Interview de M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse, à France Info le 27 novembre 2009, sur la montée du chômage, l'emploi des jeunes, le RSA et les élections régionales.

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Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- Merci d'être avec nous ce matin sur France Info pour parler Solidarité, bien sûr, mais aussi chômage puisque les chiffres du mois d'octobre sont tombés hier, on a franchi ça y est cette fois, la barre des 2,6 millions chômeurs ; il y a beaucoup de jeunes qui sont concernés par ce chômage. Est-ce que finalement, cette politique mise en place - il y a eu pas mal de choses menées de front - n'est-elle pas en train de montrer ses limites ?
 
Elle est en train de...je pense qu'elle n'est pas allée jusqu'au bout de ce qu'elle pouvait faire, et donc je pense qu'il faut continuer. Je pense notamment, début septembre, le président de la République avait demandé à H. Proglio, qui est maintenant à d'EDF, de mobiliser les patrons du CAC-40 pour qu'ils prennent des engagements vis-à-vis des jeunes. Il faudrait qu'on fasse le point sur : est-ce qu'ils ont tenu leurs engagements ou pas ? Maintenant, s'ils ne les ont pas tenus, il faudra les relancer, si ils les ont tenus, il faudra voir si celles et ceux qui vont bien peuvent aller plus loin. Donc, je voudrais que ces résultats nous soient transmis et puissent être un peu rendus publics et débattus, maintenant, sur les grandes entreprises qui devaient se mobiliser énormément. Deuxièmement, on voit qu'on a mobilisé beaucoup d'argent au mois d'avril sur l'emploi des jeunes - sur l'apprentissage, sur la professionnalisation, sur la possibilité de passer en CDI des jeunes diplômés qui ont fait des stages, etc. On n'a pas tout dépensé, c'est-à-dire qu'il y a encore matière à pouvoir "puiser" j'allais dire, dans ces ressources financières qui ont été mises par l'Etat à disposition des acteurs. Et donc je pense que l'effort doit continuer en novembre, décembre, janvier. J'étais avec des jeunes hier dans le Jura, où on en voyait encore qui avaient du mal à...ils s'étaient inscrits dans un centre d'apprentissage, avec toujours par leur entreprise, etc. On a permis de garder les jeunes dans un centre d'apprentissage un mois ou deux mois de plus. Et il y a une chose à laquelle je tiens, j'espèrerais être entendu, c'est qu'il y a un député qui s'appelle L. Hénart, qui a proposé que l'on puisse prendre des jeunes en apprentissage dans les fonctions publiques. Il y a quelques mesures de simplification à faire, il faudrait les prendre vite à mon sens, pour faire en sorte qu'un jeune qui veut faire un apprentissage, qui n'est pas pris dans une entreprise, il puisse aller dans la fonction publique faire son apprentissage.
 
Donc, encore beaucoup d'efforts à venir. Par exemple, le Secours Populaire est de plus en plus présent, notamment dans les facultés pour venir en aide aux étudiants, ils n'ont pas les moyens de joindre les deux bouts, de moins en moins en tout cas. D'autant que les petits boulots disparaissent. Du coup, le peu d'argent qu'ils avaient ils ne l'ont plus. Comment peut-on justement les aider ?
 
Sur les étudiants, il y a une mesure qui est en train de se faire, qui est la mesure que demandaient tous les étudiants qui avaient du mal à boucler les fins de mois pendant l'année, qui est d'augmenter, de leur donner un dixième mois de bourse. Là, on voit ça ; il y a eu beaucoup de reportages sur le Secours Populaire au mois de septembre, parce que souvent l'année scolaire et universitaire reprend, commence, et les bourses n'arrivent qu'un mois après. Donc ça, c'est quelque chose qui était demandé, qui était la mesure prioritaire pour tous les étudiants...
 
Mais c'est une réalité, il n'y a pas de petits boulots ou en tout cas de moins en moins pour eux.
 
Ca peut être une réalité, mais la demande des étudiants n'était pas qu'on leur donne des petits boulots, c'est qu'effectivement les bourses jouent à plein, et elles le feront. Ca ne veut pas dire qu'il ne faut pas les aider sur d'autres sujets mais c'est quelque chose d'important, mais les associations jouent souvent un rôle particulièrement fort dans les périodes de crise, bien évidemment.
 
Et le RSA jeunes, les choses se mettent en place de manière efficace ?
 
Le RSA jeunes, maintenant, il y a une chose... La première chose c'est qu'on a surmonté l'obstacle politique, le plus efficace c'est déjà que ça soit voté ; vous rappelez, on disait : qu'est-ce qu'ils vont en faire, etc. Donc, c'est voté à l'Assemblée nationale. Ensuite, il y a quelques mois pour le mettre en place. Moi j'aimerais que ça soit mis en place avant juin, on ne sait pas faire plus vite, pour des raisons informatiques.
 
Vous en êtes où précisément ?
 
On en est à finir de faire voter la loi sur le RSA jeunes qui sera la loi de Finances, donc qui sera votée d'ici à la fin de l'année. Et puis, on est à travailler avec les caisses d'allocations familiales... Il y a d'autres mesures qui arriveront un peu plus tôt, je pense que le renforcement des missions locales, qui sont si vous voulez, l'ANPE des jeunes, et d'un système qui s'appelle CIVIS, qui est une aide d'accompagnement pour les jeunes, se mettra en place au premier trimestre. Je vous vois sourire en disant : bon, est-ce que c'est des paroles ou des paroles ? Ces choses-là, c'est de l'argent qu'on mobilise, c'est ensuite... Les missions locales, elles sont 500 à travers la France, c'est tout un système à mettre en place, je pense que ça ne sera pas trop tard au premier trimestre parce que je ne fais pas partie de celles et ceux qui disaient : "bonjour, la crise est finie". Je ne vous ai jamais dit cela.
 
