Texte intégral
L. Bazin.- Bonjour L. Wauquiez.
Bonjour.
Secrétaire d'Etat à l'Emploi. On est dans une matinée très polémique, où le vent souffle fort autour de vos collègues du Gouvernement. On va commencer par F. Mitterrand, si vous le voulez bien. Après M. Le Pen, c'est B. Hamon qui lui a reproché hier un livre qu'il a publié en 2005, où il raconte ses expériences de touriste sexuel en Thaïlande, il le reconnaît, il le dit lui-même ; ça résonne évidemment curieusement avec l'affaire Polanski. Est-ce que F. Mitterrand, comme le demande notamment le Front national, mais comme le laisse penser l'attitude de B. Hamon, doit partir ?
Cette histoire, vous l'avez dit vous-même, c'est une histoire de 2005. Moi, je n'ai pas lu le livre, mais à l'époque...
Personne n'a lu ce livre ! Il y a 190.000 lecteurs, mais plus personne ne l'a lu aujourd'hui...
190.000, ce n'est pas 56 millions. A l'époque, ça avait déjà fait un débat. Ça me laisse un sentiment assez nauséabond que, comme par hasard, maintenant, ce soit réutilisé. Et je trouve qu'il y a un petit côté politique de fond de cuve. Ça me rappelle d'ailleurs un événement pendant les européennes, quand F. Bayrou avait utilisé contre Cohn- Bendit des pseudo déclarations qui avaient été faites dans les années 70. Et je pense que les Français n'aiment pas ça. Donc je pense que sur un sujet, qui est personnel, qui concerne personnellement F. Mitterrand, il faut qu'il s'explique, lui-même. Ce n'est à nous de nous expliquer à sa place, mais je n'aime pas cette politique de fond de cuve.
Mais vous le défendrez, vous défendez aujourd'hui le ministre Mitterrand. On entend que l'Elysée n'a pas souhaité par exemple monter au créneau, qu'on attend qu'il s'explique plus précisément lui-même, il n'y a pas un petit côté : "Vas-y toi, débrouille-toi maintenant avec ton livre " ?
Non, c'est-à-dire que précisément, comme je vous le dis, je trouve que je n'aime pas cette politique de fond de cuve, ce n'est pas le ministre qui est attaqué, c'est l'homme. Et donc ce que je pense important, c'est que F. Mitterrand, qui d'ailleurs avait lui-même sorti ça de lui-même - ce n'est pas quelque chose qu'on est allé chercher dans un fond de tiroir ou qui aurait été une investigation, c'est un livre qu'il a écrit de lui-même - donc je pense que c'est important qu'il puisse s'expliquer, et expliquer ce qui relève de sa sphère personnelle. Mais je n'aime pas, dans l'utilisation politique qui est faite par B. Hamon, ce côté fond de cuve. Et je pense qu'il ferait mieux de faire attention, parce que F. Bayrou a joué à ça, a joué à cette espèce d'instrumentalisation nauséabonde, et on a vu ce que ça a donné.
Vous ne m'avez pas répondu. Est-ce que s'il s'agit d'enfants, effectivement ? Il doit partir ?
Dans son livre, sauf à ce que je me trompe, il ne s'agit pas d'enfants, j'ai regardé les extraits, je n'ai pas lu le livre, c'est pour ça que je préfère avoir l'honnêteté de le dire, mais j'ai regardé les extraits, il ne s'agit pas d'enfants.
Le Président est cet après-midi dans l'Est de la France, il va aller à Woippy notamment, il sera aussi dans une usine Smart, mais tout le monde retient qu'il ne va pas chez Arcelor Mittal. Pourquoi ? Cela lui rappelle de mauvais souvenirs, c'est échec Gandrange ?
Là encore, enfin, juste si je prends deux secondes de temps d'arrêt, je m'occupe des sujets d'emploi, sur des sujets où chaque mois, je suis amené à essayer de faire en sorte de sortir de la difficulté 20 à 30.000 personnes de plus chaque mois sur lesquels on doit se battre pour leur trouver quelque chose, et ce type de polémique consistant à dire : il va à Woippy, il ne va pas à Gandrange...
C'est sa promesse, L. Wauquiez...
On va y revenir, on va y revenir. Premièrement, c'est un déplacement qu'il avait promis, qui était sur les restructurations militaires, les bases militaires qui sont fermées en Lorraine, parce que...
Ça, c'est Woippy...
