Texte intégral
R. Duchemin.- Merci d'être avec nous ce matin en direct sur France Info. Alors, on attendait le chiffre : 30.000 soldats américains supplémentaires envoyés en renfort en Afghanistan, 30.000 de plus, "pour finir le travail", a expliqué B. Obama cette nuit. C'est quoi, B. Kouchner, finir le travail en Afghanistan ?
C'est pouvoir se retirer en laissant aux Afghans, au gouvernement, aux partenaires locaux, en particulier aux directeurs, qui devraient, pour une part, changer, et surtout aux Afghans eux-mêmes, les projets, leurs responsabilités, la direction de ce pays. C'est assez clair, et c'est un discours clair et déterminé que celui du président Obama. Il a même annoncé qu'à partir de 2011 les troupes se retireraient.
Oui, dès juillet...
Pas toutes bien sûr. Mais à partir de 2011, et c'est d'ailleurs ce qu'avait dit le président Karzaï dans son discours au moment de sa réélection.
Ça veut dire qu'on a deux ans devant nous, Amérique et pays alliés, pour éradiquer sur place la menace talibane notamment. On a entendu cette nuit B. Obama dire « c'est de là que sont partis les attentats, il y en a de nouveaux qui se préparent. » Est-ce que ça va suffire deux ans, B. Kouchner, justement, pour les localiser et pour éradiquer cette menace-là ?
Deux ans, plus huit années dernières, cela fera dix ans.
...Qui n'ont probablement pas suffi.
Non, qui n'ont pas suffi. Mais éradiquer c'est un mauvais mot parce que c'est aux Afghans d'éradiquer eux-mêmes, c'est aux Afghans de choisir leur destin, c'est aux Afghans de choisir leur société. Et si on voit par exemple, là où nous sommes, où les soldats français - qui sont formidables, j'en viens il y a quelques jours, dans la vallée de Surobi et de Kapisa -, eh bien dans cette vallée, au moment de l'élection, 47 % - dans une région difficile, où il y a des batailles, où les talibans sont présents - 47% des Afghans ont voté, beaucoup plus que la moyenne nationale. Ces hommes et ces femmes, on ne peut pas les abandonner, mais c'est à eux ensuite de prendre le relais, à l'armée afghane, à la police afghane. Voilà ce qu'a dit le président Obama, ce que nous disons depuis très longtemps.
Donc il a bien fait d'envoyer 30.000 hommes supplémentaires, c'est ce qu'il fallait faire ?
Oui. Encore faut-il savoir à quoi les employer, parce que ce n'est pas le nombre d'hommes, c'est l'action au bon endroit. Et évidemment, les endroits ne se ressemblent pas, les régions sont différentes, les règles d'engagement des brigades et des bataillons nationaux ne sont pas les mêmes. Bien sûr... le discours, encore une fois, était très clair et il y avait une stratégie qui se dessinait. Il y aura, le 28, à Londres, une conférence internationale, et nous verrons comment nous ajustons les choses.
Justement, vous parlez d'ajustement. C'est à ce moment-là que la France prendra la décision d'envoyer des hommes ou des soldats - parce que visiblement, on joue beaucoup sur les mots en ce moment -, des hommes ou des soldats supplémentaires en Afghanistan ? N. Sarkozy, visiblement, a dit non ou peut-être non.
Non, mais attendez, il faut être très clair. Nous avons fait cet ajustement déjà, et au moment où personne n'augmentait le nombre de ses soldats, nous l'avons fait, et encore en novembre dernier.
Mais ça signifie qu'il n'y en aura pas de nouveaux ?
En septembre, pardon, excusez-moi, en septembre de cette année. Non, ça veut dire que nous avons des missions, et la mission de l'armée française, pour le moment, non seulement elle est assumée - je crois que tout le monde admire la manière dont les soldats se... Moi, je les ai vus dans les villages...
Pour le moment ? Pour le moment, dites-vous.
Comment "pour le moment" ?
Ça signifie que peut-être, la mission est assumée pour le moment, ça signifie que peut-être il y aura d'autres envois ?
Nous avons toujours dit qu'on pouvait ajuster. Il y a eu des hélicoptères, il y a eu l'équipage des hélicoptères. S'il y a des entraînements pour d'autres soldats afghans, il faudra le faire. Pour le moment, nous sommes vraiment satisfaits de la manière dont ça se déploie et dont l'action est menée dans la région qui nous est fixée. Encore une fois, il y a d'autres régions, et si la stratégie changeait, nous verrions bien. Mais pour le moment, il n'y a aucune nécessité à augmenter les troupes. Sauf que, si ça marche bien auprès des villageois, il faut mettre - non seulement évidemment des civils viendront de leur plein gré - mais il y a des gendarmes, mais il y a des techniciens, mais il y a à vraiment affiner notre dispositif.
