Interview de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel, à RMC le 22 mars 2001 sur le projet d'abandon du collège unique.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Sylvain Attal
Controverses ouvertes dès 17h. D'abord, le ministre Jean-Luc Mélenchon a-t-il trahi les idées de gauche en lançant son projet d'abandon du collège unique ? Lequel, le collège unique, je le rappelle, avait été instauré en 1975 par René Haby, ministre de Giscard. En clair, le ministre de l'Enseignement professionnel qui se situe à la gauche du PS, voudrait instaurer des classes techniques dès la 4ème pour les élèves qui ont plus de difficultés avec l'enseignement général, les largués, quoi, ceux qui ne croient plus à grand-chose dans le système et surtout pas en eux-mêmes. A peine lâché ce ballon d'essai, la majorité des syndicats et de la gauche morale crient au retour de l'esprit de ségrégation au collège. Aux bons, les disciplines intellectuelles, aux cancres, les travaux manuels. Controverses à troncs renversés, en fait, puisque nous sommes en présence d'un ministre qui soutient un projet qui a plutôt la faveur des syndicats de droite dans l'enseignement national, alors que les autres, et même la gauche, qu'on appelle la gauche morale poussent des cris d'orfraie lorsqu'elle entend remettre en cause ce collège unique. Nos invités, Jean-Luc Mélenchon, le ministre lui-même qui est avec nous, Marie Duru-Bellat sociologue, professeur à l'université de Bourgogne, Bernard Kuntz, président du SNALC, syndicat plutôt à droite dans l'enseignement national. Jean-Luc Villeneuve, secrétaire général du SGEN-CFDT. Bonjour Monsieur Mélenchon.
Jean-Luc Mélenchon
Bonjour.
Sylvain Attal
Je lisais ce matin, un article très intéressant de Charlie Hebdo qui dit en gros qu'il classe votre réforme parmi celles en gros, c'est les réformes qu'aurait voulu Madelin et que Jospin a fait.
Jean-Luc Mélenchon
Oui, c'est une idiotie sans nom. Celui qui l'écrit est un petit prétentieux qui n'y connaît rien.
Sylvain Attal
Il s'appelle Philippe Val.
Jean-Luc Mélenchon
Non, ce n'est pas Philippe Val, c'est " Charb " qui écrit ça.
Sylvain Attal
Non, pour les réformes de Madelin, c'est Philippe Val. " Charb ", il écrit autre chose, il dit en gros, il résume, il dit : " Plus un gamin pour échouer à l'école, puisque l'école sera réservée à celui qui réussit Pas con ! Effrayant ".
Jean-Luc Mélenchon
Non, c'est une caricature épouvantable, je le redis, de quelqu'un qui ne sait pas comment les choses se passent d'ores et déjà. Et d'ailleurs, vous-même, vous venez de vous faire piéger, puisque vous dites, le ministre Mélenchon veut ouvrir des classes de 4ème et de 3ème technologique, et je vous signale seulement un fait, ces classes existent. Il y a aujourd'hui encore 20 000 élèves dedans. Et je proteste contre leur fermeture, ces classes ont été ouvertes par monsieur Carraz ministre de gauche, au moment où monsieur Chevènement proposait l'objectif de 80 % d'une classe d'âges au BAC, et c'était un des outils pour accéder à ce résultat de 80 % d'une classe d'âges au BAC. Ces classes ont été généralisées par Lionel Jospin, alors ministre de l'Éducation nationale. Ce qui moi, me stupéfie, et je vous le dis pour commencer, c'est qu'au départ, moi, ce n'était pas mon sujet, le collège. Moi, je suis ministre de l'Enseignement professionnel. Je faisais un constat qui me paraissait terrifiant, c'est que les trois quarts de la baisse démographique, on a moins d'élèves dans le secondaire, étaient répercutés sur les lycées de l'enseignement professionnel, je me suis demandé pourquoi. Surtout, que c'était tout soudain, c'était les deux dernières années, et au moment où il y a le plus d'offres d'emplois. Donc, je me suis dit, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Je vais voir, je découvre qu'on a fermé ces classes, et je découvre tout le reste. Donc moi, tout ce que je dis, c'est, laissez-moi maintenez ces classes ouvertes, de sorte que les jeunes puissent avoir un parcours de réussite, puisque l'objectif, je me permets de le dire à tout le monde, c'est l'objectif du BAC, et que la voie professionnelle débouche sur le BAC, que si, aujourd'hui, on est arrivé à 60 % d'une classe d'âges qui arrive au BAC, et on est d'ailleurs bloqué, la moitié de ces BAC viennent de techno et de l'enseignement professionnel, qu'est-ce que c'est que ce mépris ?
