Interview de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, à La Chaîne Info LCI le 14 décembre 2009, sur la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique et la préparation des élections régionales de 2010.

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C. Barbier.- L'université et la recherche sont les chouchous du grand emprunt que va détailler aujourd'hui le président de la République. L'écologie semble oubliée, pourquoi ?
 
Oubliée ! Il y a 13 milliards sur l'écologie. Dans les propositions, il y a 13 milliards ; l'urbanisme, l'énergie, les énergies du futur, les transports du futur... 13 milliards. Ah non, non, c'est le deuxième gros morceau du grand emprunt.
 
Quelques lignes TGV en plus, qu'ont récusées le duo Juppé-Rocard, c'aurait été mieux ?
 
Non, non, je pense que le TGV c'est quelque chose d'existant, ce n'est pas quelque chose de radicalement nouveau, et le grand emprunt on investit dans ce qui est radicalement nouveau. Ce n'était pas dans l'esprit.
 
Pendant ce temps-là, Copenhague entre dans sa dernière ligne droite, une ligne très politique. Vous partez pour Copenhague demain. Diriez-vous qu'un accord est peu probable mais pas impossible ?
 
Un accord est possible, tout simplement. Parce que quand même il y a un vrai vent d'espoir aujourd'hui qui souffle, avec la venue d'Obama, avec les engagements de différents pays, du Brésil, de la Chine, qu'on a des points très positifs, on a un accord maintenant, un projet, une proposition qui est sur la table et qui n'a pas suscité d'ires, donc on est vraiment dans le bon chemin. Et ce qu'on souhaite c'est un accord contraignant, vraiment, avec la création d'une organisation mondiale de l'environnement pour que les pays s'engagent vraiment, avec des engagements clairs, chiffrés, des pays industrialisés notamment, et des financements pour les pays les plus pauvres.
 
Vous dites "accord contraignant souhaité". J.-M. Barroso a déjà enterré un peu le problème, le président de la Commission européenne dit : il n'y aura pas d'accord contraignant parce que les autres partenaires ne sont pas prêts.
 
Il y aura un accord contraignant, on ne va pas sortir avec quelque chose de mou qui doit être ensuite traduit dans un traité dans les six mois. Ce que Barroso dit c'est qu'on n'aura pas un traité en bonne et due forme avec des centaines de pages, on aura un texte de sept pages, grosso modo, qui va engager les Etats, que nous traduirons ensuite dans un traité dans les six mois, c'est ça notre position.
 
La contrainte on la fait subir comment ? Cette Organisation mondiale de l'environnement, chère au Président, c'est quoi ? C'est une ONU qui va pointer du doigt les Etats-Unis ?
 
C'est un petit peu, on va dire comme l'OMC, comme l'Organisation mondiale du commerce, qui va surveiller donc les émissions des différents pays, et ensuite les obliger à différentes actions si jamais ils ne respectent pas leurs engagements. Parce que le drame de Kyoto, c'est qu'il y a eu beaucoup de pays signataires, et qu'en réalité les pays qui respectent bien leurs engagements, il y en a très peu, très très peu.
 
+ 2 degrés à l'horizon 2050 par rapport à 1990, ou + 1,5 degré, on se bat sur ça, mais ça a de l'importance ?
 
Enorme, énorme ! + 2 degrés c'est déjà énorme. Pour vous ça paraît rien mais à l'échelle de la planète... Souvenez-vous que l'ère glacière c'était moins 5 par rapport à aujourd'hui, donc même + 2 c'est déjà beaucoup.
 
+ 1,5 ça ne vous conviendrait pas ?
 
+ 1,5 ça suppose des efforts très supérieurs à ce qu'on avait prévus. Nous, on s'était basés sur le + 2 qui était la recommandation des scientifiques, le groupe intergouvernemental et les experts du climat.
 
Le GIEC ?
 
Les fameux 2.500 experts. Donc on s'était basé sur le + 2, les petits Etats insulaires nous disent + 1,5 parce qu'on craint la montée des eaux, et des Etats qui sont condamnés, il faut le dire très, très clairement.
 
Est-ce qu'il faut contraindre les Etats-Unis alors qu'on se contente d'encourager la Chine ? En clair, est-ce qu'on n'est pas trop gentil avec les Chinois ?
 
On est sur deux pays très différents. Les Etats-Unis, c'est quand même le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre, ça représente par habitant, pour vous donner un chiffre, 20 tonnes de gaz à effet de serre par habitant aux Etats-Unis, quand en France on est à 8 tonnes par an. Donc, vous voyez la différence entre les uns et les autres. Ce que l'on dit à la Chine c'est qu'elle doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à l'augmentation prévue actuellement. C'est...
 
Freiner la hausse ?
 
Freiner la hausse, mais vraiment bien freiner la hausse et ensuite réduire ses émissions.
 
C'est l'Inde qui risque de faire échouer ce sommet, dit-on ?
 