J'entends bien, mais B. Obama souhaite que les pays alliés fassent un effort, 5.000, peut-être même 10.000 hommes...
Oui, ça c'est que dit l'OTAN.
Il va falloir compter sur la France ou pas du tout dans ce contingent-là ?
Mais sans aucun doute. Pour le moment, nous n'en n'avons pas besoin dans notre zone. Notre zone est bien prise en charge et je crois, le travail de nos soldats fait l'admiration de tous. Nous sommes la quatrième puissance en nombre d'hommes parmi les alliés. Pour le moment ça va, mais le dernier rebond datant de l'automne, rien ne dit qu'il ne faudra pas ajuster à nouveau, nous verrons bien.
Cette nuit l'Élysée dit « le soutien on le fera probablement au Pakistan voisin », c'est-à-dire ?
Non, non, non... Au Pakistan voisin, nous avons des programmes civils, il y aura probablement, enfin en tout cas je l'espère, des opérations combinées. Elles ne sont pas faites pour le moment. Au Pakistan, soyons bien clairs, c'est un énorme pays, à côté, c'est vrai que les villages sont divisés, il y a des villages pachtounes qui sont d'un côté de la rue, afghans, et de l'autre côté pakistanais. Donc c'est très compliqué, il faudra réfléchir à ça. Pour le moment, nous parlons de l'Afghanistan, avec un programme qui a été proposé par le président Karzaï, et qui rejoint, surtout pour l'échéance, non pas définitive, mais l'étape de 2011, le discours, très beau discours, de monsieur Obama hier.
Et quand Paris dit vouloir examiner sa contribution à la stratégie internationale - ce sont les mots du communiqué...
C'est ce que je dis, nous les ajusterons, pourquoi pas, nous verrons bien. Mais il s'agit d'efficacité. Encore une fois, je voudrais que vous compreniez que ce n'est pas Kaboul l'Afghanistan, les régions sont très différentes les unes des autres, et on ne peut pas prétendre occuper tout ce pays gigantesque, que personne d'ailleurs, jamais, n'a occupé. Et donc, il y a des endroits où il faut prouver que la société, que les Afghans eux-mêmes - pas nous, nous ne nous battons pas contre les Afghans, nous sommes à leurs côtés -, les Afghans eux-mêmes proposent, contre l'idéologie talibane, eh bien ça qu'ils préféreront ou qu'ils préfèrent déjà. Alors c'est très variable. Nous verrons bien.
Deux autres questions d'actualité. La première concerne les otages français, il y en a un qui a été enlevé au Mali, trois humanitaires au Tchad et en Centrafrique. Des menaces très claires proférées par des groupuscules, on parle de menaces de mort, si la France ne négocie pas en direct. Que dit, que fait la France aujourd'hui pour ces otages-là ?
Nous avons un centre de crise qui est occupé jour et nuit. Il y a sept Français enlevés en ce moment, il n'y a pas que des Français vous savez. J'ai appris d'ailleurs maintenant, à l'instant, que les cinq Anglais qui étaient sur un bateau dans le Golfe, ont été libérés par les Iraniens.
Ils viennent d'être libérés...
Nous travaillons jour et nuit, et vous permettrez que je n'en dise pas plus, et nous essayons... Certains de ces humanitaires, ce sont les organisations elles-mêmes qui négocient, mais nous sommes à leurs côtés en permanence.
Lundi vous mettiez en garde contre l'attitude de Téhéran. Nouvelle provocation visiblement de M. Ahmadinejad, qui dit « on ne va probablement plus travailler avec l'AIEA, plus permettre d'inspections », ça vous inspire quoi ce matin B. Kouchner ?
Triste fuite en avant, désorganisation au sommet de l'Etat, grande concurrence, services qui ne se parlent pas entre eux, opposition courageuse, de plus en plus déterminée. Voilà ce que ça m'inspire. Rien n'est terminé, nous essayons de parler, nous parlons encore avec les Iraniens, mais c'est bien difficile. A chaque fois, vous avez vu, ce sont des rebuffades.
Ce sera le mot de la fin ?
Non, "rebuffade" est un très mauvais mot pour finir. Moi, j'ai toujours de l'espoir. Vous savez, nous travaillons pour la paix. Voilà, le mot paix c'est mieux.
