Texte intégral
Cher Brice,
Mesdames et messieurs,
Le président de la République nous a fixé la voie, à travers un constat que nous ne pouvons que partager.
Face à la violence qui touche nos banlieues et dont les principales victimes sont souvent nos citoyens les plus fragiles, nous devons lutter de manière extrêmement déterminée contre ceux qui ont intérêt au maintien de la violence et de la délinquance dans les quartiers.
Or, nous le savons, quelques soi-disant caïds, notamment implantés dans certains quartiers de la Seine-Saint-Denis (à La Courneuve par exemple) ou de l'Essonne (à Corbeil), ont tout intérêt à maintenir la terreur, pour laisser prospérer leurs trafics en tout genre.
Pour ces gens-là, l'argent est trop souvent, avec la violence, le nerf de la guerre. Nous devons aussi aller au combat sur ce terrain là. Nous ne devons pas avoir peur de frapper les délinquants au portefeuille, nous devons même avoir cela comme objectif.
Quand Brice Hortefeux évoque un trafic annuel de drogue représentant 2 milliards d'euros par an, je vous laisse imaginer les dizaines de millions d'euros qui arrivent en toute impunité dans les poches de ces trafiquants et de leurs complices.
C'est de l'argent sale et ses détenteurs ne sont pas imposés. Au-delà des délits qu'il faut sanctionner, il faut aussi que le contrôle fiscal joue pleinement son rôle pour enrayer l'économie souterraine. Lorsqu'on travaille honnêtement, qu'on déclare ses revenus, qu'on respecte la loi, on ne peut pas accepter de voir des délinquants arborer des signes extérieurs de richesse en étant officiellement sans travail et non imposables.
Tout ceci doit changer. Les revenus de l'argent sale doivent être repérés et taxés. Le train de vie des délinquants doit être calculé et imposé. Les nouveaux signes extérieurs de richesse doivent rentrer dans les grilles d'analyse des agents des Impôts.
C'est pour cette raison qu'avec Brice Hortefeux, nous avons décidé de rechercher un mode de collaboration plus actif et efficace entre nos services. Nous avons les moyens de faire mieux. Mais pour cela, il faut que les forces de sécurité et les services fiscaux travaillent ensemble pour identifier les trafiquants et les poursuivre également sur le plan fiscal. Les services de nos deux ministères disposent de moyens humains et d'outils juridiques complémentaires : il faut les mettre en commun, pour agir avec plus d'efficacité.
Je prendrai l'exemple de la douane, qui mène des actions conjointes avec les autres forces de sécurité. Les échanges de renseignements sont renforcés et des actions conjointes sont mises en oeuvre. C'est notamment le cas à Paris, dans certains quartiers, où la Préfecture de Police pilote des opérations « coup de poing » associant les Douanes sur les trafics de cigarettes, de stupéfiants ou de contrefaçons.
Ces opérations vont être systématisées, avec des effectifs de douaniers, de policiers et de gendarmes, dans tous les quartiers sensibles en banlieue parisienne et dans des villes de province.
Dans tous les cas, il s'agit de mettre en commun toutes nos forces pour lutter contre la délinquance, dans un souci de sécurité au profit des Français. Le coordonnateur national des GIR est d'ailleurs intervenu, il y a peu, devant l'ensemble des cadres douaniers, pour souligner l'importance de cette coopération.
Au niveau fiscal, ces dernières années, la DGFiP a déjà renforcé sa mission de contrôle grâce à la collaboration entre les services. Chaque année plus de 300 contrôles fiscaux font suite à une proposition des GIR. Ces derniers ont abouti à des rappels d'impôts de près de 40 millions d'euros.
C'est un premier résultat, mais ce n'est pas suffisant. Face à l'importance des activités lucratives non déclarées dans les quartiers sensibles, la lutte contre la fraude fiscale, comme toutes les fraudes, devient un objectif à part entière.
Nous allons donc apporter une réponse forte et concertée. Comment ?
