Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat aux technologies vertes et aux négociations sur le climat, sur l'accroissement et la professionnalisation des conseillers Info Energie au sein des Espaces Infos Energies, Besançon le 12 novembre 2009.

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Circonstance : Réunion départementale sur le thème de l'accès à la maîtrise de l'énergie pour tous et le rôle des Espaces Info Energie, à Besançon le 12 novembre 2009

Texte intégral

Nous voici arrivés à la conclusion de cette matinée consacrée à l'accès de tous à la maîtrise de l'énergie et je voudrais d'ores et déjà remercier tous les intervenants pour la qualité de leurs observations et de leurs propositions. Nous avons tous senti ce matin combien tous ceux qui sont présents ici ont compris l'importance de rendre le développement durable accessible à tous.
Je suis bien évidemment la première à me réjouir de votre implication dans la mesure où cet objectif, rendre le développement durable accessible à tous, constitue la feuille de route que m'a donnée Jean-Louis Borloo lorsqu'il a souhaité que je rejoigne le ministère du développement durable afin de donner davantage corps au troisième pilier du Grenelle de l'Environnement, son pilier social.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler tout à l'heure, nous sommes confrontés à un défi incontournable si nous voulons atteindre les objectifs ambitieux du Grenelle de l'Environnement. Ce défi, c'est celui de créer l'adhésion de tous nos concitoyens à cette politique. Sans cette adhésion populaire, nous ne serons pas en mesure de modifier suffisamment les comportements pour espérer atteindre notre objectif de sobriété énergétique mais aussi de développement solidaire.
Au plan national, c'est la tâche à laquelle je me suis attelée avec le travail que j'ai engagé, en lien avec Jean-Louis Borloo, pour mettre en place un Pacte de Solidarité écologique qui a un triple objectif :
- permettre une appropriation individuelle du développement durable qui se traduise dans les modes de vie, les comportements, la vie quotidienne de chacun et emporte l'adhésion la plus large des individus à ce nouveau modèle culturel.
- faire partager l'urgence environnementale et l'impact des actes de chacun sur l'environnement et la vie des autres. Dépasser les clivages et oppositions ressentis entre les différentes couches de la population ou entre les territoires.
- veiller à l'effectivité de l'information des publics par la mobilisation de moyens adaptés, et rendre plus visibles les améliorations sociales et environnementales.
Ces objectifs m'ont été suggérés par les résultats d'une étude du service d'information du gouvernement (SIG) d'avril 2009 sur le thème « les plus modestes face à l'environnement ». Cette étude indique que si la préoccupation pour l'environnement est partagée par 4 Français sur 5, les personnes les plus modestes ont moins de pratiques environnementales que les plus aisées et qu'elles sont moins réceptives aux mesures d'incitation à une consommation plus respectueuse de l'environnement. Les opinions se modifient au-delà de 1 500 euros, seuil qui partage ainsi les ménages en deux groupes.
Il est intéressant de voir que l'enquête qui a été réalisée par l'Observatoire de la Famille sur les comportements des ménages de Franche-Comté en matière d'économies d'énergie dans leur logement recoupe largement ces données.
Si les Francs-Comtois ont adopté une attitude plutôt positive vis-à-vis des économies d'énergie, ce sont les ménages disposant des revenus les plus élevés et les personnes les plus diplômées qui détiennent l'information la plus précise en matière de performance énergétique du bâti, qui savent où aller chercher l'information - en particulier sur Internet - . Ainsi, par exemple, pour bénéficier des aides financières publiques mobilisables pour réaliser des travaux de ce type, seuls 2 ménages sur 10 connaissent les aides ou prêts à l'amélioration de l'habitat de l'ANAH, de la CAF et des banques alors qu'ils sont 6 ménages sur 10 à connaître le crédit d'impôts. En clair les ménages les mieux informés sont ceux qui ont une activité professionnelle et une vie familiale. Ils sont accédants à la propriété et disposent de revenus supérieurs à 1525 euros par mois. On le voit, nous retrouvons bien en Franche-Comté le même clivage qu'au niveau national.
Ce que nous retrouvons aussi malheureusement, c'est un pourcentage important de ménages qui éprouvent de plus en plus de difficulté pour se chauffer en hiver. L'enquête révèle que 24% des francs-comtois déclarent avoir eu froid dans leur logement au cours des 3 derniers hivers : 47% d'entre eux parce que leur logement est mal isolé ; 49% parce qu'ils ont coupé le chauffage parce qu'ils ne peuvent pas assumer financièrement leurs factures d'électricité.
Ces quelques exemples suffisent à nous montrer la nécessité du volet social du développement durable. Et cette nécessité se situe, me semble-t-il, à plusieurs niveaux :
- d'abord pour satisfaire les besoins des plus précaires. Nos indicateurs montrent désormais que près des 23 des aides accordées par les départements au titre des fonds de solidarité logement servent à couvrir des factures d'énergie.
- mais aussi pour s'occuper des ménages modestes qui disposent de revenus même faibles, mais manquent d'un accès efficace à l'information nécessaire pour améliorer leurs habitudes de vie et initier les travaux d'amélioration de leur logement.
Pour les plus précaires, c'est clair, il y a urgence :
Comment en effet accepter que dans un pays comme le notre, certains enfants souffrent de pathologies respiratoires parce qu'ils vivent dans des logements humides et mal chauffés ?
