Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Le 3 septembre 2009, le Président de la République a adressé aux Français un message fort.
L'industrie doit être de nouveau au coeur de notre politique économique.
C'est une nécessité à un double titre.
C'est grâce à l'industrie que nous allons faire redémarrer notre économie et sortir enfin de la crise en étant beaucoup plus forts que nous y sommes entrés.
Mais plus encore, l'industrie est la condition de notre avenir, de l'avenir des ouvriers, de l'avenir de nos territoires, de l'avenir de notre modèle social.
Nous entrons dans une ère nouvelle, une ère résolument tournée vers le développement durable où l'homme sera au centre de toutes les politiques.
Le New Deal industriel qui se prépare, la nouvelle donne industrielle que je vous propose aujourd'hui de préparer ensemble génèrera bientôt, vous pouvez en être sûrs, un nouveau pacte social.
Cette révolution - car c'en est une - pénètrera partout.
Dans les foyers. Dans les bureaux. Dans les usines... Jusques et y compris dans les classes de nos enfants...
Elle bouleversera les usages, les rapports que nous entretenons les uns avec les autres.
Chaque fois, elle s'appuiera sur l'innovation, sur la recherche, sur la création.
L'innovation, c'est le moteur de la révolution industrielle qui s'annonce.
L'enjeu des Etats Généraux de l'Industrie, c'est précisément de l'organiser afin que demain nous soyons capables de maîtriser notre destin industriel.
Mesdames, Messieurs,
Si j'ai tenu à vous réunir ici à Bercy, vous qui êtes tous à différents titres les acteurs du monde industriel, vous sur qui repose le destin de l'industrie française, c'est d'abord pour vous faire part de ces convictions.
Je veux plus particulièrement saluer les représentants de nos grandes centrales syndicales qui ont compris l'intérêt de cette démarche et qui ont choisi d'engager avec l'ensemble des participants un dialogue constructif.
Si je vous ai réuni, c'est aussi pour vous convaincre que nous nous trouvons à un tournant de notre histoire industrielle et que ce tournant est beaucoup plus qu'une simple transformation.
C'est enfin pour vous indiquer quelques-unes de mes propositions pour préparer, avec l'ensemble de ses acteurs, les temps nouveaux de notre industrie.
Le lieu de notre rencontre d'aujourd'hui ne doit rien au hasard.
Nous sommes ici à Bercy, le bras économique de l'Etat, ce qui est une manière de souligner son engagement pour définir, mettre en oeuvre et accompagner une politique industrielle nouvelle pour la France.
Trop longtemps, l'Etat s'est tenu à l'écart préférant laisser aux forces du marché le soin d'organiser notre avenir.
Trop longtemps, l'Etat s'est abstenu de fixer un cap.
Trop longtemps, l'Etat s'est refusé à assumer une grande ambition pour notre industrie.
Cette période, je vous le dis, est désormais révolue.
C'est ce qu'a voulu marquer le Président de la République en recréant au sein du Gouvernement un ministère de plein exercice chargé de l'Industrie.
La France doit se remettre très vite à l'heure industrielle.
La France industrielle doit trouver en elle-même les moyens de relever les défis qui déjà lui font face.
Aujourd'hui, je fais appel à vous pour que nous soyons ensemble les architectes de ce renouveau.
Ensemble, imaginons les conditions qui permettront de faire éclore les nouveaux champions industriels, les talents qui valoriseront nos savoir faire et la qualité française.
Pour y parvenir, cherchons ensemble à bâtir une stratégie qui recueille le plus large consentement.
Comment le faire si ce n'est en nous adressant d'abord à ceux qui « font » l'industrie française, les ouvriers, les agents de maîtrise, les salariés, les responsables, les élus, tous ceux qui se battent sur tous les marchés pour faire reconnaître et gagner l'excellence française ?
Comment le faire si ce n'est en écoutant les propositions des acteurs du modèle industriel français : les fédérations, les partenaires sociaux, les dirigeants des grandes entreprises industrielles et des PME-PMI, les pôles de compétitivité... bref, tous ceux qui sont engagés dans la cause industrielle ?
Réussir la plus large consultation possible, associer le plus grand nombre d'acteurs, analyser toutes les propositions pour, à partir d'un diagnostic partagé, dessiner une nouvelle politique industrielle.
Voilà, Mesdames, Messieurs, quel est le but des Etats Généraux de l'Industrie....
Il va de soi que je serai le premier à m'impliquer dans ces débats.
J'y consacrerai toute mon énergie en me rendant dans nos territoires à la rencontre de tous ceux qui s'engagent dans cette démarche et qui veulent y participer.
Tout est complètement ouvert. Tout est sur la table.
Cependant, je sais bien que cette manière de faire peut surprendre...
Cela fait au moins vingt ans que l'on n'a pas osé procéder de cette manière dans le domaine industriel ... !
On s'est habitué dans notre pays à ce que ce soit l'Etat qui fasse tout.
Les propositions, les politiques, la mise en oeuvre des mesures .... sans jamais prendre le temps d'écouter vraiment les acteurs du monde industriel ou alors un petit nombre restreint, toujours issu des mêmes cercles éloignés du terrain et qui n'ont d'autre vision que celle de la pensée industrielle unique.
C'est à cela que le Président de la République veut mettre un terme.
C'est difficile. Je sais.
On ne l'a jamais fait. Je sais.
Et bien, c'est justement parce que c'est difficile que nous, nous allons oser, nous allons le faire ...
Nous allons le faire parce que les temps exceptionnels appellent des méthodes nouvelles, des méthodes exceptionnelles.
Alors comment ?
D'abord, il nous faut dresser l'état des lieux, établir les éléments de contexte et faire un certain nombre de constats.
I - Sur le contexte actuel de notre industrie, je ferai quatre remarques.
La première, sur le plan conjoncturel, la crise financière, née aux Etats-Unis, s'est maintenant propagée à toute l'économie.
Même si nous commençons à observer une certaine remontée depuis quelques mois, en un an la production industrielle française a reculé de près de 15%, ce qui ne s'est jamais produit depuis que l'on mesure cet indicateur dans notre pays.
La seconde remarque, sur le plan structurel, notre industrie est en perte de compétitivité.
C'est un fait.
Notre poids dans les exportations européennes a chuté de 25% en moins de 10 ans.
Notre retard sur l'Allemagne, la référence industrielle en Europe, s'est creusé. Ce n'est pas un hasard.
La taille de nos PME/PMI est loin d'atteindre la masse critique qu'ont atteinte les entreprises allemandes.
Nos PME - notamment les entreprises sous-traitantes - restent encore sous-capitalisées et insuffisamment soutenues par les grands donneurs d'ordre.
La troisième remarque, l'ensemble de nos filières industrielles sont engagées dans une mutation profonde en particulier face au défi que représente la réduction de nos émissions de CO2.
Enfin la quatrième, le modèle économique idéalisé du marché autorégulé s'achève.
On a vu ce qu'a produit l'autogestion dans laquelle s'est installé le système financier international.
Les différents sommets du G20, celui de Londres en avril et de Pittsburgh en septembre ont souligné la nécessité d'un retour à une forme plus appuyée d'encadrement des activités financières.
C'est dans ce contexte, que notre industrie est appelée à relever trois défis majeurs :
L'augmentation de la part des produits innovants dans nos productions industrielles (a) ;
Le renforcement de notre effort dans le domaine de la R&D (b) ;
... et enfin la mutation vers un modèle qui privilégie le développement durable (c).
a - l'innovation, y compris l'innovation non-technologique, c'est la clé du succès à long terme de nos entreprises industrielles.
Certains secteurs, comme la chimie de base ou les industries des biens de consommation (textile, habillement, cuir, arts de la table, électroménager, jouets ...) sont aujourd'hui très fortement concurrencés par les pays à bas coûts de main d'oeuvre, notamment la Chine.
A mes yeux, cela ne veut pas dire que ces secteurs industriels sont condamnés.
Cela ne signifie qu'une chose. Ces secteurs doivent s'adapter.
A terme, les activités à forte valeur ajoutée comme la conception, le design et le développement prendront la place de certaines productions industrielles. L'industrie de luxe française relève déjà ce défi, comment faire pour que d'autres la rejoignent ?
L'exemple du secteur automobile doit nous faire réfléchir.
Ce secteur a mieux résisté à la crise que ses concurrents, notamment grâce à la prime à la casse et au plan automobile français qui a jeté les bases de l'avenir.
Les constructeurs français se développent fortement à l'international, mais leur principal débouché reste le marché européen, qui représente deux tiers de leurs ventes.
L'avènement demain des motorisations électriques, y compris hybrides, est déjà un enjeu majeur pour la survie du secteur automobile.
Notre capacité à innover et à être leader dans ce domaine sera cruciale pour le maintien de nos capacités industrielles.
Cette question est d'ordre stratégique.
Voilà pourquoi l'Etat a voulu soutenir fortement les constructeurs mais aussi l'ensemble de la filière pour assurer le développement des véhicules électriques et de batteries en France, avec Renault à Flins, Smart à Hambach, ou encore PSA à Mulhouse...
b - Ensuite, il faut renforcer notre effort de R&D en France et en Europe. Il faut intensifier les liens entre les systèmes de recherche publics et privés. Il faut enfin accentuer nos efforts de coordination en matière de recherche et d'innovation.
C'est à mes yeux une condition essentielle pour préserver le dynamisme et le leadership acquis par notre industrie dans la compétition internationale.