Le mot paix c'est mieux. Merci beaucoup B. Kouchner d'avoir été en direct ce matin avec nous sur France Info.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2009
C'est pouvoir se retirer en laissant aux Afghans, au gouvernement, aux partenaires locaux, en particulier aux directeurs, qui devraient, pour une part, changer, et surtout aux Afghans eux-mêmes, les projets, leurs responsabilités, la direction de ce pays. C'est assez clair, et c'est un discours clair et déterminé que celui du président Obama. Il a même annoncé qu'à partir de 2011 les troupes se retireraient.
Oui, dès juillet...
Pas toutes bien sûr. Mais à partir de 2011, et c'est d'ailleurs ce qu'avait dit le président Karzaï dans son discours au moment de sa réélection.
Ça veut dire qu'on a deux ans devant nous, Amérique et pays alliés, pour éradiquer sur place la menace talibane notamment. On a entendu cette nuit B. Obama dire « c'est de là que sont partis les attentats, il y en a de nouveaux qui se préparent. » Est-ce que ça va suffire deux ans, B. Kouchner, justement, pour les localiser et pour éradiquer cette menace-là ?
Deux ans, plus huit années dernières, cela fera dix ans.
...Qui n'ont probablement pas suffi.
Non, qui n'ont pas suffi. Mais éradiquer c'est un mauvais mot parce que c'est aux Afghans d'éradiquer eux-mêmes, c'est aux Afghans de choisir leur destin, c'est aux Afghans de choisir leur société. Et si on voit par exemple, là où nous sommes, où les soldats français - qui sont formidables, j'en viens il y a quelques jours, dans la vallée de Surobi et de Kapisa -, eh bien dans cette vallée, au moment de l'élection, 47 % - dans une région difficile, où il y a des batailles, où les talibans sont présents - 47% des Afghans ont voté, beaucoup plus que la moyenne nationale. Ces hommes et ces femmes, on ne peut pas les abandonner, mais c'est à eux ensuite de prendre le relais, à l'armée afghane, à la police afghane. Voilà ce qu'a dit le président Obama, ce que nous disons depuis très longtemps.
Donc il a bien fait d'envoyer 30.000 hommes supplémentaires, c'est ce qu'il fallait faire ?
Oui. Encore faut-il savoir à quoi les employer, parce que ce n'est pas le nombre d'hommes, c'est l'action au bon endroit. Et évidemment, les endroits ne se ressemblent pas, les régions sont différentes, les règles d'engagement des brigades et des bataillons nationaux ne sont pas les mêmes. Bien sûr... le discours, encore une fois, était très clair et il y avait une stratégie qui se dessinait. Il y aura, le 28, à Londres, une conférence internationale, et nous verrons comment nous ajustons les choses.
Justement, vous parlez d'ajustement. C'est à ce moment-là que la France prendra la décision d'envoyer des hommes ou des soldats - parce que visiblement, on joue beaucoup sur les mots en ce moment -, des hommes ou des soldats supplémentaires en Afghanistan ? N. Sarkozy, visiblement, a dit non ou peut-être non.
Non, mais attendez, il faut être très clair. Nous avons fait cet ajustement déjà, et au moment où personne n'augmentait le nombre de ses soldats, nous l'avons fait, et encore en novembre dernier.
Mais ça signifie qu'il n'y en aura pas de nouveaux ?
En septembre, pardon, excusez-moi, en septembre de cette année. Non, ça veut dire que nous avons des missions, et la mission de l'armée française, pour le moment, non seulement elle est assumée - je crois que tout le monde admire la manière dont les soldats se... Moi, je les ai vus dans les villages...
Pour le moment ? Pour le moment, dites-vous.
Comment "pour le moment" ?
Ça signifie que peut-être, la mission est assumée pour le moment, ça signifie que peut-être il y aura d'autres envois ?
Nous avons toujours dit qu'on pouvait ajuster. Il y a eu des hélicoptères, il y a eu l'équipage des hélicoptères. S'il y a des entraînements pour d'autres soldats afghans, il faudra le faire. Pour le moment, nous sommes vraiment satisfaits de la manière dont ça se déploie et dont l'action est menée dans la région qui nous est fixée. Encore une fois, il y a d'autres régions, et si la stratégie changeait, nous verrions bien. Mais pour le moment, il n'y a aucune nécessité à augmenter les troupes. Sauf que, si ça marche bien auprès des villageois, il faut mettre - non seulement évidemment des civils viendront de leur plein gré - mais il y a des gendarmes, mais il y a des techniciens, mais il y a à vraiment affiner notre dispositif.
