Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec "France 3" le 22 novembre 2009, sur la situation en Afghanistan.

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Média : France 3

Texte intégral

Q - Vous étiez en Afghanistan, il y a encore quelques jours. Peut-il y avoir des négociations, des discussions, des dialogues avec les Taliban ?
R - Ce n'est pas à nous d'en décider, même si nous souhaitons la paix, c'est évidemment aux élus car, péripéties électorales ou non, le président Karzaï est légitime, il est élu.
Les guerres se terminent-elles par des paix ? Oui, en général, mais leur durée n'est pas garantie. Faut-il parler avec les Taliban ? C'est aux Afghans de répondre, mais il faut distinguer parmi les Taliban ceux qui sont des interlocuteurs de ceux qui sont partisans du Jihad mondial, c'est-à-dire d'une imposition dictatoriale terroriste sur le monde, avec lesquels il ne faut certainement pas parler. Il y a des Taliban afghans, des Taliban pakistanais qui appartiennent aux partis anciens et c'est au président Karzaï et au gouvernement qu'il reviendra de les contacter, s'il le souhaite.
Q - Faites-vous confiance à Hamid Karzaï ?
R - Je suis obligé, je ne suis pas naïf. Nous lui avons demandé un certain nombre de garanties. Nous, ce sont les forces engagées sur le terrain, les représentants des pays qui ont envoyé les forces. Et puis, il l'a promis. Tiendra-t-il ses promesses ? Je l'espère, je le souhaite. En suis-je sûr ? Non.
Q - D'ores et déjà d'ailleurs se pose la question du retrait des troupes occidentales d'Afghanistan puisque l'opinion publique fait pression, il y a eu un débat en France au Sénat la semaine dernière. Un calendrier de retrait est-il envisageable ? Est-il à l'étude même ?
R - A un moment donné, il faudra bien sûr entamer un retrait ; nous le souhaitons. Est-il envisageable maintenant ? Non. Le président Karzaï lui-même a dit quelque chose de très important : il a dit que dans deux ans pour certains endroits et trois ans pour d'autres, il faut que les forces afghanes, celles que l'on entraîne, assurent la sécurité. Actuellement, ces forces afghanes ne sont pas assez nombreuses, pas assez équipées et, vous avez raison de le dire dans le reportage que vous avez diffusé, elles ne sont pas assez payées : les Taliban donnent trois fois plus à leurs partisans. Evidemment, les soldats afghans sont très frustrés et, surtout, ils n'ont pas de quoi nourrir leur famille.
Q - D'ici peu de temps ?
R - Nous ne sommes pas destinés à demeurer en Afghanistan.
Je voudrais dire deux choses. Il n'y aura jamais de victoire militaire suffisante mais il y aura, grâce à nos soldats et c'est essentiel, à un moment donné, cette sécurisation qui permettra aux Afghans eux-mêmes, car ce sont eux que cela intéresse, de prendre leurs projets en main. C'est ce que nous faisons dans les zones dont nous sommes chargés et je voudrais dire un mot de la conduite de nos soldats : ils sont admirables. Ils ne font pas la guerre aux Afghans, ils sont 'à leurs côtés, dans les villages.
Vous avez montré un vieux monsieur dans le reportage, avec sa barbe blanche ; je ne sais pas s'il est vieux, mais il en a l'apparence. L'Afghanistan est l'un des pays les plus pauvres du monde. Sachons qu'ils sont pauvres ! Sachons que c'est pour eux que nous nous battons et pour leur offrir un autre avenir que celui qu'offrent les Taliban.
Q - Ce soir, le président israélien Simon Peres a parlé de Gilat Chalit, ce soldat franco-israélien détenu depuis trois ans à Gaza, en disant qu'il y avait peut-être de l'espoir pour lui. Jusqu'à maintenant, les espoirs ont été douchés. Cette fois, les choses peuvent-elles avancer davantage ?
R - Le président israélien a dit qu'il y avait une liste de prisonniers à échanger contre le franco-israélien Gilat Chalit. Les choses avancent, souhaitons que cela soit fait au plus vite.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 novembre 2009