Texte intégral
Monsieur le plénipotentiaire,
Monsieur le ministre plénipotentiaire de la République fédérale d'Allemagne en France,
Mesdames et Messieurs les ministres et Monsieur le sénateur de l'Éducation des Länder,
Mesdames et Messieurs les secrétaires d'Etat de l'Éducation des Länder,
Mesdames et Messieurs les représentants des Länder,
Monsieur le conseiller culturel adjoint de l'ambassade de France en Allemagne,
Mesdames et Messieurs les recteurs,
Madame le proviseur,
Mesdames et Messieurs,
Chers élèves,
Je souhaiterais commencer mon intervention par un retour à l'histoire, ce qui ne vous étonnera pas dans un tel lieu marqué par le passé, dans lequel j'ai moi-même appris l'allemand. Dans les mois qui ont précédé la journée décisive du 9 novembre 1989, des rassemblements populaires et pacifiques se sont multipliés en RDA : chaque semaine, ils rassemblaient de plus en plus de manifestants. Ces rassemblements sont restés dans l'histoire comme les « manifestations du lundi ». Celle du lundi 9 octobre, à Leipzig, notamment, est désormais parfois considérée comme aussi importante que celle du 9 novembre.
Aujourd'hui, 2 novembre 2009, à une semaine du 20e anniversaire de la chute du mur de Berlin, nous célébrons, nous aussi, dans ce cadre unique de la Sorbonne, notre « manifestation du lundi ». Cette date est importante. J'espère qu'elle permettra par notre travail de la journée de donner une nouvelle dimension à notre coopération bilatérale. Elle m'offre dès cette introduction l'occasion de rappeler l'importance inégalée des liens entre l'Allemagne et la France et, surtout, l'ambition qui nous anime de créer au coeur de l'Europe un espace commun de l'éducation et de la formation.
L'éducation donne probablement à l'amitié franco-allemande son expression la plus concrète : elle permet en effet d'agir en direct avec des jeunes qui héritent de notre passé et le transforment en espoirs futurs ; c'est à eux, nous le savons tous, qu'appartient le devenir de l'Europe.
En encourageant toujours davantage le dialogue entre leurs jeunesses, le rapprochement de leurs systèmes éducatifs, la coopération entre leurs établissements scolaires, l'apprentissage de la langue du partenaire et la connaissance approfondie des cultures par-delà bien des préjugés qui perdurent, l'Allemagne et la France jouent un rôle sans égal. Il est toujours regardé avec un très grand intérêt par l'ensemble de nos partenaires.
Le contexte actuel est favorable. Une volonté politique forte anime nos deux pays et leurs dirigeants. La réforme du lycée, que nous avons préparée le Président Sarkozy et moi-même, et dont il a annoncé les grands axes le 13 octobre dernier, ouvrira de nouvelles perspectives à partir de la rentrée 2010. Elle prévoit notamment la transformation de la série littéraire en une véritable série internationale, intégrant un enseignement de langues et civilisations étrangères. Plus généralement, cette réforme affirme notre volonté de développer les compétences en langues étrangères de tous nos élèves, en insistant particulièrement sur leur capacité à s'exprimer à l'oral. L'enseignement de l'allemand bénéficiera bien sûr des nombreuses mesures prises pour atteindre cet objectif.
Peu de coopérations se fondent sur une expérience aussi enracinée : j'en prends pour seul exemple celle du plan en faveur de la langue du partenaire, lancé en novembre 2004 à Sarrebrück, il y a cinq ans, lors de la première rencontre entre recteurs et ministres des Länder.
Nous avons réussi une première étape. Le déclin de l'allemand en France, la stagnation du français en Allemagne, qui semblaient inéluctables, sont désormais enrayés. Le nombre d'établissements qui préparent à l'AbiBac a, dans les deux pays, plus que doublé et, désormais, la quasi-totalité des académies et des Länder offrent cette formation d'excellence. En France les sixièmes « bilangues » et les sections européennes se sont fortement développées. Nous en reparlerons tout à l'heure.
