Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Un ministre devant vous, c'est au mieux une curiosité, au pire un mauvais moment à passer.
Pour moi c'est, outre un plaisir, un devoir. Car j'entends vous parler d'avenir.
Dans une génération, vos enfants liront dans leur livre d'histoire et d'économie que tout s'est joué en ces années que nous nous apprêtons à vivre.
La crise mondiale ne signifie pas seulement les limites et les dangers d'un certain type de pratiques financières ; elle signifie la fin d'un monde.
Nous sommes à l'heure des ruptures et c'est ce dont je veux vous parler.
Dans vingt ans, soit la France sera redevenue la grande puissance industrielle qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être et conservera son rang quand il s'agira de décider de l'avenir de notre planète ; soit elle se sera laissée aller au mirage de l'industrie quasi zéro, et elle ne pèsera plus au niveau mondial.
Les crises surtout lorsqu'elles sont majeures sont souvent cruelles mais elles sont surtout exigeantes et porteuses d'innovation pour qui sait les analyser et ne pas se résoudre au déclin ou à la fatalité.
La crise si elle a sonné le glas de l'illusion du marché omniscient et par nature vertueux, n'a en revanche nullement réhabilité les thèses du socialisme du 19e siècle, ou pire encore celles de l'économie dirigée.
Prétendre cela, c'est se bercer d'illusion car c'est chercher à sortir de la crise par le passé alors que la seule issue consiste à inventer l'avenir !
Un échec même remis au goût du jour n'a jamais fait une bonne recette.
La liberté, sous toutes ses formes doit demeurer au coeur de notre démarche, elle doit en être le fondement et le moteur. Sans liberté, il n'y a pas d'espoir, pas d'innovation, pas d'ambition ; il n'y a que les ténèbres de l'obscurantisme.
Ce n'est pas dans le passé que se trouvent les voies de sortie de la crise.
Pour sortir de la crise, ce dont nous avons besoin c'est d'inventer un nouveau monde, ce dont nous avons besoin c'est de faire preuve d'audace et ne pas se résoudre au déclin ou à la fatalité.
C'est pour cela que je suis venu vous dire que nous avons besoin de vous, que votre pays a besoin de vous.
A l'origine d'une grande aventure industrielle, on découvre toujours l'ardeur d'une flamme, le sens très vif de l'impertinence et de la liberté, la curiosité qui pousse à déchiffrer de nouvelles voies.
Toutes ces qualités caractérisent la jeunesse.
Toutes ces qualités sont celles que vous possédez déjà au plus profond de vous-mêmes, vous qui représentez la première génération du Web et de l'Internet.
Toutes ces qualités un jour vous seront précieuses pour inventer les temps nouveaux.
Comme ministre chargé de l'Industrie, comme ministre de tutelle des écoles des Mines et des Télécoms, j'ai contracté vis-à-vis de vous, vis-à-vis de notre pays et du Président de la République qui m'a fait confiance, une grande responsabilité.
Cette responsabilité, c'est celle de créer dans notre pays les conditions qui permettront de laisser éclore les talents, de libérer votre sens de l'inventivité et du progrès.
Cette responsabilité, c'est celle de susciter en vous l'envie de donner le meilleur de vous-même face à toutes les possibilités qu'offre l'aventure industrielle. Celle de nourrir en vous de nouvelles espérances...
Cette responsabilité, c'est enfin celle de la mettre en oeuvre sans attendre, en rassemblant et en mobilisant toutes les énergies.
La France est à l'aube de son renouveau industriel.
Cette prestigieuse école dans laquelle nous sommes et qui accueille aujourd'hui à vos côtés les élèves des Télécoms, n'en doutez pas, vous y prépare.
Comme d'autres avant vous, vos parcours personnels futurs rejailliront sur elle. Vous lui rendrez alors beaucoup plus qu'elle ne vous a donné.
L'investissement que consent notre pays pour vous former est donc un choix judicieux.
Des individus bien formés sont capables de faire face aux enjeux complexes auxquels notre monde est confronté. Dès lors, ces mêmes individus sont capables de provoquer des ruptures créatrices, c'est-à-dire d'innover et d'inventer.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers élèves,
Il m'appartient aussi de m'adresser à ceux qui vous accompagnent, à l'encadrement de vos écoles, à tous ceux qui vous transmettent leurs connaissances et leur savoir, à vos professeurs qui sont à vos côtés aujourd'hui et qui ont à l'esprit cette vision d'une industrie qui crée, qui innove, qui se modernise.
(I) Je veux vous le dire : ce que la crise révèle, c'est que notre monde a changé.
Le poids relatif des différents acteurs sur la scène internationale s'est modifié. La perception des menaces qui pèsent sur notre planète est devenue plus aigüe.
Dès lors, notre vision globale du monde, elle aussi, doit changer.
Voilà trop longtemps que les gouvernements de gauche comme de droite ont renoncé à bâtir une véritable politique industrielle pour notre pays.
Il ne s'agit plus de prédire la fin de l'industrie au profit d'une civilisation des services et de la finance comme on l'a cru et hélas laissée faire. C'est aussi une des leçons de la crise actuelle que de constater que l'économie financière n'est rien sans l'économie de production.
Je dirai même que l'économie financière seule, agissant pour elle même est un non sens, un jeu dangereux et à terme la négation de tout projet de civilisation.
L'ère industrielle n'est pas morte. Ce qui, sous nos yeux, est en jeu, c'est au contraire sa profonde transformation.
Nous sommes entrés dans une mutation industrielle extraordinaire de promesses.
La transformation, ce n'est pas le déclin. Ce dont il s'agit, c'est bel et bien d'une Révolution.
Pour ma part, j'ai la conviction que si la France ne se donnait pas les moyens de relever le défi de cette transformation, alors oui, ce serait le déclin.
J'ai la certitude que si nous ne préparions pas dès aujourd'hui - comme du reste nous le faisons- la sortie de crise par le haut, c'est-à-dire grâce à l'innovation et à l'investissement, alors oui, il n'y aurait plus d'industrie dans ce pays d'ici seulement 15 ans.
Pourquoi ?
Pour au moins quatre raisons.
Premièrement, sur le plan conjoncturel, la crise financière, née aux Etats-Unis, s'est propagée à toute l'économie. Ses effets se font et se feront encore durement sentir.
En un an la production industrielle française a reculé de 15%, ce qui ne s'est jamais produit depuis que l'on mesure cet indicateur dans notre pays.
Certes, les premiers signes de reprise sont là qui n'auraient pu intervenir sans les initiatives déterminantes du plan de relance. Mais nous devons dire la vérité aux Français. Les effets attendus de la reprise sur l'emploi mettront du temps à se manifester.
Deuxièmement, sur le plan structurel notre industrie est en perte de compétitivité. C'est un fait. Notre poids dans les exportations européennes a chuté de 25% en moins de 10 ans.
Notre retard sur l'Allemagne, la référence industrielle en Europe, s'est creusé.
Nos PME restent encore sous-capitalisées et insuffisamment soutenues par les grands donneurs d'ordre. C'est d'ailleurs l'illustration d'un mal bien français contre lequel je veux lutter avec force : le chacun pour soi.
C'est au contraire en resserrant les relations qui existent entre les entreprises sous-traitantes et les donneurs d'ordre, en favorisant les synergies industrielles, que nous parviendrons notamment à créer une équipe de France industrielle soudée à l'international.
Troisièmement, l'ensemble de nos filières industrielles sont en mutation profonde en particulier face au défi de la réduction de nos émissions de CO2.
Dire cela, ce n'est pas annoncer la fin de grands secteurs industriels comme la chimie ou encore l'automobile.
Ces secteurs qui ont marqué nos succès industriels ne ressembleront plus jamais à ce que nous avons connu ces cinquante dernières années.
Dire cela, ce n'est pas les condamner. C'est au contraire les accompagner, les engager vers des voies nouvelles susceptibles de pérenniser leur avenir pour les cinquante prochaines années.
Enfin quatrièmement, le modèle économique idéalisé du marché autorégulé s'achève.
