Texte intégral
Monsieur le Président de la République de Turquie, M. Abdullah Gül,
Monsieur le Vice-Premier Ministre,
Madame la Présidente du MEDEF,
Madame la Présidente de la TUSIAD,
Monsieur le Président de la Fédération turque des Chambres de Commerce et d'Industrie,
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris,
Mesdames et Messieurs,
D'abord, je voudrais dire, monsieur le Président de la République, que vous avez réussi un exploit puisque, grâce à vous, c'est la première fois que je viens au siège du MEDEF.
C'est un très grand honneur et un très grand plaisir, Monsieur le Président de la République, de vous retrouver à Paris et d'ouvrir avec vous ce séminaire économique, qui est l'un des grands rendez-vous de la Saison de la Turquie en France.
Cette Saison de la Turquie a commencé au mois de juillet ; elle se poursuivra jusqu'en mars prochain, et elle a tout de suite rencontré un grand succès.
Plus de 400 événements culturels et économiques ont été programmés, dans près de 80 villes, partout en France.
Et au moment où Istanbul s'apprête à devenir, en 2010, la capitale européenne de la culture, nous devions faire découvrir à tous nos concitoyens la Turquie d'hier, la Turquie d'aujourd'hui et la Turquie de demain.
En accueillant chaleureusement votre nation, Monsieur le Président, c'est une très ancienne amitié que la France veut réaffirmer, malgré les différences que nous pouvons exprimer sur certains sujets, comme celui de l'adhésion européenne.
Nous n'oublions pas que nous avons, avec la Turquie, l'une des plus vieilles relations diplomatiques de notre histoire.
Nous sommes fiers que la France ait été la première à reconnaître la République, fondée par Mustapha Kemal en octobre 1921.
Nous sommes honorés que la Turquie accueille des institutions francophones prestigieuses, comme le lycée et l'université de Galatasaray.
Nous sommes, aujourd'hui, aux côtés de cette grande démocratie qui ne cesse de se réformer et de se moderniser; qui tire parti de sa situation exceptionnelle entre l'Est et l'Ouest, entre l'Asie et l'Europe, sans rien renier de son ancrage du côté occidental.
Depuis longtemps, nous travaillons avec vous dans les plus hautes instances internationales; au Conseil de Sécurité pour contribuer à la paix et à la sécurité mondiales; au G20 pour réguler le système financier; ou encore en Afghanistan, au sein des forces de l'OTAN.
C'est dire combien les relations entre la France et la Turquie sont anciennes, sont diverses, sont fortes.
La dernière réunion du G20 à Pittsburgh l'a d'ailleurs illustré. La France et la Turquie ont démontré qu'elles partageaient une vision commune de l'économie, des échanges et de la régulation nécessaire du système financier international.
Ensemble, nous avons ouvert le chantier de la réforme de la gouvernance mondiale.
Ensemble, nous nous sommes mis d'accord pour un transfert de 5% des droits de vote au sein du Fonds monétaire international vers les pays émergents qui étaient sous-représentés, et nous avons également pesé pour que le rôle des pays les plus pauvres soit renforcé.
Ensemble, nous allons engager, sur des bases similaires, la réforme de la Banque mondiale.
Enfin, la communauté de vue entre la France, la Turquie et les autres partenaires du G20, a permis de progresser de façon spectaculaire dans la lutte contre les paradis fiscaux, depuis le rendez-vous de Londres en avril dernier.
La France, qui assumera conjointement la présidence du G8 et du G20 en 2011, est déterminée à faire avancer ces réformes indispensables à l'amélioration de notre système financier international.
Ce travail commun avec la Turquie au sein du G20, illustre bien la convergence de nos approches et de nos intérêts - et l'organisation à Istanbul, il y a quelques jours, des assemblées générales annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, en a offert une nouvelle démonstration.
Dans un monde de plus en plus globalisé, où l'exigence de régulation économique est devenue une nécessité absolue, nos deux puissances ont choisi de prendre leurs responsabilités.
Cette association stratégique s'appuie sur des relations particulièrement fortes.
La France est le deuxième investisseur étranger en Turquie, à hauteur de 20 milliards de dollars.
Notre commerce bilatéral avec la Turquie s'élève à plus de 11 milliards d'euros, ce qui en fait notre 5e partenaire en dehors de l'Union européenne.
Les échanges franco-turcs égalent quasiment ceux que nous avons avec le Japon; ils sont supérieurs à ceux que nous entretenons avec des grands acteurs émergents comme l'Algérie, ou d'autres pays du G20, comme l'Inde ou le Brésil.
Nos 300 entreprises emploient plus de 70.000 salariés et font vivre, au total, près de 300.000 personnes.
Nos entreprises ont confiance dans l'avenir de la Turquie.
Elles souhaitent naturellement continuer à s'y développer, comme l'ont fait cette année encore, pour près d'un milliard de dollars, Axa, Groupama ou encore Renault.
Nos plus grands groupes ont aussi développé en Turquie des sites de production industrielle à vocation mondiale.
La Turquie est déjà engagée dans la fabrication d'éléments de fuselage de l'Airbus A320, dans la fourniture des ascenseurs de l'Airbus A380, et elle est désormais partenaire d'EADS dans la construction du nouvel Airbus A350 ; elle participe aussi au programme d'avion de transport stratégique A400M.