Ces nouveaux défis ont offert une occasion magnifique de remobiliser les institutions historiques de notre coopération, toutes présentes aujourd'hui :
- l'Office franco-allemand pour la jeunesse, qui a permis depuis sa création à 8 millions de jeunes Français et Allemands de se rencontrer - Madame Kuntz et Madame Angrand y reviendront tout à l'heure ;
- le Secrétariat franco-allemand qui offre chaque année à 4 000 - et bientôt 5 000 - jeunes en formation professionnelle de se former dans une entreprise de l'autre pays - le programme d'échanges fêtera en 2010 son 30e anniversaire, un beau succès ;
- et enfin, l'Université franco-allemande, dont je salue le président, M. Pierre Monnet, et qui, entre autres, soutient près de 150 cursus intégrés binationaux ou tri nationaux.
Quant aux projets, je ne peux certes pas les évoquer tous, mais il en est un que je veux particulièrement saluer. Vous devinez lequel, Monsieur Wowereit : il s'agit bien sûr de notre « manuel d'histoire franco-allemand ».
Je ne reviendrai pas sur la genèse de ce travail, unique en son genre. Seul manuel scolaire commun à deux pays, il constitue une réussite exemplaire qui a permis, tout en prenant en compte les différences historiographiques, de rapprocher les points de vue et de croiser les regards. Beaucoup d'autres pays, du Japon (où le manuel a été traduit) à la Corée du Sud, de la Palestine à la Pologne, observent avec un très vif intérêt cette démarche et nous interrogent souvent sur les difficultés que nous avons rencontrées et sur les solutions que nous avons mises en oeuvre pour les surmonter.
On dit souvent que la réconciliation franco-allemande va aujourd'hui de soi, notamment pour les nouvelles générations. Sans doute, mais les bases de cette réconciliation doivent être connues de tous. Le manuel d'histoire est dans ce contexte le fruit très actuel d'un long travail de mémoire, accompli sans faillir.
Aussi est-ce avec grand plaisir que je suis en mesure d'annoncer aujourd'hui, Monsieur le Plénipotentiaire, que l'année 2010 verra bien, comme prévu, la publication du 3e volume de ce projet, qui en France, sera destiné aux classes de seconde. Ainsi cette grande et belle aventure, malgré les difficultés inhérentes à un projet de cette envergure, aura été jusqu'à son terme. Je voudrais ici en remercier tous les acteurs : comité de pilotage, éditeurs, directeurs d'ouvrage, auteurs. Nous nous retrouverons certainement, Monsieur le Plénipotentiaire, pour célébrer dignement cet événement. Et dès aujourd'hui, j'invite tous les responsables éducatifs à utiliser et à faire utiliser ce manuel qui, rappelons-le, n'est pas destiné aux seuls élèves qui apprennent l'allemand ou le français, mais bien à tous les élèves du lycée.
Mais si nous avons tout lieu d'être fiers et de nous réjouir de ce que nous avons déjà fait, nous savons aussi que l'amitié doit sans cesse se ressourcer.
Aussi devons-nous aller plus loin, prendre de nouvelles initiatives, lancer de nouveaux projets. C'est l'un des objectifs de cette journée et je vous propose dans cet esprit quelques pistes concrètes.
Nous devons d'abord, bien sûr, consolider les dispositifs qui ont fait leurs preuves, l'AbiBac et les classes « bilangues » en premier lieu.
L'AbiBac d'abord : faisons en sorte que toutes les académies et tous les Länder, comme nous l'avons voulu en 2004, offrent très rapidement aux jeunes cette possibilité de double diplôme. Mais aussi pourquoi ne pas envisager d'étendre ce dispositif, à titre expérimental, à quelques établissements français et allemands en pays tiers ?
Quant aux classes dites « bilangues », je rappelle que leur développement prend en compte la priorité que nous souhaitons continuer d'accorder à l'enseignement de l'allemand. L'allemand est de loin la langue la plus parlée en Europe : c'est une réalité trop souvent oubliée. Nous voulons donc qu'en France votre langue soit toujours aussi attractive pour nos élèves. Les classes « bilangues » sont l'un des meilleurs leviers de ce renouveau.