Ça, c'est Woippy, une base sur laquelle, ce n'est quand même pas rien, il y avait 500 militaires, il y en a 200 qui vont partir, se battre pour voir comment, pour cette ville, on peut trouver un avenir. C'est un engagement qu'il a pris. Après, il y a un deuxième engagement, qui est celui sur Gandrange, avec les difficultés qu'on a eues chez Arcelor Mittal. Il a promis qu'il irait et il tiendra sa promesse...
Il ira...
Et il ira à Gandrange, ça, c'est très clair, c'est un engagement qu'il a pris...
Il ira quand ?
Il ira.
Il ira quand ?
Alors, après, il y a le travail de fond, qu'on a enclenché sur Gandrange. Ce qui compte quand même beaucoup plus, sur ce travail de fond, qu'est-ce que le président de la République a essayé d'obtenir, 1°) : d'abord, qu'il y ait des solutions de reclassement pour toutes les personnes de Gandrange, ça a été fait, il n'y a eu aucun licencié économique, et sur les chiffres qu'on a, on est à peu près aujourd'hui à 95, 97% des gens qui ont pu être reclassés et pour lesquels on a trouvé des alternatives. 2°) : il y avait le fait que, Arcelor fasse des investissements en Lorraine, ces investissements ont été faits ; il faut poursuivre, il faut être vigilant, mais ils ont été faits. 3°) : il y avait l'ouverture d'un centre de formation, très important, pour s'assurer qu'on n'est pas, là, sur un système où, petit à petit, on coupe les feux et on arrête tous les emplois en Lorraine. La formation, c'est l'avenir, c'est préparer les salariés de demain, c'est essentiel. Et puis, il y a une dernière bataille, c'est la recherche, et faire en sorte notamment que sur un système qui permet de faire de la capture de Co² sur les fours, Arcelor investisse en France. Sur ce sujet-là, sans le Président, on n'avait aucune chance, même que ce projet soit étudié...
Donc vous êtes en train de dire : le Président ira à Gandrange, mais pour annoncer de bonnes nouvelles quand le travail de fond sera effectué. On ne fait pas de la "com" avec Gandrange, voilà ce que vous dites ce matin...
Ce que je suis en train de dire, c'est que faire un déplacement pour faire un déplacement, ça ne sert à rien. Le président a promis qu'il irait, il a surtout promis qu'il s'occupait du dossier, il est dessus, c'est un dossier qu'on suit. Il n'y a eu aucun salarié...
Il y a l'amertume des ouvriers de Gandrange aujourd'hui qui n'ont pas ces explications et qui ne les avaient pas entendues...
C'est aussi pour ça qu'il faut les donner, mais ce que je crois surtout, qui est important pour les salariés de Gandrange, comme pour les gens en Lorraine, ce n'est pas l'affichage médiatique, ce n'est pas la visite, c'est le travail de fond, et ce que nous demande le président, c'est ça.
Vous êtes devenu un peu le ministre ou le secrétaire d'Etat des mauvaises nouvelles en prenant le secrétariat d'Etat à l'Emploi depuis le début de la crise...
Juste, si vous permettez, un point là-dessus : j'assume ça, je pense que quand on est secrétaire d'Etat à l'Emploi dans cette période, si on n'assume pas de s'occuper de ceux qui sont dans la détresse, si on n'assume pas de s'occuper de ceux qui ont perdu un emploi et qui sont en difficulté, alors, il vaut mieux qu'on aille faire autre chose. Oui, je suis un secrétaire d'Etat à l'Emploi dans une période qui est très dure, sans doute une des plus dures des cinquante dernières années en terme d'emplois, et je dois assumer ça. Si on fait de la politique pour être uniquement sur les bonnes nouvelles, il ne faut pas s'occuper d'emplois.
Est-ce que vous assumez les chiffres publiés hier par le patron du Pôle Emploi : en 2009, la France aura connu un nombre de chômeurs en hausse de 520.000, 510 à 520.000, dit-il ; est-ce que vous validez ce chiffre ?
Quelles étaient les annonces qui avaient été prévues par les prévisionnistes au début de l'année 2009 ?
295.000... 595.000, pardon...
Non, 700.000. L'Insee nous avait dit 700.000, et vous franchirez la barre des 10%. On s'est battu, on a essayé de faire du mieux qu'on pouvait, les chiffres qu'on espère avoir uniquement à la fin de l'année, et c'est loin d'être un motif de satisfaction, ça aurait été 500.000, et je pense qu'on ne franchira pas...
