Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à LCI le 7 octobre 2009, notamment sur la réforme des armées et sur le Nouveau Centre dans les élections régionales de 2010.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- H. Morin, bonjour... Colère à Metz. Vous vous rendez en Moselle jeudi avec le président de la République ; il n'y aura pas de détour du Président par le chef-lieu alors que ce chef-lieu paye un lourd tribut à la réforme des Armées. Vous avez peur des manifestations ?
 
Non, le président de la République s'était engagé à retourner dans l'agglomération messine, où, en effet, nous avons décidé de fermer un certain nombre d'unités. Mais je voudrais revenir sur le principe de ces réorganisations et de ces restructurations. L'armée française était sur 360 implantations, avec des coûts de fonctionnement, des coûts de structures, des coûts d'infrastructures extrêmement élevés. Qu'est-ce qu'on a décidé de faire ? C'est une réforme que je porte depuis deux ans, avec une double idée : on mutualise l'ensemble des services d'administration et de soutien, qui sont au profit des forces, et en même temps on densifie les unités pour nous regrouper et pour nous permettre de pouvoir faire des économies de fonctionnement que nous reversons dans l'investissement. Nous sommes le meilleur exemple de la réforme de l'Etat ; nous réorganisons nos services, et pour cela, grâce aux économies, nous pouvons équiper nos forces, nous allons consacrer sur la loi de programmation militaire, grâce aux économies que nous générons, 6 milliards d'euros de plus à l'équipement et à la modernisation de nos armées. Deuxième point, toujours sur la réforme de l'Etat, nous menons depuis trois ans un plan de revalorisation de la condition des personnels qui est sans précédent. J'ai présenté le budget, hier, de la défense de 2010 à la commission de la Défense de l'Assemblée nationale. J'ai indiqué aux parlementaires que nous aurons 122 millions d'euros pour l'amélioration de la condition du personnel. Par exemple, pour un capitaine - alors après, c'est très variable, en fonction de l'âge, etc. -, mais cela peut aller pour un capitaine jusqu'à près de deux mois de solde supplémentaires. Et c'est cela que nous faisons, une énorme réforme parce que la défense, elle est chargée de la sécurité du pays, son indépendance, mais pas de faire de l'aménagement du territoire. Ce qui n'empêche pas que nous menions dans la foulée toute une série de mesures pour permettre la reconversion des sites. Je prends un exemple : à Arras, nous avons installé dans un régiment que nous venons de fermer, des logements étudiants ; à Tours, il y a une université qui s'est installée sur une partie...
 
C'est cette rigueur qui vous permet, et qui permet à vos parlementaires, de mener la guerre aux déficits publics, quitte à irriter le Président de la République ?
 
Moi, je fais la chasse aux dépenses de fonctionnement pour les réaffecter à l'investissement. Permettez-moi de vous dire qu'en plus, cet investissement profite à des ouvriers, à des bureaux d'études, à des ingénieurs français puisque l'industrie d'armement est essentiellement localisée en France, non exclusivement.
 
Fraude électorale sur place, dissensions au sein du pouvoir américain, n'est-il pas temps de rédiger un calendrier de retrait des troupes françaises d'Afghanistan ?
 
Non, il n'y a pas de calendrier de retrait, pour l'instant. Ce qu'il faut, c'est que nous fixions des jalons, qui soient autant d'objectifs à atteindre, et ces jalons et ces objectifs permettant de prendre à témoin l'opinion publique que les choses progressent en Afghanistan. La vision que nous avons est une vision erronée. Nous, la vision que nous avons, ce sont les échos des attentats, de nos soldats qui sont morts. En vérité, vous allez aussi - j'étais en Afghanistan il y a dix jours - vous allez en Afghanistan et vous avez des vallées dans lesquelles aujourd'hui la stabilisé, la sécurité, les projets de développement, de construction d'infrastructures existent. Il y a des sujets... l'Afghanistan c'est un puzzle, ça n'est pas un pays unitaire comme la France, donc il y a des vallées et des zones extrêmement difficiles ; il y a des zones qui sont relativement tranquilles, et d'autres où nous avons largement progressé. Pour vous donner un seul exemple, des militaires aujourd'hui, en Vallée de Surobi, peuvent aller faire leurs courses dans la ville d'à côté, dans le souk, sans équipement et sans gilet pare-balles.
 
Où en est-on de la vente par la France d'un navire de guerre à la Russie ?
 