Nous souhaitons aussi continuer à développer les échanges : multiplions les appariements, encourageons la mobilité. Que tout élève ou tout apprenti qui étudie la langue du partenaire - ou qui ne l'étudie pas encore, ou peut-être même ne l'étudiera que beaucoup plus tard - ait l'occasion, au cours de sa scolarité ou de sa formation, de faire au moins un séjour, plus ou moins long, dans le pays voisin. Qu'un élève français qui souhaite passer par exemple une année de seconde dans un établissement en Allemagne n'en soit pas empêché parce qu'il n'aurait pas précisément profité d'un programme similaire à celui qu'il aurait suivi en France. Qu'il n'en soit pas pénalisé à son retour. L'agilité intellectuelle, la maturité personnelle et sociale, les compétences interculturelles acquises au cours d'un tel séjour compenseront largement les éventuelles discordances entre les programmes. Pratiquons et mettons en oeuvre le principe de confiance. Que chaque système éducatif fasse confiance à l'autre pour former les Européens de demain. Et je n'oublie pas, bien sûr, le rôle que doivent jouer, dans ces contacts, les échanges virtuels sur internet, qui permettent de préparer ou de prolonger une rencontre physique. Multiplions ainsi les relations directes entre les classes !
N'oublions pas non plus la mobilité des enseignants et des cadres du système éducatif, qu'il faut encourager sans restriction. Nous avons lancé en ce sens l'an dernier un programme, le programme Jules Verne, qui y contribue. Il est essentiel qu'il puisse être le vaisseau amiral d'une flotte toujours plus nombreuse, où les échanges Sauzay, Voltaire et Heine sont de précieux navires.
Mesdames et Messieurs les recteurs, je vous invite à agir résolument pour que se développe la mobilité franco-allemande des élèves, des apprentis, de leurs enseignants et formateurs et des cadres de l'école. Je sais que ce n'est pas toujours facile de voir partir des enseignants ou des collaborateurs. Mais l'amitié franco-allemande n'a pas de prix.
Par ailleurs, ne nous interdisons pas des avancées dans des domaines d'avenir. Pourquoi ne pas songer à un diplôme franco-allemand de langue française, en référence au Deutsches Sprachdiplom. Il permettrait d'évaluer, comme ce diplôme élaboré par la KMK, les niveaux A2 et B1 définis par le Cadre européen commun de référence. Ce nouveau diplôme serait, Monsieur Rau, un examen « bi-niveaux ». Il permettrait de délivrer, pour chacune des quatre compétences langagières, le profil linguistique du candidat.
Ce serait assurément un facteur de rayonnement pour nos deux systèmes éducatifs.
Sans anticiper sur les débats qui auront lieu dans un instant, je voudrais pour finir revenir sur le Manuel d'histoire franco-allemand.
Il serait dommage que cette oeuvre ne soit pas poursuivie. Pourquoi, cher Monsieur Wowereit, ne pas réfléchir ensemble à d'autres manuels communs, à l'image par exemple de ce que pourrait être un manuel franco-allemand de géographie ? C'est une proposition que je vous fais, sans préjuger des formes ou des contenus concrets que pourrait prendre ce projet.
Monsieur Nembrini et Monsieur Seider en reparleront tout à l'heure.
Je serais très heureux qu'une concertation s'engage sur ce sujet et que puisse s'ouvrir un nouveau chantier d'envergure de coopération intellectuelle, scientifique et pédagogique entre nos deux pays. Si après l'histoire, l'Allemagne et la France sont capables de construire ensemble un enseignement commun de la géographie, elles auront donné à l'Europe un outil que beaucoup d'autres sans doute auront à coeur de s'approprier. Et pourquoi, justement, ne pas songer à choisir notre continent comme objet de ce manuel ?
Je voudrais pour conclure partager avec vous ma profonde conviction : la coopération entre l'Allemagne et la France n'est pas exclusive, elle n'est pas et ne doit pas être un enfermement. Elle est un ferment d'ouverture, de partage et d'élargissement.
Soutenir l'allemand et le français, élaborer en commun des manuels scolaires, créer les conditions pour que nos jeunes et nos professeurs se rencontrent et travaillent ensemble, c'est agir pour la diversité linguistique, l'ouverture culturelle, la tolérance et la paix, c'est un enrichissement sans égal. C'est faire, j'ose le dire, oeuvre morale autant que politique. C'est aussi faire entendre une autre musique ; à l'image de celle qu'il nous est possible d'écouter ce jour grâce aux élèves du lycée franco-allemand de Buc, dont je salue le proviseur Madame Libéral qui a su mobiliser ses élèves au coeur des vacances. Continuons donc, chers amis, chers collègues, à permettre à cette musique d'enchanter l'Europe. À vous, à nous maintenant, d'accorder nos instruments. C'est tout l'objet de la réunion de ce jour.