J'entends bien, mais B. Obama souhaite que les pays alliés fassent un effort, 5.000, peut-être même 10.000 hommes...
Oui, ça c'est que dit l'OTAN.
Il va falloir compter sur la France ou pas du tout dans ce contingent-là ?
Mais sans aucun doute. Pour le moment, nous n'en n'avons pas besoin dans notre zone. Notre zone est bien prise en charge et je crois, le travail de nos soldats fait l'admiration de tous. Nous sommes la quatrième puissance en nombre d'hommes parmi les alliés. Pour le moment ça va, mais le dernier rebond datant de l'automne, rien ne dit qu'il ne faudra pas ajuster à nouveau, nous verrons bien.
Cette nuit l'Élysée dit « le soutien on le fera probablement au Pakistan voisin », c'est-à-dire ?
Non, non, non... Au Pakistan voisin, nous avons des programmes civils, il y aura probablement, enfin en tout cas je l'espère, des opérations combinées. Elles ne sont pas faites pour le moment. Au Pakistan, soyons bien clairs, c'est un énorme pays, à côté, c'est vrai que les villages sont divisés, il y a des villages pachtounes qui sont d'un côté de la rue, afghans, et de l'autre côté pakistanais. Donc c'est très compliqué, il faudra réfléchir à ça. Pour le moment, nous parlons de l'Afghanistan, avec un programme qui a été proposé par le président Karzaï, et qui rejoint, surtout pour l'échéance, non pas définitive, mais l'étape de 2011, le discours, très beau discours, de monsieur Obama hier.
Et quand Paris dit vouloir examiner sa contribution à la stratégie internationale - ce sont les mots du communiqué...
C'est ce que je dis, nous les ajusterons, pourquoi pas, nous verrons bien. Mais il s'agit d'efficacité. Encore une fois, je voudrais que vous compreniez que ce n'est pas Kaboul l'Afghanistan, les régions sont très différentes les unes des autres, et on ne peut pas prétendre occuper tout ce pays gigantesque, que personne d'ailleurs, jamais, n'a occupé. Et donc, il y a des endroits où il faut prouver que la société, que les Afghans eux-mêmes - pas nous, nous ne nous battons pas contre les Afghans, nous sommes à leurs côtés -, les Afghans eux-mêmes proposent, contre l'idéologie talibane, eh bien ça qu'ils préféreront ou qu'ils préfèrent déjà. Alors c'est très variable. Nous verrons bien.
Deux autres questions d'actualité. La première concerne les otages français, il y en a un qui a été enlevé au Mali, trois humanitaires au Tchad et en Centrafrique. Des menaces très claires proférées par des groupuscules, on parle de menaces de mort, si la France ne négocie pas en direct. Que dit, que fait la France aujourd'hui pour ces otages-là ?
Nous avons un centre de crise qui est occupé jour et nuit. Il y a sept Français enlevés en ce moment, il n'y a pas que des Français vous savez. J'ai appris d'ailleurs maintenant, à l'instant, que les cinq Anglais qui étaient sur un bateau dans le Golfe, ont été libérés par les Iraniens.
Ils viennent d'être libérés...
Nous travaillons jour et nuit, et vous permettrez que je n'en dise pas plus, et nous essayons... Certains de ces humanitaires, ce sont les organisations elles-mêmes qui négocient, mais nous sommes à leurs côtés en permanence.
Lundi vous mettiez en garde contre l'attitude de Téhéran. Nouvelle provocation visiblement de M. Ahmadinejad, qui dit « on ne va probablement plus travailler avec l'AIEA, plus permettre d'inspections », ça vous inspire quoi ce matin B. Kouchner ?
Triste fuite en avant, désorganisation au sommet de l'Etat, grande concurrence, services qui ne se parlent pas entre eux, opposition courageuse, de plus en plus déterminée. Voilà ce que ça m'inspire. Rien n'est terminé, nous essayons de parler, nous parlons encore avec les Iraniens, mais c'est bien difficile. A chaque fois, vous avez vu, ce sont des rebuffades.
Ce sera le mot de la fin ?
Non, "rebuffade" est un très mauvais mot pour finir. Moi, j'ai toujours de l'espoir. Vous savez, nous travaillons pour la paix. Voilà, le mot paix c'est mieux.
Le mot paix c'est mieux. Merci beaucoup B. Kouchner d'avoir été en direct ce matin avec nous sur France Info.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2009