Mais l'Inde par contre est dans une situation radicalement différente de la Chine, parce que l'Inde déjà est beaucoup plus pauvre, puisque l'Inde émet beaucoup moins de gaz à effet de serre par habitant, ils sont à peine à 1,2 tonne ou 2 par habitant, donc c'est très très peu. Donc l'Inde on leur dit : on va vous aider vous à développer un modèle de développement qui soit sobre.
 
Il y a eu des arrestations préventives à Copenhague menées par la police, il y a une polémique. Est-ce que ce n'est pas un sommet sous contrôle sécuritaire ?
 
C'est probablement la première fois qu'on va réunir autant de chefs d'Etat et de gouvernement pour un sommet, et ça c'était vraiment une volonté du président de la République. Jamais on n'en a eu autant, vous imaginez !
 
Cela justifie qu'on arrête des gens ?
 
Non, non, c'est que tous ces sommets suscitent des excès dans un sens ou dans un autre.
 
Vous n'aviez pas commenté l'intrusion de Greenpeace dans l'Assemblée nationale. En secret, vous approuvez ce genre de démonstration ?
 
Non, non, non, pas du tout ! Mais simplement je dis que l'intrusion de Greenpeace on a l'habitude que les associations fassent des coups. Enfin, des coups... bon voilà, ce n'était pas terrible, parce que c'est franchement illégal, mais ce n'était vraiment pas terrible. Ce que je n'ai pas du tout apprécié parce qu'on était dans l'Hémicycle à ce moment-là, c'est l'attitude des députés, notamment de certains députés qui ont vraiment approuvé et qui se sont ensuite invectivés à coups de bras d'honneur ! Ca ne se fait pas, on est dans une démocratie, quand même c'est la politique ça !
 
Le grand chelem, 22 régions sur 22, ça aussi c'est la politique et c'est l'objectif de M. Aubry aux régionales de mars. Les sondages ne la démentent pas, notamment en Ile-de-France où V. Pécresse- vous êtes vous-même candidate à Paris - est donnée battue dans tous les cas de figure au deuxième tour. Comment faire pour démentir M. Aubry ?
 
Attendez, on a plein de sondages sur l'Ile-de-France. On n'est qu'au départ, on est encore au mois de décembre.
 
Donc vous allez gagner.
 
On n'y va pas pour participer. C'est quand même une compétition.
 
A. Hidalgo dit que le Parti socialiste refuse le parachutage. En gros, vous vous êtes parachutée à Paris ?
 
C'est drôle qu'A. Hidalgo dise ça. J'habite à Paris quand même depuis l'âge de 18 ans, donc je connais un peu Paris.
 
Votre arrivée en tête de liste a été très bien appréciée par l'UMP à Paris mais votre deuxième de liste reste un mystère, ce ne sera pas P. Poivre d'Arvor, ce ne sera pas B. Laporte. Qui sera votre deuxième de liste ?
 
Mais attendez, c'est ça de la politique...
 
Ah c'est un ticket, c'est important.
 
Ce qu'on a fait, nous, c'est qu'on a bossé sur le projet depuis le mois de mars. Valérie qui a souhaité qu'on fasse le projet, on a vraiment bien bossé, maintenant on a le projet. On a nos têtes de liste, on avance par rapport aux autres partis quand même. Les listes finales c'est fin janvier. Voilà où on en est. Donc la question du numéro 2, "qui c'est ?", ça se joue après. Aujourd'hui le plus important c'est le projet, et il sera présenté début janvier, et c'est ensuite effectivement les têtes de liste qui vont apporter les autres.
 
 Le projet ce sera : immigration, identité, sécurité ou ça sera emploi ? 59 % des Français, selon BVA, mettent l'emploi en tête de leurs préoccupations ?
 
Le projet ce sera écologie, développement économique, parce que c'est quand même dans la compétence de la région, et formation pour avoir une véritable égalité des chances.
 
Je reviens quand même sur votre deuxième de liste, vous avez une idée du profil quand même : C. Jouanno recherche... ?
 
Probablement un homme.
 
Ca la loi vous y oblige. Vous voulez un chef d'entreprise ? On a parlé de C. Beigbeder ? Est-ce que vous voudriez le mettre en avant pour l'emploi ?
 
De toute façon, on table sur le renouvellement. Vous l'avez vu, la composition des têtes de liste : on est vraiment sur du renouvellement.
 
On vous a vue à vélo dans le clip des jeunes UMP...
 
Oui.
 
Le fameux "Libdup"... A posteriori, est-ce que vous regrettez d'avoir participé à cette pochade certes sympathique mais qui tombe en pleine crise pour les Français ?
 
Attendez, on va remettre les choses dans leur contexte. C'est une initiative des jeunes pour le climat, donc je ne vois pas comment je n'y serais pas. Ils ont voulu le sortir au moment de Copenhague. Et puis alors moi la politique snob où on dit : oh là, là, il faut que ce soit parfait pour que j'y aille, ce n'est pas mon truc, voilà ! C'était un truc pour les jeunes, je l'ai fait pour eux. Evidemment, je suis amateur dans le domaine, je suis même très nulle, mais ce n'est pas grave, c'était leur message et on était là pour les soutenir.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 décembre 2009