Donc vous confirmez ce chiffre des 500.000 ?
C'est l'Insee qui l'a donné. Donc c'est un chiffre qui est donné par l'Insee, c'est la prévision de l'Insee maintenant qu'il a changé. Elle l'a changé pourquoi, parce qu'on s'est battu, parce qu'on a essayé de trouver des instruments permettant d'amortir la crise. Pour prendre un exemple, hier, j'étais...
Oui, mais attendez, juste sur ce chiffre, vous m'avez dit...
Donc pour être très précis...
Je vous ai interrompu, ce qui est une erreur de ma part, vous m'avez dit : on ne franchira pas quoi, on ne franchira pas la barre des 500.000, vous dites ça ce matin ?
Non, on ne franchira pas la barre des 10% de taux de chômage avant la fin de l'année. Au début de l'année, on nous avait dit : c'est sûr, la France aura plus de 10% de chômage avant la fin de l'année. On ne franchira pas, je pense, d'ici à la fin de l'année, la barre des 10%, parce qu'on s'est battu avec tout le monde, avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, sur le terrain. Juste un exemple, hier, j'étais avec le PDG de Renault, le directeur général de Renault, monsieur Pélata. Au début de l'année, c'était le cataclysme, on risquait de perdre tous les emplois dans le secteur automobile. Le Président s'est battu pour la prime à la casse, on a négocié avec les partenaires sociaux des accords d'activité partielle, il n'y a eu aucun licenciement chez Renault et Peugeot. Ça, c'est un exemple où parce qu'on a décidé de se dire : il n'y a pas de fatalité, bien sûr, c'est dur, bien sûr, il y a des emplois qui sont perdus, mais si on se bat, on peut arriver à amortir le choc, on y est parvenu.
On s'est habitué à l'idée qu'en septembre, ce sera encore mauvais ?
Bien sûr que ce sera encore...
La prévision que vous avez est mauvaise ?
Bien sûr que ce sera encore mauvais, pourquoi ? Pour qu'on arrive à recréer de l'emploi à un niveau suffisant, pour compenser aussi l'augmentation de la population, il faut qu'on soit à 1,5% de taux de croissance, donc notre bataille, ce n'est pas seulement de remettre la croissance en positif, c'est de la ramener à un niveau où elle permet de recréer de l'emploi.
Je voudrais vous soumettre une critique, qui est celle de B. Delanoë - et celle de monsieur Chérèque, de la CFDT, qui tire la sonnette d'alarme - il estime que le Pôle Emploi, ça ne fonctionne pas. Un agent pour 120 demandeurs d'emploi au mieux, parfois pour 200 demandeurs d'emploi, des mois d'attente, trois à cinq mois une fois qu'on a commencé à être indemnisé avant d'être reçu pour la première fois ; est-ce que vous ne voulez pas reconnaître qu'il y a un problème ?
Ce n'est pas un scoop, je l'ai toujours dit, j'ai dit : Pôle Emploi, c'est dur, et dans cette période, c'est difficile, et les agents sur le terrain font un travail qui est exemplaire. Par contre, ce que je n'aime pas, c'est des politiques qui sont en mal d'existence médiatique et qui, en faisant de la critique de Pôle Emploi, en faisant du "Pôle Emploi Bashing", essaient de ré-exister ; c'est ce que fait monsieur Delanoë. Ça fait huit mois, je ne l'ai jamais entendu s'exprimer sur Pôle Emploi...
Donc la critique de monsieur Chérèque est justifiée, mais celle de monsieur Delanoë ne l'est pas, parce qu'il porte les couleurs du Parti socialiste...
Je vais y venir, non, je vais y venir, c'est-à-dire, ce que je n'aime pas dans l'attitude de monsieur Delanoë, pendant huit mois, il n'a rien dit, et là, tout d'un coup, il se réveille et il dit : tiens, c'est dur chez Pôle Emploi, ce n'est pas un scoop. Ça fait huit mois qu'on le sait, et ça fait huit mois surtout qu'on se bat avec les agents pour essayer d'améliorer les choses, on a embauché du personnel supplémentaire, on a essayé de recourir à des partenaires privés, on a essayé d'améliorer la plateforme d'appels, on a essayé de se battre pour n'avoir aucun dossier en retard, donc on essaie de se battre chaque jour pour améliorer les choses avec les équipes. Mais...