Sylvain Attal
Vous trouvez déjà que c'est une bonne chose, certains pensent même que sur l'enseignement général, cet objectif qui n'est pas encore atteint, mais on s'en approche chaque année, cet objectif explique justement, en tous cas dans l'enseignement général qu'on ait peut-être un peu eu tendance à adapter le niveau de l'enseignement à celui des élèves, plutôt que le contraire ?
Jean-Luc Mélenchon
Non, ça, c'est On entend ça régulièrement, bon. Ce n'est pas comme ça qu'il faut prendre le problème
Sylvain Attal
Ce sont des profs
Jean-Luc Mélenchon
Le problème, c'est comment on fait. Le pays a besoin, je ne vais pas monopoliser la parole, mais le pays a besoin d'une jeunesse qui ait un haut niveau de qualification. Aujourd'hui, les métiers de notre époque, sont tous des sciences pratiques, d'accord. Pour arriver à ce niveau, et c'est ce que demandent d'ailleurs les entreprises. Il nous faut un maximum de bacheliers comme point de départ, c'est ça l'objectif, et en particulier dans le professionnel. Comment on y arrive ? Voilà, moi, la question que je me suis posée : Comment on y arrive ?
Sylvain Attal
Vous préférez un bon bachelier technique plutôt qu'un échec dans l'enseignement général ?
Jean-Luc Mélenchon
Écoutez, oui, moi, je préfère dire les choses comme ça. Et je suis stupéfait, parce que franchement, ce n'était pas mon sujet au départ, de voir comment est perçu l'enseignement professionnel et technologique, avec quel mépris on le regarde. Et pour finir, on regarde les gens qui sont dedans.
Sylvain Attal
Mais enfin la controverse qui existe, c'est pourquoi dès la 4ème et pas en seconde, c'est sur ce point-là peut-être qu'il faut expliquer.
Jean-Luc Mélenchon
C'est encore mon tour de parler ?
Sylvain Attal
Oui, oui. Il est normal que vous commenciez à expliquer ce que vous voulez faire.
Jean-Luc Mélenchon
Oui, voilà, parce que je vais vous expliquer. Nous sommes dans la situation suivante : Aujourd'hui un jeune, à 15 ans, choisit une orientation. En principe, à 15 ans, il est en classe de seconde générale ou technologique, voilà où il est. Il a 15 ans, il a le droit de choisir, parce qu'il est en seconde, ok. Et c'est un an plus tard que s'arrête la scolarité obligatoire, pas au collège, en classe de 3ème. Quand on suit un parcours normal, on est en 1ère, c'est-à-dire un an avant le BAC, d'accord. Donc, moi, je dis, un jeune de 15 ans où qu'il soit dans son parcours scolaire, a le droit de choisir, c'est quand même, même âge, mêmes droits. Si le jeune a 15 ans, il est en classe de 4ème avec des élèves de 13 ans, s'il est en classe de 5ème avec des élèves de 12 ans, eh bien, je dis qu'il est non seulement en situation d'échec par rapport à un mode particulier d'enseignement, mais il l'est sur le plan humain, sur le plan de sa construction psychologique, et il lit dans le regard de ses petits camarades qu'il n'est pas un bon. Alors que le même pas bon, quand vous le mettez dans une classe de 4ème, de 3ème techno, ça devient un très bon, pour lui-même et pour le pays. Et je voudrais tout de suite régler et tordre le cou à une idée vraiment insultante, notamment celle que vous venez de lire dans Charlie Hebdo, mais qu'est ce qu'ils croient tous ces gens ? Qu'est-ce qu'ils croient ? Qu'on enseigne dans l'enseignement professionnel ? De quoi on prive un jeune qui y va, notamment en 4ème et 3ème ? Est-ce que vous savez qu'en 4ème ou 3ème techno, le tronc commun, la fameuse culture commune, il est donné. La différence, c'est qu'au lieu d'avoir 50 options, il y en a une, c'est la technologie, et ça occupe huit heures par semaine.