Devant l'étendue de nos collaborations et devant le volume de nos échanges commerciaux, la relation franco-turque est exemplaire, mais pourtant, nous pensons - et nous nous en sommes longuement entretenus, hier, monsieur le Président - que nous pouvons faire beaucoup mieux.
Nos deux ministres du Commerce extérieur se sont fixés l'an dernier pour objectif de faire passer notre commerce bilatéral de 11 à 15 milliards d'euros d'ici 2012.
Et pour y parvenir, nous estimons que plusieurs pistes doivent être explorées.
Elles vont être discutées et approfondies ce matin.
Nous devons d'abord multiplier les investissements turcs en France.
Autant nos investissements en Turquie sont considérables, autant les investissements turcs dans notre pays sont encore modestes.
Il faut que les dirigeants d'entreprise turcs s'engagent davantage en France, pour y développer leur savoir-faire, pour y conquérir des marchés.
veux leur dire qu'ils sont les bienvenus, que nous ferons tout pour les y aider , et l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), l'équivalent de votre très dynamique agence "Invest in Turkey", est là pour les y aider.
Nous devons, en second lieu, améliorer notre coopération industrielle.
Dans le secteur automobile, dans le secteur aéronautique et spatial, je l'ai déjà indiqué, cette coopération est très importante.
La Turquie est notre partenaire dans la construction des avions Airbus; nous sommes ses partenaires dans le développement des satellites civils, avec les programmes TurkSat ; et je me réjouis que des entreprises françaises, avec leurs partenaires italiens, viennent d'être retenues par les autorités turques pour la fourniture d'un satellite d'observation à vocation militaire.
Partout où nos deux pays reconnaissent leurs compétences respectives, nous devons continuer à les faire travailler ensemble.
Mais nous devons aussi multiplier les directions de ces partenariats.
Je crois, en particulier, que nous pouvons, ensemble, être en pointe dans le développement des technologies d'avenir et que nous pouvons nous placer au premier rang dans les secteurs de l'économie verte, qui seront les moteurs de la croissance de demain.
Vous savez que les pays du Proche et du Moyen Orient sont de plus en plus engagés dans cette voie.
Pour la Turquie, sa proximité avec eux est un atout considérable, et je crois qu'au sein de l'Union pour la Méditerranée, nous aurons l'occasion de créer des associations prometteuses en ce sens.
Nous devons, en troisième lieu, agir ensemble pour l'innovation et pour la compétitivité de nos PME.
Sur ce point, la mobilisation de la France passe en particulier par les financements que propose l'Agence Française de Développement, qui est l'un des tout premiers bailleurs de fonds bilatéral en Turquie, avec un portefeuille de près d'un milliard d'euros.
Il est certainement possible d'aller plus loin encore, en créant par exemple des rapprochements entre différents acteurs au sein des pôles de compétitivité.
Nous devons enfin, en quatrième lieu, réfléchir résolument au développement d'actions conjointes dans des pays tiers.
Une réflexion sur ce thème a déjà été engagée par le MEDEF et la TUSIAD.
Je sais que les ambitions de la Turquie sont tournées vers certaines régions du monde, en particulier l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne, où la France a déjà une grande expérience.
À mes yeux, rien ne s'oppose - bien au contraire - à ce que les opérateurs français développent des alliances avec leurs partenaires turcs afin de travailler en commun dans ces pays, en lançant des bureaux d'études, en réalisant de grands projets industriels, ou en développant, là encore, des programmes d'économie "verte".
Et si la France peut sûrement aider la Turquie dans ces régions, la Turquie sera certainement en mesure d'apporter son soutien à la France en Asie centrale et dans le Caucase.
Mesdames et messieurs,
La crise nous a encouragés à défendre ensemble nos positions communes ; mais, crise ou pas crise, le développement de nos partenariats va dans le sens de l'histoire.
Avec la Saison de la Turquie, nous avons l'opportunité de redonner une impulsion historique à nos relations économiques, culturelles et politiques.
La caractéristique des vrais amis, c'est de se dire toujours la vérité. C'est ce que nous avons fait ensemble hier, monsieur le Président de la République, évoquant tous les sujets, ceux qui nous rapprochent et ceux qui peuvent, pour un temps, nous diviser. Je vous ai en particulier longuement entretenu de ce que je qualifie de la crise que traverse l'Union européenne : crise d'identité, crise liée à son élargissement trop rapide, crise liée à des institutions qui ne permettent pas, aujourd'hui, en tout cas comme nous le souhaiterions, un fonctionnement optimal de l'Union européenne. L'Union européenne doit résoudre ces questions ; l'Union européenne doit définir son modèle de développement, son modèle d'intégration. Et pour le reste, puisque à l'instant, il était fait allusion au Général de Gaulle, c'est naturellement aux peuples, aux peuples de décider de l'avenir qu'ils veulent se donner.
Votre pays, Monsieur le Président, est pour nous un partenaire ; c'est un allié, c'est un ami privilégié.
Et je suis heureux d'adresser, au nom de la France, ce message de confiance à la grande nation turque.Source http://www.gouvernement.fr, le 13 octobre 2009