On a vu ce qu'a produit l'autogestion dans laquelle s'est installé le système financier international.
Cette époque est révolue.
Certains - je n'en ai jamais fait partie - qui voulaient aller à l'extrême de cette idée, redécouvrent un fort besoin d'Etat.
Pas un Etat qui décide de tout. Pas un Etat qui décourage l'initiative et la prise de risque.
Pas un Etat qui décide à la place des entrepreneurs de la gestion de leurs entreprises.
Mais un Etat qui joue son rôle, un Etat qui régule, un Etat stratège, un Etat qui protège.
Le retour de l'Etat, là où c'est nécessaire accompagnera notre nouvelle ambition industrielle.
Voilà le message fort que le Président de la République a voulu faire passer en recréant un véritable ministère en charge de l'industrie, ce qui n'était pas arrivé en France depuis de nombreuses années.
Il m'a confié cette charge. Elle est immense certes mais elle est exaltante. J'y consacre toute mon énergie. Vis-à-vis de vous, je sais que je n'ai pas le droit à l'échec.
(II) Comment remettre la France à l'heure industrielle ?
(a) Aujourd'hui, dans le temps de crise, je veux incarner l'Etat qui protège.
La crise a commencé un jour. Elle finira aussi un jour.
Mais ce qui m'importe dans le temps qui vient, c'est d'être l'artisan du renouveau industriel ; d'en être l'architecte et aussi le stratège.
Alors l'Etat qui protège, c'est quoi ?
L'Etat qui protège, c'est celui qui ne laisse personne au bord du chemin : les entreprises comme les ouvriers.
L'Etat qui protège, c'est celui qui refuse la disparition d'une filière ou d'un secteur entier de notre économie.
L'Etat qui protège, c'est celui qui refuse le désert industriel dans nos territoires, ce qui entraîne la désespérance de nos populations.
La filière de la sous-traitance dans le secteur automobile est un bon exemple.
Que se serait-il produit si nous avions abandonné à leur sort, impuissants dans la tempête financière, nos constructeurs automobiles ?
La réponse est simple. Il n'en serait rien resté. Plus d'un siècle de savoir-faire industriel détruit !
La première urgence était donc de les aider eux d'abord.
Nous l'avons fait sur une base claire : le donnant-donnant.
Nous avons aidé les constructeurs automobiles à ne pas disparaître à la condition qu'à leur tour ils aident leurs sous-traitants à passer le cap de la crise. Donnant-donnant.
Nous ne nous sommes pas arrêtés là.
J'ai installé le 10 septembre dernier, la commission de la sous-traitance automobile et dans le même temps, j'ai annoncé un fonds de soutien dédié au sein du FMEA, alimenté par l'Etat et les équipementiers. Ce fonds s'adresse à l'ensemble des sous-traitants de rang 2 et au-delà.
Soyons clairs.
Mon rôle est de sauvegarder le savoir-faire de nos ouvriers, de préserver nos implantations industrielles mais en ayant une exigence incontournable, non négociable.
Cette exigence, c'est celle de la modernisation des sites et des processus pour les rendre compétitifs dans le cadre des nouveaux stratégiques qui nous attendent.
Il n'est pas question de maintenir sous perfusion des entreprises qui refusent de se tourner vers l'avenir. Donnant-Donnant.
Je pense en particulier à l'évolution inéluctable vers le véhicule électrique, ce qui veut dire que les sous-traitants doivent s'y préparer, si nécessaire, en se positionnant ou en se repositionnant sur la production de nouveaux composants.
En matière de financement le Gouvernement, à l'automne dernier, a pris ses responsabilités en mettant en place un vaste plan de financement de l'économie avec des moyens exceptionnels en faveur du système bancaire.
Nous n'avons pas hésité à rappeler aux banques l'étendue de leurs engagements, à savoir :
Premièrement. Augmenter leurs encours de crédits ;
Deuxièmement. Faire un effort particulier en direction des PME fragilisées par la crise.
Donnant-Donnant.
Par ailleurs, plus de 10 000 dossiers instruits en matière de médiation du crédit avec un taux réussi de médiation de 66%. Depuis peu, ce dispositif est inscrit dans la durée (accord signé le 27 juillet 2009).
Nous avons également pris une mesure à mes yeux très importante de soutien au crédit avec l'accès au crédit via OSEO : 12 000 entreprises ont ainsi été soutenues et 2,5 Mds euros de prêts obtenus avec l'accès au crédit via OSEO.
Enfin dans quelques jours, nous annoncerons la création du fonds de consolidation et de développement des entreprises dont le FSI (fonds stratégique d'investissement) sera le principal actionnaire aux côtés des principaux établissements bancaires français.
Avec plus de 200 M euros de dotation, ce fonds concentrera ses efforts sur les PME, en collaboration avec la médiation du crédit.
Voilà ce que nous avons fait pour nos entreprises. C'était l'urgence. Si nous n'avions rien fait, cela nous aurait conduits irrémédiablement à la ruine de notre tissu industriel.
Un autre objectif me tient tout autant à coeur.
La préservation et le développement du patrimoine industriel français.
Ce patrimoine n'est pas constitué des murs de nos usines.
Le patrimoine industriel, ce sont des hommes, ce sont des savoir faire, ce sont des brevets.
Pour ma part, jamais je n'accepterai qu'une entreprise soit menacée d'en être spoliée par une entreprise prédatrice étrangère, avec fermeture et licenciements à la clef.
Je m'y suis opposé avec force dès mon arrivée dans le cas de MOLEX, entreprise américaine.
Au moment où j'ai récupéré ce dossier, tout le monde le disait perdu. Tout le monde me conseillait de ne pas m'y engager.
Même s'il faudra du temps pour retrouver une activité à 100 % pour le site de Vilmur, nous avons réussi à sauver la base qui nous permet de relancer une activité industrielle.
C'est ce que je suis en train de faire avec WIPRO, entreprise indienne, à Sophia-Antipolis ou encore avec CHAFFOTEAUX et MAURY, entreprise italienne sur lesquelles j'ai pu m'investir dès le début de leurs difficultés.
Voilà deux exemples où, grâce à notre volontarisme, grâce au savoir faire des ouvriers, j'ai bon espoir de sauver la quasi-totalité de l'emploi industriel.
Ma politique n'est pas celle de la prime à la fermeture mais celle du maintien de l'activité industrielle dans les territoires.
Je le ferai toutes les fois que cela sera nécessaire.
Qu'est-ce qu'on attend de moi ?
Que je signe un bon de sortie aux auteurs de fric-frac industriels qui dépouillent nos entreprises innovantes de leurs brevets, de leurs savoir-faire et de leurs contrats avant de s'éclipser sans même se retourner sur les fermetures d'usines et les drames qu'elles créent ?
Mon attitude n'a rien à voir avec le nationalisme. C'est même une chose tout à fait ridicule que de le penser.
Le ministre chargé de l'industrie a toutes les raisons de se réjouir que notre pays fasse partie des tout premiers en matière d'accueil des investissements étrangers.
Ce résultat est la récompense des immenses efforts que nous avons consentis pour renforcer l'attractivité de notre pays. C'est un formidable signe de confiance dans ses savoir faire, ses compétences et ses infrastructures.
Pour autant, cela n'autorise pas que l'on s'affranchisse de nos lois et de nos règles.
Jamais je ne transigerai sur le respect des lois et sur le respect des hommes.
Chers élèves,
La crise révèle les brèches qu'il nous faut colmater dans le présent.
L'avenir lui peut être maîtrisé à la condition que nous nous en donnions les moyens.
Pour les enjeux industriels à moyen et long terme, l'Etat et plus particulièrement le ministère dont j'ai la responsabilité, doit être le fédérateur et le catalyseur d'un nouveau dynamisme industriel.
L'urgence, c'est de nous mettre en état de marche et d'anticiper au-delà de la crise actuelle.
L'urgence, c'est de parvenir à la définition d'une stratégie partagée avec le monde de l'industrie.
(b) C'est de retrouver un Etat stratège.
Ce chemin, nous allons le faire ensemble.