Sylvain Attal
C'est-à-dire qu'il y a autant d'histoire, de géographie, de maths
Jean-Luc Mélenchon
Ah exactement, moi, j'en ai par-dessus la tête de voir comment on considère que l'enseignement professionnel, l'enseignement technologique, c'est du sous-enseignement. Je mets au défi un seul de ces beaux parleurs, d'être capable de faire un seul exercice avec la moyenne d'un élève du BEP. Je les mets au défi. Ils ne savent pas ce qui s'enseigne dans les classes de BAC PRO, ils ne savent ce qui s'enseigne dans les BEP, le haut niveau technique. Et je redis ceci, les mathématiques, ce sont toujours des mathématiques, qu'elles soient enseignées dans le général ou dans le techno ou dans le Pro, mais c'est enseigné autrement. On n'est pas tous fait du même bois. Vous avez des gens qui ont une trajectoire qui part du concret, d'autres de l'abstrait, moi, je suis un type abstrait, plus c'est abstrait, plus je comprends, plus c'est concret, moins je comprends Je suis capable de vous soutenir une conversation sur l'être et le néant, mais je ne sais pas comment on transforme la chaleur en froid pour faire marcher un frigo, bon. Et je suis licencié de philosophie. Vous comprenez ce que je veux dire. J'en ai par-dessus la tête du mépris dans lequel, les sciences et les techniques sont tenues par un système académique qui considère que tous ceux qui ne sont pas dans la filière, réputée la bonne, sont des bons à rien, n'ont pas une culture générale. Et au bout du compte, sont quasiment des sous-êtres humains. Je suis scandalisé.
Sylvain Attal
Et vous pensez qu'on récupère plus facilement dans le système, en général éducatif, par des disciplines techniques, manuelles, des gens qui sont en situation d'échec ?
Jean-Luc Mélenchon
Parce qu'ils sont en situation d'échec par rapport à un mode d'apprentissage, je le redis, à la fin, ils font des langues comme tout le monde, ils apprennent des maths comme tout le monde, de la physique comme tout le monde. Voyez, un bachelier Pro qui est sur une machine à commandes numériques, il fait des maths pour programmer la machine, deuxièmement, il fait de la physique pour la résistance des matériaux, il fait de la chimie pour savoir quels produits on met dessus. Il doit savoir faire marcher la machine à commandes numériques, et la machine, il n'y a pas de commandes numériques, d'accord. Alors, allez lui expliquer que ça, c'est de la sous-culture, que ce n'est pas de la vraie culture, et ces jeunes-là, ils font comme les autres, de la langue vivante, ils font du français j'ai vu que justement, vous me parliez de Charlie, on dit : Les élèves sont privés de Maupassant et de Balzac, quelle rigolade, on enseigne aussi Maupassant et Balzac dans les lycées professionnels. Reste à savoir si pour un anarchiste, c'est une bonne référence Maupassant et Balzac.