Les meilleurs centres de recherche d'Europe doivent collaborer étroitement avec nos pôles de compétitivité afin, d'une part, d'éviter les doublons et, d'autre part, de créer une masse critique favorisant l'émergence de technologies de rupture.
La politique des pôles de compétitivité que j'ai mise en oeuvre en 2005 doit y contribuer.
Je veux que nous puissions aller plus loin.
Pour les soutenir, l'Etat a décidé d'affecter 1,5 milliard d'euros sur 3 ans (2009-2011) à une seconde phase avec au coeur de cette dynamique, un fort soutien dans le domaine de la R&D.
Pour ma part, je souhaite la création d' « interpôles de compétitivité » dotés d'objectifs précis et soumis à l'évaluation.
Parmi les champs d'application possible, on pourrait par exemple citer le domaine des écoindustries, celui des énergies renouvelables, les systèmes de production propres ou encore la gestion et le traitement de l'eau.
Je souhaite enfin que nous passions d'une « politique de branche » à une « politique de filière ».
Il est grand temps. Il est urgent de favoriser le décloisonnement entre branches, de dépasser le chacun pour soi.
C'est la base du nouveau paradigme industriel, une manière radicalement nouvelle d'approcher la question industrielle en France.
Je veux qu'ensemble nous prenions le risque de bousculer la « bienpensance » industrielle, renverser les situations acquises qui n'ont pas produit les résultats que nous étions légitimement en droit d'attendre.
Il est temps de faire souffler sur notre industrie un vent d'air frais d'idées nouvelles ....
c - L'industrie française, mais aussi l'industrie européenne dans son ensemble, doit effectuer sa mutation vers un modèle qui privilégie le développement durable.
L'Europe a un très grand rôle à jouer ici. Il ne peut pas simplement y avoir une Europe des services ou de la concurrence. Il ne peut pas y avoir de grand dessein industriel qui occulte la dimension européenne. Il faut saluer la présence du terme si longtemps tabou de « politique industrielle » dans le discours de M. Barroso devant le Parlement européen. Il pourra compter sur la France pour bâtir dans les actes cette politique industrielle européenne.
Notre pays doit être à l'avant-garde. Nous devons réussir à concilier l'excellence industrielle et l'écologie responsable. C'est le grand défi des temps qui viennent.
Tout retard dans notre capacité à prendre ce virage se paiera, n'en doutez pas un seul instant, au prix fort.
La pérennité de l'existence en France d'un secteur industriel fort se joue en grande partie sur cette question.
C'est bien la raison pour laquelle nous jetons déjà les bases d'une économie éco-efficiente.
Aujourd'hui, les nouvelles technologies de l'énergie et les écotechnologies représentent un extraordinaire potentiel de croissance et d'activité.
La demande des consommateurs s'adresse de plus en plus à ce type de produits. Selon les prévisions, les éco-industries peuvent représenter à l'horizon de 2020 une augmentation de l'activité directe en France d'environ 50 milliards d'euros par an et 280.000 nouveaux emplois.
Voilà Mesdames, Messieurs quels sont les termes des questions qui se posent à nous avant même la tenue des Etats généraux.
Nous pouvons être d'accord sur le constat de nos faiblesses en matière industrielle.
Nous pouvons être d'accord sur l'importance des défis à relever, au premier rang desquels figure l'exigence d'arriver à concilier l'excellence industrielle et la responsabilité environnementale.
Mais voyez-vous la difficulté, ce n'est jamais d'annoncer une révolution, même et surtout, une révolution industrielle.
La seule difficulté c'est d'arriver à la faire.
Ma conviction, c'est que nous avons les moyens, tous ensemble, de dire comment elle se fera.
Pour ma part, jamais je ne me résignerai à attendre que les choses se passent sans chercher à en infléchir le cours. Jamais je ne me résoudrai à me contenter de le subir et d'en prendre acte.
Je crois à la force de la volonté en politique.
Je crois que la France pourra continuer à occuper les premières places parmi les grandes nations industrielles si nous savons nous mobiliser pour relever le défi que représente cette révolution.
Qu'avons-nous à perdre à vouloir rester les meilleurs ?
La nouvelle politique industrielle durable n'opposera pas sécurité et prise de risque.
Pour qu'un entrepreneur puisse prendre des risques, il lui faut s'assurer d'un certain nombre de garanties fondamentales sur ses capacités de financement, sur la qualité et le fair-play des relations avec les donneurs d'ordre.
Un nouveau pacte économique et social pour doper l'innovation et la performance, voilà ce qui doit guider les Etats Généraux de l'Industrie que nous lançons aujourd'hui.
N'ayons pas peu de bousculer les habitudes, les conformismes.
N'ayons pas peur de renverser les totems de la pensée unique industrielle.
Parions sur la qualité et les savoir-faire (1.),
Parions sur le décloisonnement et la mise en oeuvre d'une véritable logique d'écosystème industriel (1. et 2.),
Parions sur l'ancrage territorial des outils de production et de R&D (3.),
- et enfin parions sur la modernisation du modèle social des PME/ PMI (4.)
C'est comme cela que nous libèrerons les énergies créatrices.
C'est de cette manière que nous créerons un climat favorable à l'innovation. (5.).
Il faut remettre les savoir-faire au coeur de la stratégie industrielle.
Que se passe-t-il aujourd'hui ?
Les grands groupes ont tendance à se concentrer essentiellement sur la conception et la commercialisation.
On externalise de plus en plus la production. Soit chez des sous-traitants nationaux qui doivent s'aligner sur les exigences de plus en plus grandes des directions d'achat en termes de coûts.
Soit par la délocalisation vers des sociétés à bas coût de production et de main d'oeuvre.
Trop souvent, sous la pression des acheteurs, les sous-traitants français se saignent à blanc avant, eux-mêmes, de se voir contraints de délocaliser en Europe de l'Est, en Afrique du Nord, en Asie...
Ce sont autant de PME/ PMI qui ferment. Cela veut dire plus de chômage, plus de désespérance sociale et au bout du compte la désertification économique dans nos territoires.
Or les donneurs d'ordre ne mesurent pas toujours combien cette « politique » les met en réalité eux-mêmes en danger.
La perte de proximité, c'est de la réactivité en moins.
Dans les deux cas cela signifie la perte des savoir-faire, la chute de la valeur-ajoutée, la fin de ce qui permet de se différencier de la concurrence sur les marchés porteurs.
Tout le monde, au bout du compte, est perdant.
Cette politique, c'est une politique de traders. Ce n'est pas une politique industrielle. Comme pour les traders, cela revient à accepter la tyrannie du court terme. C'est n'avoir aucune vision du long terme. On voit avec les traders jusqu'où cela peut nous mener ...
Vous voulez un témoignage édifiant de l'inefficacité des stratégies qui ont été mises en place jusqu'à présent. Regardez notre balance commerciale.
La France est structurellement déficitaire.
La balance commerciale de l'Allemagne, le plus grand pays industriel européen, est structurellement et fortement bénéficiaire.
Les écarts de coûts du travail et de fiscalité n'expliquent pas cet écart de performance. Ce qui l'explique principalement, c'est que l'Allemagne a réussi le pari de relations gagnantes-gagnantes entre grands groupes et PME/PMI et l'investissement massif sur la qualité de la conception, de la production, de la commercialisation.
Dès lors, je fais une proposition.
Les Etats Généraux de l'Industrie sont une occasion unique de refonder les relations entre les grands groupes et les PME/ PMI, de mettre un terme à l'insupportable relation de dominant-dominé entre les donneurs d'ordre et la sous-traitance en France.
Nous devons aussi enfin donner à nos PME les moyens de se développer. Il y a en France un plafond de verre autour de 500 salariés. Il n'est pas normal que nous ayons si peu d'établissements de taille intermédiaire.
Nous devons passer à une logique d'écosystème et de partenariat, la seule logique qui permette la performance économique et sociale durable pour tous.
Je veux que les entreprises acceptent enfin de sortir du diktat de la direction des achats.
La compétitivité des grands groupes ne se résume pas à la seule compétitivité par les coûts : la qualité des hommes et leur savoir-faire, des produits intermédiaires et finis, de l'assemblage, la réactivité comptent plus encore que le marketing et la communication.
Certains industriels ont commencé à ouvrir les yeux. Ils ont choisi d'adopter une autre attitude. Ils ont compris qu'il fallait passer à une stratégie d'ensemble plus efficace.
Cette nouvelle attitude, c'est celle que nous exigeons nous-mêmes des constructeurs automobiles en contrepartie du soutien de l'Etat. C'est donnant-donnant. C'est gagnant-gagnant.
Voyez également ce qui se passe chez certains grands donneurs d'ordre dans les industries de la mode et du luxe.
En 1900, Paris comptait plus de 300 plumassiers. En 1960, ils n'étaient plus que 50 ; en 2006, ils sont moins de 5.
Ces savoir-faire de très haut-niveau sont ce qui a permis aux grands industriels du luxe et de la mode français de faire la différence par rapport à tous leurs concurrents.
Qu'arrivera-t-il si nous ne faisons rien pour préserver ces savoir-faire ?
Je vais vous le dire.
C'est un enchaînement infernal. C'est la mort de ces sous-traitants à court terme, le déclin des grands groupes de la mode et du luxe à moyen et long terme.
Il ne s'agit pas de revendiquer entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants des relations exclusives.