C'est aujourd'hui que la sortie de crise se joue. C'est pourquoi j'entends être, avec vous, l'architecte de notre renouveau industriel.
Comment ?
En misant d'abord sur l'innovation.
L'innovation, c'est l'option que nous prenons sur le futur. L'innovation, c'est l'accélérateur de la sortie de crise.
Grâce à elle notre pays sera capable de se positionner sur les marchés réellement porteurs de croissance et d'emploi.
En effet, nos industries doivent pouvoir se projeter sur les marchés du futur. Je veux les aider à prendre le risque nécessaire, le risque préalable de l'innovation.
Bien sûr il nous faut dans le même temps gagner la bataille de la compétitivité dans le plus grand nombre de secteurs.
Il est crucial de continuer à investir sur ceux pour lesquels nous disposons déjà d'avantages comparatifs et qui sont réellement créateurs de richesses et d'emploi à moyen et à long terme.
Je sillonne la France des pôles de compétitivité.
Du pôle chimique Axelera avec Bayer en Rhône-Alpes, au pôle MINATEC à Grenoble, en passant par Thalès Alenia Space à Cannes ou le pôle EMC2 sur les matériaux composites à Nantes pour ne prendre que quelques exemples ....
J'y vois une France industrielle sans complexe, affichant ses ambitions et tenant les premiers rôles dans la cour des tous meilleurs mondiaux.
J'y rencontre des responsables d'entreprise et des chercheurs leaders dans des domaines technologiques de pointe comme la nanoélectronique ou les nouvelles générations de batterie pour les véhicules électriques.
C'est cette volonté d'être parmi ceux qui "font" l'univers de demain, c'est cet esprit de créativité permanente que je veux voir de nouveau souffler sur l'industrie française.
Les pôles de compétitivité dont la force précisément repose sur l'association conjuguée des talents, de l'entreprise, de la recherche et de l'université, ont fait leurs preuves.
Ils ont parfaitement répondu à l'attente et aux espoirs que j'avais placé en eux lorsque j'étais chargé de les mettre en oeuvre en 2005, comme ministre délégué à l'aménagement du territoire.
Le moment est venu de les renforcer et de leur donner un nouvel élan.
Désormais, je souhaite que les pôles de compétitivité abordent une nouvelle phase de leur développement, une nouvelle ère résolument orientée vers la conquête de nouveaux marchés.
Pour les soutenir, l'Etat a décidé d'affecter 1,5 milliard d'euros sur 3 ans (2009-2011) à cette seconde phase avec au coeur de cette dynamique, un fort soutien dans le domaine de la R&D.
Les pôles de compétitivité « nouvelle génération » seront tournés prioritairement vers la performance, les résultats et leur évaluation. Pour y parvenir, une seule méthode : le décloisonnement.
L'urgence, c'est de s'ouvrir. Je veux vraiment qu'on en finisse avec le cloisonnement par secteur.
Il n'y a qu'en France où les spécialités, les filières, les disciplines ne communiquent pas entre elles !
Il existe des synergies évidentes entre les secteurs du nautisme et de l'automobile en matière de moteurs hybrides ou électriques par exemple.
Des synergies existent aussi entre l'aéronautique et le spatial dans le domaine des matériaux composites.
Alors pourquoi ne pas lancer des « projets interpôles » qui concerneraient les secteurs industriels émergents et qui répondraient à des besoins économiques et sociaux lisibles pour tous ?
Je pense par exemple à la création d'infrastructures de charges pour les véhicules électriques et la gestion des systèmes de mobilité pour faciliter les déplacements.
Dans le domaine des éco-industries, on pourrait également considérer les énergies renouvelables, les systèmes de production propres ou encore la gestion et le traitement de l'eau.
La santé enfin est un autre domaine de préoccupation pour les Français. Des dispositifs médicaux - où nous sommes très en retard tant en quantité qu'en qualité - aux applicatifs des TIC en matière de santé à domicile, différents thèmes sont possibles.
Nous allons donner un nouveau souffle aux pôles de compétitivité et je compte aussi sur vous pour, le moment venu, que nous réussissions ensemble à créer un nouvel état d'esprit.
Vraiment, ce que j'attends de vous c'est que vous puissiez rompre avec la pensée unique du chacun pour soi.
C'est à vous que je demande d'insuffler cet esprit d'ouverture dans vos futures entreprises.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Nous sommes, je l'ai dit, à l'aube de mutations industrielles profondes.
La réduction drastique et nécessaire de nos émissions de CO2, l'arrivée de nouvelles technologies dans les domaines des bio technologies, de la nanotechnologie ou du numérique, vont entraîner une révolution des outils de production et des processus industriels.
Partout, sur l'ensemble de notre territoire, il nous faut sonner la mobilisation générale afin de relever ces nouveaux défis.
Lorsque les circonstances sont exceptionnelles, alors il n'est plus possible de se référer aux anciennes méthodes.
Il faut au contraire en imaginer de nouvelles.
(III) Il faut être capable de rassembler toutes les énergies pour dessiner le nouvel élan que nous voulons donner à l'industrie française.
Notre stratégie doit être globale et cohérente.
(a) Pour ma part, je souhaite que nous passions d'une « politique de branche » à une « politique de filière ».
Qu'est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire passer d'une culture du cloisonnement entre les problématiques à celle de l'écosystème.
Je prends un exemple concret : la métallurgie, la plasturgie, la mécanique, la chimie, l'énergie sont des branches qu'on appréhende de manière séparée.
Mais toutes sont indispensables à l'automobile de demain.
Et bien moi je ne veux plus que l'on raisonne avec des oeillères, que chacun avance dans son coin sans mettre en avant une vision de l'ensemble des enjeux.
Sur cet exemple, ma politique demain sera celle de la filière automobile dans sa globalité, qui inclut la métallurgie, la plasturgie, la mécanique, la chimie et l'énergie... du plus petit des sous-traitants à la multinationale.
On ne doit plus faire de politique en silo, mais par grands projets structurants où l'ensemble des compétences et des expertises sont mobilisées.
C'est aussi cela la nouvelle politique industrielle que je veux mener.
Elle doit être étroitement connectée aux réalités et aux besoins du terrain et résolument tournée vers les marchés porteurs.
(b) Voilà l'idée que contient en germe la proposition du Président de la République d'organiser des Etats généraux de l'industrie.
La participation n'obéira à aucune exclusive. Sur un sujet aussi important, vital même pour l'avenir de notre pays, chacun doit pouvoir apporter sa pierre.
Ce n'est pas un nouveau plan de relance ; le plan de relance c'est le court terme. Ce n'est pas une commission Grand Emprunt bis. Le Grand Emprunt c'est le long terme.
Les Etats généraux c'est le moyen terme, c'est-à-dire ce qui va nous permettre de sortir plus vite de la crise et d'accélérer notre croissance dans les 3 à 5 ans.
Les Etats-généraux, c'est l'occasion de définir ensemble une nouvelle politique industrielle à la mesure des défis qui nous attendent.
Je souhaite que vous y preniez toute votre part.
Je vous propose que l'un des rendez-vous de ces Etats généraux se tienne dans votre école car on ne peut pas débattre de l'industrie de demain sans y associer ceux qui la feront.
Je reviendrai donc ouvrir ce débat avec vous.
Pour ma part, j'en attends une effervescence extraordinaire, un moment historique.
Ce sera en effet la première fois qu'une stratégie industrielle nationale sera issue de nos forces vives dans les territoires.
Tout est sur la table. Le Gouvernement examinera toutes les propositions. Grâce à Internet, nos compatriotes auront la possibilité de participer à l'ensemble des débats.
Les Etats généraux sont la première marche à gravir. C'est le socle à partir duquel toutes les mesures que nous allons prendre découleront.
Chers élèves,
Dans le monde tel qu'il est, nous avons collectivement pris conscience des dangers qui pèsent sur la planète, notre patrimoine commun.
L'industrie ne peut rester à l'écart de ce grand mouvement qui parcourt les opinions. Elle ne peut pas non plus s'exonérer de sa propre responsabilité.