Sylvain Attal
Merci, alors voilà donc posé d'emblée le débat avec fougue. C'est vrai que c'est iconoclaste, il faut bien le dire, remettre en cause le collège unique, c'est une idée un peu sacro-sainte dans l'enseignement national. ()
Sylvain Attal
01 45 05 1000. Vous avez des enfants scolarisés ou non d'ailleurs. Vous venez d'entendre Jean-Luc Mélenchon le ministre des Enseignements Professionnels, il a expliqué ce qu'il voulait faire. Quel est votre avis ? N'hésitez pas à nous le donner sur ce numéro de téléphone qui est le numéro de RMC toute la journée. Alors effectivement c'est une idée qui a le mérite de remettre en cause certains schémas pré-établis. Moi-même d'ailleurs, je l'ai fait exprès, je parlais d'un syndicat conservateur de droite et qui dit : oh, pour une fois que les choses changent et qui dit les choses bougent, et qui montre qu'il n'est peut être pas si conservateur que ça, un ministre de gauche que la presse de gauche voire d'extrême gauche traite de madeliniste, enfin voilà, ça ce sont les choses qui sont remises en cause. Et puis il y a en face, des gens qui connaissent bien le milieu de l'enseignement, depuis des années, qui ne sont pas des ignares et qui eux, pensent qu'on fait fausse route et qu'il y a vraiment un risque de recul de la démocratie, si on peut parler de démocratie, dans les collèges. Alors vous incarnez bien cette tendance là Madame Duru-Bellat, sociologue, professeur à l'université de Bourgogne, coauteur d'un livre qui s'appelle " L'hypocrisie scolaire ". Et vous vous pensez en gros, que s'il y a un problème avec le collège que vous ne niez pas, il faut changer le collège général, il faut l'adapter au niveau des élèves et il faut pas envoyer se faire voir ailleurs les collégiens qui sont en situation d'échec, en gros c'est ça.
Marie Duru-Bellat
Oui, tout à fait. C'est à dire que là on a l'impression qu'on va faire payer aux élèves le fait qu'on n'a pas su rendre leurs acquis assez homogènes, qu'il y a des écarts. L'hétérogénéité est renvoyée finalement dans le camp des élèves et on dit que puisqu'il y a un problème, et bien on va trouver d'autres solutions. Je ne pense pas que les petits Français soient plus bêtes que les autres. Dans la plupart des pays voisins, dont certains gardent des systèmes à filière, on oriente tôt les élèves, comme l'Allemagne où ils se posent des questions. Ils sont très critiques sur leur système, la plupart ont fait le choix de maintenir les élèves ensemble jusqu'à 16 ans, et ils sont pas moins bons que nous sur le plan des résultats quand on fait des comparaisons. Donc je me pose des questions sur pourquoi renoncer à cette idée qu'on avait, que c'était intéressant que tous les jeunes soient ensemble. Alors on nous dit, ça on est tout à fait d'accord, il faut revaloriser le technique, moi je partage tout à fait avec Jean-Luc Mélenchon, cette irritation devant les gens qui méprisent le technique et n'y ont jamais mis les pieds, ça on est tout à fait d'accord. Mais le problème, c'est comment valoriser le technique. Est-ce que c'est en abordant l'enseignement technique plus tôt ? Et moi je dis, plus on l'abordera tôt, plus ça sera réservé aux élèves en difficultés et donc ça sera le technique pour ceux dont on ne sait pas quoi faire, et donc c'est vraiment l'envers de revaloriser le technique.
Sylvain Attal
Nous allons prendre un premier appel d'Elisabeth qui nous appelle de Narbonne, bonjour Elisabeth.
Élisabeth
Oui, bonjour.
Sylvain Attal
Allez-y, on vous écoute. Vous avez un enfant qui est dans l'enseignement technique je crois...
Élisabeth
Non. C'est à dire que moi, on a bougé pas mal, mon fils avait des difficultés. On a fait des pays étrangers. Il avait réussi à entrer au collège à un niveau de 5ème donc en sautant la 6ème, il avait des difficultés en français puis il a eu un professeur qui n'avait rien à voir qui était le professeur d'espagnol, qui a l'intelligence de remarquer qu'il avait beaucoup d'atouts pour devenir quelqu'un de technique. Parce qu'il avait peut-être des difficultés sur des matières principales, mais sur d'autres il était très doué.