Je vous remercie.Source http://www.education.gouv.fr, le 4 novembre 2009
Monsieur le ministre plénipotentiaire de la République fédérale d'Allemagne en France,
Mesdames et Messieurs les ministres et Monsieur le sénateur de l'Éducation des Länder,
Mesdames et Messieurs les secrétaires d'Etat de l'Éducation des Länder,
Mesdames et Messieurs les représentants des Länder,
Monsieur le conseiller culturel adjoint de l'ambassade de France en Allemagne,
Mesdames et Messieurs les recteurs,
Madame le proviseur,
Mesdames et Messieurs,
Chers élèves,
Je souhaiterais commencer mon intervention par un retour à l'histoire, ce qui ne vous étonnera pas dans un tel lieu marqué par le passé, dans lequel j'ai moi-même appris l'allemand. Dans les mois qui ont précédé la journée décisive du 9 novembre 1989, des rassemblements populaires et pacifiques se sont multipliés en RDA : chaque semaine, ils rassemblaient de plus en plus de manifestants. Ces rassemblements sont restés dans l'histoire comme les « manifestations du lundi ». Celle du lundi 9 octobre, à Leipzig, notamment, est désormais parfois considérée comme aussi importante que celle du 9 novembre.
Aujourd'hui, 2 novembre 2009, à une semaine du 20e anniversaire de la chute du mur de Berlin, nous célébrons, nous aussi, dans ce cadre unique de la Sorbonne, notre « manifestation du lundi ». Cette date est importante. J'espère qu'elle permettra par notre travail de la journée de donner une nouvelle dimension à notre coopération bilatérale. Elle m'offre dès cette introduction l'occasion de rappeler l'importance inégalée des liens entre l'Allemagne et la France et, surtout, l'ambition qui nous anime de créer au coeur de l'Europe un espace commun de l'éducation et de la formation.
L'éducation donne probablement à l'amitié franco-allemande son expression la plus concrète : elle permet en effet d'agir en direct avec des jeunes qui héritent de notre passé et le transforment en espoirs futurs ; c'est à eux, nous le savons tous, qu'appartient le devenir de l'Europe.
En encourageant toujours davantage le dialogue entre leurs jeunesses, le rapprochement de leurs systèmes éducatifs, la coopération entre leurs établissements scolaires, l'apprentissage de la langue du partenaire et la connaissance approfondie des cultures par-delà bien des préjugés qui perdurent, l'Allemagne et la France jouent un rôle sans égal. Il est toujours regardé avec un très grand intérêt par l'ensemble de nos partenaires.
Le contexte actuel est favorable. Une volonté politique forte anime nos deux pays et leurs dirigeants. La réforme du lycée, que nous avons préparée le Président Sarkozy et moi-même, et dont il a annoncé les grands axes le 13 octobre dernier, ouvrira de nouvelles perspectives à partir de la rentrée 2010. Elle prévoit notamment la transformation de la série littéraire en une véritable série internationale, intégrant un enseignement de langues et civilisations étrangères. Plus généralement, cette réforme affirme notre volonté de développer les compétences en langues étrangères de tous nos élèves, en insistant particulièrement sur leur capacité à s'exprimer à l'oral. L'enseignement de l'allemand bénéficiera bien sûr des nombreuses mesures prises pour atteindre cet objectif.
Peu de coopérations se fondent sur une expérience aussi enracinée : j'en prends pour seul exemple celle du plan en faveur de la langue du partenaire, lancé en novembre 2004 à Sarrebrück, il y a cinq ans, lors de la première rencontre entre recteurs et ministres des Länder.
Nous avons réussi une première étape. Le déclin de l'allemand en France, la stagnation du français en Allemagne, qui semblaient inéluctables, sont désormais enrayés. Le nombre d'établissements qui préparent à l'AbiBac a, dans les deux pays, plus que doublé et, désormais, la quasi-totalité des académies et des Länder offrent cette formation d'excellence. En France les sixièmes « bilangues » et les sections européennes se sont fortement développées. Nous en reparlerons tout à l'heure.