Mais vous dites semaine après semaine, mois après mois : ça va s'améliorer, on n'est pas encore au top ?
Non, bien sûr qu'on n'est pas au top...
Ça, c'est dit.
Je n'ai aucun souci à dire ça. Par contre, ce que je souhaite dire aussi, c'est que chaque mois, on essaie de s'améliorer et d'améliorer les choses. Faire une fusion comme ça, que tous les politiques ont repoussée depuis trente ans, dans une période de crise, ce n'est pas facile. Mais les agents méritent un peu mieux que cette espèce de spécialité du "Pôle Emploi Bashing", auquel certains politiques se livrent. S'agissant de Chérèque, pourquoi est-ce que j'ai plus de respect pour monsieur Chérèque, parce que lui, il fait des propositions à côté, parce qu'il a des salariés qu'il représente, qui sont à l'intérieur de Pôle Emploi, et parce qu'il ne s'est pas contenté de faire des critiques, il fait des propositions. Je considère que ses critiques sont excessives, mais j'ai aussi du respect pour la démarche du syndicaliste.
Très bien. Entendu : sur France 2, H. Guaino ce matin, le conseiller spécial du président de la République, répond aux critiques assez vertes d'A. Juppé.
H. Guaino (conseiller spécial du président - Document France 2) : Oh, moi, je n'ai pas à répondre à A. Juppé sur ce sujet, je pense qu'à un moment d'énervement... vous savez, il est toujours difficile - et il le sait mieux que personne - de réformer la France et de changer les habitudes de penser, il fallait supprimer la taxe professionnelle, parce qu'elle était un handicap considérable pour notre compétitivité, donc pour l'emploi, donc pour la création de richesses, que ça soit difficile pour les collectivités locales de changer de mode de financement, c'est évident, mais toutes les précautions ont été prises pour qu'elles ne soient privées d'aucune de leurs ressources.
Ce n'est pas tout à fait vrai, dit A. Juppé, qui disait hier dans Sud Ouest : "on se fout du monde - je l'ai cité, je ne me serais pas autorisé autrement -, il dit : en fait, nos revenus sont garantis, nous, communautés urbaines, pendant un an, et puis après, on se débrouille, ça baisse". Qu'est-ce qui se passe dans la majorité en ce moment ?
Je suis élu local. Dans mon département, la Haute-Loire, la ville, le Puyen- Velay, comme maire, quelle est ma préoccupation ? Bien sûr que je suis préoccupé par mon budget, mais sincèrement, ce qui me préoccupe le plus, c'est ce que je continue à avoir des emplois chez moi. Et donc dans la suppression de la taxe professionnelle, ce qui me préoccupe le plus, c'est que ça aide mes industries à rester, que ça préserve mes emplois. L'aspect budgétaire pour moi, il est évidemment important, mais il est second. La priorité dans notre pays en ce moment, c'est l'emploi, il ne faut pas se tromper.
Un dernier mot, une autre polémique qui vise un de vos collègues ministres, c'est E. Besson, qui a réaffirmé hier qu'il y aurait bien des vols regroupés, ce qu'on appelle des "charters" d'Afghans vers l'Afghanistan. Vous qui êtes d'une sensibilité, d'une fibre chrétienne sociale, comme on dit souvent, et comme vous le revendiquez, ça ne vous choque pas, des charters vers un pays en guerre ?
Je vais vous dire ce qui me choquerait : ce serait le fait qu'on n'ait pas un travail de fond en même temps dans le pays pour essayer de le développer...
Sur les vols des charters ?
Juste, Monsieur Bazin, une chose, c'est que, bien sûr, on peut jouer avec les symboles, on peut jouer avec...
C'est E. Besson qui joue avec les symboles, là...
Oui, avec le politiquement correct. Ce que je pense surtout, c'est qu'en matière d'immigration, ce qui compte, ce n'est pas de vendre des faux espoirs, mais d'avoir un vrai travail de développement localement, et je l'avais fait en Egypte en étant investi dans une association en Egypte, ça m'a aussi permis de mesurer que la meilleure façon de s'occuper d'un pays, ce n'est pas d'accueillir de façon artificielle des gens qui viennent chez nous, c'est de les aider à construire leur avenir chez eux.
Merci d'avoir été notre invité ce matin, Monsieur le secrétaire d'Etat à l'Emploi, qui n'est pas qu'un secrétaire d'Etat aux mauvaises nouvelles, il le revendique ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 octobre 2009
Bonjour.
