Déclaration de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, devant le Club rhénan sur la coopération franco-allemande, à Paris le 18 novembre 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
J'ai le plaisir de me joindre à votre réunion parisienne du Club rhénan quelques jours après une série tout à fait exceptionnelle de manifestations franco-allemandes, dont les points culminants ont été les festivités organisées simultanément à Berlin et à Paris le soir des vingt ans de la chute du Mur de Berlin, et la cérémonie à l'Arc de Triomphe le 11 novembre, la première sans "poilus", la première en format franco-allemand. Permettez-moi de vous en parler brièvement.
La chute du Mur - produit d'une révolution pacifique qui allait entraîner la réunification de l'Allemagne, mais aussi de l'ensemble du continent européen dans la Liberté - demeure aujourd'hui le symbole de la fin de la Guerre froide, le point de départ d'une nouvelle page de l'histoire du monde, et l'acte fondateur de la nouvelle Europe.
Le 9 novembre, à l'invitation de la chancelière Angela Merkel, près de trente chefs d'Etat et de gouvernement ont commémoré les vingt ans de la chute du mur de Berlin. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, était présent aux côtés de la chancelière en tant que représentant du pays qui est aujourd'hui le plus proche partenaire de l'Allemagne.
Dans le même temps, un certain nombre de Français était rassemblé ici à Paris, sur la Place de la Concorde, autour du Premier ministre François Fillon, pour célébrer cet anniversaire à Paris. Ce geste fort auquel j'ai travaillé, avec le soutien du président de la République et du Premier ministre, visait à montrer à nos amis allemands que cet événement fait désormais pleinement partie de notre histoire européenne commune. Je me réjouis qu'Angela Merkel elle-même dans son discours devant l'Arc de Triomphe, l'ait perçu comme tel.
Le message que nous souhaitions adresser à nos amis allemands, c'est d'abord celui du caractère véritablement exceptionnel d'une relation franco-allemande au service de l'Europe. La France et l'Allemagne ont en effet atteint aujourd'hui un niveau de coopération inégalé en Europe et dans le monde.
Nous sommes aujourd'hui à l'aube d'une troisième phase de l'Histoire de l'Europe de l'après-guerre et donc d'une troisième phase des relations entre la France et l'Allemagne : après la phase de réconciliation (1945-1989), puis celle de la réunification (1989-2009), cette séquence symbolique des 9 et 11 novembre marque en quelque sort le début de l'unité franco-allemande.
Ce n'est pas seulement une affaire de symboles : la France et l'Allemagne ont fait d'une unité exemplaire dans la réponse à la crise économique et financière. La lettre que le président de la République a signée avec la chancelière fédérale à la veille du Sommet de Pittsburgh a démontré la capacité d'entraînement de nos deux pays, sur l'Union européenne d'abord, sur le G20 ensuite.
A l'heure où, grâce à l'action de la France et de l'Allemagne, l'Union européenne disposera bientôt, avec le Traité de Lisbonne, de la "boîte à outils" dont elle a besoin, l'enjeu est de construire un projet commun franco-allemand qui puisse conduire l'Europe dans son ensemble.
A cet égard, l'un des enjeux pour concrétiser cette entente franco-allemande est de fonder nos politiques économiques sur la confiance réciproque.
Il existe toujours une forme de défiance allemande envers ce qui est perçu comme un "manque de sérieux" français. J'ai moi-même été contacté récemment par des responsables politiques et économiques allemands, inquiets de voir que nos stratégies nationales de sortie de crise - en particulier nos stratégies budgétaires - s'engagent sur des voies divergentes.
Alors que le déficit budgétaire de l'Allemagne s'élève actuellement à 3,7 % du PIB (8,2 % en France) et que sa dette pour 2009 pourrait atteindre 73,4 % du PIB (77,1 % en France), l'Allemagne s'est résolument engagée dans un retour aux équilibres. Même si cet objectif ne pourra que difficilement être atteint avant 2013, il a été rappelé dans l'accord de coalition. Il répond en outre à l'obligation qu'impose la modification récente de la Loi fondamentale allemande limitant le déficit budgétaire structurel à 0,35 % du PIB à partir de 2016 et imposant sa suppression à partir de 2020.
Une telle évolution de la part de l'Allemagne, rend plus que jamais nécessaire une plus grande coordination de nos politiques économiques. Alors que la Commission européenne a enclenché il y a quelques semaines une procédure pour déficits excessifs envers neuf nouveaux Etats membres, dont l'Allemagne, nos deux pays ont intérêt à couper court à toute polémique et à définir ensemble les contours d'une stratégie européenne de sortie de crise.
Je vois donc dans la sortie de crise l'un des principaux chantiers de la coopération franco-allemande dans les mois à venir.
Les points de convergence existent : le contrat de coalition contient de nombreuses mesures qui s'apparentent à une politique de relance au moment même où la France s'apprête à lancer le grand emprunt.
Au-delà des questions économiques et financières, la France et l'Allemagne doivent prendre l'initiative en Europe :
- en matière de PESD : après la décision symbolique du Conseil des ministres de l'automne 2008 d'installer un régiment allemand sur le sol français, la brigade franco-allemande pourrait se voir confier une mission en pays tiers. Là où nos troupes sont présentes, comme en Afghanistan, elles doivent davantage travailler ensemble ;
- dans le domaine migratoire, la France et l'Allemagne pourraient anticiper les avancées attendues de l'Union européenne en matière de droit d'asile ;
- la France et l'Allemagne doivent prendre l'initiative en matière de réforme de la gouvernance mondiale en proposant de parler d'une seule voix au FMI et à la Banque mondiale ;
- je suggère également que de confier à deux chefs d'entreprise français et allemand un rôle de coordonnateur industriel afin de promouvoir et d'aider au pilotage des projets de coopération industrielle ;
- nous devons préparer une relève du franco-allemand, à travers la coopération en faveur des jeunes et de la société civile avec un véritable plan comportant des mesures de sortie de crise en faveur de la jeunesse de nos deux pays qui pourraient être mis en oeuvre par l'Office franco-allemand pour la jeunesse : aides à la mobilité, cursus universitaires intégrés, insertion des jeunes dans des entreprises du pays partenaire, intégration des jeunes issus de milieux défavorisés ou de l'immigration et, au moment où l'Allemagne réfléchit la fin du service militaire obligatoire, mise en place d'un service de volontariat civique franco-allemand ;
- en matière scientifique et de recherche : le tissu très dense déjà existant, pourrait encore être renforcé par des projets phares en faveur d'une croissance verte : énergies renouvelables (plan solaire méditerranéen couplé au plan allemand "Desertec"), électro-mobilité, interconnexion des lignes à grande vitesse, projets spatiaux (mesure de l'effet de serre par satellite) ;
- dans le domaine énergétique tout un réseau de coopération doit être rétabli dans le domaine nucléaire.
Derrière la chute du Mur il y avait l'espoir d'un avenir de paix et d'unité en Europe. Ce rêve, vingt ans après, a été largement réalisé, il demeure pourtant plus que jamais nécessaire pour affronter les défis de la mondialisation, de la crise économique ou du changement climatique. Il appartient à la France et à l'Allemagne de le faire vivre, et de continuer sans relâche à travailler ensemble à l'unité européenne, qui passe par une entente toujours plus étroite entre la France et l'Allemagne. L'intensité de ces relations, exemplaire à l'occasion de la crise financière, s'illustre aujourd'hui dans la conduite des négociations sur le climat et sur bien d'autres dossiers.
Nous allons nous atteler au travail, notamment dans la perspective du prochain Conseil des ministres franco-allemand.
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2009