Il est temps pour elle de se mettre au vert. C'est d'ailleurs son intérêt. Elle a beaucoup à y gagner.
(IV) Dans le cadre des Etats généraux, je ferai plusieurs propositions.
Sur les marchés dont les perspectives de croissance sont fortes à court ou à moyen terme, je souhaite que nous nous efforcions de positionner notre offre nationale sur des technologies « différenciantes » par exemple dans le domaine de la dépollution, de l'éco-conception des produits et des processus.
L'enjeu, c'est de renforcer notre industrie nationale en développant une offre lui permettant un moindre recours aux ressources rares telles que l'énergie et les matières premières.
Je proposerai donc d'étudier la mise en oeuvre de prêts verts bonifiés au profit de l'éco conception des produits ou des processus de fabrication.
La taxe carbone que nous allons mettre en oeuvre au début de l'année prochaine constitue, je l'affirme, une véritable opportunité pour les entreprises.
C'est pour elles un véritable accélérateur qui doit les inciter à améliorer leur compétitivité dans le domaine des transports, dans le domaine de la consommation d'énergie par unité de production, améliorer leur compétitivité par rapport au marché des quotas de Co2.
Il n'y a aucune raison de ne pas réussir à concilier l'excellence industrielle et l'écologie responsable.
Tout le monde peut y gagner à la seule condition de ne pas faire preuve de naïveté.
En effet, faire travailler ensemble l'écologie et l'industrie, ce n'est pas se résoudre à accepter une concurrence déloyale de la part de ceux qui sont moins vertueux que nous voulons l'être nous-mêmes.
Si en taxant nos entreprises polluantes, nous apportons notre contribution à la protection de la planète, chacun comprend bien qu'il n'est pas supportable que les autres se dispensent de consentir le même effort.
Il est nécessaire, il est indispensable que tous les pays jouent le jeu !
Permettez-moi d'ajouter une conviction qui m'est chère et tordre par là même une idée reçue et largement développée par tous les partisans de la décroissance : l'industrie n'est pas l'ennemie de l'écologie, elle est son avenir !
Et donc, c'est dans cette logique que le Gouvernement poussera l'idée de la nécessité d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne (taxation des produits fabriqués dans des pays qui n'ont pas les mêmes standards environnementaux).
Il s'agit que les règles soient les mêmes pour tous. C'est bien sûr un enjeu qui concerne la compétitivité de nos entreprises et donc l'emploi pour tous les salariés en France.
Pour moi les choses sont claires.
Le dumping fiscal, le dumping social ou même environnemental sont, je le dis, clairement inacceptables.
C'est le dumping fiscal, c'est le dumping social, c'est même le dumping environnemental qui sont à l'origine des délocalisations.
Malgré tout cela le modèle français résiste. Tout simplement, parce que nous nous cherchons toujours à adapter notre appareil productif, à renforcer et à créer de nouvelles infrastructures, à améliorer la formation.
Voyez-vous, je parle aux chefs d'entreprise.
Parmi eux, certains qui ont opté pour la délocalisation font aujourd'hui le constat du poids devenu très lourd des coûts de transport, des pertes en ligne de qualité industrielle, de l'augmentation sur place des coûts de main d'oeuvre.
Certains commencent à vouloir revenir en France. Ils veulent relocaliser leur entreprise en France.
Pensez-vous que le ministre de l'Industrie ait la moindre intention de leur faire un mauvais accueil ?
Bien sûr que non.
Ce que je veux c'est tout au contraire amplifier ce phénomène, faire en sorte que de plus en plus de chefs d'entreprise y trouvent leur intérêt, les aider et les accompagner dans leur démarche.
Je veux être le ministre de la relocalisation industrielle.
Toutes ces questions seront en débat dans le cadre des Etats généraux. Aucun aspect lié à la question industrielle en France ne sera négligé.
Par exemple - mais ce point est à mes yeux très important -, je veux également aider les entreprises et la recherche à être plus performants sur le « D » de la R&D.
Je souhaite que notre recherche soit orientée vers l'innovation et que l'on créée les produits phare qui demain tireront la croissance et l'emploi.
C'est aussi comme cela que l'on fera en sorte que l'intelligence française reste en France.
Les centres de R & D doivent rester ici. Les meilleurs doivent venir et rester chez nous !
C'est la raison pour laquelle, je veux que l'on réfléchisse à la mise en place d'un « crédit d'impôt innovation », qui viendrait compléter l'actuel Crédit d'impôt recherche (CIR).
Ce nouveau dispositif aurait l'avantage de couvrir des dépenses que les entreprises, notamment les PME, considèrent souvent comme des dépenses de R&D, mais qui ne sont pas prises en compte par le CIR, aujourd'hui plus axé sur la recherche fondamentale.
Je souhaite en outre que l'on étudie la possibilité de retenir une définition du prototype permettant d'inclure les dépenses liées au design dans le champ d'application du crédit d'impôt.
Mesdames, Messieurs,
On ne l'a pas suffisamment compris en France : le design industriel est un puissant vecteur de compétitivité et de performance.
Les succès des smart phone et de l'i-phone doivent au moins autant à l'ergonomie qu'au modèle économique !
Je sais que cet aspect des choses ne vous est pas indifférent, vous qui êtes la génération de la révolution numérique.
Le Web a été créé en 1989. En 20 ans, il a changé le monde.
Il a bien sûr fait évoluer nos modes de communication au quotidien. Mais il a aussi, et surtout, bouleversé notre façon de travailler, de commercer, de produire.
Cette révolution ne fait que commencer. Je ne prendrai qu'un exemple.
C'est depuis cette année seulement que nous voyons véritablement décoller les offres d'accès 3G au Web sur les téléphones mobiles.
Nous préparons dès aujourd'hui la génération suivante du très haut débit mobile - le LTE.
Grâce au progrès des technologies numériques, nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la connaissance.
Il nous faut aussi maintenant mettre en oeuvre ces technologies pour répondre à l'urgence environnementale.
Et c'est possible, car les technologies du numérique sont aussi la clé de la gestion des ressources : par la dématérialisation des échanges, par l'optimisation des flux matériels, par une gestion plus intelligente de l'énergie, elles peuvent contribuer à une réduction massive de l'impact environnemental de l'activité humaine.
Seules les nations qui auront su tirer profit de cette nouvelle donne seront, demain encore, compétitives.
La France nourrit de grandes ambitions dans ce domaine.
Sachez, pour ce qui vous concerne directement, que j'ai récemment demandé à vos Ecoles de mieux intégrer dans votre formation l'apport du numérique au développement durable et ce, dès 2010.
Mesdames, Messieurs,
Chers élèves,
Certains dans votre entourage, parmi vos amis se demandent peut être pourquoi vous avez choisi cette voie. Répondez-leur par cet apologue :
Cela se passe au moyen-âge...
Un homme s'avance et demande à un ouvrier sur un chantier : mais pourquoi êtes vous en train d'entasser toutes ces pierres l'une sur l'autre ?
Et l'ouvrier de répondre : moi, je construis une cathédrale ! »
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers élèves, je vous invite ni plus ni moins à construire les cathédrales de notre nouveau monde !
Vous êtes en 3ème année d'école, à un moment où l'on se demande ce que l'on va faire pour son stage de fin d'étude, dans quelle voie professionnelle on va s'engager.
Alors je vous le dis, osez l'industrie ! C'est là que cela va se passer ! C'est là que les challenges les plus stimulants des dix prochaines années se trouvent.
Il y a 10 ans, si j'étais venu vous avais tenu ce discours, je n'ose imaginer la gêne polie qui aurait traversé vos rangs : à l'époque la banque d'affaires et la finance, les cabinets de conseil en stratégie incarnaient le seul bon choix professionnel d'excellence!
Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins.
C'est à vous qu'il revient d'apposer votre marque sur l'avenir.
Vous pouvez être les pionniers de cette nouvelle ère industrielle dans laquelle l'innovation et les personnalités en rupture sont les facteurs clefs de succès.
C'est sur vos épaules que repose la réussite de la nouvelle révolution industrielle. C'est à ce défi que je vous invite.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 30 septembre 2009
Un ministre devant vous, c'est au mieux une curiosité, au pire un mauvais moment à passer.