Secrétaire d'Etat à l'Emploi. On est dans une matinée très polémique, où le vent souffle fort autour de vos collègues du Gouvernement. On va commencer par F. Mitterrand, si vous le voulez bien. Après M. Le Pen, c'est B. Hamon qui lui a reproché hier un livre qu'il a publié en 2005, où il raconte ses expériences de touriste sexuel en Thaïlande, il le reconnaît, il le dit lui-même ; ça résonne évidemment curieusement avec l'affaire Polanski. Est-ce que F. Mitterrand, comme le demande notamment le Front national, mais comme le laisse penser l'attitude de B. Hamon, doit partir ?
Cette histoire, vous l'avez dit vous-même, c'est une histoire de 2005. Moi, je n'ai pas lu le livre, mais à l'époque...
Personne n'a lu ce livre ! Il y a 190.000 lecteurs, mais plus personne ne l'a lu aujourd'hui...
190.000, ce n'est pas 56 millions. A l'époque, ça avait déjà fait un débat. Ça me laisse un sentiment assez nauséabond que, comme par hasard, maintenant, ce soit réutilisé. Et je trouve qu'il y a un petit côté politique de fond de cuve. Ça me rappelle d'ailleurs un événement pendant les européennes, quand F. Bayrou avait utilisé contre Cohn- Bendit des pseudo déclarations qui avaient été faites dans les années 70. Et je pense que les Français n'aiment pas ça. Donc je pense que sur un sujet, qui est personnel, qui concerne personnellement F. Mitterrand, il faut qu'il s'explique, lui-même. Ce n'est à nous de nous expliquer à sa place, mais je n'aime pas cette politique de fond de cuve.
Mais vous le défendrez, vous défendez aujourd'hui le ministre Mitterrand. On entend que l'Elysée n'a pas souhaité par exemple monter au créneau, qu'on attend qu'il s'explique plus précisément lui-même, il n'y a pas un petit côté : "Vas-y toi, débrouille-toi maintenant avec ton livre " ?
Non, c'est-à-dire que précisément, comme je vous le dis, je trouve que je n'aime pas cette politique de fond de cuve, ce n'est pas le ministre qui est attaqué, c'est l'homme. Et donc ce que je pense important, c'est que F. Mitterrand, qui d'ailleurs avait lui-même sorti ça de lui-même - ce n'est pas quelque chose qu'on est allé chercher dans un fond de tiroir ou qui aurait été une investigation, c'est un livre qu'il a écrit de lui-même - donc je pense que c'est important qu'il puisse s'expliquer, et expliquer ce qui relève de sa sphère personnelle. Mais je n'aime pas, dans l'utilisation politique qui est faite par B. Hamon, ce côté fond de cuve. Et je pense qu'il ferait mieux de faire attention, parce que F. Bayrou a joué à ça, a joué à cette espèce d'instrumentalisation nauséabonde, et on a vu ce que ça a donné.
Vous ne m'avez pas répondu. Est-ce que s'il s'agit d'enfants, effectivement ? Il doit partir ?
Dans son livre, sauf à ce que je me trompe, il ne s'agit pas d'enfants, j'ai regardé les extraits, je n'ai pas lu le livre, c'est pour ça que je préfère avoir l'honnêteté de le dire, mais j'ai regardé les extraits, il ne s'agit pas d'enfants.
Le Président est cet après-midi dans l'Est de la France, il va aller à Woippy notamment, il sera aussi dans une usine Smart, mais tout le monde retient qu'il ne va pas chez Arcelor Mittal. Pourquoi ? Cela lui rappelle de mauvais souvenirs, c'est échec Gandrange ?
Là encore, enfin, juste si je prends deux secondes de temps d'arrêt, je m'occupe des sujets d'emploi, sur des sujets où chaque mois, je suis amené à essayer de faire en sorte de sortir de la difficulté 20 à 30.000 personnes de plus chaque mois sur lesquels on doit se battre pour leur trouver quelque chose, et ce type de polémique consistant à dire : il va à Woippy, il ne va pas à Gandrange...
C'est sa promesse, L. Wauquiez...
On va y revenir, on va y revenir. Premièrement, c'est un déplacement qu'il avait promis, qui était sur les restructurations militaires, les bases militaires qui sont fermées en Lorraine, parce que...
Ça, c'est Woippy...