Ces nouveaux défis ont offert une occasion magnifique de remobiliser les institutions historiques de notre coopération, toutes présentes aujourd'hui :
- l'Office franco-allemand pour la jeunesse, qui a permis depuis sa création à 8 millions de jeunes Français et Allemands de se rencontrer - Madame Kuntz et Madame Angrand y reviendront tout à l'heure ;
- le Secrétariat franco-allemand qui offre chaque année à 4 000 - et bientôt 5 000 - jeunes en formation professionnelle de se former dans une entreprise de l'autre pays - le programme d'échanges fêtera en 2010 son 30e anniversaire, un beau succès ;
- et enfin, l'Université franco-allemande, dont je salue le président, M. Pierre Monnet, et qui, entre autres, soutient près de 150 cursus intégrés binationaux ou tri nationaux.
Quant aux projets, je ne peux certes pas les évoquer tous, mais il en est un que je veux particulièrement saluer. Vous devinez lequel, Monsieur Wowereit : il s'agit bien sûr de notre « manuel d'histoire franco-allemand ».
Je ne reviendrai pas sur la genèse de ce travail, unique en son genre. Seul manuel scolaire commun à deux pays, il constitue une réussite exemplaire qui a permis, tout en prenant en compte les différences historiographiques, de rapprocher les points de vue et de croiser les regards. Beaucoup d'autres pays, du Japon (où le manuel a été traduit) à la Corée du Sud, de la Palestine à la Pologne, observent avec un très vif intérêt cette démarche et nous interrogent souvent sur les difficultés que nous avons rencontrées et sur les solutions que nous avons mises en oeuvre pour les surmonter.
On dit souvent que la réconciliation franco-allemande va aujourd'hui de soi, notamment pour les nouvelles générations. Sans doute, mais les bases de cette réconciliation doivent être connues de tous. Le manuel d'histoire est dans ce contexte le fruit très actuel d'un long travail de mémoire, accompli sans faillir.
Aussi est-ce avec grand plaisir que je suis en mesure d'annoncer aujourd'hui, Monsieur le Plénipotentiaire, que l'année 2010 verra bien, comme prévu, la publication du 3e volume de ce projet, qui en France, sera destiné aux classes de seconde. Ainsi cette grande et belle aventure, malgré les difficultés inhérentes à un projet de cette envergure, aura été jusqu'à son terme. Je voudrais ici en remercier tous les acteurs : comité de pilotage, éditeurs, directeurs d'ouvrage, auteurs. Nous nous retrouverons certainement, Monsieur le Plénipotentiaire, pour célébrer dignement cet événement. Et dès aujourd'hui, j'invite tous les responsables éducatifs à utiliser et à faire utiliser ce manuel qui, rappelons-le, n'est pas destiné aux seuls élèves qui apprennent l'allemand ou le français, mais bien à tous les élèves du lycée.
Mais si nous avons tout lieu d'être fiers et de nous réjouir de ce que nous avons déjà fait, nous savons aussi que l'amitié doit sans cesse se ressourcer.
Aussi devons-nous aller plus loin, prendre de nouvelles initiatives, lancer de nouveaux projets. C'est l'un des objectifs de cette journée et je vous propose dans cet esprit quelques pistes concrètes.
Nous devons d'abord, bien sûr, consolider les dispositifs qui ont fait leurs preuves, l'AbiBac et les classes « bilangues » en premier lieu.
L'AbiBac d'abord : faisons en sorte que toutes les académies et tous les Länder, comme nous l'avons voulu en 2004, offrent très rapidement aux jeunes cette possibilité de double diplôme. Mais aussi pourquoi ne pas envisager d'étendre ce dispositif, à titre expérimental, à quelques établissements français et allemands en pays tiers ?
Quant aux classes dites « bilangues », je rappelle que leur développement prend en compte la priorité que nous souhaitons continuer d'accorder à l'enseignement de l'allemand. L'allemand est de loin la langue la plus parlée en Europe : c'est une réalité trop souvent oubliée. Nous voulons donc qu'en France votre langue soit toujours aussi attractive pour nos élèves. Les classes « bilangues » sont l'un des meilleurs leviers de ce renouveau.
