Extraits d'un entretien de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans "Aujourd'hui en France" du 8 novembre 2009, sur la commémoration du 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, la situation à Chypre et sur la ratification du Traité de Lisbonne.

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Média : Aujourd'hui en France

Texte intégral

Q - Que représente pour vous ce 20ème anniversaire de la chute du Mur ?
R - Le 9 novembre 1989 a été un bouleversement géopolitique sans précédent, marquant la fin de la guerre froide, la réunification de l'Europe et le début du démantèlement de l'Union soviétique. C'est un moment absolument clé de l'histoire du monde.
Q - Comment avez-vous vécu l'événement ?
R - J'étais, à l'époque, conseiller diplomatique de Jacques Chirac et je lui avais écrit un discours sur l'unité de l'Europe qu'il prononça la veille, le 8 novembre au soir, en prenant position pour l'unité de l'Europe avant l'an 2000. Depuis le printemps, les premiers signes étaient là : en Pologne, puis avec l'ouverture de la frontière entre l'Autriche et la Hongrie. On a alors vu affluer des Allemands de l'Est pour passer à l'Ouest et un débat s'est instauré : y aurait-il une violente réaction des Soviétiques ? Et comment allait-on accompagner ce mouvement ? Le 8 novembre, je ne pouvais pas imaginer que le Mur allait tomber dès le lendemain. Mais nous avions pris volontairement avec Chirac une position très dynamique d'accompagnement de ce mouvement inéluctable des peuples, dans la tradition gaulliste. On voyait bien que cela allait se fissurer et, le 9 novembre, ce fut un moment vraiment incroyable ! Mais, dix jours après, il y eut ce dîner glacial à l'Elysée autour de François Mitterrand qui présidait alors l'Union européenne. Pour ce dîner, le 18 novembre, on aurait pu imaginer champagne et effusion. Non, ce fut beaucoup de soupçons et d'inquiétude, voire de crainte. Mitterrand était inquiet et Mme Thatcher très hostile... Mais l'opinion publique était très favorable à cette réunification de l'Europe. Le peuple était en avance sur les politiques.
Q - Que va-t-il se passer à Paris demain soir ?
R - C'est aussi pour exorciser une bonne fois pour toutes les craintes de cette période que j'ai voulu organiser une fête à Paris. Pour que le rendez-vous que nous avions raté en 1989 soit dignement célébré vingt ans après. Dès mon entrée au gouvernement, nous nous sommes mis au travail. L'idée était de célébrer à Paris en même temps qu'à Berlin la chute du Mur pour en faire un moment d'émotion partagé que j'ai voulu beau et télévisuel. Une fois le projet validé par le président de la République, nous avons levé des fonds privés afin que cette fête ne coûte rien aux contribuables. J'invite tous les Parisiens à se rendre lundi soir à partir de 18 heures place de la Concorde autour du Premier ministre, François Fillon, et de mes homologues allemand et polonais, pour un spectacle à la fois musical et visuel projeté sur les frontons de l'hôtel de Crillon et de l'hôtel de la Marine. C'est un spectacle gratuit avec 300 choristes et plus de 200 techniciens.
Q - Vous étiez ce week-end à Chypre. Faut-il y voir un symbole ?
R - Oui, j'étais vendredi dans le no man's land qui sépare les deux communautés chypriotes, grecque et turque, en plein coeur de Nicosie, la capitale. Marchant dans les gravats de l'ambassade de France détruite par la guerre il y a trente-cinq ans, j'avais l'impression de replonger dans le congélateur de la guerre froide et des conflits européens.
Il est impensable que, trente-cinq ans après, la Turquie, candidate à l'Union européenne, occupe encore le nord de l'île avec 40.000 soldats et ne reconnaisse pas la République de Chypre, membre de l'Union. Le moment est venu pour l'Europe de s'imposer dans ce dossier. J'espère que la dynamique assez exceptionnelle de cette fin 2009, où l'on fête à la fois la réunification et l'ouverture d'une nouvelle page de l'Europe avec le Traité de Lisbonne, sera de nature à convaincre ceux qui sont encore en conflit en Europe de se réconcilier en prenant modèle sur le couple franco-allemand. Il y a peut-être une fenêtre d'opportunité. Les Turcs sont soucieux d'améliorer leur image et, côté grec, nous avons un nouveau gouvernement qui souhaite lui-même en sortir. Il y a longtemps que je dis à mes interlocuteurs turcs de faire un geste sur Chypre comme ils viennent d'en faire un sur l'Arménie. Car l'Europe doit faire tomber son dernier mur.
Q - Après la signature du président tchèque, le Traité de Lisbonne est définitivement sur les rails ?
R - Il entrera en vigueur dès le 1er décembre, comme les Vingt-Sept s'y sont engagés. Nous sommes arrivés au Traité de Lisbonne non sans mal. C'est Nicolas Sarkozy qui, après l'échec du référendum français, a inventé le "traité simplifié" dès 2006 et l'a fait adopter avec le soutien d'Angela Merkel. Il a pris un risque considérable. Maintenant, nous y sommes ! On va enfin pouvoir parler de l'essentiel.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 novembre 2009