Interview de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à "RFI" le 26 novembre 2009, sur le développement des échanges commerciaux entre la France et la Chine.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

F. Rivière.- Bonjour A.-M. Idrac.

Bonjour.

La Chine sera à l'honneur, demain en France, une importante délégation chinoise sera reçue à l'occasion de l'ouverture du forum franco-chinois de promotion du commerce et de l'investissement. C'est un peu long, mais c'est comme ça, que ça s'appelle. Une mission d'acheteurs chinois est en France, ça aussi il va falloir que vous nous expliquiez ce que c'est. Il y a vraiment aujourd'hui, un nouvel élan, dans les rapports commerciaux, entre la France et la Chine ?

La mission que nous allons recevoir est conduite par le ministre, Chen Deming. C. Lagarde et moi le connaissons bien. C'est effectivement une étape importante...

C'est le ministre du Commerce.

C'est le ministre du Commerce, c'est effectivement une étape importante d'un double point de vue. Premièrement d'un point de vue général, cela montre l'importance du rôle joué par la Chine dans la relance mondiale, avec une croissance supérieure à 8 %, et deuxièmement du point de vue de la France, cela s'intègre dans une séquence très intéressante, politique, de visites, de voyages, par exemple le voyage récent de C. Lagarde, là-bas, celui de J.-L. Borloo aujourd'hui, et puis le voyage, le premier, du Premier ministre, F. Fillon aux alentours de Noël. Juste avant Noël.

Vous disiez que la croissance effectivement est forte, elle repart nettement, certains même évoquent, bientôt une croissance à deux chiffres en Chine. Ca va vraiment contribuer, ça, à la relance de l'économie mondiale, ou est-ce que ça va essentiellement profiter au marché intérieur Chinois ?

Cela contribue déjà à la relance de l'économie mondiale, c'est absolument clair. La relance par exemple, des exportations européennes, des exportations françaises que je constate avec plaisir, c'est entre autres la relance dans les pays émergeants et en Chine. Ce qui est très intéressant, c'est que la relance chinoise, elle s'appuie sur plusieurs piliers : bien sûr, toujours les exportations mais très important, l'investissement, un plan de relance absolument extraordinaire, 4.000 milliards de dollars, dont 1.000 milliards au passage pour la reconstruction de Sichuan, et puis la consommation intérieure, avec des réformes sociales, sur la santé par exemple. Et la consommation intérieure, ça veut aussi, des marchés de biens de consommation pour nos entreprises, en complément des marchés d'équipement, d'investissement, dont nous avons davantage l'habitude.

Alors cette mission d'acheteurs chinois, ce n'est pas ceux qu'on voit sur les Champs-Élysées, dans les boutiques de luxe ? Qu'est-ce qu'ils viennent chercher ?

Ce sont des entreprises et des investisseurs - il y aura une centaine d'entreprises et d'investisseurs - qui viennent prendre contact avec des entreprises françaises, à la fois pour passer des contrats, signer des conventions, mais aussi bien sûr, pour se situer dans la durée de relations commerciales. Nous aurons donc, demain matin, une approche plutôt institutionnelle : C. Lagarde et moi-même, donc nous les recevons ; ils sont reçus également par les hommes d'affaires les plus engagés dans la Chine, et notamment le comité France/Chine, animé par le président de Schneider Electric. Et puis l'après-midi, il y aura des rencontres comme on dit "B to B", entreprise pour entreprise, et je trouve très intéressant deux choses : que l'on puisse avoir davantage de PME, que traditionnellement, d'une part, et d'autre part, que l'on diversifie au-delà, encore une fois, de nos secteurs traditionnels, même si nous avons bien l'intention de consolider et sur l'aéronautique et sur le nucléaire et sur le TGV etc. Et le ferroviaire.

Alors le ministre chinois du Commerce, donc que vous recevez à déjeuner demain midi, estimait dans une tribune qui a été publiée, par nos confrères du Figaro, il y a quelques jours, que la France et la Chine "devraient approfondir, je le cite, la coopération dans les secteurs telles que les nouvelles énergies, la protection environnementale, le transport, l'aéronautique et l'aérospatial ; et que la Chine affiche une forte demande, dans les secteurs de service tels que la Finance, la logistique, le tourisme, l'industrie créative et le développement de logiciels". Est-ce que les entreprises françaises sont prêtes à répondre à cette demande et peut-être aussi, qu'est-ce qu'il faut savoir avant d'aller se lancer sur le marché chinois ?