Nous souhaitons aussi continuer à développer les échanges : multiplions les appariements, encourageons la mobilité. Que tout élève ou tout apprenti qui étudie la langue du partenaire - ou qui ne l'étudie pas encore, ou peut-être même ne l'étudiera que beaucoup plus tard - ait l'occasion, au cours de sa scolarité ou de sa formation, de faire au moins un séjour, plus ou moins long, dans le pays voisin. Qu'un élève français qui souhaite passer par exemple une année de seconde dans un établissement en Allemagne n'en soit pas empêché parce qu'il n'aurait pas précisément profité d'un programme similaire à celui qu'il aurait suivi en France. Qu'il n'en soit pas pénalisé à son retour. L'agilité intellectuelle, la maturité personnelle et sociale, les compétences interculturelles acquises au cours d'un tel séjour compenseront largement les éventuelles discordances entre les programmes. Pratiquons et mettons en oeuvre le principe de confiance. Que chaque système éducatif fasse confiance à l'autre pour former les Européens de demain. Et je n'oublie pas, bien sûr, le rôle que doivent jouer, dans ces contacts, les échanges virtuels sur internet, qui permettent de préparer ou de prolonger une rencontre physique. Multiplions ainsi les relations directes entre les classes !
N'oublions pas non plus la mobilité des enseignants et des cadres du système éducatif, qu'il faut encourager sans restriction. Nous avons lancé en ce sens l'an dernier un programme, le programme Jules Verne, qui y contribue. Il est essentiel qu'il puisse être le vaisseau amiral d'une flotte toujours plus nombreuse, où les échanges Sauzay, Voltaire et Heine sont de précieux navires.
Mesdames et Messieurs les recteurs, je vous invite à agir résolument pour que se développe la mobilité franco-allemande des élèves, des apprentis, de leurs enseignants et formateurs et des cadres de l'école. Je sais que ce n'est pas toujours facile de voir partir des enseignants ou des collaborateurs. Mais l'amitié franco-allemande n'a pas de prix.
Par ailleurs, ne nous interdisons pas des avancées dans des domaines d'avenir. Pourquoi ne pas songer à un diplôme franco-allemand de langue française, en référence au Deutsches Sprachdiplom. Il permettrait d'évaluer, comme ce diplôme élaboré par la KMK, les niveaux A2 et B1 définis par le Cadre européen commun de référence. Ce nouveau diplôme serait, Monsieur Rau, un examen « bi-niveaux ». Il permettrait de délivrer, pour chacune des quatre compétences langagières, le profil linguistique du candidat.
Ce serait assurément un facteur de rayonnement pour nos deux systèmes éducatifs.
Sans anticiper sur les débats qui auront lieu dans un instant, je voudrais pour finir revenir sur le Manuel d'histoire franco-allemand.
Il serait dommage que cette oeuvre ne soit pas poursuivie. Pourquoi, cher Monsieur Wowereit, ne pas réfléchir ensemble à d'autres manuels communs, à l'image par exemple de ce que pourrait être un manuel franco-allemand de géographie ? C'est une proposition que je vous fais, sans préjuger des formes ou des contenus concrets que pourrait prendre ce projet.
Monsieur Nembrini et Monsieur Seider en reparleront tout à l'heure.
Je serais très heureux qu'une concertation s'engage sur ce sujet et que puisse s'ouvrir un nouveau chantier d'envergure de coopération intellectuelle, scientifique et pédagogique entre nos deux pays. Si après l'histoire, l'Allemagne et la France sont capables de construire ensemble un enseignement commun de la géographie, elles auront donné à l'Europe un outil que beaucoup d'autres sans doute auront à coeur de s'approprier. Et pourquoi, justement, ne pas songer à choisir notre continent comme objet de ce manuel ?
Je voudrais pour conclure partager avec vous ma profonde conviction : la coopération entre l'Allemagne et la France n'est pas exclusive, elle n'est pas et ne doit pas être un enfermement. Elle est un ferment d'ouverture, de partage et d'élargissement.
Soutenir l'allemand et le français, élaborer en commun des manuels scolaires, créer les conditions pour que nos jeunes et nos professeurs se rencontrent et travaillent ensemble, c'est agir pour la diversité linguistique, l'ouverture culturelle, la tolérance et la paix, c'est un enrichissement sans égal. C'est faire, j'ose le dire, oeuvre morale autant que politique. C'est aussi faire entendre une autre musique ; à l'image de celle qu'il nous est possible d'écouter ce jour grâce aux élèves du lycée franco-allemand de Buc, dont je salue le proviseur Madame Libéral qui a su mobiliser ses élèves au coeur des vacances. Continuons donc, chers amis, chers collègues, à permettre à cette musique d'enchanter l'Europe. À vous, à nous maintenant, d'accorder nos instruments. C'est tout l'objet de la réunion de ce jour.
Je vous remercie.Source http://www.education.gouv.fr, le 4 novembre 2009