Il ne s'agit pas non plus d'une forme déguisée d'intégration verticale.
Rien de tout cela.
Ce dont il s'agit c'est, en fait, d'une vraie politique partenariale.
Cette logique de partenariat gagnant-gagnant peut prendre d'autres formes mais elle doit se démultiplier au point de redevenir la norme.
Les pays avancés doivent se tourner vers l'économie de l'intelligence pour éviter de sombrer face aux économies émergentes caractérisées par la faiblesse du coût de leur main d'oeuvre.
Pour autant, cela ne signifie pas que nous devons abandonner nos outils de production.
Cela veut tout simplement dire que nous devons les rendre plus performants et que nous devons miser sur une main d'oeuvre toujours plus qualifiée.
Je ne crois pas seulement à l'intelligence de l'esprit mais aussi à celle du tour de main.
La qualité de la production peut nous permettre de gagner des marchés autant que celle de la conception.
Il faut changer notre approche de la politique industrielle. Il faut passer d'une « politique par secteur » à une « politique d'écosystème autour de grands projets ».
Les Etats généraux vont nous permettre de créer les bases d'une « entreprise France » où nous allons identifier et prioriser les grands projets transversaux sur lesquels il nous faudra profiter des synergies, sur lesquels il nous faudra mettre le paquet, et enfin sur lesquels il nous faudra mobiliser tous les acteurs, entreprise, recherche, université, Etat.
Prenons l'exemple du projet « automobile verte ».
C'est le projet structurant, c'est le projet porteur de croissance et d'emploi des 30 prochaines années.
« L'automobile verte ».
Voilà un projet qui doit entrainer et mettre en cohérence des secteurs aussi variés que la métallurgie, la plasturgie, la mécanique, la chimie, les nouveaux matériaux, le textile technique, l'énergie... du plus petit des sous-traitants à la multinationale.
Prenons maintenant l'exemple de la micro-nanoélectronique.
Au-delà de la référence que constitue l'écosystème de Grenoble-Crolles sur lequel je me suis rendu, les sites français de production et de conception dans ce domaine forment un tissu industriel d'une grande richesse.
Pour rester compétitifs, ils doivent se positionner pour répondre aux besoins des applications émergentes que sont les transports, la santé, la sécurité ou encore l'énergie, en exploitant pleinement la diversification des composants de la micro-nanoélectronique.
On ne doit plus faire de politique en silos, avec des oeillères, mais par grands projets structurants où l'ensemble des compétences et des expertises sont mobilisées.
Je propose que le Fonds stratégique d'investissement soit un des fers de lance de cette stratégie politique.
Cette nouvelle approche vaut particulièrement pour les pôles de compétitivité.
Je propose le lancement de « projets interpôles » qui répondront à des besoins économiques et sociaux lisibles pour tous.
Il faut mobiliser davantage encore les pôles sur les projets transversaux les plus stratégiques pour notre industrie (énergies durables, nouveaux matériaux, biotechnologies, véhicule électrique,...).
Par exemple l'industrie de la santé, si importante en France, doit opérer une mutation décisive.
Il faut l'aider à réussir sa réorientation sur les biotechnologies et les bio-médicaments qui représentent aujourd'hui une part de 8 % sur le marché pharmaceutique mondial. Cette part ne fait d'ailleurs qu'augmenter. Les produits biologiques représentent maintenant environ 30 % des nouveaux médicaments enregistrés chaque année par les agences réglementaires.
Les aides au financement de l'Etat doivent donc se concentrer en priorité sur les projets structurants à fort potentiel de croissance.
Le Grand emprunt national peut constituer un instrument utile pour venir appuyer cette stratégie notamment s'agissant de secteurs comme la fibre optique, la micronano??lectronique ou encore le « cloud computing » (l'informatique en nuages)
Il est temps enfin de mettre un terme au saupoudrage qui ne crée aucune dynamique, aucun élan.
Le saupoudrage, c'est la solution de facilité.
En aucun cas, ce n'est la solution de l'efficacité.
Et donc, l'Etat doit jouer pleinement son rôle en incitant aux bonnes pratiques.
Il est par conséquent tout à fait légitime que les projets qui associeront les pôles d'un même secteur puissent bénéficier d'une bonification des aides.
Les Etats Généraux de l'Industrie sont également le moyen de gagner le pari l'ancrage territorial des outils de production et de R&D.
La stratégie simpliste de compression des coûts des fournisseurs n'est pas, je le répète, une stratégie viable sur le long terme.
C'est une vision à courte vue.
La conséquence de cette erreur se paie toujours au prix humain et industriel le plus fort.
On prend conscience aujourd'hui que les coûts de transport, la moindre qualité de la production, la moindre qualité de formation des hommes, les ruptures de la chaîne logistique, la faiblesse des infrastructures de transport localement,...peuvent annuler à moyen et à long terme les gains espérés à court terme.
De plus, le fait de produire loin pour vendre localement, c'est un contresens et un vrai désastre en termes environnemental avec des coûts écologiques de transport qui ne sont plus tolérables.
Je propose que l'on étudie les moyens financiers et fiscaux incitant à la relocalisation de la production et la R&D dans notre pays.
Dans le respect des règles communautaires bien entendu car l'Europe elle-aussi est un acteur majeur dans une stratégie efficace de reconquête industrielle, cela pourrait prendre la forme, par exemple, de primes à la relocalisation financées par l'Etat, variables en fonction des montants des investissements et du volume d'emplois recréés.
Une telle mesure ne constituerait pas seulement un dispositif financier incitatif.
Cela pousserait nos entreprises à changer leurs idées préconçues actuelles et à embrasser une vision plus large.
La production et la R&D en France est parfaitement compatible avec la performance de l'entreprise. Elle permet de gagner en qualité de savoir-faire et en qualité environnementale.
C'est cette révolution culturelle et managériale que je veux que nous opérions ensemble.
Les travaux des Etats généraux devront replacer les hommes au coeur de la stratégie industrielle. Je veux que nous parvenions ensemble à moderniser le modèle social industriel.
Je propose une piste pour les PME/ PMI de moins de 100 salariés, qui sont les plus nombreuses dans notre pays et souvent aussi les plus fragiles : il me paraît intéressant de développer le modèle de l'entreprise coopérative dont les salariés détiennent une majorité du capital.
Comprenons-nous bien.
Ces PME/ PMI sont toujours dirigées par un chef d'entreprise en charge de la stratégie, il ne s'agit pas du tout de collectivisme !
Soyons tout à fait clairs.
Ces entreprises sont là pour innover. Elles sont là pour se développer et gagner de l'argent.
Il ne s'agit pas de créer en France des kolkhozes !
Le statut de « co-entrepreneur » ajoute une motivation supplémentaire au travail des salariés. Il les implique dans la performance économique de long terme de l'entreprise coopérative.
Cette dimension collective, respectueuse des valeurs et des hommes, voilà ce qui peut constituer un facteur de dynamisme et d'épanouissement extraordinaire.
Aujourd'hui ce type de structure représente déjà près de 10 000 emplois dans des PME/ PMI de 30 personnes en moyenne.
Ce modèle est parfaitement adapté aux secteurs les plus dynamiques et les plus innovants : certaines entreprises sont déjà des références par exemple dans la fibre optique, dans l'isolation thermique, ou encore la mécanique de précision.
C'est également un outil du patriotisme économique.
Pourquoi ne pas le dire ?
Le patriotisme, ce n'est pas un gros mot même lorsqu'on l'applique à nos entreprises.
Bien sûr, nous souhaitons la venue chez nous de nouvelles entreprises.
Les entreprises étrangères qui viennent en France en raison de la qualité de nos ouvriers, de la qualité de nos savoir faire, de la qualité de nos infrastructures et de notre système de formation, seront toujours les bienvenues.
C'est bien pour cela que nous renforçons l'attractivité de nos territoires.
Mais cela ne doit pas nous empêcher de dire que nous voulons que les entreprises françaises gagnent et qu'elles soient des champions sur leurs marchés.
Alors si la détention majoritaire du capital par les salariés permet de préserver ces entreprises qui sont régulièrement menacées par des fonds étrangers avides de gain à court terme et destructeurs d'emplois, qui, je vous le demande, aurait des raisons de s'en plaindre !
Dans l'entreprise coopérative, le fait qu'une part significative des bénéfices ne soit pas distribuée mais préservée, c'est intéressant pour les fonds propres et les capacités de financement, et nous savons combien cette question est cruciale pour permettre le rebond de notre industrie.
Refonder le modèle économique et social de l'industrie, c'est la condition préalable pour réussir à dégripper les rouages, casser les blocages et déclencher un effort massif en faveur de l'innovation qui, chacun le sent bien, sera l'accélérateur de la sortie de crise.
La recherche fondamentale française est bonne. Nos chercheurs sont réputés.
Mais chacun le sait bien, à part de trop rares exceptions, les innovations de rupture celles qui tirent la croissance et l'emploi, ne sont pas notre point fort.
Moi je veux que l'on aide les entreprises et la recherche à être plus performants sur le « D » de la R&D.
Je souhaite que notre recherche soit orientée vers l'innovation de rupture et la création de produits phare.
C'est aussi comme cela que l'on fera en sorte que l'intelligence française reste en France.
Les centres de R & D doivent rester ici. Les meilleurs doivent venir et rester chez nous !