La précarité énergétique est un des premiers axes du Pacte que j'ai annoncé et le chantier est déjà lancé. J'ai confié à Philippe Pelletier qui a la charge d'animer le comité stratégique du Plan Bâtiment du Grenelle de l'environnement la responsabilité d'un groupe de travail sur la précarité énergétique.
Parce que cette question se présente sous plusieurs angles (les ressources des ménages, le prix de l'énergie, l'efficacité énergétique des bâtiments), il a choisi de travailler en copilotage avec un responsable de l'ANAH et de la fondation Abbé Pierre. Je me félicite de cette décision qui permet d'associer en permanence l'approche de la personne et celle du logement.
La semaine prochaine, me sera remis un rapport d'étape et les conclusions du groupe de travail seront connues le 15 décembre prochain. Notre objectif est de dresser un état des lieux critique des situations et des dispositifs. Le but ensuite sera de disposer d'un ensemble de mesures concrètes à mettre en oeuvre le plus rapidement possible.
Toujours pour lutter contre la précarité énergétique, j'ai également demandé à Philippe Van de Maele, Président de l'ADEME de lancer dès janvier prochain un Observatoire national de la précarité énergétique qui permettra de mieux mesurer les phénomènes de précarité énergétique dans le temps et les territoires afin d'en identifier le nombre, les causes, les facteurs et les conséquences, et d'assurer le suivi des aides publiques et privées apportées aux ménages en impayés d'énergie et plus globalement aux ménages précaires.
Ces observations et résultats permettront également de mieux suivre les impacts des politiques publiques mises en place et de mobiliser tous les acteurs concernés (entreprises du secteur énergie, associations, organismes publics, bailleurs sociaux, collectivités territoriales, ministères...). Ce travail se fera sous l'égide de l'ADEME qui dispose de tous les outils pour assurer un pilotage fin de ce nouvel instrument.
S'agissant enfin des ménages modestes, l'enquête sur les ménages du Doubs montre que les ménages, s'ils sont conscients de la nécessité d'améliorer la performance énergétique de leur logement, méconnaissent largement les paramètres pour une meilleure performance énergétique. 42% des personnes interrogées pensent en effet que c'est en changeant leur mode de chauffage qu'elles vont améliorer les choses, alors que ce sont les travaux d'isolation, et en particulier la toiture qui sont les plus utiles.
Là encore, cet exemple suffit à montrer combien l'accès à l'information, une information de qualité, une information indépendante et techniquement fiable est indispensable. C'est notamment le rôle que jouent les espaces info énergie et c'est la raison pour laquelle l'Etat soutient largement leur action.
Les espaces info énergie sont des espaces indépendants et gratuits mis au service du citoyen pour l'informer de façon qualitative et l'orienter sur la maîtrise de l'énergie et les énergies renouvelables, à la fois sur le plan technique, sur les aides de l'état (éco PTZ) et les montages financiers.
L'Etat consacre près de 11 millions d'euros par an à ces points informations repartis sur tout le territoire ; il le fait en collaboration avec les collectivités locales et le réseau des associations qui participent financièrement au réseau. Actuellement, l'Etat soutient également le réseau des espaces info énergie par une campagne de communication grand public presse, TV et radio pour un montant de 1 Meuros d'euros, afin de mieux faire connaitre ces espaces et d'élargir leur public, en particulier parmi les familles modestes.
Conscient que la réussite du Grenelle de l'environnement passe par une sensibilisation forte des français à la question des économies d'énergie, l'Etat poursuit une politique continue de renforcement des moyens des espaces info énergie. Entre 2007 et 2009, nous sommes ainsi passés de 300 conseillers info énergie à 400.
J'ai demandé à l'ADEME d'amplifier encore son effort, ce qui nous permettra de passer de 400 conseillers à 500 d'ici la fin 2010 répartis à travers toute la France dans 230 espaces info énergie. Cela représente un effort de plus de 2 Millions d'euros.
De plus, l'Etat: il augmente sa contribution en faveur des organismes recrutant les conseillers énergétiques pour la passer de 15 000 euros à 20 000 euros par conseiller dès 2010 ; c'est 1/3 de plus par conseiller et 2 Meuros d'effort supplémentaire qui contribue à stabiliser et professionnaliser le réseau.
Au total, l'Etat investit 5 Meuros de plus pour la bonne information des citoyens.
Il s'agit d'un effort important mais l'enjeu le vaut bien car toutes les études de satisfaction sur leur fonctionnement montre un taux de 80% de personnes satisfaites et un taux de passage à la réalisation de travaux en forte augmentation (56% en 2008 contre 26% en 2003). L'impact économique de ces décisions est loin d'être neutre puisqu'il a été estimé à 400 millions d'euros par an.
L'impact environnemental de l'action de ces espaces est lui aussi loin d'être négligeable puisque les économies ainsi réalisées ont permis une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de140 000 tonnes équivalent CO2, ce qui équivaut aux émissions d'un parc de plus de 62 000 véhicules pendant un an.
On le voit, l'action engagée pour professionnaliser et pérenniser ce réseau porte déjà ses fruits et l'exemple de l'appartement témoin que nous avons vu ce matin témoigne de la capacité d'innovation et de pédagogie des animateurs de ce réseau.
Voilà pourquoi j'ai souhaité venir visiter cette expérimentation et confirmer par là-même tout l'intérêt de notre ministère pour toutes les formes de mobilisation et d'information de nos concitoyens en matière d'économies d'énergie.
Chaque nouveau chantier suscité par les conseils dispensés dans les espaces info énergie apporte, c'est le cas de le dire, sa petite pierre à l'édifice commun du développement durable.
Je vous remercie.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 17 novembre 2009