C'est l'objet du protocole que nous signons ensemble aujourd'hui.
1. Premier levier, nous allons lever le secret fiscal pour permettre aux forces de sécurité d'être plus efficaces.
Qu'est ce que cela change ? Actuellement lorsque les services de police ou de gendarmerie veulent des informations fiscales qui leur sont utiles, il y a toute une série de conditions à réunir qui limitent les échanges. Au final, leur nombre est marginal. Désormais, les services du ministère de l'Intérieur y auront accès de droit, comme c'était d'ailleurs déjà le cas pour la douane, au sein de mon ministère.
Toutes les forces de sécurité auront ainsi communication d'informations précieuses concernant les délinquants sur lesquels elles enquêtent dans des cités sensibles. Elles pourront connaître leurs revenus déclarés, l'ensemble des biens immobiliers qu'ils possèdent ou qu'ils occupent, voire même l'adresse de leur vrai domicile ou l'existence d'un garage, qui peut servir de lieu de stockage. Ces informations pourront donc leur permettre d'avancer dans leurs enquêtes.
2. Deuxième levier d'action : créer une équipe d'agents des Impôts, spécialisés dans le contrôle fiscal, qui sera chargée de « frapper les trafiquants au portefeuille » comme l'a souhaité le président de la République. Qu'est-ce que cela signifie ?
D'abord que nous aurons désormais des agents de la DGFiP qui seront exclusivement dédiés à cela et ne feront que cela. Au total une cinquantaine d'agents seront spécialement dédiés à cette tâche dans 17 départements.
Deuxième point, ces agents travailleront avec une méthode précise, qui reposera notamment sur une étroite collaboration avec les services de police. Le but, c'est qu'ils obtiennent des noms de délinquants et les éléments recueillis lors de perquisitions et d'auditions, par exemple sur les sources de revenus des délinquants, y compris provenant de trafics illicites, et sur leur patrimoine visible.
Grâce à cela un délinquant qui se livre à un trafic au sein d'un quartier soit imposé sur les revenus générés par ce trafic, même s'ils sont illicites. Au rappel d'impôt s'ajouteront, en plus, des intérêts de retard et des pénalités fiscales. Le dossier sera également transmis à la justice pour poursuivre le délit de fraude fiscale.
3. Troisième levier, il faut améliorer notre arsenal juridique pour moderniser notre approche du train de vie et des signes extérieurs de richesse.
La définition des signes extérieurs de richesse a été faite il y a 40 ans. C'est peu de dire qu'elle est peu adaptée au train de vie des délinquants d'aujourd'hui. Nous ne sommes plus dans le film « Signes extérieurs de richesse » : on ne repère pas les délinquants dont nous parlons à leur consommation de caviar, à la pratique de l'équitation et du golf ou encore, comme c'est prévu dans notre Code général des Impôts, par les droits de chasse ! Un toilettage juridique est indispensable pour que d'autres éléments puissent être pris en compte, des dépenses de voyage aux achats de montres et de bijoux en passant par le matériel électronique dernier cri.
L'enjeu est fondamental pour frapper réellement les délinquants au portefeuille : c'est en ayant une approche nouvelle des signes extérieurs de richesse que l'on pourra identifier un revenu imposable pour ces trafiquants. Il faut donc adapter notre arsenal juridique pour y parvenir et je présenterai prochainement au Parlement une série de mesures législatives.
Lutter contre les trafics et la fraude est une priorité. C'est le travail au quotidien des services de la DGFiP et des Douanes. C'est aussi le travail des services du ministère de l'Intérieur. Je suis heureux qu'ils puissent le faire désormais, la main dans la main parce que c'est à cette condition que nous serons plus efficaces et plus réactifs. Ce protocole est une première qui illustre l'attention que nous portons, Brice Hortefeux et moi-même à ce que les séparations administratives n'aboutissent pas à créer des murs là où il faut des passerelles.