C'est la raison pour laquelle, je veux aussi que l'on réfléchisse à la mise en place d'un « crédit d'impôt innovation », qui viendrait compléter l'actuel Crédit d'impôt recherche (CIR).
Ce nouveau dispositif aurait l'avantage de couvrir des dépenses que les entreprises, notamment les PME, considèrent souvent comme des dépenses de R&D, mais qui ne sont pas prises en compte par le CIR, aujourd'hui plus axé sur la recherche fondamentale.
Je souhaite en outre que l'on étudie la possibilité de retenir une définition du prototype permettant d'inclure les dépenses liées au design dans le champ d'application du crédit d'impôt.
On ne l'a pas suffisamment compris en France : le design industriel est un puissant vecteur de compétitivité et de performance. Les succès des smart phone et de l'i-phone doivent au moins autant à l'ergonomie qu'au modèle économique !
C'est grâce à l'innovation que nous allons pouvoir repositionner notre appareil industriel sur les éco-industries.
L'industrie a réduit ses émissions de CO2 de près de 30 % sur les 20 dernières années. Il faut le dire et aussi le saluer.
L'écologie ne doit pas être vécue comme une contrainte pour l'industrie. Tout au contraire, l'écologie, c'est l'avenir de l'industrie.
Des solutions nouvelles, imaginatives aux problèmes d'environnement vont nous être apportées par l'industrie : de nouveaux équipements, de nouveaux matériaux, une chimie plus tournée vers l'écologie.
Tout cela représente de nouveaux marchés et donc du chiffre d'affaires qui se profilent à un horizon proche.
Les écotechnologies représentent un potentiel de 50 Mds euros d'activité à horizon 2020 et de 280 000 nouveaux emplois.
L'enjeu est donc considérable.
C'est pourquoi il faut accentuer encore nos efforts en matière de réduction des émissions de CO2 à travers les énergies renouvelables, les systèmes de production propres, la gestion et le traitement de l'eau, les technologies de dépollution.
Mais aussi à travers l'utilisation des technologies du numérique : par la dématérialisation des échanges, par l'optimisation des flux matériels, par une gestion plus intelligente de l'énergie, nous pourrons parvenir à une réduction massive de l'impact environnemental de l'activité humaine.
Je propose d'étudier la mise en oeuvre de prêts verts bonifiés au profit de l'investissement dans les processus industriels les plus respectueux de l'environnement, de l'éco-conception jusqu'au recyclage en passant par les outils de production.
Un constat. Des défis à relever. Des propositions.
Ces trois thèmes doivent servir de point de départ des débats qui se tiendront dans le cadre des Etats généraux.
J'ai rencontré les principaux partenaires sociaux salariés et patronaux, et fédérations industrielles et nous nous sommes mis d'accord sur les principes d'organisation, le contenu et le calendrier de ces Etats généraux.
Ils se dérouleront de la fin de ce mois à début février 2010 selon trois axes :
- un axe national,
- un axe régional,
- et enfin un axe participatif via un site internet dédié.
J'en attends - je ne vous le cache pas - une effervescence extraordinaire, un moment qui doit marquer l'histoire de notre secteur industriel.
Ce sera en effet la première fois qu'une stratégie industrielle nationale sera issue de nos forces vives dans les territoires.
Concrètement.
Dès la fin de ce mois, un Comité national des Etats Généraux de l'Industrie (CNEGI) sera institué.
Il associera de grands groupes industriels et PMI innovantes couvrant l'ensemble des secteurs industriels, les partenaires sociaux nationaux, des fédérations industrielles, des organismes de recherche publics et privés, des investisseurs, des parlementaires, le Conseil économique et social, des personnalités qualifiées, des représentants de « think tank », des économistes, des consultants, des sociologues, des architectes,...
Pour orienter et organiser les travaux, des groupes de travail thématiques seront constitués.
Cinq thèmes transverses seront traités en parallèle, ce qui constitue un gage de confrontation des idées et d'enrichissement mutuel des analyses, tant au niveau national que régional :
- Innovation et entrepreneuriat : Comment promouvoir une R&D d'innovation de rupture ?
Comment mieux diffuser l'innovation ? Comment améliorer la création et de la transmission d'entreprise ? Comment favoriser la transformation des PME en ETI ?
- Politique de filière, décloisonnement et partenariats : Comment refonder les relations donneurs d'ordres / sous-traitants ? Quel écosystème pour améliorer le développement international ?
- Emploi et formation : Comment assurer la pérennité et développement de l'emploi industriel ? Quels enjeux pour la formation et l'accompagnement social ?
- Compétitivité et croissance verte : Comment actionner tous les leviers de la compétitivité que ce soit en termes de processus ou de modernisation de l'outil de production ? Comment améliorer la productivité en respectant l'environnement ?
- Accès au financement : Quels besoins en termes de capital risque ? Quelles mesures complémentaires sur les fonds propres ? Quelles simplifications des structures d'aides actuelles ?
En plus des cinq thèmes transverses, cinq thèmes sectoriels seront travaillés :
- les produits intermédiaires et industries « énergivores » (secteurs de l'énergie, de l'environnement, de la chimie, nouveaux matériaux,...) ;
- les matériels de transports (automobile, ferroviaire, aéronautique, espace, nautisme, cycle,...) ;
- la santé (e-santé, dispositifs médicaux, médicaments et biotechnologies) ;
- les TIC (télécommunications et systèmes d'information, logiciel embarqué, contenus ...)
- les biens de consommation (agroalimentaire, habillement, luxe,...)
Au niveau régional, dès la mi-novembre, les préfets de région organiseront, avec l'appui des commissaires à la ré-industrialisation, des ateliers de travail en collaboration avec les services déconcentrés DRIRE et DIRRECT, les Chambres de commerce et d'industrie.
Ces ateliers régionaux réuniront localement les principaux acteurs de l'industrie organisés dans chaque région : PME/ PMI, pôles de compétitivité, partenaires sociaux locaux, fédérations industrielles, recherche, université, collectivités territoriales, élus, financeurs.
Un groupe de travail étudiera également les enjeux sectoriels spécifiques à la région considérée : il est bien entendu par exemple que le textile est un enjeu spécifique à la région Nord mais pas à l'ensemble de nos régions.
Je vous propose de prévoir un point d'étape mi-décembre pour présenter le diagnostic commun aux ateliers régionaux et au comité national.
Au début du mois de février 2010, une grande Convention nationale conclura les Etats généraux.
Elle réunira l'ensemble des acteurs qui ont bien voulu s'y associer et permettra de faire la synthèse des propositions des ateliers régionaux, du comité national et de celles recueillies par Internet.
Il sera temps alors pour le Président de la République, en s'appuyant sur ce travail de fond réalisé collectivement, de présenter la nouvelle politique industrielle de la France.
Mesdames, Messieurs,
Les Français le pressentent...
Nous nous trouvons aujourd'hui à l'aube d'une nouvelle révolution industrielle.
La crise que traverse notre pays obscurcit les enjeux. Elle brouille nos repères traditionnels.
Elle change l'ordre de nos valeurs. Elle ébranle nos certitudes.
L'inquiétude, la peur du lendemain envahit les foyers de nombreux Français qui souffrent des effets de la crise.
Que va-t-il se passer pour nos emplois ?
Serons-nous en mesure d'assurer à la génération suivante, c'est-à-dire à nos enfants, un niveau de vie au moins égal au nôtre ?
Pourrons-nous encore dans nos territoires vivre de notre travail ?
Pourrons-nous faire face dans la dignité à toutes nos obligations ?
Toutes ces questions, beaucoup de Français se les posent.
Ils veulent des réponses et c'est parfaitement légitime.
Ces réponses, c'est au politique de les leur fournir.
C'est au politique de leur proposer des solutions.
C'est au politique de leur montrer une voie qui est celle de l'avenir.
Car le monde dans lequel nous entrons n'est pas celui qu'on nous avait prédit.
Un monde de services. Un monde sans usines. Un monde interconnecté.
Un monde où les savoir faire acquis par des générations d'ouvriers, de techniciens, d'artisans devait céder la place à la machine et à l'ordinateur.
L'homme doit être placé au centre de la nouvelle révolution qui s'annonce.
L'ère post industrielle n'est pas advenue. Cette idée reçue n'est pas seulement une idée fausse, c'est une idée dangereuse.
L'industrie reste aujourd'hui et pour longtemps encore le facteur de richesse et de développement d'un pays. C'est un facteur de cohésion dans nos territoires.
Une grande nation, c'est d'abord une grande nation industrielle. Nous devons redonner le goût de l'industrie à nos étudiants. Nous devons leur montrer que l'industrie, c'est le choix du réel mais aussi du dynamisme.
Notre modèle industriel n'a pas atteint ses limites.
Il est parfaitement capable de s'adapter avant de prendre un nouvel élan et fabriquer un nouveau style de croissance.
Je vous le dis comme je le pense.
Pour l'industrie française, il n'existe pas d'autre alternative que celle de rester dans le mouvement de l'innovation et de la recherche.
Pour l'industrie française, il n'existe pas d'autre choix que celui de se réformer en permanence pour être en mesure de précéder les tendances ou mieux de les inventer.
C'est là au fond le programme ambitieux que s'assignent les Etats Généraux de l'Industrie.
C'est vous dire quelle est mon impatience de vous y retrouver pour débattre et refonder ensemble la nouvelle politique industrielle de la France.
Je vous remercie.