J'étais la semaine dernière à Moscou, j'ai rencontré le président Medvedev, avec B. Kouchner et nos homologues Lavrov et Serdioukov, et je leur ai indiqué que nous étions ouverts à la discussion. Bien entendu, il y a une procédure interministérielle ; bien entendu, c'est une discussion qu'on doit avoir au sein du Gouvernement et avec le président de la République. Mais ce que je veux dire par là c'est que, on ne peut pas vouloir un espace de sécurité, de stabilité et de paix en Europe, le construire, et proposer de le construire avec les Russes, et en même temps conserver nos lunettes d'avant la chute du Mur de Berlin. Si nous considérons que la Russie ça n'est plus l'Union Soviétique, ce qui est, nous devons, nous, construire cet espace de sécurité et de stabilité, ce qui passe par des coopérations, notamment militaires.
 
Récompenser d'une cagnotte l'assiduité des élèves ! Est-ce que vous êtes pour ou contre ?
 
J'ai lu les précisions de M. Hirsch, expliquant que ça n'était pas des récompenses individuelles, que c'étaient des récompenses collectives, pour des projets collectifs... (Inaudible) Non, je veux simplement une chose : très bien, on expérimente, on ne généralise pas, donc on prend un peu de recul et on essaie de faire les choses. Mais je voudrais à travers ça poser deux ou trois questions. Est-ce qu'aujourd'hui la France est tellement une société de consommation qu'il faut acheter le fait de devenir un être libre, un citoyen, c'est-à-dire, quelqu'un qui est instruit, à qui on a transmis des savoirs et qui est éduqué ? La deuxième chose que je voudrais dire c'est que, je fais un tour de France sur les questions d'égalité des chances, et on a des quartiers dans lesquels, grâce à un accompagnement individualisé des familles, on est en mesure de résoudre une grande partie des problèmes. Allez voir ce qui se passe par exemple au Quartier de la Source à Orléans ; il y a eu une baisse considérable de la délinquance parce que on a traité non pas le problème de façon collective, mais on a considéré que le problème collectif était lié à une addition de problèmes individuels. Donc, il y a deux... d'autres solutions, comme l'accompagnement des familles, comme certains savent le faire dans certaines villes. Et trois, il y a aussi d'autres instruments : il y a l'instrument des allocations familiales, qu'on a laissé tomber il y a trois ou quatre ans.
 
Parlons du Nouveau Centre. Dans la législative partielle de dimanche dans les Yvelines, vous lâchez l'UMP, D. Douillet, pour soutenir le candidat MoDem.
 
Non, non, c'est le délégué de circonscription qui, dans un geste d'humeur a fait cette déclaration. Je me suis entretenu avec lui hier soir...
 
Vous soutenez D. Douillet ?
 
Nous soutenons D. Douillet. Il est hors de question pour le président de la République que le Nouveau Centre ait des listes indépendantes au premier tour des régionales de 2010 ; il l'a dit au petit-déjeuner de la majorité jeudi dernier. Allez-vous obtempérer ?
 
Nous avons indiqué que nous avions un objectif qui était commun, qui était celui de faire en sorte que les socialistes n'aient plus le quasi monopole sur les régions françaises parce que c'est un instrument pour mettre en oeuvre la politique du pays.
 
Alors, on fait des listes uniques au sein de la majorité ou on se sépare pour...
 
Non, mais il nous faut à partir de cette analyse commune et de cet objectif commun, réfléchir sur qui est le meilleur candidat, et quelle est la meilleure solution, région par région. Et la meilleure solution n'est pas forcément de faire des listes uniques partout.
 
A. Santini en Ile-de-France, ça reste...
 
A. Santini reste un homme sur lequel on peut, à la fois, estimer qu'il peut être le candidat d'une liste d'union, dès le premier tour, et aussi être un candidat capable de porter ce message de Centre et de Centre-droit que nous voulons incarner.
 
 
 
En un mot, les jeux en ligne font l'objet d'un texte de loi en débat aujourd'hui. Vous êtes propriétaire de chevaux de course. C'est une bonne nouvelle, c'est une bonne loi ?
 
Je crois qu'elle est assez équilibrée, c'était un sujet difficile. Elle est équilibrée, parce qu'il faut lutter à travers ça contre le blanchiment de l'argent. Et deux, elle est équilibrée, dans la mesure où elle préserve, pour la filière que je connais, qui est la filière hippique, qui embauche la bagatelle de 60.000 personnes, ce qu'on oublie toujours, on permet à la filière de continuer à la financer.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 octobre 2009