Extraits d'une interview de M. François Fillon, Premier ministre, dans "Le Monde" du 6 novembre 2009, sur la politique budgétaire et la fiabilité des réacteurs nucléaires EPR.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Q - Vous annoncez chaque semaine une nouvelle dépense. N'auriez-vous pas intérêt à fixer un cap plus clair et rigoureux sur la gestion des dépenses publiques ?
R - Du fait de la crise, nous sommes victimes d'un recul de 20% des recettes fiscales. Depuis trois ans, toutes les dépenses de l'Etat sont maintenues à zéro volume, c'est la première fois dans la Vème République et nous allons continuer.
Nous avons engagé un effort de réduction de l'emploi public, qui suscite des critiques, mais qui est indispensable et générera à terme des économies importantes. Nous menons des réformes structurelles lourdes (justice, carte militaire, réforme hospitalière et collectivités locales). Enfin, nous avons une croissance des dépenses maladie réduite de moitié.
Je présenterai début 2010 au Parlement une stratégie de finances publiques qui nous donnera les moyens de descendre en-dessous des 3% de déficit à l'horizon de 2014, au prix d'ajustements très importants, puisqu'il faudrait faire un effort de réduction de plus de 1% par an. L'objectif est de progresser parallèlement à l'Allemagne, qui s'est fixé comme objectif un équilibre en 2016.
Q - Allez-vous inscrire l'équilibre dans la Constitution ?
R - Je crois moins à la contrainte constitutionnelle qu'à une vraie prise de conscience nationale sur les efforts à conduire. C'est ce à quoi je m'engage avec le président de la République. En 2010, nous ouvrirons le débat sur les retraites et nous prendrons des décisions. Nous poursuivrons l'effort de maîtrise des dépenses d'assurance-maladie.
Nous avons à peu près les solutions pour maîtriser les dépenses de l'Etat. Si on a un peu de croissance et que les dépenses de l'Etat n'augmentent pas, cette question peut être réglée assez vite. Et je souhaite qu'elle le soit en partenariat avec les collectivités locales, qui doivent partager cet effort.
Q - C'est douloureux...
R - Il faut que chacun regarde ce qui se passe dans le monde. Notre principal concurrent, c'est l'Allemagne, qui perd beaucoup moins de parts de marché au profit de l'Asie. L'industrie automobile française en 1981 avait 10% du marché mondial. Elle en a aujourd'hui 5%. Dans le même temps, l'industrie automobile allemande s'est maintenue, passant de 11% à 10%. Il est donc indispensable de conduire ces réformes pour que notre industrie soit plus compétitive.
Q - Allez-vous prendre des initiatives franco-allemandes ?
R - Nous avons le projet de conduire de manière cohérente nos politiques financières et économiques. L'Allemagne a fait le choix très courageux de soutenir la croissance avec une politique de baisse d'impôts, qui valide d'une certaine façon les choix que nous avons faits d'accepter des déficits un peu plus importants pour soutenir la croissance.
Il faut qu'on garantisse, à l'avenir, une meilleure convergence des politiques française et allemande.
Q - Areva est confronté à un problème de fiabilité du système de sécurité de son réacteur EPR. Un tiers des centrales d'EDF sont arrêtées. Maintenez-vous votre confiance dans leurs dirigeants ?
R - Les dirigeants ont la confiance de l'Etat. Il n'y a pas de problème Areva. Nous avons un dialogue permanent entre autorités de sûreté nucléaire et exploitants d'installations. Nous sommes en train de construire les réacteurs de nouvelle génération. Il est absolument normal qu'il y ait un débat : la nouveauté, c'est que ce débat est transparent.
La technique de l'EPR n'est pas en cause. Il y a nécessité d'une extrême rigueur en termes de sûreté. Je n'ai aucun doute sur le fait que les problèmes posés par l'Autorité de sûreté vont être résolus et que les réacteurs français vont figurer parmi les meilleurs et les plus sûrs du monde.
S'agissant d'EDF, il n'est pas normal que le taux de disponibilité de nos centrales soit tombé à 80%. Ce n'est pas seulement un problème technique, mais d'organisation et de calendrier de maintenance.
Q - Soutenez-vous M. Van Rompuy pour devenir président du Conseil européen ?
R - La France n'a pas encore de candidat officiel. Le Conseil européen devrait trancher vite, désormais. La France et l'Allemagne auront un candidat commun.
(...).source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2009