Pour moi c'est, outre un plaisir, un devoir. Car j'entends vous parler d'avenir.
Dans une génération, vos enfants liront dans leur livre d'histoire et d'économie que tout s'est joué en ces années que nous nous apprêtons à vivre.
La crise mondiale ne signifie pas seulement les limites et les dangers d'un certain type de pratiques financières ; elle signifie la fin d'un monde.
Nous sommes à l'heure des ruptures et c'est ce dont je veux vous parler.
Dans vingt ans, soit la France sera redevenue la grande puissance industrielle qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être et conservera son rang quand il s'agira de décider de l'avenir de notre planète ; soit elle se sera laissée aller au mirage de l'industrie quasi zéro, et elle ne pèsera plus au niveau mondial.
Les crises surtout lorsqu'elles sont majeures sont souvent cruelles mais elles sont surtout exigeantes et porteuses d'innovation pour qui sait les analyser et ne pas se résoudre au déclin ou à la fatalité.
La crise si elle a sonné le glas de l'illusion du marché omniscient et par nature vertueux, n'a en revanche nullement réhabilité les thèses du socialisme du 19e siècle, ou pire encore celles de l'économie dirigée.
Prétendre cela, c'est se bercer d'illusion car c'est chercher à sortir de la crise par le passé alors que la seule issue consiste à inventer l'avenir !
Un échec même remis au goût du jour n'a jamais fait une bonne recette.
La liberté, sous toutes ses formes doit demeurer au coeur de notre démarche, elle doit en être le fondement et le moteur. Sans liberté, il n'y a pas d'espoir, pas d'innovation, pas d'ambition ; il n'y a que les ténèbres de l'obscurantisme.
Ce n'est pas dans le passé que se trouvent les voies de sortie de la crise.
Pour sortir de la crise, ce dont nous avons besoin c'est d'inventer un nouveau monde, ce dont nous avons besoin c'est de faire preuve d'audace et ne pas se résoudre au déclin ou à la fatalité.
C'est pour cela que je suis venu vous dire que nous avons besoin de vous, que votre pays a besoin de vous.
A l'origine d'une grande aventure industrielle, on découvre toujours l'ardeur d'une flamme, le sens très vif de l'impertinence et de la liberté, la curiosité qui pousse à déchiffrer de nouvelles voies.
Toutes ces qualités caractérisent la jeunesse.
Toutes ces qualités sont celles que vous possédez déjà au plus profond de vous-mêmes, vous qui représentez la première génération du Web et de l'Internet.
Toutes ces qualités un jour vous seront précieuses pour inventer les temps nouveaux.
Comme ministre chargé de l'Industrie, comme ministre de tutelle des écoles des Mines et des Télécoms, j'ai contracté vis-à-vis de vous, vis-à-vis de notre pays et du Président de la République qui m'a fait confiance, une grande responsabilité.
Cette responsabilité, c'est celle de créer dans notre pays les conditions qui permettront de laisser éclore les talents, de libérer votre sens de l'inventivité et du progrès.
Cette responsabilité, c'est celle de susciter en vous l'envie de donner le meilleur de vous-même face à toutes les possibilités qu'offre l'aventure industrielle. Celle de nourrir en vous de nouvelles espérances...
Cette responsabilité, c'est enfin celle de la mettre en oeuvre sans attendre, en rassemblant et en mobilisant toutes les énergies.
La France est à l'aube de son renouveau industriel.
Cette prestigieuse école dans laquelle nous sommes et qui accueille aujourd'hui à vos côtés les élèves des Télécoms, n'en doutez pas, vous y prépare.
Comme d'autres avant vous, vos parcours personnels futurs rejailliront sur elle. Vous lui rendrez alors beaucoup plus qu'elle ne vous a donné.
L'investissement que consent notre pays pour vous former est donc un choix judicieux.
Des individus bien formés sont capables de faire face aux enjeux complexes auxquels notre monde est confronté. Dès lors, ces mêmes individus sont capables de provoquer des ruptures créatrices, c'est-à-dire d'innover et d'inventer.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers élèves,
Il m'appartient aussi de m'adresser à ceux qui vous accompagnent, à l'encadrement de vos écoles, à tous ceux qui vous transmettent leurs connaissances et leur savoir, à vos professeurs qui sont à vos côtés aujourd'hui et qui ont à l'esprit cette vision d'une industrie qui crée, qui innove, qui se modernise.
(I) Je veux vous le dire : ce que la crise révèle, c'est que notre monde a changé.
Le poids relatif des différents acteurs sur la scène internationale s'est modifié. La perception des menaces qui pèsent sur notre planète est devenue plus aigüe.
Dès lors, notre vision globale du monde, elle aussi, doit changer.
Voilà trop longtemps que les gouvernements de gauche comme de droite ont renoncé à bâtir une véritable politique industrielle pour notre pays.
Il ne s'agit plus de prédire la fin de l'industrie au profit d'une civilisation des services et de la finance comme on l'a cru et hélas laissée faire. C'est aussi une des leçons de la crise actuelle que de constater que l'économie financière n'est rien sans l'économie de production.
Je dirai même que l'économie financière seule, agissant pour elle même est un non sens, un jeu dangereux et à terme la négation de tout projet de civilisation.
L'ère industrielle n'est pas morte. Ce qui, sous nos yeux, est en jeu, c'est au contraire sa profonde transformation.
Nous sommes entrés dans une mutation industrielle extraordinaire de promesses.
La transformation, ce n'est pas le déclin. Ce dont il s'agit, c'est bel et bien d'une Révolution.
Pour ma part, j'ai la conviction que si la France ne se donnait pas les moyens de relever le défi de cette transformation, alors oui, ce serait le déclin.
J'ai la certitude que si nous ne préparions pas dès aujourd'hui - comme du reste nous le faisons- la sortie de crise par le haut, c'est-à-dire grâce à l'innovation et à l'investissement, alors oui, il n'y aurait plus d'industrie dans ce pays d'ici seulement 15 ans.
Pourquoi ?
Pour au moins quatre raisons.
Premièrement, sur le plan conjoncturel, la crise financière, née aux Etats-Unis, s'est propagée à toute l'économie. Ses effets se font et se feront encore durement sentir.
En un an la production industrielle française a reculé de 15%, ce qui ne s'est jamais produit depuis que l'on mesure cet indicateur dans notre pays.
Certes, les premiers signes de reprise sont là qui n'auraient pu intervenir sans les initiatives déterminantes du plan de relance. Mais nous devons dire la vérité aux Français. Les effets attendus de la reprise sur l'emploi mettront du temps à se manifester.
Deuxièmement, sur le plan structurel notre industrie est en perte de compétitivité. C'est un fait. Notre poids dans les exportations européennes a chuté de 25% en moins de 10 ans.
Notre retard sur l'Allemagne, la référence industrielle en Europe, s'est creusé.
Nos PME restent encore sous-capitalisées et insuffisamment soutenues par les grands donneurs d'ordre. C'est d'ailleurs l'illustration d'un mal bien français contre lequel je veux lutter avec force : le chacun pour soi.
C'est au contraire en resserrant les relations qui existent entre les entreprises sous-traitantes et les donneurs d'ordre, en favorisant les synergies industrielles, que nous parviendrons notamment à créer une équipe de France industrielle soudée à l'international.
Troisièmement, l'ensemble de nos filières industrielles sont en mutation profonde en particulier face au défi de la réduction de nos émissions de CO2.
Dire cela, ce n'est pas annoncer la fin de grands secteurs industriels comme la chimie ou encore l'automobile.
Ces secteurs qui ont marqué nos succès industriels ne ressembleront plus jamais à ce que nous avons connu ces cinquante dernières années.
Dire cela, ce n'est pas les condamner. C'est au contraire les accompagner, les engager vers des voies nouvelles susceptibles de pérenniser leur avenir pour les cinquante prochaines années.
Enfin quatrièmement, le modèle économique idéalisé du marché autorégulé s'achève.