On va parler de solidarité, c'est la suite logique. C'est vrai que la Banque alimentaire démarre ses actions aujourd'hui, lundi ce sera autour des Restos du Coeur, on se rend compte qu'effectivement la France s'appauvrit aujourd'hui. Le milieu associatif fait de plus en plus appel à la générosité des Français. Malgré tout, il y a des guerres intestines, on pense évidemment au Téléthon, au Sidaction. Quel regard vous portez, vous, sur ce qui est en train de se passer ?
 
C'est très important ce qui se passe... D'abord il ne faut pas que la guerre des sons ait lieu.
 
Elle a commencé.
 
Voilà, il faudrait...elle a...Non...
 
Vous avez les moyens de la désamorcer ?
 
Oui, je pense. Puisque on met autour de la table toutes les associations, le 17 décembre, dans un grand rendez-vous avec toutes les associations et les pouvoirs publics pour discuter de ça. Le premier fait c'est qu'en fait la générosité des Français a augmenté ; quand la générosité des Français augmente, la part des impôts augmente aussi puisque chaque fois que vous donnez 100 euros à une cause, il y a 60 euros qui vous sont remboursés par l'Etat à travers le système des impôts. Donc, il y a un effort un peu plus important. Ceux qui donnent le plus, ce sont les plus modestes et les plus pauvres. Donc, je pense qu'il y a une chose à faire, c'est de pousser... Pourquoi ? Pour éviter la guerre des dons, il faut que le gâteau soit plus large ; pour que le gâteau soit plus large, il ne faut pas que ça repose uniquement sur les pauvres mais aussi sur les plus riches. Et aider les plus riches à pouvoir donner davantage. Il y a une proposition que je mettrais bien sur la table, elle a été faite dans un rapport très sérieux du Conseil d'analyse économique, c'est de permettre aux plus riches de déclarer un peu ce qu'ils donnent aux associations pour donner envie aux autres de donner. En fonction de leurs revenus, les plus riches donnent moins que les pauvres, ce qui est assez paradoxal. Ca, c'est la première chose à faire. Deuxième chose, je pense que le débat sur l'ouverture des télévisions, des moyens publics vis-à-vis de telle ou telle cause, doit être peut-être reposé, c'est-à-dire, sans remettre en cause le Téléthon du tout, mais en se demandant effectivement : est-ce qu'il...
 
Il faut que les choses soient mieux équilibrées ?
 
Oui... est-ce qu'il doit y avoir des espaces pour d'autres causes, pour d'autres associations ? Et est-ce qu'il ne manque pas une petite instance qui puisse réguler tout ça, qui n'existe pas du tout, il n'y a pas de mode de régulation ?
 
Et ça, vous allez le demander ?
 
Et donc ça, on va proposer de mettre en place une sorte de Haut conseil - il y a bien un Haut conseil pour les radios et les télés - un Haut conseil à la vie associative qui puisse un peu organiser cela, vu un peu de haut et pas de dedans la bataille.
 
Vous pensez à un meilleur partage des dons, qu'il n'y ait plus de polémique comme celle avec P. Bergé, notamment ?
 
Il peut y avoir débat, mais pour que il n'y ait pas des privilèges, d'un côté, et des gens qui soient lésés, de l'autre. Mais le message le plus important, c'est que la générosité des Français est utile, qu'elle repose sur un effort, souvent des plus modestes, qu'il faut remercier, et que les plus riches peuvent faire beaucoup mieux.
 
Dernière question : la campagne des régionales a démarré. Il paraît que D. Cohn-Bendit vous a fait les yeux doux. Vous avez dit non, c'est ferme et définitif ? Vous ne conduirez pas de liste Europe- Ecologie en Ile-de-France, c'est ce que dit Marianne ?
 
Non, non, je ne conduirai pas de liste. "Les yeux doux" ! Non, des propositions honnêtes. Il n'est pas le seul d'ailleurs, à droite aussi on m'avait fait des propositions que j'ai déclinées.
 
Et la suite ? Vous lui dites visiblement, lors de ce dîner - c'est ce que j'ai lu dans le journal Marianne - que quand vous aurez fini, vous quitterez le Gouvernement. C'est quand ?
 
Quand je serai parti du Gouvernement, je le quitterai, oui.
 
Quand vous aurez fini votre travail ?
 
Oui, tout à fait. Non, c'est très sérieux ce que je disais à Cohn-Bendit comme à d'autres, comme à N. Sarkozy. En fait, j'ai dit que mon...
 
Qu'une fois votre mission achevée...
 
Non, non, je ne me voyais pas présenter à des élections, je l'ai toujours dit, je ne vois pas pourquoi je changerai. Chacun sa vie et son métier. En revanche, ce que disais c'est que, ce qu'on fait en matière d'expérimentation sociale, on doit pouvoir le faire au niveau social et environnemental ; ce qu'on fait au niveau français, on doit pouvoir le faire au niveau européen. Et je disais que... je trouve que les politiques plutôt que de s'intéresser toujours aux élections pourraient s'intéresser à des grands programmes expérimentaux, environnementaux et sociaux dans l'Europe, c'est une manière de rendre l'Europe concrète, cela m'intéresse aussi.
 
Et vous aviez envie de monter, par exemple, une fondation avec D. Cohn-Bendit ?
 
Oui. Cohn-Bendit me dit : "présente-toi aux élections" ; je lui dis : "plutôt, implique-toi dans une fondation, mon pote", voilà.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 novembre 2009