Sylvain Attal
Ca s'est fait en 5ème ?
Élisabeth
Et quand il est parti dans cette filière, au départ, j'étais un petit peu réticente parce que j'ai mes frères aînés qui ont fait des grandes études, donc c'était un peu pour moi comme tout le monde la voie de garage, ouh là là , quoi. Et puis c'est tout à fait faux, parce qu'il a très bien réussi dans la technique, il a poursuivi avec un BTS, il a fait une année supplémentaire, il n'a jamais pu faire le diplôme, qu'il voulait, d'informatique, et pourtant à l'heure actuelle si je vous disais qu'il est à Paris dans une très grande société au niveau de chef de secteur informatique, croyez-moi que c'est plus qu'une fierté. C'est que les parents écoutent, soient attentifs aux conseils des professeurs c'est vrai, mais que les parents soient attentifs quand on leur dit : votre fils il devrait faire ça, ou ça. Mais c'est vrai qu'il y a tellement d'élèves dans chaque classe qu'on n'a pas toujours l'il, c'est ça le problème. Donc, on dit il travaille mal parce qu'il ne veut pas se donner la peine, alors que c'est peut-être pas sa filière. Et quand on leur demande une orientation, qu'est ce que tu veux faire, ils n'en savent rien, des fois ils mettent n'importe quoi. Et puis j'ai un neveu qui est un cas aussi, qui ne faisait rien et qui voulait aller dans la technique en se disant, moi je vais faire un CAP pour m'occuper des motos, et puis, lui ce n'est pas la filière technique qui l'a sauvé mais c'est sa copine qui lui a dit : je suis sûre que tu pourrais réussir, essaye quand même de passer le BAC. Et maintenant, il est responsable d'un service réanimation à Lyon.
Sylvain Attal
Vous verriez le sourire qui s'inscrit sur le visage du ministre Jean-Luc Mélenchon, ça fait plaisir à voir, je crois qu'il va vous inviter pour ses conférences de presse.
Jean-Luc Mélenchon
Merci Madame.
Sylvain Attal
C'est vrai Jean-Luc Mélenchon que c'est le mot " technique " parfois, c'est la principale difficulté, dès que les parents entendent le mot " technique " ils sortent le revolver. C'est à dire pour eux, c'est l'abattement immédiat, mon fils est un raté
Jean-Luc Mélenchon
Oh ça c'est les préjugés qu'il y a partout. J'ai envie de vous dire, vous savez, il y a les mêmes préjugés contre tous ceux qui travaillent dans ce pays. Parce que 60 % de la population active du pays est faite d'ouvriers, d'employés, de cadres de professions intermédiaires qui aiment leur métier, qui le font bien et puis que certains regardent de haut. Moi c'est ce regard hautain qui m'indispose. Moi j'ai vu des gosses, des jeunes être tellement épanouis, et je peux les comparer, comme vous l'avez dit Madame, qu'on retrouve en BTS, c'est à dire Brevet de Technicien Supérieur, qu'on retrouve dans toutes ces places
Sylvain Attal
Après le BAC donc ?
Jean-Luc Mélenchon
Épanouis, bien dans leur peau. L'école, elle est faite pour ça, pour émanciper la personne. Je dis le travail a été bien fait.
Sylvain Attal
Je voudrais savoir comment Madame Duru-Bellat a réagi à cet appel.
Marie Duru-Bellat
Il y a toujours des histoires enchantées et tant mieux, à l'école. Je pense que la majorité des cas n'est pas si rose. La preuve en est que, justement les élèves vont moins dans ces filières, les familles les mieux informées
Jean-Luc Mélenchon
Non, madame.
Marie Duru-Bellat
C'est pour ça que vous avez moins d'élèves ?
Jean-Luc Mélenchon
Non, Madame.