On a vu ce qu'a produit l'autogestion dans laquelle s'est installé le système financier international.
Cette époque est révolue.
Certains - je n'en ai jamais fait partie - qui voulaient aller à l'extrême de cette idée, redécouvrent un fort besoin d'Etat.
Pas un Etat qui décide de tout. Pas un Etat qui décourage l'initiative et la prise de risque.
Pas un Etat qui décide à la place des entrepreneurs de la gestion de leurs entreprises.
Mais un Etat qui joue son rôle, un Etat qui régule, un Etat stratège, un Etat qui protège.
Le retour de l'Etat, là où c'est nécessaire accompagnera notre nouvelle ambition industrielle.
Voilà le message fort que le Président de la République a voulu faire passer en recréant un véritable ministère en charge de l'industrie, ce qui n'était pas arrivé en France depuis de nombreuses années.
Il m'a confié cette charge. Elle est immense certes mais elle est exaltante. J'y consacre toute mon énergie. Vis-à-vis de vous, je sais que je n'ai pas le droit à l'échec.
(II) Comment remettre la France à l'heure industrielle ?
(a) Aujourd'hui, dans le temps de crise, je veux incarner l'Etat qui protège.
La crise a commencé un jour. Elle finira aussi un jour.
Mais ce qui m'importe dans le temps qui vient, c'est d'être l'artisan du renouveau industriel ; d'en être l'architecte et aussi le stratège.
Alors l'Etat qui protège, c'est quoi ?
L'Etat qui protège, c'est celui qui ne laisse personne au bord du chemin : les entreprises comme les ouvriers.
L'Etat qui protège, c'est celui qui refuse la disparition d'une filière ou d'un secteur entier de notre économie.
L'Etat qui protège, c'est celui qui refuse le désert industriel dans nos territoires, ce qui entraîne la désespérance de nos populations.
La filière de la sous-traitance dans le secteur automobile est un bon exemple.
Que se serait-il produit si nous avions abandonné à leur sort, impuissants dans la tempête financière, nos constructeurs automobiles ?
La réponse est simple. Il n'en serait rien resté. Plus d'un siècle de savoir-faire industriel détruit !
La première urgence était donc de les aider eux d'abord.
Nous l'avons fait sur une base claire : le donnant-donnant.
Nous avons aidé les constructeurs automobiles à ne pas disparaître à la condition qu'à leur tour ils aident leurs sous-traitants à passer le cap de la crise. Donnant-donnant.
Nous ne nous sommes pas arrêtés là.
J'ai installé le 10 septembre dernier, la commission de la sous-traitance automobile et dans le même temps, j'ai annoncé un fonds de soutien dédié au sein du FMEA, alimenté par l'Etat et les équipementiers. Ce fonds s'adresse à l'ensemble des sous-traitants de rang 2 et au-delà.
Soyons clairs.
Mon rôle est de sauvegarder le savoir-faire de nos ouvriers, de préserver nos implantations industrielles mais en ayant une exigence incontournable, non négociable.
Cette exigence, c'est celle de la modernisation des sites et des processus pour les rendre compétitifs dans le cadre des nouveaux stratégiques qui nous attendent.
Il n'est pas question de maintenir sous perfusion des entreprises qui refusent de se tourner vers l'avenir. Donnant-Donnant.
Je pense en particulier à l'évolution inéluctable vers le véhicule électrique, ce qui veut dire que les sous-traitants doivent s'y préparer, si nécessaire, en se positionnant ou en se repositionnant sur la production de nouveaux composants.
En matière de financement le Gouvernement, à l'automne dernier, a pris ses responsabilités en mettant en place un vaste plan de financement de l'économie avec des moyens exceptionnels en faveur du système bancaire.
Nous n'avons pas hésité à rappeler aux banques l'étendue de leurs engagements, à savoir :
Premièrement. Augmenter leurs encours de crédits ;
Deuxièmement. Faire un effort particulier en direction des PME fragilisées par la crise.
Donnant-Donnant.
Par ailleurs, plus de 10 000 dossiers instruits en matière de médiation du crédit avec un taux réussi de médiation de 66%. Depuis peu, ce dispositif est inscrit dans la durée (accord signé le 27 juillet 2009).
Nous avons également pris une mesure à mes yeux très importante de soutien au crédit avec l'accès au crédit via OSEO : 12 000 entreprises ont ainsi été soutenues et 2,5 Mds euros de prêts obtenus avec l'accès au crédit via OSEO.
Enfin dans quelques jours, nous annoncerons la création du fonds de consolidation et de développement des entreprises dont le FSI (fonds stratégique d'investissement) sera le principal actionnaire aux côtés des principaux établissements bancaires français.
Avec plus de 200 M euros de dotation, ce fonds concentrera ses efforts sur les PME, en collaboration avec la médiation du crédit.
Voilà ce que nous avons fait pour nos entreprises. C'était l'urgence. Si nous n'avions rien fait, cela nous aurait conduits irrémédiablement à la ruine de notre tissu industriel.
Un autre objectif me tient tout autant à coeur.
La préservation et le développement du patrimoine industriel français.
Ce patrimoine n'est pas constitué des murs de nos usines.
Le patrimoine industriel, ce sont des hommes, ce sont des savoir faire, ce sont des brevets.
Pour ma part, jamais je n'accepterai qu'une entreprise soit menacée d'en être spoliée par une entreprise prédatrice étrangère, avec fermeture et licenciements à la clef.
Je m'y suis opposé avec force dès mon arrivée dans le cas de MOLEX, entreprise américaine.
Au moment où j'ai récupéré ce dossier, tout le monde le disait perdu. Tout le monde me conseillait de ne pas m'y engager.
Même s'il faudra du temps pour retrouver une activité à 100 % pour le site de Vilmur, nous avons réussi à sauver la base qui nous permet de relancer une activité industrielle.
C'est ce que je suis en train de faire avec WIPRO, entreprise indienne, à Sophia-Antipolis ou encore avec CHAFFOTEAUX et MAURY, entreprise italienne sur lesquelles j'ai pu m'investir dès le début de leurs difficultés.
Voilà deux exemples où, grâce à notre volontarisme, grâce au savoir faire des ouvriers, j'ai bon espoir de sauver la quasi-totalité de l'emploi industriel.
Ma politique n'est pas celle de la prime à la fermeture mais celle du maintien de l'activité industrielle dans les territoires.
Je le ferai toutes les fois que cela sera nécessaire.
Qu'est-ce qu'on attend de moi ?
Que je signe un bon de sortie aux auteurs de fric-frac industriels qui dépouillent nos entreprises innovantes de leurs brevets, de leurs savoir-faire et de leurs contrats avant de s'éclipser sans même se retourner sur les fermetures d'usines et les drames qu'elles créent ?
Mon attitude n'a rien à voir avec le nationalisme. C'est même une chose tout à fait ridicule que de le penser.
Le ministre chargé de l'industrie a toutes les raisons de se réjouir que notre pays fasse partie des tout premiers en matière d'accueil des investissements étrangers.
Ce résultat est la récompense des immenses efforts que nous avons consentis pour renforcer l'attractivité de notre pays. C'est un formidable signe de confiance dans ses savoir faire, ses compétences et ses infrastructures.
Pour autant, cela n'autorise pas que l'on s'affranchisse de nos lois et de nos règles.
Jamais je ne transigerai sur le respect des lois et sur le respect des hommes.
Chers élèves,
La crise révèle les brèches qu'il nous faut colmater dans le présent.
L'avenir lui peut être maîtrisé à la condition que nous nous en donnions les moyens.
Pour les enjeux industriels à moyen et long terme, l'Etat et plus particulièrement le ministère dont j'ai la responsabilité, doit être le fédérateur et le catalyseur d'un nouveau dynamisme industriel.
L'urgence, c'est de nous mettre en état de marche et d'anticiper au-delà de la crise actuelle.
L'urgence, c'est de parvenir à la définition d'une stratégie partagée avec le monde de l'industrie.
(b) C'est de retrouver un Etat stratège.
Ce chemin, nous allons le faire ensemble.
