Déclaration de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, sur la mémoire combattante, à Paris le 3 novembre 2009.

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Circonstance : Cérémonie à l'occasion de la sortie des deux livres de M. Patrick Buisson (La guerre d'Indochine et La guerre d'Algérie), à Paris le 3 novembre 2009

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Il n'y a peut-être pas, en France, un lieu plus symbolique et plus chargé de la mémoire de nos Armées que l'Hôtel des Invalides.
Il a été construit par Louis XIV pour accueillir ses soldats blessés.
Il a traversé toute l'histoire de France : la monarchie, l'Empire, la République.
Il a enduré et éprouvé ce que le pays a connu.
Mais il est resté debout dans le paysage parisien, comme pour nous apporter la preuve qu'existe ce que Fernand Braudel appelait la permanence française.
C'est salutaire parfois, en particulier dans les temps incertains, de se demander qui on est, d'où l'on vient, ce que l'on fait et ce que l'on est appelé à devenir...
Un individu qui ne saurait pas répondre à ce genre de questions serait vite tenu pour un amnésique ou, pire encore, pour un inconscient.
Il en va de même pour une nation.
Qu'est-ce que la France ?
Ici, à l'Hôtel des Invalides, la réponse nous vient naturellement : c'est une nation qui s'est construite au prix d'un travail toujours recommencé et de sacrifices toujours plus grands.
C'est sur les champs de bataille et dans l'adversité que la France s'est édifiée au long des siècles.
Etre français, c'est d'abord et avant tout se reconnaître dans cette histoire-là, la recevoir en partage et l'assumer.
Transmettre la mémoire combattante, c'est bien plus encore.
C'est faire partager la mémoire de millions de soldats, de conscrits et d'engagés, qui ont servi la France au cours de son histoire.
La mémoire combattante, c'est de l'histoire.
Mais une histoire des passions et des émotions françaises.
Une histoire à visage humain.
Cher Patrick Buisson,
En publiant chez Albin Michel deux ouvrages et deux DVD, consacrés à la guerre d'Indochine et à la guerre d'Algérie, c'est précisément cette histoire humaine que vous nous présentez.
C'est cette histoire qui nous permet de comprendre ce qui s'est joué en Indochine et en Algérie.
Il y a, bien entendu, de l'héroïsme et des actions militaires.
Mais il y a plus encore : une vraie force émotionnelle, que parvient à saisir le Service cinéma des Armées et que vous nous restituez.
Et l'on saisit mieux pourquoi les cicatrices ouvertes il y a plus de cinquante ans ne sont pas encore refermées.
Si le Président de la République nous a demandé de mettre rapidement sur pied la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, c'est bien que cette question est essentielle pour notre pays.
Vous me permettrez une remarque personnelle.
En lisant vos deux livres, on en tire une leçon essentielle : les choses ne sont jamais simples. Et si l'on veut saisir la vérité, il faut aller au-delà des apparences.
Lorsque l'on dit que la guerre d'Algérie est le dernier épisode de l'épopée coloniale, on a tout dit, on a vite dit, mais on n'a, en fin de compte, rien dit.
Le défilé de la première harka féminine, les officiers qui se transforment en instituteurs dans le Djebel, la mort d'un sous-officier : ce sont autant d'images qui nous racontent une histoire plus fine et plus sensible.
De même, lorsque l'on résume la guerre d'Indochine à une sale guerre qui se termine par la chute de Dien-Bien-Phu, on passe à côté des liens souvent fraternels qui s'étaient établis entre les soldats du Corps expéditionnaire français et les populations locales.
Vous rendez justice, cher Patrick Buisson, à ces hommes qui ne sont pas de simples pièces sur le grand échiquier de l'histoire.
Vous leur redonnez leur épaisseur et leurs couleurs.
Vous leur redonnez vie.
C'est de tout cela que j'ai souhaité, ce soir, voulu vous remercier.
Mais ma gratitude serait incomplète, si je ne l'exprimais pas également à la chaine Histoire, aux éditions Albin Michel ainsi qu'aux services du ministère : la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) et l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD), qui veille sur l'un des plus extraordinaires fonds audiovisuels qui soient.
Vos deux livres, Patrick Buisson, vont concourir à mieux le faire connaître auprès du grand public. Et je formule le voeu que cela ne s'arrête pas là et qu'avec la Chaîne Histoire nous puissions encore mieux le faire partager et le mettre en valeur.
Car transmettre la mémoire de nos conflits, c'est un enjeu qui dépasse de loin les préoccupations savantes et le monde combattant lui-même. C'est aujourd'hui un enjeu pour la nation tout entière.

source http://www.defense.gouv.fr, le 24 novembre 2009