Point de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec la presse française et israélienne, sur la nécessité de la reprise des discussions entre Israéliens et Palestiniens, de la création d'un Etat palestinien à côté de l'Etat israélien et de l'arrêt de la colonisation, Jérusalem le 18 novembre 2009.

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Circonstance : Voyage de Bernard Kouchner dans les Territoires palestiniens et en Israël du 16 au 18 novembre 2009

Texte intégral

Q - Vous aviez raison de dire que les Israéliens ont perdu espoir en la paix en entendant le pronostic catastrophique de Yossi Beilin ce soir.
R - Yossi Beilin s'est engagé toute sa vie sur des positions qui étaient absolument condamnées d'avance et il a pourtant réussi, depuis le Processus d'Oslo jusqu'aux accords de Genève. Il n'est pas question qu'il renonce ! Ecoutez ce qu'il a dit aujourd'hui. Il ne renonce pas. Il prévient que la situation est difficile ; nous le savons même si elle est moins difficile qu'il y a cinq, dix ou quinze ans. Au moment de toucher au but, je crois que nous sommes proches mais le but n'est pas atteint. C'est toujours ainsi : les dernières négociations sont toujours celles pendant lesquelles les protagonistes s'affrontent le plus. Je ne veux pas être pessimiste, je veux vivre suffisamment et vous aussi, pour voir un Etat palestinien aux cotés d'un Etat d'Israël et je pense que Yossi Beilin le verra aussi.

Q - Vous avez rencontrez M. Netanyahu, quels sont les points de convergences en ce qui concerne le retour à la table des négociations ?
R - C'est à lui de le dire et il le dira certainement ; je crois qu'il y a un mouvement profond qui vient d'une droite israélienne qui refusait jusque-là l'existence de l'Etat palestinien aux côtés d'Israël, et je crois que ça c'est un progrès important, c'est quelque chose auquel il y a 10 ans il était impossible de croire, et même il y a 5 ans. Alors sur cette voie, je pense qu'il signalera à l'Autorité palestinienne en particulier que l'espoir est devant nous et que l'espoir est pour tout le monde. C'est mon souhait le plus cher, et je voudrais que cela arrive tout de suite. Mais ce n'est pas moi qui dirige l'Etat d'Israël, ni le président Sarkozy.

Q - Il vous a parlé d'un moratoire ?
R - Ce mot, cette possibilité a été évoquée. C'est lui qui décidera bien entendu et j'ai trouvé auprès du président Shimon Peres avec qui j'ai parlé longuement et que je connais bien, une préoccupation assez semblable à celle de M. Netanyahou. Donc, il y a avant le saut final, la création d'un Etat palestinien, des hésitations. Mes Chers Amis, c'est assez compréhensible et Dieu sait si la position de la France est claire. Elle est en faveur de cet Etat depuis longtemps, elle est en faveur de l'arrêt de la colonisation. Mais la réalité, ce ne sont pas seulement les déclarations, c'est la façon dont cela va se passer, et il appartient à la classe politique israélienne en général d'en décider. Et je pense que franchement, cela ne peut pas se faire attendre trop longtemps. Il est vrai que la période n'est pas commode et qu'elle est probablement assez risquée.
Je suis venu soutenir M. Abou Mazen. J'espère qu'il décidera de rester encore quelques temps avec nous, à guider le peuple palestinien. Je suis moins pessimiste maintenant qu'en arrivant.

Q - Si Mahmoud Abbas continuait à ne plus vouloir se représenter à la tête de l'Autorité palestinienne, vous soutiendrez Salam Fayyad ?
R - Ce n'est pas à nous de soutenir M. Salam Fayyad. Il y a un comité exécutif de l'OLP. Il y a des choses qui sont très claires et très définies. M. Salam Fayyad est un homme avec qui nous travaillons avec beaucoup de succès. Il fait preuve de sérieux, de professionnalisme et d'une neutralité formidable sur les projets qu'il développe depuis la conférence de Paris. Nous soutenons dans les faits M. Salam Fayad, mais ce n'est pas à nous de désigner les dirigeants. Et d'ailleurs, il n'a pas dit qu'il partirait avec Abou Mazen. Et je ne pense pas qu'il partira.

Q - Quelle est la position de la France après votre rencontre avec M. Netanyahou à propos de Guilo et de la construction dans ces quartiers?
R - On m'a expliqué que la décision appartenait à la municipalité, que cela n'était pas une décision politique qui a été prise par M. Netanyahou. J'ai dit que c'était regrettable parce que cela est ressenti dans le monde entier avec un impact considérable qui n'est pas positif, mais je sais que ce n'est pas la décision de M. Netanyahou.

Q - Quelle est votre position concernant Jérusalem ? Jérusalem-Est doit-elle être la capitale du futur Etat palestinien ?
R - La position française est parfaitement claire. Nous n'avons cessé de le répéter. Nous sommes en faveur de Jérusalem comme capitale des deux Etats. La solution des deux Etats est notre souhait le plus cher.

Q - Pensez-vous que les Syriens sont prêts à négocier avec Israël ?
R - Nous avons reçu le Premier ministre Netanyahou et le président Bachar Al-Assad. S'ils veulent dialoguer, à travers une négociation turque, française ou autre, nous sommes prêts. Mais ce n'est pas à nous de commencer les négociations. Cela a été fait. D'une certaine façon elles ont réussi à résoudre 80 % des problèmes mais elles ne sont pas achevées.

Q - Monsieur le Ministre, on condamne maintenant beaucoup la construction dans les implantations. Si pour vous, il fallait choisir une raison pour laquelle on bloque et que les négociations n'avancent pas, laquelle serait-elle ? Une raison pour laquelle nous ne sommes pas avancé ?
R - Mais c'est à vous, les Israéliens et les Palestiniens, de répondre à cette question. La France a une position très claire. Nous ne sommes pas ceux qui dictent leurs solutions aux autres Etats. Il faut que les deux peuples, palestinien et israélien, et les deux dirigeants de ces peuples soient en accord avec la France et en faveur du retour à la table de négociations, de la reprise de ces dialogues politiques, absolument nécessaires. Nous sommes pour la solution des deux Etats, nous sommes également pour Jérusalem, comme capitale des deux Etats. Notre position est claire, elle n'a pas changé. Le réalisme politique n'est pas l'abandon des idées ou une échappatoire.
Oui, vous avez raison d'être impatient, moi aussi. Depuis 1975, je suis convaincu de la nécessité des deux Etats.

Q - Alors pourquoi ce soir repartez-vous plus optimiste ?
R - Parce que j'ai entendu des gens dont la perspective est celle-là. J'ai rencontré Abou Mazen hier, le président Shimon Peres, Benyamin Netanyahou, je pense qu'ils vont avec difficulté faire le dernier pas, qui n'est pas facile, dans la bonne direction. J'espère que je ne me trompe pas.

Q - Barack Obama se trompe alors. Il dit qu'il est consterné par Guilo. Et vous, vous êtes quoi ?
R - Je vous l'ai dit. J'ai découvert que cela n'était pas une décision du Premier ministre, mais que c'était regrettable. Je l'ai dit, bien entendu. Ce n'est pas cela qui va faire obstacle à la nécessité de bâtir un Etat palestinien. Si cela fait obstacle, cela veut dire qu'il n'y a pas beaucoup de détermination ; or je sais qu'il y en a.

source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 novembre 2009