C'est aujourd'hui que la sortie de crise se joue. C'est pourquoi j'entends être, avec vous, l'architecte de notre renouveau industriel.
Comment ?
En misant d'abord sur l'innovation.
L'innovation, c'est l'option que nous prenons sur le futur. L'innovation, c'est l'accélérateur de la sortie de crise.
Grâce à elle notre pays sera capable de se positionner sur les marchés réellement porteurs de croissance et d'emploi.
En effet, nos industries doivent pouvoir se projeter sur les marchés du futur. Je veux les aider à prendre le risque nécessaire, le risque préalable de l'innovation.
Bien sûr il nous faut dans le même temps gagner la bataille de la compétitivité dans le plus grand nombre de secteurs.
Il est crucial de continuer à investir sur ceux pour lesquels nous disposons déjà d'avantages comparatifs et qui sont réellement créateurs de richesses et d'emploi à moyen et à long terme.
Je sillonne la France des pôles de compétitivité.
Du pôle chimique Axelera avec Bayer en Rhône-Alpes, au pôle MINATEC à Grenoble, en passant par Thalès Alenia Space à Cannes ou le pôle EMC2 sur les matériaux composites à Nantes pour ne prendre que quelques exemples ....
J'y vois une France industrielle sans complexe, affichant ses ambitions et tenant les premiers rôles dans la cour des tous meilleurs mondiaux.
J'y rencontre des responsables d'entreprise et des chercheurs leaders dans des domaines technologiques de pointe comme la nanoélectronique ou les nouvelles générations de batterie pour les véhicules électriques.
C'est cette volonté d'être parmi ceux qui "font" l'univers de demain, c'est cet esprit de créativité permanente que je veux voir de nouveau souffler sur l'industrie française.
Les pôles de compétitivité dont la force précisément repose sur l'association conjuguée des talents, de l'entreprise, de la recherche et de l'université, ont fait leurs preuves.
Ils ont parfaitement répondu à l'attente et aux espoirs que j'avais placé en eux lorsque j'étais chargé de les mettre en oeuvre en 2005, comme ministre délégué à l'aménagement du territoire.
Le moment est venu de les renforcer et de leur donner un nouvel élan.
Désormais, je souhaite que les pôles de compétitivité abordent une nouvelle phase de leur développement, une nouvelle ère résolument orientée vers la conquête de nouveaux marchés.
Pour les soutenir, l'Etat a décidé d'affecter 1,5 milliard d'euros sur 3 ans (2009-2011) à cette seconde phase avec au coeur de cette dynamique, un fort soutien dans le domaine de la R&D.
Les pôles de compétitivité « nouvelle génération » seront tournés prioritairement vers la performance, les résultats et leur évaluation. Pour y parvenir, une seule méthode : le décloisonnement.
L'urgence, c'est de s'ouvrir. Je veux vraiment qu'on en finisse avec le cloisonnement par secteur.
Il n'y a qu'en France où les spécialités, les filières, les disciplines ne communiquent pas entre elles !
Il existe des synergies évidentes entre les secteurs du nautisme et de l'automobile en matière de moteurs hybrides ou électriques par exemple.
Des synergies existent aussi entre l'aéronautique et le spatial dans le domaine des matériaux composites.
Alors pourquoi ne pas lancer des « projets interpôles » qui concerneraient les secteurs industriels émergents et qui répondraient à des besoins économiques et sociaux lisibles pour tous ?
Je pense par exemple à la création d'infrastructures de charges pour les véhicules électriques et la gestion des systèmes de mobilité pour faciliter les déplacements.
Dans le domaine des éco-industries, on pourrait également considérer les énergies renouvelables, les systèmes de production propres ou encore la gestion et le traitement de l'eau.
La santé enfin est un autre domaine de préoccupation pour les Français. Des dispositifs médicaux - où nous sommes très en retard tant en quantité qu'en qualité - aux applicatifs des TIC en matière de santé à domicile, différents thèmes sont possibles.
Nous allons donner un nouveau souffle aux pôles de compétitivité et je compte aussi sur vous pour, le moment venu, que nous réussissions ensemble à créer un nouvel état d'esprit.
Vraiment, ce que j'attends de vous c'est que vous puissiez rompre avec la pensée unique du chacun pour soi.
C'est à vous que je demande d'insuffler cet esprit d'ouverture dans vos futures entreprises.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Nous sommes, je l'ai dit, à l'aube de mutations industrielles profondes.
La réduction drastique et nécessaire de nos émissions de CO2, l'arrivée de nouvelles technologies dans les domaines des bio technologies, de la nanotechnologie ou du numérique, vont entraîner une révolution des outils de production et des processus industriels.
Partout, sur l'ensemble de notre territoire, il nous faut sonner la mobilisation générale afin de relever ces nouveaux défis.
Lorsque les circonstances sont exceptionnelles, alors il n'est plus possible de se référer aux anciennes méthodes.
Il faut au contraire en imaginer de nouvelles.
(III) Il faut être capable de rassembler toutes les énergies pour dessiner le nouvel élan que nous voulons donner à l'industrie française.
Notre stratégie doit être globale et cohérente.
(a) Pour ma part, je souhaite que nous passions d'une « politique de branche » à une « politique de filière ».
Qu'est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire passer d'une culture du cloisonnement entre les problématiques à celle de l'écosystème.
Je prends un exemple concret : la métallurgie, la plasturgie, la mécanique, la chimie, l'énergie sont des branches qu'on appréhende de manière séparée.
Mais toutes sont indispensables à l'automobile de demain.
Et bien moi je ne veux plus que l'on raisonne avec des oeillères, que chacun avance dans son coin sans mettre en avant une vision de l'ensemble des enjeux.
Sur cet exemple, ma politique demain sera celle de la filière automobile dans sa globalité, qui inclut la métallurgie, la plasturgie, la mécanique, la chimie et l'énergie... du plus petit des sous-traitants à la multinationale.
On ne doit plus faire de politique en silo, mais par grands projets structurants où l'ensemble des compétences et des expertises sont mobilisées.
C'est aussi cela la nouvelle politique industrielle que je veux mener.
Elle doit être étroitement connectée aux réalités et aux besoins du terrain et résolument tournée vers les marchés porteurs.
(b) Voilà l'idée que contient en germe la proposition du Président de la République d'organiser des Etats généraux de l'industrie.
La participation n'obéira à aucune exclusive. Sur un sujet aussi important, vital même pour l'avenir de notre pays, chacun doit pouvoir apporter sa pierre.
Ce n'est pas un nouveau plan de relance ; le plan de relance c'est le court terme. Ce n'est pas une commission Grand Emprunt bis. Le Grand Emprunt c'est le long terme.
Les Etats généraux c'est le moyen terme, c'est-à-dire ce qui va nous permettre de sortir plus vite de la crise et d'accélérer notre croissance dans les 3 à 5 ans.
Les Etats-généraux, c'est l'occasion de définir ensemble une nouvelle politique industrielle à la mesure des défis qui nous attendent.
Je souhaite que vous y preniez toute votre part.
Je vous propose que l'un des rendez-vous de ces Etats généraux se tienne dans votre école car on ne peut pas débattre de l'industrie de demain sans y associer ceux qui la feront.
Je reviendrai donc ouvrir ce débat avec vous.
Pour ma part, j'en attends une effervescence extraordinaire, un moment historique.
Ce sera en effet la première fois qu'une stratégie industrielle nationale sera issue de nos forces vives dans les territoires.
Tout est sur la table. Le Gouvernement examinera toutes les propositions. Grâce à Internet, nos compatriotes auront la possibilité de participer à l'ensemble des débats.
Les Etats généraux sont la première marche à gravir. C'est le socle à partir duquel toutes les mesures que nous allons prendre découleront.
Chers élèves,
Dans le monde tel qu'il est, nous avons collectivement pris conscience des dangers qui pèsent sur la planète, notre patrimoine commun.
L'industrie ne peut rester à l'écart de ce grand mouvement qui parcourt les opinions. Elle ne peut pas non plus s'exonérer de sa propre responsabilité.