Ça, c'est Woippy, une base sur laquelle, ce n'est quand même pas rien, il y avait 500 militaires, il y en a 200 qui vont partir, se battre pour voir comment, pour cette ville, on peut trouver un avenir. C'est un engagement qu'il a pris. Après, il y a un deuxième engagement, qui est celui sur Gandrange, avec les difficultés qu'on a eues chez Arcelor Mittal. Il a promis qu'il irait et il tiendra sa promesse...
Il ira...
Et il ira à Gandrange, ça, c'est très clair, c'est un engagement qu'il a pris...
Il ira quand ?
Il ira.
Il ira quand ?
Alors, après, il y a le travail de fond, qu'on a enclenché sur Gandrange. Ce qui compte quand même beaucoup plus, sur ce travail de fond, qu'est-ce que le président de la République a essayé d'obtenir, 1°) : d'abord, qu'il y ait des solutions de reclassement pour toutes les personnes de Gandrange, ça a été fait, il n'y a eu aucun licencié économique, et sur les chiffres qu'on a, on est à peu près aujourd'hui à 95, 97% des gens qui ont pu être reclassés et pour lesquels on a trouvé des alternatives. 2°) : il y avait le fait que, Arcelor fasse des investissements en Lorraine, ces investissements ont été faits ; il faut poursuivre, il faut être vigilant, mais ils ont été faits. 3°) : il y avait l'ouverture d'un centre de formation, très important, pour s'assurer qu'on n'est pas, là, sur un système où, petit à petit, on coupe les feux et on arrête tous les emplois en Lorraine. La formation, c'est l'avenir, c'est préparer les salariés de demain, c'est essentiel. Et puis, il y a une dernière bataille, c'est la recherche, et faire en sorte notamment que sur un système qui permet de faire de la capture de Co² sur les fours, Arcelor investisse en France. Sur ce sujet-là, sans le Président, on n'avait aucune chance, même que ce projet soit étudié...
Donc vous êtes en train de dire : le Président ira à Gandrange, mais pour annoncer de bonnes nouvelles quand le travail de fond sera effectué. On ne fait pas de la "com" avec Gandrange, voilà ce que vous dites ce matin...
Ce que je suis en train de dire, c'est que faire un déplacement pour faire un déplacement, ça ne sert à rien. Le président a promis qu'il irait, il a surtout promis qu'il s'occupait du dossier, il est dessus, c'est un dossier qu'on suit. Il n'y a eu aucun salarié...
Il y a l'amertume des ouvriers de Gandrange aujourd'hui qui n'ont pas ces explications et qui ne les avaient pas entendues...
C'est aussi pour ça qu'il faut les donner, mais ce que je crois surtout, qui est important pour les salariés de Gandrange, comme pour les gens en Lorraine, ce n'est pas l'affichage médiatique, ce n'est pas la visite, c'est le travail de fond, et ce que nous demande le président, c'est ça.
Vous êtes devenu un peu le ministre ou le secrétaire d'Etat des mauvaises nouvelles en prenant le secrétariat d'Etat à l'Emploi depuis le début de la crise...
Juste, si vous permettez, un point là-dessus : j'assume ça, je pense que quand on est secrétaire d'Etat à l'Emploi dans cette période, si on n'assume pas de s'occuper de ceux qui sont dans la détresse, si on n'assume pas de s'occuper de ceux qui ont perdu un emploi et qui sont en difficulté, alors, il vaut mieux qu'on aille faire autre chose. Oui, je suis un secrétaire d'Etat à l'Emploi dans une période qui est très dure, sans doute une des plus dures des cinquante dernières années en terme d'emplois, et je dois assumer ça. Si on fait de la politique pour être uniquement sur les bonnes nouvelles, il ne faut pas s'occuper d'emplois.
Est-ce que vous assumez les chiffres publiés hier par le patron du Pôle Emploi : en 2009, la France aura connu un nombre de chômeurs en hausse de 520.000, 510 à 520.000, dit-il ; est-ce que vous validez ce chiffre ?
Quelles étaient les annonces qui avaient été prévues par les prévisionnistes au début de l'année 2009 ?
295.000... 595.000, pardon...
Non, 700.000. L'Insee nous avait dit 700.000, et vous franchirez la barre des 10%. On s'est battu, on a essayé de faire du mieux qu'on pouvait, les chiffres qu'on espère avoir uniquement à la fin de l'année, et c'est loin d'être un motif de satisfaction, ça aurait été 500.000, et je pense qu'on ne franchira pas...