Source http://www.comptes-publics.gouv.fr, le 30 septembre 2009
Mesdames et messieurs,
Le président de la République nous a fixé la voie, à travers un constat que nous ne pouvons que partager.
Face à la violence qui touche nos banlieues et dont les principales victimes sont souvent nos citoyens les plus fragiles, nous devons lutter de manière extrêmement déterminée contre ceux qui ont intérêt au maintien de la violence et de la délinquance dans les quartiers.
Or, nous le savons, quelques soi-disant caïds, notamment implantés dans certains quartiers de la Seine-Saint-Denis (à La Courneuve par exemple) ou de l'Essonne (à Corbeil), ont tout intérêt à maintenir la terreur, pour laisser prospérer leurs trafics en tout genre.
Pour ces gens-là, l'argent est trop souvent, avec la violence, le nerf de la guerre. Nous devons aussi aller au combat sur ce terrain là. Nous ne devons pas avoir peur de frapper les délinquants au portefeuille, nous devons même avoir cela comme objectif.
Quand Brice Hortefeux évoque un trafic annuel de drogue représentant 2 milliards d'euros par an, je vous laisse imaginer les dizaines de millions d'euros qui arrivent en toute impunité dans les poches de ces trafiquants et de leurs complices.
C'est de l'argent sale et ses détenteurs ne sont pas imposés. Au-delà des délits qu'il faut sanctionner, il faut aussi que le contrôle fiscal joue pleinement son rôle pour enrayer l'économie souterraine. Lorsqu'on travaille honnêtement, qu'on déclare ses revenus, qu'on respecte la loi, on ne peut pas accepter de voir des délinquants arborer des signes extérieurs de richesse en étant officiellement sans travail et non imposables.
Tout ceci doit changer. Les revenus de l'argent sale doivent être repérés et taxés. Le train de vie des délinquants doit être calculé et imposé. Les nouveaux signes extérieurs de richesse doivent rentrer dans les grilles d'analyse des agents des Impôts.
C'est pour cette raison qu'avec Brice Hortefeux, nous avons décidé de rechercher un mode de collaboration plus actif et efficace entre nos services. Nous avons les moyens de faire mieux. Mais pour cela, il faut que les forces de sécurité et les services fiscaux travaillent ensemble pour identifier les trafiquants et les poursuivre également sur le plan fiscal. Les services de nos deux ministères disposent de moyens humains et d'outils juridiques complémentaires : il faut les mettre en commun, pour agir avec plus d'efficacité.
Je prendrai l'exemple de la douane, qui mène des actions conjointes avec les autres forces de sécurité. Les échanges de renseignements sont renforcés et des actions conjointes sont mises en oeuvre. C'est notamment le cas à Paris, dans certains quartiers, où la Préfecture de Police pilote des opérations « coup de poing » associant les Douanes sur les trafics de cigarettes, de stupéfiants ou de contrefaçons.
Ces opérations vont être systématisées, avec des effectifs de douaniers, de policiers et de gendarmes, dans tous les quartiers sensibles en banlieue parisienne et dans des villes de province.
Dans tous les cas, il s'agit de mettre en commun toutes nos forces pour lutter contre la délinquance, dans un souci de sécurité au profit des Français. Le coordonnateur national des GIR est d'ailleurs intervenu, il y a peu, devant l'ensemble des cadres douaniers, pour souligner l'importance de cette coopération.
Au niveau fiscal, ces dernières années, la DGFiP a déjà renforcé sa mission de contrôle grâce à la collaboration entre les services. Chaque année plus de 300 contrôles fiscaux font suite à une proposition des GIR. Ces derniers ont abouti à des rappels d'impôts de près de 40 millions d'euros.
C'est un premier résultat, mais ce n'est pas suffisant. Face à l'importance des activités lucratives non déclarées dans les quartiers sensibles, la lutte contre la fraude fiscale, comme toutes les fraudes, devient un objectif à part entière.
Nous allons donc apporter une réponse forte et concertée. Comment ?