Marie Duru-Bellat
Et bien comment ça se fait que vous
Jean-Luc Mélenchon
Et bien je vais vous dire, par un pur effet de système. Parce que c'est depuis 2 ans qu'on a perdu 30 000 élèves. C'est parce qu'on a fermé ces classes de 4ème et 3ème techno qui n'existent plus que dans l'enseignement privé, si bien que vous voulez y mettre votre gosse, vous pouvez le mettre que dans le privé. Écoutez-moi, Madame, c'est impossible qu'au cours des deux dernières années, les gens se soient mis à détester l'enseignement professionnel, c'est un effet de système. On continue dans un certain nombre d'académie à ouvrir, à guichet ouvert, des classes de secondes générales et technologiques dans lesquelles, à la fin, il y a 16000 élèves qui triplent chaque année. Vous avez 11000 gamins qui sortent de là dedans en abandonnant purement et simplement les études. Et pendant ce temps là, quand je veux ouvrier une demi-section de bac pro, quand je veux ouvrier une classe de BTS, on me regarde de haut en me disant, mais pourquoi, mais ça sert à rien etc.. Parce qu'on ne s'occupe pas de ces enfants-là, certains pensent, que de toute façon, perdus pour perdus, on s'en fiche de savoir où ils sont. Pas moi. Je suis ministre pour faire respecter ça et vous avez dit tout à l'heure une chose qui ne correspond à aucune réalité, vous dites par exemple, pardon, le ton que je prends est celui de la passion, Madame, j'ai aucun compte à régler avec vous- on dit on va mettre les jeunes ensemble au collège. Mais ça c'est très gentil sauf que c'est pas vrai. Il y a 9000 élèves qui sont en classe de préapprentissage, personne n'en parle, 100 000 élèves dans les SEGPA est-ce que vous êtes tous devenus assez fous pour dire qu'on va dissoudre les classes de SEGPA, qu'on va rapatrier tous les enfants en apprentissage ? Il n'y a pas de rapport entre la violence et le fait qu'il y aient 16000 jeunes qui ont 16 ans en classe de 4ème ?
Sylvain Attal
Jean-Luc Mélenchon, l'un des objets de ce débat, c'est d'essayer de faire avancer, peut-être, les mentalités, surtout dans l'enseignement national. Vous avez en face de vous souvent, des syndicats qui ont une position bien arrêtée sur le collège unique. Par exemple le SGEN-CFDT Jean-Luc Villeneuve, vous n'avez pas parlé, j'aimerais que réagissiez à la fois à ce que dit Jean-Luc Mélenchon et ce que dit Élisabeth de Narbonne.
Jean-Luc Villeneuve
Ben écoutez, moi, c'est très difficile de réagir là, certes, les propos de Monsieur le Ministre sont dits avec plein de fougue, mais la fougue n'a pas pour autant valeur de vérité. Il y a deux choses, deux aspects dans les propos de Monsieur le Ministre. Il y a à la fois le collège et les lycées professionnels, et là j'ai l'impression que l'on se mélange un peu. Au SGEN-CFDT, nous sommes totalement pour, bien entendu, de la valorisation du lycée professionnel. Nous pensons que ce n'est pas en orientant
Sylvain Attal
Pourquoi perdre du temps alors ?
Jean-Luc Villeneuve
Non, non, mais excusez-moi, ce n'est pas en orientant par l'échec des élèves en lycée professionnel qu'on va valoriser l'enseignement professionnel.
Jean-Luc Mélenchon
Ca on est d'accord.
Jean-Luc Villeneuve
J'ajoute, que pour nous, cette espèce de coupure, il y aurait des jeunes qui auraient des
Sylvain Attal
Le fils d'Élisabeth, il a quand même été orienté par l'échec
Jean-Luc Villeneuve
Comme l'a dit Madame Duru-Bellat, il y a parfois de belles histoires, et c'est tant mieux.
Sylvain Attal
S'il y a de mauvaises histoires n'hésitez pas 01 45 05 1000.
