : c'est en Lorraine, à Lunéville, que le grand roi Stanislas avait choisi de s'exiler il y a plus de deux cents ans.
Et ce sont encore des Polonais qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes, et parfois, malheureusement, leur vie, en travaillant comme ouvriers dans les hauts-fourneaux ou en descendant au fond des mines ...
Oui, il y a une très longue histoire d'amitié entre la France et la Pologne.
Mais ici, en Lorraine, il y a beaucoup plus : entre la Pologne et la Lorraine, c'est une vraie et belle histoire de famille.
C'est la raison pour laquelle je voudrais remercier Monsieur le Député-Maire de Saint-Avold d'avoir été à l'initiative de cette journée de commémorations : ce que nous célébrons aujourd'hui, ce n'est pas simplement un événement historique ou une bataille qui appartiendrait au passé. Mais c'est quelque chose de profond et de vivant : une amitié entre deux peuples.
Il y a soixante-dix ans, en septembre 1939, les armées allemandes envahissaient la Pologne.
Ce fut une guerre sans merci, avec beaucoup de sauvagerie et de férocité, de destructions et de morts. Beaucoup de divisions blindées, des chars d'assaut, l'aviation qui bombarde sans relâche les villes.
Du 1er au 27 septembre 1939, 70 000 soldats polonais sont tués, 133 000 sont blessés, 700 000 sont faits prisonniers ...
C'était à l'autre bout de l'Europe. Et certains Français se disaient : « C'est bien loin de chez nous. Ce qui se passe en Pologne ne nous concerne pas... N'envoyons pas nos soldats mourir pour Dantzig... N'envoyons pas nos soldats mourir pour la Pologne... »
Notre pays n'a heureusement pas écouté ces voix-là.
Nous avons choisi, au nom de l'amitié entre la France et la Pologne, au nom des liens très forts qui unissaient nos deux pays, de déclarer la guerre à l'Allemagne.
Nous l'avons fait aussi parce que l'invasion de la Pologne était absolument intolérable.
Et dès septembre 1939, alors qu'il n'y a plus aucun espoir en Pologne face au déferlement des armées nazies, la France dit aux Polonais présents sur son territoire et ici, tout particulièrement, à Saint-Avold et en Lorraine : « vous êtes Polonais, mais vous pouvez intégrer l'armée française. »
Car ce qui compte, ce n'est pas la différence de langue ou de nationalité, ce qui compte, dans des moments pareils, c'est de continuer le combat.
Et les Polonais seront 103 000 à s'engager dans l'armée française en septembre 1939. 13 000 d'entre eux trouveront la mort, soit comme soldats, soit comme résistants.
Et si nous sommes rassemblés aujourd'hui, c'est pour célébrer la mémoire des combattants polonais qui se sont engagés aux côtés des combattants français, qui ont risqué et même donné leur vie, pour que la France soit aujourd'hui un pays libre.
Si nous nous souvenons d'eux, c'est que nous n'avons pas le droit de les oublier et d'oublier ce qu'ils ont fait.
La plupart d'entre eux étaient très jeunes : certains avaient tout juste dix-sept ans.
Et à cet âge, ils avaient déjà le courage, la volonté et le sens du devoir.
Ils étaient mineurs, ouvriers dans le textile ou la sidérurgie, lycéens, étudiants.
Avant de s'engager, ils ne savaient pas qu'ils étaient des héros. C'est en combattant qu'ils le sont devenus. Et c'est une belle leçon sur la jeunesse. Le président de la République le disait il y a trois jours à Avignon : un pays doit toujours faire confiance à ses jeunes.
Si nous nous souvenons d'eux, c'est qu'ils sont pour nous, aujourd'hui, des exemples.
Ils portent des valeurs qui sont les valeurs de la République : la liberté, l'égalité, la fraternité. Ce ne sont pas que des mots. Parfois, il faut se battre et tout risquer pour défendre ces valeurs si importantes.
Si nous nous souvenons enfin d'eux aujourd'hui, c'est qu'ils nous donnent une grande leçon sur l'Europe.
Eux, ils n'ont pas eu la chance de vivre dans une Europe en paix. Ils n'avaient pas vingt ans, mais ils avaient des rêves, des espoirs, de la générosité, de l'amour à donner aussi. Tout cela, la guerre l'a réduit à zéro.
Et nous pouvons mesurer aujourd'hui notre chance de vivre dans une Europe en paix.
La meilleure façon de rendre hommage aujourd'hui à ces combattants polonais et français, c'est de continuer à construire l'Europe de la paix et de l'amitié entre les nations.
Commémorer, ce n'est pas vivre dans le passé. C'est puiser, dans l'histoire, des ressources pour l'avenir.
Nous vivons aujourd'hui un moment charnière dans la mémoire de la Seconde Guerre mondiale : nous sommes en train de passer de la mémoire à l'histoire ... Ceux qui ont vécu les événements qui se sont déroulés il y a soixante-dix ans sont, année après année, de moins en moins nombreux. Ils sont porteurs de la mémoire vive de la Guerre et, bientôt, il ne restera plus que les historiens pour nous aider à comprendre ce qui s'est passé.
Je voudrais à ce titre remercier Robert BELOT, qui est l'un de nos plus grands historiens français et l'un des meilleurs spécialistes de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Il a accepté notre invitation à venir aujourd'hui à Saint-Avold. C'est grand un honneur qu'il nous fait.
Je voudrais également saluer les professeurs des écoles et les professeurs de collège qui, eux aussi, ont la responsabilité et, bien souvent, la passion de transmettre l'histoire à leurs élèves.
Il faut écouter les historiens. Mais, il faut aussi prendre le temps d'écouter ceux qui ont vécu ces événements. C'est une vraie chance d'avoir encore parmi nous des anciens combattants et des anciens résistants ...
C'est pourquoi, avec le président de la République, avec le Premier ministre, nous voulons que le 70ème anniversaire de la Seconde Guerre mondiale soit un moment de partage entre vous, les jeunes, et ceux qui ont l'âge d'être vos grands-parents et vos arrière-grands-parents.
Ils ont vécu cette époque-là.
Ils ont des choses à vous dire, à vous raconter.
Et plus tard, dans des années, quand vous serez adultes, la mémoire qu'ils vous auront confiée sera l'une des choses les plus précieuses que vous pourrez avoir.
Elle sera là, gravée dans votre coeur et votre esprit.
Elle vous aidera à vivre.
source http://www.defense.gouv.fr, le 6 octobre 2009