Donc vous confirmez ce chiffre des 500.000 ?
C'est l'Insee qui l'a donné. Donc c'est un chiffre qui est donné par l'Insee, c'est la prévision de l'Insee maintenant qu'il a changé. Elle l'a changé pourquoi, parce qu'on s'est battu, parce qu'on a essayé de trouver des instruments permettant d'amortir la crise. Pour prendre un exemple, hier, j'étais...
Oui, mais attendez, juste sur ce chiffre, vous m'avez dit...
Donc pour être très précis...
Je vous ai interrompu, ce qui est une erreur de ma part, vous m'avez dit : on ne franchira pas quoi, on ne franchira pas la barre des 500.000, vous dites ça ce matin ?
Non, on ne franchira pas la barre des 10% de taux de chômage avant la fin de l'année. Au début de l'année, on nous avait dit : c'est sûr, la France aura plus de 10% de chômage avant la fin de l'année. On ne franchira pas, je pense, d'ici à la fin de l'année, la barre des 10%, parce qu'on s'est battu avec tout le monde, avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, sur le terrain. Juste un exemple, hier, j'étais avec le PDG de Renault, le directeur général de Renault, monsieur Pélata. Au début de l'année, c'était le cataclysme, on risquait de perdre tous les emplois dans le secteur automobile. Le Président s'est battu pour la prime à la casse, on a négocié avec les partenaires sociaux des accords d'activité partielle, il n'y a eu aucun licenciement chez Renault et Peugeot. Ça, c'est un exemple où parce qu'on a décidé de se dire : il n'y a pas de fatalité, bien sûr, c'est dur, bien sûr, il y a des emplois qui sont perdus, mais si on se bat, on peut arriver à amortir le choc, on y est parvenu.
On s'est habitué à l'idée qu'en septembre, ce sera encore mauvais ?
Bien sûr que ce sera encore...
La prévision que vous avez est mauvaise ?
Bien sûr que ce sera encore mauvais, pourquoi ? Pour qu'on arrive à recréer de l'emploi à un niveau suffisant, pour compenser aussi l'augmentation de la population, il faut qu'on soit à 1,5% de taux de croissance, donc notre bataille, ce n'est pas seulement de remettre la croissance en positif, c'est de la ramener à un niveau où elle permet de recréer de l'emploi.
Je voudrais vous soumettre une critique, qui est celle de B. Delanoë - et celle de monsieur Chérèque, de la CFDT, qui tire la sonnette d'alarme - il estime que le Pôle Emploi, ça ne fonctionne pas. Un agent pour 120 demandeurs d'emploi au mieux, parfois pour 200 demandeurs d'emploi, des mois d'attente, trois à cinq mois une fois qu'on a commencé à être indemnisé avant d'être reçu pour la première fois ; est-ce que vous ne voulez pas reconnaître qu'il y a un problème ?
Ce n'est pas un scoop, je l'ai toujours dit, j'ai dit : Pôle Emploi, c'est dur, et dans cette période, c'est difficile, et les agents sur le terrain font un travail qui est exemplaire. Par contre, ce que je n'aime pas, c'est des politiques qui sont en mal d'existence médiatique et qui, en faisant de la critique de Pôle Emploi, en faisant du "Pôle Emploi Bashing", essaient de ré-exister ; c'est ce que fait monsieur Delanoë. Ça fait huit mois, je ne l'ai jamais entendu s'exprimer sur Pôle Emploi...
Donc la critique de monsieur Chérèque est justifiée, mais celle de monsieur Delanoë ne l'est pas, parce qu'il porte les couleurs du Parti socialiste...
Je vais y venir, non, je vais y venir, c'est-à-dire, ce que je n'aime pas dans l'attitude de monsieur Delanoë, pendant huit mois, il n'a rien dit, et là, tout d'un coup, il se réveille et il dit : tiens, c'est dur chez Pôle Emploi, ce n'est pas un scoop. Ça fait huit mois qu'on le sait, et ça fait huit mois surtout qu'on se bat avec les agents pour essayer d'améliorer les choses, on a embauché du personnel supplémentaire, on a essayé de recourir à des partenaires privés, on a essayé d'améliorer la plateforme d'appels, on a essayé de se battre pour n'avoir aucun dossier en retard, donc on essaie de se battre chaque jour pour améliorer les choses avec les équipes. Mais...
