Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans "Métro" du 25 novembre 2009, sur la préparation du sommet de Copenhague sur le changement climatique.

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Louis Borloo - Ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer

Média : Métro

Texte intégral

Q - Comment préparez-vous un Sommet comme Copenhague ?
R - Cela ne ressemble à rien de vraiment très connu. On connaît des sommets de chefs d'Etat très organisés, G8, G20, avec des décisions très importantes mais ponctuelles. A Copenhague, il s'agit, pour 192 pays du monde, de trouver un accord sur une réduction massive des émissions de gaz à effets de serre sur quarante ans.
C'est un sommet sur l'avenir de la planète ! Modifier à ce point nos comportements et faire évoluer nos économies, nos modèles de développement, c'est une quasi-première dans l'histoire. De plus, la moitié de la planète est déjà impactée par le changement climatique : recul de la forêt, inondations, érosion des sols, etc. Les Etats industrialisés, qui sont les plus gros émetteurs, doivent se montrer solidaires.

Q - Vous avez présenté un plan justice-climat. Comment allez-vous le financer ?
R - Il faut aider les pays les plus vulnérables à s'adapter et à se développer. Je suis allé sur le terrain partout dans le monde. En Afrique, la déforestation est liée au réchauffement, mais aussi à la nécessité vitale du bois de chauffe. 77% des Africains n'ont pas accès à l'énergie ou à la lumière. Au Bangladesh, l'eau risque de monter de 40 cm d'ici à 2050, créant 30 millions de réfugiés climatiques. De plus, les pays vulnérables n'ont pas bénéficié du marché carbone créé par Kyoto. Il faut un financement mondial, annuel et garanti d'environ 30 milliards de dollars par an. On propose un prélèvement presque "indolore" de 0,01% sur les transactions financières pour financer cette adaptation et l'accès des pays vulnérables aux énergies renouvelables.

Q - A quoi doit aboutir Copenhague ?
R - Il y a deux ans, tous les pays se sont engagés, à Bali, sur une feuille de route indiquant que les pays industrialisés devaient réduire leurs émissions de CO2 de 25% à 40% d'ici à 2020 et les diviser par quatre d'ici à 2050. Il faut maintenant qu'ils s'engagent, pays par pays. Les Etats-Unis ne doivent pas continuer à hésiter et à s'engager si peu. Il faut peut-être trouver une flexibilité ou leur demander un peu moins au début, à condition qu'ils rattrapent leur retard entre 2020 et 2030...
Deuxièmement, en rencontrant à New Delhi le Premier ministre indien, j'ai compris que, quand on est à la tête d'une démocratie de 1,2 milliard de personnes, avec 450 millions de pauvres, brider la croissance est inacceptable. Les grands émergents vont aussi s'engager à diminuer leur intensité carbone, c'est-à-dire leur production d'émissions de CO2 par rapport à leur courbe de croissance.
Enfin, il faut un plan mondial, garanti, annuel, pour aider les pays vulnérables, dont l'Afrique et le Bangladesh. Après, faut-il que ce soit un traité contraignant ? Kyoto a été contraignant, il n'a pas été respecté. L'aspect formel n'est pas le point décisif si les pays prennent des engagements concrets.

Q - Baisser nos émissions de gaz à effet de serre passe par des équipements, comme les panneaux solaires, produits par des pays comme la Chine avec énormément d'énergie. Cela ne va-t-il pas générer une hausse des émissions de ces pays ?
R - En cinq ans, la Chine est devenue leader sur le photovoltaïque. Ce produit peut être pertinent, mais ses conditions de production, pas forcément. L'adaptation est toujours progressive. A nous de produire des panneaux photovoltaïques dans de meilleures conditions environnementales. On vient d'ailleurs d'installer en France deux usines de production.

Q - Où en est la production de biocarburants ?
R - Au plan mondial, il est très difficile d'expliquer, au sujet des biocarburants de première génération, qu'on puisse affecter des terres agricoles cultivables à la fabrication de l'essence ! En revanche, la 2ème génération, qui utilise les résidus (algues, déchets agricoles), peut être un des éléments de réponse à la question de la diversité énergétique.

Q - On a des problèmes d'approvisionnement en électricité en France. Or, on prévoit entre un et deux millions de voitures électriques. Comment s'en sortir ?
R - Nous avons aujourd'hui 14 réacteurs à l'arrêt pour cause de maintenance. Le coefficient de disponibilité est de l'ordre de 75%. C'est la mission du nouveau patron d'EDF de repasser à 85%. Sachant qu'en parallèle, on réduit massivement nos consommations d'énergie, notamment dans l'habitat, on peut accompagner le développement industriel du véhicule électrique.

Q - Qu'apporte la taxe carbone ?
R - Si, à Copenhague, de grands pays ne font pas d'effort, on mettra un mécanisme aux frontières de l'Europe pour qu'il n'y ait pas de dumping environnemental. Pour avoir le droit de le faire, selon l'OMC, il faut qu'on l'institue chez nous. L'idée de la taxe carbone, c'est de donner un signal prix, très faible au début, pour dire aux gens que l'énergie sera de plus en plus chère. On taxe le carbone, pas les ménages.
C'est d'une neutralité parfaite. Dès le mois de février, les gens vont recevoir soit un chèque de compensation, soit un crédit d'impôt.

Q - Le 20 octobre se tenait à Luxembourg un dîner des ministres européens de l'Environnement. Selon les médias, vous auriez utilisé un Falcon gouvernemental pour effectuer ce déplacement...
R - C'est inexact. J'ai lu ça dans un journal. De plus, tous nos déplacements sont strictement compensés "carbone". Je n'ai pas le temps d'écouter les rumeurs.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 novembre 2009