Source http://www.industrie.gouv.fr, le 15 octobre 2009
Le 3 septembre 2009, le Président de la République a adressé aux Français un message fort.
L'industrie doit être de nouveau au coeur de notre politique économique.
C'est une nécessité à un double titre.
C'est grâce à l'industrie que nous allons faire redémarrer notre économie et sortir enfin de la crise en étant beaucoup plus forts que nous y sommes entrés.
Mais plus encore, l'industrie est la condition de notre avenir, de l'avenir des ouvriers, de l'avenir de nos territoires, de l'avenir de notre modèle social.
Nous entrons dans une ère nouvelle, une ère résolument tournée vers le développement durable où l'homme sera au centre de toutes les politiques.
Le New Deal industriel qui se prépare, la nouvelle donne industrielle que je vous propose aujourd'hui de préparer ensemble génèrera bientôt, vous pouvez en être sûrs, un nouveau pacte social.
Cette révolution - car c'en est une - pénètrera partout.
Dans les foyers. Dans les bureaux. Dans les usines... Jusques et y compris dans les classes de nos enfants...
Elle bouleversera les usages, les rapports que nous entretenons les uns avec les autres.
Chaque fois, elle s'appuiera sur l'innovation, sur la recherche, sur la création.
L'innovation, c'est le moteur de la révolution industrielle qui s'annonce.
L'enjeu des Etats Généraux de l'Industrie, c'est précisément de l'organiser afin que demain nous soyons capables de maîtriser notre destin industriel.
Mesdames, Messieurs,
Si j'ai tenu à vous réunir ici à Bercy, vous qui êtes tous à différents titres les acteurs du monde industriel, vous sur qui repose le destin de l'industrie française, c'est d'abord pour vous faire part de ces convictions.
Je veux plus particulièrement saluer les représentants de nos grandes centrales syndicales qui ont compris l'intérêt de cette démarche et qui ont choisi d'engager avec l'ensemble des participants un dialogue constructif.
Si je vous ai réuni, c'est aussi pour vous convaincre que nous nous trouvons à un tournant de notre histoire industrielle et que ce tournant est beaucoup plus qu'une simple transformation.
C'est enfin pour vous indiquer quelques-unes de mes propositions pour préparer, avec l'ensemble de ses acteurs, les temps nouveaux de notre industrie.
Le lieu de notre rencontre d'aujourd'hui ne doit rien au hasard.
Nous sommes ici à Bercy, le bras économique de l'Etat, ce qui est une manière de souligner son engagement pour définir, mettre en oeuvre et accompagner une politique industrielle nouvelle pour la France.
Trop longtemps, l'Etat s'est tenu à l'écart préférant laisser aux forces du marché le soin d'organiser notre avenir.
Trop longtemps, l'Etat s'est abstenu de fixer un cap.
Trop longtemps, l'Etat s'est refusé à assumer une grande ambition pour notre industrie.
Cette période, je vous le dis, est désormais révolue.
C'est ce qu'a voulu marquer le Président de la République en recréant au sein du Gouvernement un ministère de plein exercice chargé de l'Industrie.
La France doit se remettre très vite à l'heure industrielle.
La France industrielle doit trouver en elle-même les moyens de relever les défis qui déjà lui font face.
Aujourd'hui, je fais appel à vous pour que nous soyons ensemble les architectes de ce renouveau.
Ensemble, imaginons les conditions qui permettront de faire éclore les nouveaux champions industriels, les talents qui valoriseront nos savoir faire et la qualité française.
Pour y parvenir, cherchons ensemble à bâtir une stratégie qui recueille le plus large consentement.
Comment le faire si ce n'est en nous adressant d'abord à ceux qui « font » l'industrie française, les ouvriers, les agents de maîtrise, les salariés, les responsables, les élus, tous ceux qui se battent sur tous les marchés pour faire reconnaître et gagner l'excellence française ?
Comment le faire si ce n'est en écoutant les propositions des acteurs du modèle industriel français : les fédérations, les partenaires sociaux, les dirigeants des grandes entreprises industrielles et des PME-PMI, les pôles de compétitivité... bref, tous ceux qui sont engagés dans la cause industrielle ?
Réussir la plus large consultation possible, associer le plus grand nombre d'acteurs, analyser toutes les propositions pour, à partir d'un diagnostic partagé, dessiner une nouvelle politique industrielle.
Voilà, Mesdames, Messieurs, quel est le but des Etats Généraux de l'Industrie....
Il va de soi que je serai le premier à m'impliquer dans ces débats.
J'y consacrerai toute mon énergie en me rendant dans nos territoires à la rencontre de tous ceux qui s'engagent dans cette démarche et qui veulent y participer.
Tout est complètement ouvert. Tout est sur la table.
Cependant, je sais bien que cette manière de faire peut surprendre...
Cela fait au moins vingt ans que l'on n'a pas osé procéder de cette manière dans le domaine industriel ... !
On s'est habitué dans notre pays à ce que ce soit l'Etat qui fasse tout.
Les propositions, les politiques, la mise en oeuvre des mesures .... sans jamais prendre le temps d'écouter vraiment les acteurs du monde industriel ou alors un petit nombre restreint, toujours issu des mêmes cercles éloignés du terrain et qui n'ont d'autre vision que celle de la pensée industrielle unique.
C'est à cela que le Président de la République veut mettre un terme.
C'est difficile. Je sais.
On ne l'a jamais fait. Je sais.
Et bien, c'est justement parce que c'est difficile que nous, nous allons oser, nous allons le faire ...
Nous allons le faire parce que les temps exceptionnels appellent des méthodes nouvelles, des méthodes exceptionnelles.
Alors comment ?
D'abord, il nous faut dresser l'état des lieux, établir les éléments de contexte et faire un certain nombre de constats.
I - Sur le contexte actuel de notre industrie, je ferai quatre remarques.
La première, sur le plan conjoncturel, la crise financière, née aux Etats-Unis, s'est maintenant propagée à toute l'économie.
Même si nous commençons à observer une certaine remontée depuis quelques mois, en un an la production industrielle française a reculé de près de 15%, ce qui ne s'est jamais produit depuis que l'on mesure cet indicateur dans notre pays.
La seconde remarque, sur le plan structurel, notre industrie est en perte de compétitivité.
C'est un fait.
Notre poids dans les exportations européennes a chuté de 25% en moins de 10 ans.
Notre retard sur l'Allemagne, la référence industrielle en Europe, s'est creusé. Ce n'est pas un hasard.
La taille de nos PME/PMI est loin d'atteindre la masse critique qu'ont atteinte les entreprises allemandes.
Nos PME - notamment les entreprises sous-traitantes - restent encore sous-capitalisées et insuffisamment soutenues par les grands donneurs d'ordre.
La troisième remarque, l'ensemble de nos filières industrielles sont engagées dans une mutation profonde en particulier face au défi que représente la réduction de nos émissions de CO2.
Enfin la quatrième, le modèle économique idéalisé du marché autorégulé s'achève.
On a vu ce qu'a produit l'autogestion dans laquelle s'est installé le système financier international.
Les différents sommets du G20, celui de Londres en avril et de Pittsburgh en septembre ont souligné la nécessité d'un retour à une forme plus appuyée d'encadrement des activités financières.
C'est dans ce contexte, que notre industrie est appelée à relever trois défis majeurs :
L'augmentation de la part des produits innovants dans nos productions industrielles (a) ;
Le renforcement de notre effort dans le domaine de la R&D (b) ;
... et enfin la mutation vers un modèle qui privilégie le développement durable (c).
a - l'innovation, y compris l'innovation non-technologique, c'est la clé du succès à long terme de nos entreprises industrielles.
Certains secteurs, comme la chimie de base ou les industries des biens de consommation (textile, habillement, cuir, arts de la table, électroménager, jouets ...) sont aujourd'hui très fortement concurrencés par les pays à bas coûts de main d'oeuvre, notamment la Chine.
A mes yeux, cela ne veut pas dire que ces secteurs industriels sont condamnés.
Cela ne signifie qu'une chose. Ces secteurs doivent s'adapter.
A terme, les activités à forte valeur ajoutée comme la conception, le design et le développement prendront la place de certaines productions industrielles. L'industrie de luxe française relève déjà ce défi, comment faire pour que d'autres la rejoignent ?
L'exemple du secteur automobile doit nous faire réfléchir.
Ce secteur a mieux résisté à la crise que ses concurrents, notamment grâce à la prime à la casse et au plan automobile français qui a jeté les bases de l'avenir.
Les constructeurs français se développent fortement à l'international, mais leur principal débouché reste le marché européen, qui représente deux tiers de leurs ventes.
L'avènement demain des motorisations électriques, y compris hybrides, est déjà un enjeu majeur pour la survie du secteur automobile.
Notre capacité à innover et à être leader dans ce domaine sera cruciale pour le maintien de nos capacités industrielles.
Cette question est d'ordre stratégique.
Voilà pourquoi l'Etat a voulu soutenir fortement les constructeurs mais aussi l'ensemble de la filière pour assurer le développement des véhicules électriques et de batteries en France, avec Renault à Flins, Smart à Hambach, ou encore PSA à Mulhouse...
b - Ensuite, il faut renforcer notre effort de R&D en France et en Europe. Il faut intensifier les liens entre les systèmes de recherche publics et privés. Il faut enfin accentuer nos efforts de coordination en matière de recherche et d'innovation.
C'est à mes yeux une condition essentielle pour préserver le dynamisme et le leadership acquis par notre industrie dans la compétition internationale.