Il est temps pour elle de se mettre au vert. C'est d'ailleurs son intérêt. Elle a beaucoup à y gagner.
(IV) Dans le cadre des Etats généraux, je ferai plusieurs propositions.
Sur les marchés dont les perspectives de croissance sont fortes à court ou à moyen terme, je souhaite que nous nous efforcions de positionner notre offre nationale sur des technologies « différenciantes » par exemple dans le domaine de la dépollution, de l'éco-conception des produits et des processus.
L'enjeu, c'est de renforcer notre industrie nationale en développant une offre lui permettant un moindre recours aux ressources rares telles que l'énergie et les matières premières.
Je proposerai donc d'étudier la mise en oeuvre de prêts verts bonifiés au profit de l'éco conception des produits ou des processus de fabrication.
La taxe carbone que nous allons mettre en oeuvre au début de l'année prochaine constitue, je l'affirme, une véritable opportunité pour les entreprises.
C'est pour elles un véritable accélérateur qui doit les inciter à améliorer leur compétitivité dans le domaine des transports, dans le domaine de la consommation d'énergie par unité de production, améliorer leur compétitivité par rapport au marché des quotas de Co2.
Il n'y a aucune raison de ne pas réussir à concilier l'excellence industrielle et l'écologie responsable.
Tout le monde peut y gagner à la seule condition de ne pas faire preuve de naïveté.
En effet, faire travailler ensemble l'écologie et l'industrie, ce n'est pas se résoudre à accepter une concurrence déloyale de la part de ceux qui sont moins vertueux que nous voulons l'être nous-mêmes.
Si en taxant nos entreprises polluantes, nous apportons notre contribution à la protection de la planète, chacun comprend bien qu'il n'est pas supportable que les autres se dispensent de consentir le même effort.
Il est nécessaire, il est indispensable que tous les pays jouent le jeu !
Permettez-moi d'ajouter une conviction qui m'est chère et tordre par là même une idée reçue et largement développée par tous les partisans de la décroissance : l'industrie n'est pas l'ennemie de l'écologie, elle est son avenir !
Et donc, c'est dans cette logique que le Gouvernement poussera l'idée de la nécessité d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne (taxation des produits fabriqués dans des pays qui n'ont pas les mêmes standards environnementaux).
Il s'agit que les règles soient les mêmes pour tous. C'est bien sûr un enjeu qui concerne la compétitivité de nos entreprises et donc l'emploi pour tous les salariés en France.
Pour moi les choses sont claires.
Le dumping fiscal, le dumping social ou même environnemental sont, je le dis, clairement inacceptables.
C'est le dumping fiscal, c'est le dumping social, c'est même le dumping environnemental qui sont à l'origine des délocalisations.
Malgré tout cela le modèle français résiste. Tout simplement, parce que nous nous cherchons toujours à adapter notre appareil productif, à renforcer et à créer de nouvelles infrastructures, à améliorer la formation.
Voyez-vous, je parle aux chefs d'entreprise.
Parmi eux, certains qui ont opté pour la délocalisation font aujourd'hui le constat du poids devenu très lourd des coûts de transport, des pertes en ligne de qualité industrielle, de l'augmentation sur place des coûts de main d'oeuvre.
Certains commencent à vouloir revenir en France. Ils veulent relocaliser leur entreprise en France.
Pensez-vous que le ministre de l'Industrie ait la moindre intention de leur faire un mauvais accueil ?
Bien sûr que non.
Ce que je veux c'est tout au contraire amplifier ce phénomène, faire en sorte que de plus en plus de chefs d'entreprise y trouvent leur intérêt, les aider et les accompagner dans leur démarche.
Je veux être le ministre de la relocalisation industrielle.
Toutes ces questions seront en débat dans le cadre des Etats généraux. Aucun aspect lié à la question industrielle en France ne sera négligé.
Par exemple - mais ce point est à mes yeux très important -, je veux également aider les entreprises et la recherche à être plus performants sur le « D » de la R&D.
Je souhaite que notre recherche soit orientée vers l'innovation et que l'on créée les produits phare qui demain tireront la croissance et l'emploi.
C'est aussi comme cela que l'on fera en sorte que l'intelligence française reste en France.
Les centres de R & D doivent rester ici. Les meilleurs doivent venir et rester chez nous !
C'est la raison pour laquelle, je veux que l'on réfléchisse à la mise en place d'un « crédit d'impôt innovation », qui viendrait compléter l'actuel Crédit d'impôt recherche (CIR).
Ce nouveau dispositif aurait l'avantage de couvrir des dépenses que les entreprises, notamment les PME, considèrent souvent comme des dépenses de R&D, mais qui ne sont pas prises en compte par le CIR, aujourd'hui plus axé sur la recherche fondamentale.
Je souhaite en outre que l'on étudie la possibilité de retenir une définition du prototype permettant d'inclure les dépenses liées au design dans le champ d'application du crédit d'impôt.
Mesdames, Messieurs,
On ne l'a pas suffisamment compris en France : le design industriel est un puissant vecteur de compétitivité et de performance.
Les succès des smart phone et de l'i-phone doivent au moins autant à l'ergonomie qu'au modèle économique !
Je sais que cet aspect des choses ne vous est pas indifférent, vous qui êtes la génération de la révolution numérique.
Le Web a été créé en 1989. En 20 ans, il a changé le monde.
Il a bien sûr fait évoluer nos modes de communication au quotidien. Mais il a aussi, et surtout, bouleversé notre façon de travailler, de commercer, de produire.
Cette révolution ne fait que commencer. Je ne prendrai qu'un exemple.
C'est depuis cette année seulement que nous voyons véritablement décoller les offres d'accès 3G au Web sur les téléphones mobiles.
Nous préparons dès aujourd'hui la génération suivante du très haut débit mobile - le LTE.
Grâce au progrès des technologies numériques, nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la connaissance.
Il nous faut aussi maintenant mettre en oeuvre ces technologies pour répondre à l'urgence environnementale.
Et c'est possible, car les technologies du numérique sont aussi la clé de la gestion des ressources : par la dématérialisation des échanges, par l'optimisation des flux matériels, par une gestion plus intelligente de l'énergie, elles peuvent contribuer à une réduction massive de l'impact environnemental de l'activité humaine.
Seules les nations qui auront su tirer profit de cette nouvelle donne seront, demain encore, compétitives.
La France nourrit de grandes ambitions dans ce domaine.
Sachez, pour ce qui vous concerne directement, que j'ai récemment demandé à vos Ecoles de mieux intégrer dans votre formation l'apport du numérique au développement durable et ce, dès 2010.
Mesdames, Messieurs,
Chers élèves,
Certains dans votre entourage, parmi vos amis se demandent peut être pourquoi vous avez choisi cette voie. Répondez-leur par cet apologue :
Cela se passe au moyen-âge...
Un homme s'avance et demande à un ouvrier sur un chantier : mais pourquoi êtes vous en train d'entasser toutes ces pierres l'une sur l'autre ?
Et l'ouvrier de répondre : moi, je construis une cathédrale ! »
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers élèves, je vous invite ni plus ni moins à construire les cathédrales de notre nouveau monde !
Vous êtes en 3ème année d'école, à un moment où l'on se demande ce que l'on va faire pour son stage de fin d'étude, dans quelle voie professionnelle on va s'engager.
Alors je vous le dis, osez l'industrie ! C'est là que cela va se passer ! C'est là que les challenges les plus stimulants des dix prochaines années se trouvent.
Il y a 10 ans, si j'étais venu vous avais tenu ce discours, je n'ose imaginer la gêne polie qui aurait traversé vos rangs : à l'époque la banque d'affaires et la finance, les cabinets de conseil en stratégie incarnaient le seul bon choix professionnel d'excellence!
Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins.
C'est à vous qu'il revient d'apposer votre marque sur l'avenir.
Vous pouvez être les pionniers de cette nouvelle ère industrielle dans laquelle l'innovation et les personnalités en rupture sont les facteurs clefs de succès.
C'est sur vos épaules que repose la réussite de la nouvelle révolution industrielle. C'est à ce défi que je vous invite.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 30 septembre 2009