C'est l'objet du protocole que nous signons ensemble aujourd'hui.
1. Premier levier, nous allons lever le secret fiscal pour permettre aux forces de sécurité d'être plus efficaces.
Qu'est ce que cela change ? Actuellement lorsque les services de police ou de gendarmerie veulent des informations fiscales qui leur sont utiles, il y a toute une série de conditions à réunir qui limitent les échanges. Au final, leur nombre est marginal. Désormais, les services du ministère de l'Intérieur y auront accès de droit, comme c'était d'ailleurs déjà le cas pour la douane, au sein de mon ministère.
Toutes les forces de sécurité auront ainsi communication d'informations précieuses concernant les délinquants sur lesquels elles enquêtent dans des cités sensibles. Elles pourront connaître leurs revenus déclarés, l'ensemble des biens immobiliers qu'ils possèdent ou qu'ils occupent, voire même l'adresse de leur vrai domicile ou l'existence d'un garage, qui peut servir de lieu de stockage. Ces informations pourront donc leur permettre d'avancer dans leurs enquêtes.
2. Deuxième levier d'action : créer une équipe d'agents des Impôts, spécialisés dans le contrôle fiscal, qui sera chargée de « frapper les trafiquants au portefeuille » comme l'a souhaité le président de la République. Qu'est-ce que cela signifie ?
D'abord que nous aurons désormais des agents de la DGFiP qui seront exclusivement dédiés à cela et ne feront que cela. Au total une cinquantaine d'agents seront spécialement dédiés à cette tâche dans 17 départements.
Deuxième point, ces agents travailleront avec une méthode précise, qui reposera notamment sur une étroite collaboration avec les services de police. Le but, c'est qu'ils obtiennent des noms de délinquants et les éléments recueillis lors de perquisitions et d'auditions, par exemple sur les sources de revenus des délinquants, y compris provenant de trafics illicites, et sur leur patrimoine visible.
Grâce à cela un délinquant qui se livre à un trafic au sein d'un quartier soit imposé sur les revenus générés par ce trafic, même s'ils sont illicites. Au rappel d'impôt s'ajouteront, en plus, des intérêts de retard et des pénalités fiscales. Le dossier sera également transmis à la justice pour poursuivre le délit de fraude fiscale.
3. Troisième levier, il faut améliorer notre arsenal juridique pour moderniser notre approche du train de vie et des signes extérieurs de richesse.
La définition des signes extérieurs de richesse a été faite il y a 40 ans. C'est peu de dire qu'elle est peu adaptée au train de vie des délinquants d'aujourd'hui. Nous ne sommes plus dans le film « Signes extérieurs de richesse » : on ne repère pas les délinquants dont nous parlons à leur consommation de caviar, à la pratique de l'équitation et du golf ou encore, comme c'est prévu dans notre Code général des Impôts, par les droits de chasse ! Un toilettage juridique est indispensable pour que d'autres éléments puissent être pris en compte, des dépenses de voyage aux achats de montres et de bijoux en passant par le matériel électronique dernier cri.
L'enjeu est fondamental pour frapper réellement les délinquants au portefeuille : c'est en ayant une approche nouvelle des signes extérieurs de richesse que l'on pourra identifier un revenu imposable pour ces trafiquants. Il faut donc adapter notre arsenal juridique pour y parvenir et je présenterai prochainement au Parlement une série de mesures législatives.
Lutter contre les trafics et la fraude est une priorité. C'est le travail au quotidien des services de la DGFiP et des Douanes. C'est aussi le travail des services du ministère de l'Intérieur. Je suis heureux qu'ils puissent le faire désormais, la main dans la main parce que c'est à cette condition que nous serons plus efficaces et plus réactifs. Ce protocole est une première qui illustre l'attention que nous portons, Brice Hortefeux et moi-même à ce que les séparations administratives n'aboutissent pas à créer des murs là où il faut des passerelles.
Source http://www.comptes-publics.gouv.fr, le 30 septembre 2009