Les meilleurs centres de recherche d'Europe doivent collaborer étroitement avec nos pôles de compétitivité afin, d'une part, d'éviter les doublons et, d'autre part, de créer une masse critique favorisant l'émergence de technologies de rupture.
La politique des pôles de compétitivité que j'ai mise en oeuvre en 2005 doit y contribuer.
Je veux que nous puissions aller plus loin.
Pour les soutenir, l'Etat a décidé d'affecter 1,5 milliard d'euros sur 3 ans (2009-2011) à une seconde phase avec au coeur de cette dynamique, un fort soutien dans le domaine de la R&D.
Pour ma part, je souhaite la création d' « interpôles de compétitivité » dotés d'objectifs précis et soumis à l'évaluation.
Parmi les champs d'application possible, on pourrait par exemple citer le domaine des écoindustries, celui des énergies renouvelables, les systèmes de production propres ou encore la gestion et le traitement de l'eau.
Je souhaite enfin que nous passions d'une « politique de branche » à une « politique de filière ».
Il est grand temps. Il est urgent de favoriser le décloisonnement entre branches, de dépasser le chacun pour soi.
C'est la base du nouveau paradigme industriel, une manière radicalement nouvelle d'approcher la question industrielle en France.
Je veux qu'ensemble nous prenions le risque de bousculer la « bienpensance » industrielle, renverser les situations acquises qui n'ont pas produit les résultats que nous étions légitimement en droit d'attendre.
Il est temps de faire souffler sur notre industrie un vent d'air frais d'idées nouvelles ....
c - L'industrie française, mais aussi l'industrie européenne dans son ensemble, doit effectuer sa mutation vers un modèle qui privilégie le développement durable.
L'Europe a un très grand rôle à jouer ici. Il ne peut pas simplement y avoir une Europe des services ou de la concurrence. Il ne peut pas y avoir de grand dessein industriel qui occulte la dimension européenne. Il faut saluer la présence du terme si longtemps tabou de « politique industrielle » dans le discours de M. Barroso devant le Parlement européen. Il pourra compter sur la France pour bâtir dans les actes cette politique industrielle européenne.
Notre pays doit être à l'avant-garde. Nous devons réussir à concilier l'excellence industrielle et l'écologie responsable. C'est le grand défi des temps qui viennent.
Tout retard dans notre capacité à prendre ce virage se paiera, n'en doutez pas un seul instant, au prix fort.
La pérennité de l'existence en France d'un secteur industriel fort se joue en grande partie sur cette question.
C'est bien la raison pour laquelle nous jetons déjà les bases d'une économie éco-efficiente.
Aujourd'hui, les nouvelles technologies de l'énergie et les écotechnologies représentent un extraordinaire potentiel de croissance et d'activité.
La demande des consommateurs s'adresse de plus en plus à ce type de produits. Selon les prévisions, les éco-industries peuvent représenter à l'horizon de 2020 une augmentation de l'activité directe en France d'environ 50 milliards d'euros par an et 280.000 nouveaux emplois.
Voilà Mesdames, Messieurs quels sont les termes des questions qui se posent à nous avant même la tenue des Etats généraux.
Nous pouvons être d'accord sur le constat de nos faiblesses en matière industrielle.
Nous pouvons être d'accord sur l'importance des défis à relever, au premier rang desquels figure l'exigence d'arriver à concilier l'excellence industrielle et la responsabilité environnementale.
Mais voyez-vous la difficulté, ce n'est jamais d'annoncer une révolution, même et surtout, une révolution industrielle.
La seule difficulté c'est d'arriver à la faire.
Ma conviction, c'est que nous avons les moyens, tous ensemble, de dire comment elle se fera.
Pour ma part, jamais je ne me résignerai à attendre que les choses se passent sans chercher à en infléchir le cours. Jamais je ne me résoudrai à me contenter de le subir et d'en prendre acte.
Je crois à la force de la volonté en politique.
Je crois que la France pourra continuer à occuper les premières places parmi les grandes nations industrielles si nous savons nous mobiliser pour relever le défi que représente cette révolution.
Qu'avons-nous à perdre à vouloir rester les meilleurs ?
La nouvelle politique industrielle durable n'opposera pas sécurité et prise de risque.
Pour qu'un entrepreneur puisse prendre des risques, il lui faut s'assurer d'un certain nombre de garanties fondamentales sur ses capacités de financement, sur la qualité et le fair-play des relations avec les donneurs d'ordre.
Un nouveau pacte économique et social pour doper l'innovation et la performance, voilà ce qui doit guider les Etats Généraux de l'Industrie que nous lançons aujourd'hui.
N'ayons pas peu de bousculer les habitudes, les conformismes.
N'ayons pas peur de renverser les totems de la pensée unique industrielle.
Parions sur la qualité et les savoir-faire (1.),
Parions sur le décloisonnement et la mise en oeuvre d'une véritable logique d'écosystème industriel (1. et 2.),
Parions sur l'ancrage territorial des outils de production et de R&D (3.),
- et enfin parions sur la modernisation du modèle social des PME/ PMI (4.)
C'est comme cela que nous libèrerons les énergies créatrices.
C'est de cette manière que nous créerons un climat favorable à l'innovation. (5.).
Il faut remettre les savoir-faire au coeur de la stratégie industrielle.
Que se passe-t-il aujourd'hui ?
Les grands groupes ont tendance à se concentrer essentiellement sur la conception et la commercialisation.
On externalise de plus en plus la production. Soit chez des sous-traitants nationaux qui doivent s'aligner sur les exigences de plus en plus grandes des directions d'achat en termes de coûts.
Soit par la délocalisation vers des sociétés à bas coût de production et de main d'oeuvre.
Trop souvent, sous la pression des acheteurs, les sous-traitants français se saignent à blanc avant, eux-mêmes, de se voir contraints de délocaliser en Europe de l'Est, en Afrique du Nord, en Asie...
Ce sont autant de PME/ PMI qui ferment. Cela veut dire plus de chômage, plus de désespérance sociale et au bout du compte la désertification économique dans nos territoires.
Or les donneurs d'ordre ne mesurent pas toujours combien cette « politique » les met en réalité eux-mêmes en danger.
La perte de proximité, c'est de la réactivité en moins.
Dans les deux cas cela signifie la perte des savoir-faire, la chute de la valeur-ajoutée, la fin de ce qui permet de se différencier de la concurrence sur les marchés porteurs.
Tout le monde, au bout du compte, est perdant.
Cette politique, c'est une politique de traders. Ce n'est pas une politique industrielle. Comme pour les traders, cela revient à accepter la tyrannie du court terme. C'est n'avoir aucune vision du long terme. On voit avec les traders jusqu'où cela peut nous mener ...
Vous voulez un témoignage édifiant de l'inefficacité des stratégies qui ont été mises en place jusqu'à présent. Regardez notre balance commerciale.
La France est structurellement déficitaire.
La balance commerciale de l'Allemagne, le plus grand pays industriel européen, est structurellement et fortement bénéficiaire.
Les écarts de coûts du travail et de fiscalité n'expliquent pas cet écart de performance. Ce qui l'explique principalement, c'est que l'Allemagne a réussi le pari de relations gagnantes-gagnantes entre grands groupes et PME/PMI et l'investissement massif sur la qualité de la conception, de la production, de la commercialisation.
Dès lors, je fais une proposition.
Les Etats Généraux de l'Industrie sont une occasion unique de refonder les relations entre les grands groupes et les PME/ PMI, de mettre un terme à l'insupportable relation de dominant-dominé entre les donneurs d'ordre et la sous-traitance en France.
Nous devons aussi enfin donner à nos PME les moyens de se développer. Il y a en France un plafond de verre autour de 500 salariés. Il n'est pas normal que nous ayons si peu d'établissements de taille intermédiaire.
Nous devons passer à une logique d'écosystème et de partenariat, la seule logique qui permette la performance économique et sociale durable pour tous.
Je veux que les entreprises acceptent enfin de sortir du diktat de la direction des achats.
La compétitivité des grands groupes ne se résume pas à la seule compétitivité par les coûts : la qualité des hommes et leur savoir-faire, des produits intermédiaires et finis, de l'assemblage, la réactivité comptent plus encore que le marketing et la communication.
Certains industriels ont commencé à ouvrir les yeux. Ils ont choisi d'adopter une autre attitude. Ils ont compris qu'il fallait passer à une stratégie d'ensemble plus efficace.
Cette nouvelle attitude, c'est celle que nous exigeons nous-mêmes des constructeurs automobiles en contrepartie du soutien de l'Etat. C'est donnant-donnant. C'est gagnant-gagnant.
Voyez également ce qui se passe chez certains grands donneurs d'ordre dans les industries de la mode et du luxe.
En 1900, Paris comptait plus de 300 plumassiers. En 1960, ils n'étaient plus que 50 ; en 2006, ils sont moins de 5.
Ces savoir-faire de très haut-niveau sont ce qui a permis aux grands industriels du luxe et de la mode français de faire la différence par rapport à tous leurs concurrents.
Qu'arrivera-t-il si nous ne faisons rien pour préserver ces savoir-faire ?
Je vais vous le dire.
C'est un enchaînement infernal. C'est la mort de ces sous-traitants à court terme, le déclin des grands groupes de la mode et du luxe à moyen et long terme.
Il ne s'agit pas de revendiquer entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants des relations exclusives.