Alors nous voulons consolider les secteurs stratégiques traditionnels sur lequel non seulement on exporte, mais on a aussi des partenariats industriels de plus en plus importants, avec 2.000 entreprises françaises qui sont implantées là-bas et qui contribuent à des projets comme ceux qui sont cités. Nous voulons, effectivement, diversifier et par exemple tout le secteur du développement durable, cela va des services urbains à l'efficacité énergétique, ou à des secteurs dans lesquels nos PME innovantes peuvent bien se positionner, nous intéressent énormément. Donc nous sommes très intéressés bien sûr par cette ouverture des partenaires chinois, puisque la part de marché de la France en Chine, elle est trois fois inférieure à celle de l'Allemagne. Evidemment, ce n'est pas à la hauteur de nos ambitions, compte tenu de la relation très spéciale que nous avons depuis toujours avec la Chine.

Et de l'image de la France en Chine, qui est remarquable, comment se fait-il ça, les Chinois ont une espèce de passion pour l'art de vivre à la française, l'image du luxe. Ca n'a pas été sous-exploité ça ?

Il y a une relation effectivement très spéciale, très historique. On rappelle souvent, à chaque fois qu'on va en Chine - moi, j'ai été dans dix villes chinoises, dans les deux dernières années - on entend rappeler le fait que le Général de Gaulle a reconnu la Chine dès 1964 ; on célèbre les anniversaires de ces relations diplomatiques. Eh oui, il a une conscience que nous sommes des pays importants, bien entendu, pas de la même taille, avec des responsabilités particulières dans le monde. Et c'est cette prise de responsabilité de la Chine, aussi, que manifeste ce type de mission, qui va porter donc sur des achats, nous l'espérons et l'établissement de relations d'affaires pour l'avenir, c'est une étape dans une séquence. Et puis aussi sur des investissements, parce que je parlais d'investissements français en Chine, ils sont très importants, il y a un chiffre d'affaires réalisé en Chine, par l'entreprise française qui est le double de leurs exportations. Mais nous voulons aussi attirer des investissements chinois en France, beaucoup plus importants qu'aujourd'hui.

Est-ce que la Chine n'est pas un partenaire commercial trop exigeant, notamment par exemple en matière de transferts de technologie ?

La Chine, vous savez, est un pays dans lequel l'industrie, les ingénieurs, la capacité d'innovation sont très fortes, et au passage, sans doute, beaucoup plus fortes, que ce que ne pensent un certain nombre d'esprits européens. Donc nous avons un dialogue sur les partenariats, qui intègrent la question des transferts de technologie, de leur maîtrise, normale avec un équilibre entre les partenaires et qui intègre aussi, les questions comme celle de la protection à la propriété intellectuelle, sujet très important aussi pour les investisseurs, si on veut qu'ils puissent développer leurs affaires dans une vision de long terme.

La visite de F. Fillon au mois de décembre prochain...

Le 21 et le 22 décembre oui.

Voilà ! Ca sera l'occasion de finaliser un certain nombre de contrats ?

C'est une séquence importante à la fois au plan politique et au plan économique, évidemment dans cette consolidation de la relation franco-chinoise dont je parlais tout à l'heure. Donc il y a à la fois des aspects plus politiques, en particulier notre souhait que la Chine prenne l'ensemble de ses responsabilités dans les différents domaines. Et puis très certainement des réalisations économiques également. Mais il faut, je pense, situer les choses - vous parliez d'image particulière de la France - dans une vision de long terme, avec des séquences importantes, celle de la visite de demain monsieur Chen Deming, celle du Premier ministre, mais avec des relations qui ne s'arrêtent pas à une succession d'évènements, qui se construisent dans la durée, depuis bien longtemps et nous voulons continuer.

En quelques mots, le déficit commercial est en baisse, en France, vous avez bon espoir que cette tendance se confirme ?

Oui, ça va mieux, ça va mieux, et ce qui est intéressant, c'est que ça va mieux, pas simplement parce que la facture énergétique a diminué, mais parce que nos exportations repartent bien. C'est bon signe pour la croissance dans le monde, et c'est bon signe pour les entreprises françaises.

Notamment dans le secteur de l'automobile et de l'aéronautique. Merci A.-M. Idrac. Merci à vous. Bonne journée !

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 novembre 2009