Mais vous dites semaine après semaine, mois après mois : ça va s'améliorer, on n'est pas encore au top ?
Non, bien sûr qu'on n'est pas au top...
Ça, c'est dit.
Je n'ai aucun souci à dire ça. Par contre, ce que je souhaite dire aussi, c'est que chaque mois, on essaie de s'améliorer et d'améliorer les choses. Faire une fusion comme ça, que tous les politiques ont repoussée depuis trente ans, dans une période de crise, ce n'est pas facile. Mais les agents méritent un peu mieux que cette espèce de spécialité du "Pôle Emploi Bashing", auquel certains politiques se livrent. S'agissant de Chérèque, pourquoi est-ce que j'ai plus de respect pour monsieur Chérèque, parce que lui, il fait des propositions à côté, parce qu'il a des salariés qu'il représente, qui sont à l'intérieur de Pôle Emploi, et parce qu'il ne s'est pas contenté de faire des critiques, il fait des propositions. Je considère que ses critiques sont excessives, mais j'ai aussi du respect pour la démarche du syndicaliste.
Très bien. Entendu : sur France 2, H. Guaino ce matin, le conseiller spécial du président de la République, répond aux critiques assez vertes d'A. Juppé.
H. Guaino (conseiller spécial du président - Document France 2) : Oh, moi, je n'ai pas à répondre à A. Juppé sur ce sujet, je pense qu'à un moment d'énervement... vous savez, il est toujours difficile - et il le sait mieux que personne - de réformer la France et de changer les habitudes de penser, il fallait supprimer la taxe professionnelle, parce qu'elle était un handicap considérable pour notre compétitivité, donc pour l'emploi, donc pour la création de richesses, que ça soit difficile pour les collectivités locales de changer de mode de financement, c'est évident, mais toutes les précautions ont été prises pour qu'elles ne soient privées d'aucune de leurs ressources.
Ce n'est pas tout à fait vrai, dit A. Juppé, qui disait hier dans Sud Ouest : "on se fout du monde - je l'ai cité, je ne me serais pas autorisé autrement -, il dit : en fait, nos revenus sont garantis, nous, communautés urbaines, pendant un an, et puis après, on se débrouille, ça baisse". Qu'est-ce qui se passe dans la majorité en ce moment ?
Je suis élu local. Dans mon département, la Haute-Loire, la ville, le Puyen- Velay, comme maire, quelle est ma préoccupation ? Bien sûr que je suis préoccupé par mon budget, mais sincèrement, ce qui me préoccupe le plus, c'est ce que je continue à avoir des emplois chez moi. Et donc dans la suppression de la taxe professionnelle, ce qui me préoccupe le plus, c'est que ça aide mes industries à rester, que ça préserve mes emplois. L'aspect budgétaire pour moi, il est évidemment important, mais il est second. La priorité dans notre pays en ce moment, c'est l'emploi, il ne faut pas se tromper.
Un dernier mot, une autre polémique qui vise un de vos collègues ministres, c'est E. Besson, qui a réaffirmé hier qu'il y aurait bien des vols regroupés, ce qu'on appelle des "charters" d'Afghans vers l'Afghanistan. Vous qui êtes d'une sensibilité, d'une fibre chrétienne sociale, comme on dit souvent, et comme vous le revendiquez, ça ne vous choque pas, des charters vers un pays en guerre ?
Je vais vous dire ce qui me choquerait : ce serait le fait qu'on n'ait pas un travail de fond en même temps dans le pays pour essayer de le développer...
Sur les vols des charters ?
Juste, Monsieur Bazin, une chose, c'est que, bien sûr, on peut jouer avec les symboles, on peut jouer avec...
C'est E. Besson qui joue avec les symboles, là...
Oui, avec le politiquement correct. Ce que je pense surtout, c'est qu'en matière d'immigration, ce qui compte, ce n'est pas de vendre des faux espoirs, mais d'avoir un vrai travail de développement localement, et je l'avais fait en Egypte en étant investi dans une association en Egypte, ça m'a aussi permis de mesurer que la meilleure façon de s'occuper d'un pays, ce n'est pas d'accueillir de façon artificielle des gens qui viennent chez nous, c'est de les aider à construire leur avenir chez eux.
Merci d'avoir été notre invité ce matin, Monsieur le secrétaire d'Etat à l'Emploi, qui n'est pas qu'un secrétaire d'Etat aux mauvaises nouvelles, il le revendique ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 octobre 2009