Il ne s'agit pas non plus d'une forme déguisée d'intégration verticale.
Rien de tout cela.
Ce dont il s'agit c'est, en fait, d'une vraie politique partenariale.
Cette logique de partenariat gagnant-gagnant peut prendre d'autres formes mais elle doit se démultiplier au point de redevenir la norme.
Les pays avancés doivent se tourner vers l'économie de l'intelligence pour éviter de sombrer face aux économies émergentes caractérisées par la faiblesse du coût de leur main d'oeuvre.
Pour autant, cela ne signifie pas que nous devons abandonner nos outils de production.
Cela veut tout simplement dire que nous devons les rendre plus performants et que nous devons miser sur une main d'oeuvre toujours plus qualifiée.
Je ne crois pas seulement à l'intelligence de l'esprit mais aussi à celle du tour de main.
La qualité de la production peut nous permettre de gagner des marchés autant que celle de la conception.
Il faut changer notre approche de la politique industrielle. Il faut passer d'une « politique par secteur » à une « politique d'écosystème autour de grands projets ».
Les Etats généraux vont nous permettre de créer les bases d'une « entreprise France » où nous allons identifier et prioriser les grands projets transversaux sur lesquels il nous faudra profiter des synergies, sur lesquels il nous faudra mettre le paquet, et enfin sur lesquels il nous faudra mobiliser tous les acteurs, entreprise, recherche, université, Etat.
Prenons l'exemple du projet « automobile verte ».
C'est le projet structurant, c'est le projet porteur de croissance et d'emploi des 30 prochaines années.
« L'automobile verte ».
Voilà un projet qui doit entrainer et mettre en cohérence des secteurs aussi variés que la métallurgie, la plasturgie, la mécanique, la chimie, les nouveaux matériaux, le textile technique, l'énergie... du plus petit des sous-traitants à la multinationale.
Prenons maintenant l'exemple de la micro-nanoélectronique.
Au-delà de la référence que constitue l'écosystème de Grenoble-Crolles sur lequel je me suis rendu, les sites français de production et de conception dans ce domaine forment un tissu industriel d'une grande richesse.
Pour rester compétitifs, ils doivent se positionner pour répondre aux besoins des applications émergentes que sont les transports, la santé, la sécurité ou encore l'énergie, en exploitant pleinement la diversification des composants de la micro-nanoélectronique.
On ne doit plus faire de politique en silos, avec des oeillères, mais par grands projets structurants où l'ensemble des compétences et des expertises sont mobilisées.
Je propose que le Fonds stratégique d'investissement soit un des fers de lance de cette stratégie politique.
Cette nouvelle approche vaut particulièrement pour les pôles de compétitivité.
Je propose le lancement de « projets interpôles » qui répondront à des besoins économiques et sociaux lisibles pour tous.
Il faut mobiliser davantage encore les pôles sur les projets transversaux les plus stratégiques pour notre industrie (énergies durables, nouveaux matériaux, biotechnologies, véhicule électrique,...).
Par exemple l'industrie de la santé, si importante en France, doit opérer une mutation décisive.
Il faut l'aider à réussir sa réorientation sur les biotechnologies et les bio-médicaments qui représentent aujourd'hui une part de 8 % sur le marché pharmaceutique mondial. Cette part ne fait d'ailleurs qu'augmenter. Les produits biologiques représentent maintenant environ 30 % des nouveaux médicaments enregistrés chaque année par les agences réglementaires.
Les aides au financement de l'Etat doivent donc se concentrer en priorité sur les projets structurants à fort potentiel de croissance.
Le Grand emprunt national peut constituer un instrument utile pour venir appuyer cette stratégie notamment s'agissant de secteurs comme la fibre optique, la micronano??lectronique ou encore le « cloud computing » (l'informatique en nuages)
Il est temps enfin de mettre un terme au saupoudrage qui ne crée aucune dynamique, aucun élan.
Le saupoudrage, c'est la solution de facilité.
En aucun cas, ce n'est la solution de l'efficacité.
Et donc, l'Etat doit jouer pleinement son rôle en incitant aux bonnes pratiques.
Il est par conséquent tout à fait légitime que les projets qui associeront les pôles d'un même secteur puissent bénéficier d'une bonification des aides.
Les Etats Généraux de l'Industrie sont également le moyen de gagner le pari l'ancrage territorial des outils de production et de R&D.
La stratégie simpliste de compression des coûts des fournisseurs n'est pas, je le répète, une stratégie viable sur le long terme.
C'est une vision à courte vue.
La conséquence de cette erreur se paie toujours au prix humain et industriel le plus fort.
On prend conscience aujourd'hui que les coûts de transport, la moindre qualité de la production, la moindre qualité de formation des hommes, les ruptures de la chaîne logistique, la faiblesse des infrastructures de transport localement,...peuvent annuler à moyen et à long terme les gains espérés à court terme.
De plus, le fait de produire loin pour vendre localement, c'est un contresens et un vrai désastre en termes environnemental avec des coûts écologiques de transport qui ne sont plus tolérables.
Je propose que l'on étudie les moyens financiers et fiscaux incitant à la relocalisation de la production et la R&D dans notre pays.
Dans le respect des règles communautaires bien entendu car l'Europe elle-aussi est un acteur majeur dans une stratégie efficace de reconquête industrielle, cela pourrait prendre la forme, par exemple, de primes à la relocalisation financées par l'Etat, variables en fonction des montants des investissements et du volume d'emplois recréés.
Une telle mesure ne constituerait pas seulement un dispositif financier incitatif.
Cela pousserait nos entreprises à changer leurs idées préconçues actuelles et à embrasser une vision plus large.
La production et la R&D en France est parfaitement compatible avec la performance de l'entreprise. Elle permet de gagner en qualité de savoir-faire et en qualité environnementale.
C'est cette révolution culturelle et managériale que je veux que nous opérions ensemble.
Les travaux des Etats généraux devront replacer les hommes au coeur de la stratégie industrielle. Je veux que nous parvenions ensemble à moderniser le modèle social industriel.
Je propose une piste pour les PME/ PMI de moins de 100 salariés, qui sont les plus nombreuses dans notre pays et souvent aussi les plus fragiles : il me paraît intéressant de développer le modèle de l'entreprise coopérative dont les salariés détiennent une majorité du capital.
Comprenons-nous bien.
Ces PME/ PMI sont toujours dirigées par un chef d'entreprise en charge de la stratégie, il ne s'agit pas du tout de collectivisme !
Soyons tout à fait clairs.
Ces entreprises sont là pour innover. Elles sont là pour se développer et gagner de l'argent.
Il ne s'agit pas de créer en France des kolkhozes !
Le statut de « co-entrepreneur » ajoute une motivation supplémentaire au travail des salariés. Il les implique dans la performance économique de long terme de l'entreprise coopérative.
Cette dimension collective, respectueuse des valeurs et des hommes, voilà ce qui peut constituer un facteur de dynamisme et d'épanouissement extraordinaire.
Aujourd'hui ce type de structure représente déjà près de 10 000 emplois dans des PME/ PMI de 30 personnes en moyenne.
Ce modèle est parfaitement adapté aux secteurs les plus dynamiques et les plus innovants : certaines entreprises sont déjà des références par exemple dans la fibre optique, dans l'isolation thermique, ou encore la mécanique de précision.
C'est également un outil du patriotisme économique.
Pourquoi ne pas le dire ?
Le patriotisme, ce n'est pas un gros mot même lorsqu'on l'applique à nos entreprises.
Bien sûr, nous souhaitons la venue chez nous de nouvelles entreprises.
Les entreprises étrangères qui viennent en France en raison de la qualité de nos ouvriers, de la qualité de nos savoir faire, de la qualité de nos infrastructures et de notre système de formation, seront toujours les bienvenues.
C'est bien pour cela que nous renforçons l'attractivité de nos territoires.
Mais cela ne doit pas nous empêcher de dire que nous voulons que les entreprises françaises gagnent et qu'elles soient des champions sur leurs marchés.
Alors si la détention majoritaire du capital par les salariés permet de préserver ces entreprises qui sont régulièrement menacées par des fonds étrangers avides de gain à court terme et destructeurs d'emplois, qui, je vous le demande, aurait des raisons de s'en plaindre !
Dans l'entreprise coopérative, le fait qu'une part significative des bénéfices ne soit pas distribuée mais préservée, c'est intéressant pour les fonds propres et les capacités de financement, et nous savons combien cette question est cruciale pour permettre le rebond de notre industrie.
Refonder le modèle économique et social de l'industrie, c'est la condition préalable pour réussir à dégripper les rouages, casser les blocages et déclencher un effort massif en faveur de l'innovation qui, chacun le sent bien, sera l'accélérateur de la sortie de crise.
La recherche fondamentale française est bonne. Nos chercheurs sont réputés.
Mais chacun le sait bien, à part de trop rares exceptions, les innovations de rupture celles qui tirent la croissance et l'emploi, ne sont pas notre point fort.
Moi je veux que l'on aide les entreprises et la recherche à être plus performants sur le « D » de la R&D.
Je souhaite que notre recherche soit orientée vers l'innovation de rupture et la création de produits phare.
C'est aussi comme cela que l'on fera en sorte que l'intelligence française reste en France.
Les centres de R & D doivent rester ici. Les meilleurs doivent venir et rester chez nous !
C'est la raison pour laquelle, je veux aussi que l'on réfléchisse à la mise en place d'un « crédit d'impôt innovation », qui viendrait compléter l'actuel Crédit d'impôt recherche (CIR).
Ce nouveau dispositif aurait l'avantage de couvrir des dépenses que les entreprises, notamment les PME, considèrent souvent comme des dépenses de R&D, mais qui ne sont pas prises en compte par le CIR, aujourd'hui plus axé sur la recherche fondamentale.
Je souhaite en outre que l'on étudie la possibilité de retenir une définition du prototype permettant d'inclure les dépenses liées au design dans le champ d'application du crédit d'impôt.
On ne l'a pas suffisamment compris en France : le design industriel est un puissant vecteur de compétitivité et de performance. Les succès des smart phone et de l'i-phone doivent au moins autant à l'ergonomie qu'au modèle économique !
C'est grâce à l'innovation que nous allons pouvoir repositionner notre appareil industriel sur les éco-industries.
L'industrie a réduit ses émissions de CO2 de près de 30 % sur les 20 dernières années. Il faut le dire et aussi le saluer.
L'écologie ne doit pas être vécue comme une contrainte pour l'industrie. Tout au contraire, l'écologie, c'est l'avenir de l'industrie.
Des solutions nouvelles, imaginatives aux problèmes d'environnement vont nous être apportées par l'industrie : de nouveaux équipements, de nouveaux matériaux, une chimie plus tournée vers l'écologie.
Tout cela représente de nouveaux marchés et donc du chiffre d'affaires qui se profilent à un horizon proche.
Les écotechnologies représentent un potentiel de 50 Mds euros d'activité à horizon 2020 et de 280 000 nouveaux emplois.
L'enjeu est donc considérable.
C'est pourquoi il faut accentuer encore nos efforts en matière de réduction des émissions de CO2 à travers les énergies renouvelables, les systèmes de production propres, la gestion et le traitement de l'eau, les technologies de dépollution.
Mais aussi à travers l'utilisation des technologies du numérique : par la dématérialisation des échanges, par l'optimisation des flux matériels, par une gestion plus intelligente de l'énergie, nous pourrons parvenir à une réduction massive de l'impact environnemental de l'activité humaine.
Je propose d'étudier la mise en oeuvre de prêts verts bonifiés au profit de l'investissement dans les processus industriels les plus respectueux de l'environnement, de l'éco-conception jusqu'au recyclage en passant par les outils de production.
Un constat. Des défis à relever. Des propositions.
Ces trois thèmes doivent servir de point de départ des débats qui se tiendront dans le cadre des Etats généraux.
J'ai rencontré les principaux partenaires sociaux salariés et patronaux, et fédérations industrielles et nous nous sommes mis d'accord sur les principes d'organisation, le contenu et le calendrier de ces Etats généraux.
Ils se dérouleront de la fin de ce mois à début février 2010 selon trois axes :
- un axe national,
- un axe régional,
- et enfin un axe participatif via un site internet dédié.
J'en attends - je ne vous le cache pas - une effervescence extraordinaire, un moment qui doit marquer l'histoire de notre secteur industriel.
Ce sera en effet la première fois qu'une stratégie industrielle nationale sera issue de nos forces vives dans les territoires.
Concrètement.
Dès la fin de ce mois, un Comité national des Etats Généraux de l'Industrie (CNEGI) sera institué.
Il associera de grands groupes industriels et PMI innovantes couvrant l'ensemble des secteurs industriels, les partenaires sociaux nationaux, des fédérations industrielles, des organismes de recherche publics et privés, des investisseurs, des parlementaires, le Conseil économique et social, des personnalités qualifiées, des représentants de « think tank », des économistes, des consultants, des sociologues, des architectes,...
Pour orienter et organiser les travaux, des groupes de travail thématiques seront constitués.
Cinq thèmes transverses seront traités en parallèle, ce qui constitue un gage de confrontation des idées et d'enrichissement mutuel des analyses, tant au niveau national que régional :
- Innovation et entrepreneuriat : Comment promouvoir une R&D d'innovation de rupture ?
Comment mieux diffuser l'innovation ? Comment améliorer la création et de la transmission d'entreprise ? Comment favoriser la transformation des PME en ETI ?
- Politique de filière, décloisonnement et partenariats : Comment refonder les relations donneurs d'ordres / sous-traitants ? Quel écosystème pour améliorer le développement international ?
- Emploi et formation : Comment assurer la pérennité et développement de l'emploi industriel ? Quels enjeux pour la formation et l'accompagnement social ?
- Compétitivité et croissance verte : Comment actionner tous les leviers de la compétitivité que ce soit en termes de processus ou de modernisation de l'outil de production ? Comment améliorer la productivité en respectant l'environnement ?
- Accès au financement : Quels besoins en termes de capital risque ? Quelles mesures complémentaires sur les fonds propres ? Quelles simplifications des structures d'aides actuelles ?
En plus des cinq thèmes transverses, cinq thèmes sectoriels seront travaillés :
- les produits intermédiaires et industries « énergivores » (secteurs de l'énergie, de l'environnement, de la chimie, nouveaux matériaux,...) ;
- les matériels de transports (automobile, ferroviaire, aéronautique, espace, nautisme, cycle,...) ;
- la santé (e-santé, dispositifs médicaux, médicaments et biotechnologies) ;
- les TIC (télécommunications et systèmes d'information, logiciel embarqué, contenus ...)
- les biens de consommation (agroalimentaire, habillement, luxe,...)
Au niveau régional, dès la mi-novembre, les préfets de région organiseront, avec l'appui des commissaires à la ré-industrialisation, des ateliers de travail en collaboration avec les services déconcentrés DRIRE et DIRRECT, les Chambres de commerce et d'industrie.
Ces ateliers régionaux réuniront localement les principaux acteurs de l'industrie organisés dans chaque région : PME/ PMI, pôles de compétitivité, partenaires sociaux locaux, fédérations industrielles, recherche, université, collectivités territoriales, élus, financeurs.
Un groupe de travail étudiera également les enjeux sectoriels spécifiques à la région considérée : il est bien entendu par exemple que le textile est un enjeu spécifique à la région Nord mais pas à l'ensemble de nos régions.
Je vous propose de prévoir un point d'étape mi-décembre pour présenter le diagnostic commun aux ateliers régionaux et au comité national.
Au début du mois de février 2010, une grande Convention nationale conclura les Etats généraux.
Elle réunira l'ensemble des acteurs qui ont bien voulu s'y associer et permettra de faire la synthèse des propositions des ateliers régionaux, du comité national et de celles recueillies par Internet.
Il sera temps alors pour le Président de la République, en s'appuyant sur ce travail de fond réalisé collectivement, de présenter la nouvelle politique industrielle de la France.
Mesdames, Messieurs,
Les Français le pressentent...
Nous nous trouvons aujourd'hui à l'aube d'une nouvelle révolution industrielle.
La crise que traverse notre pays obscurcit les enjeux. Elle brouille nos repères traditionnels.
Elle change l'ordre de nos valeurs. Elle ébranle nos certitudes.
L'inquiétude, la peur du lendemain envahit les foyers de nombreux Français qui souffrent des effets de la crise.
Que va-t-il se passer pour nos emplois ?
Serons-nous en mesure d'assurer à la génération suivante, c'est-à-dire à nos enfants, un niveau de vie au moins égal au nôtre ?
Pourrons-nous encore dans nos territoires vivre de notre travail ?
Pourrons-nous faire face dans la dignité à toutes nos obligations ?
Toutes ces questions, beaucoup de Français se les posent.
Ils veulent des réponses et c'est parfaitement légitime.
Ces réponses, c'est au politique de les leur fournir.
C'est au politique de leur proposer des solutions.
C'est au politique de leur montrer une voie qui est celle de l'avenir.
Car le monde dans lequel nous entrons n'est pas celui qu'on nous avait prédit.
Un monde de services. Un monde sans usines. Un monde interconnecté.
Un monde où les savoir faire acquis par des générations d'ouvriers, de techniciens, d'artisans devait céder la place à la machine et à l'ordinateur.
L'homme doit être placé au centre de la nouvelle révolution qui s'annonce.
L'ère post industrielle n'est pas advenue. Cette idée reçue n'est pas seulement une idée fausse, c'est une idée dangereuse.
L'industrie reste aujourd'hui et pour longtemps encore le facteur de richesse et de développement d'un pays. C'est un facteur de cohésion dans nos territoires.
Une grande nation, c'est d'abord une grande nation industrielle. Nous devons redonner le goût de l'industrie à nos étudiants. Nous devons leur montrer que l'industrie, c'est le choix du réel mais aussi du dynamisme.
Notre modèle industriel n'a pas atteint ses limites.
Il est parfaitement capable de s'adapter avant de prendre un nouvel élan et fabriquer un nouveau style de croissance.
Je vous le dis comme je le pense.
Pour l'industrie française, il n'existe pas d'autre alternative que celle de rester dans le mouvement de l'innovation et de la recherche.
Pour l'industrie française, il n'existe pas d'autre choix que celui de se réformer en permanence pour être en mesure de précéder les tendances ou mieux de les inventer.
C'est là au fond le programme ambitieux que s'assignent les Etats Généraux de l'Industrie.
C'est vous dire quelle est mon impatience de vous y retrouver pour débattre et refonder ensemble la nouvelle politique industrielle de la France.
Je vous remercie.
Source http://www.industrie.gouv.fr, le 15 octobre 2009