Jean-Luc Villeneuve
Pour autant, moi j'en reviens au collège. Le collège actuellement, il fonctionne très bien, nous sommes d'accord, nous ne sommes pas pour le statu quo, mais nous sommes pour un collège de la réussite de tous les élèves. Il est absolument fondamental que dans ce pays, toute une génération de jeunes, jusqu'à la fin de 3ème, ait ce qu'on appelle un socle commun et dans ce socle commun, nous mettons bien entendu les connaissances technologiques et professionnelles. Pourquoi les connaissances technologiques et professionnelles seraient réservées à des élèves qui, par ailleurs, ne réussiraient pas ? Je suis quand même un peu étonné, Monsieur le Ministre, que par ailleurs et vous avez bien entendu raison, vous entendez, je dirai, réduire les inégalités sociales, actuellement tel que l'on procède, on crée un lycée professionnel et on conforterai ce lycée professionnel dans une ségrégation sociale. On est fils d'ouvrier, on est fils d'origine sociale défavorisée, boum, on est plutôt manuel, on va en lycée professionnel, ce n'est pas comme ça qu'on va valoriser l'enseignement professionnel. Et j'ajoute, si je puis me permettre, Monsieur, si je peux terminer ma phrase
Sylvain Attal
Vous pouvez vous interrompre si ça reste dans les limites, je veux dire, n'attendez pas forcément que je donne la parole
Jean-Luc Villeneuve
Il est évident qu'aujourd'hui il n'y a pas de collège unique, d'ailleurs nous refusons le terme d'unique. Nous sommes pour un collège, comme je l'ai dit, de la réussite de tous les jeunes, et à l'intérieur de ce collège, on peut très bien mettre en place et il faut mettre en place des parcours diversifiés pour atteindre des objectifs que la nation assignera au collège. On ne les connaît pas ces objectifs, quels sont les objectifs qu'aujourd'hui
Jean-Luc Mélenchon
Si vous voulez, moi je vous les dis Monsieur Villeneuve
Intervenant
Non, écoutez Monsieur Villeneuve, non..
Jean-Luc Villeneuve
Je me doute que vous ne soyez pas d'accord avec moi, ce serait étonnant.
Intervenant
Ca n'est pas possible enfin, les parcours diversifiés, ça fait 20 ans que le SNALC les revendique et ça fait 20 ans que vous les refusez, alors vous ne pouvez quand même pas, maintenant, aboutir sur une revendication contraire à la votre Non, non, pardonnez, moi, mais écoutez, accueillir tous les élèves ensemble, mais il est évident que l'ouverture de l'enseignement secondaire à tous, ça implique l'accueil de tous les élèves ensemble, mais pourquoi dans un tel cadre ne leur offrir qu'un seul parcours ? Vous dites que le système que préconise Monsieur Mélenchon aboutirait à envoyer encore plus d'élève en situation d'échec dans l'enseignement technique ou professionnel. Mais enfin, c'est le collège unique tel qu'il fonctionne actuellement et tel que vous voulez qui produit l'envoi de ces élèves dans l'enseignement technologique.
Jean-Luc Villeneuve
Mais justement ! Nous disons que le collège actuel ne fonctionne pas bien.
Sylvain Attal
Stop, stop, au débat syndicalo-syndicaliste. Je voudrais savoir, moi, qui peut me répondre : pourquoi on a introduit le collège unique en 1975 à l'époque on pensait à quoi, on revenait de quoi ?
Jean-Luc Mélenchon
Il y a quand même de la politique là-dedans, il faut prendre ça en compte. Quand on a créé le collège unique, c'était il y a 26 ans, n'est-ce pas ? Et à cette époque, le gros de la troupe n'allait pas au lycée. La massification, elle s'est faite après. Et dans la suite de cette massification, les gouvernements de gauche, pardon de le dire, on fixé un objectif 80 % d'une classe d'âge au bac ou avec une qualification, moi c'est ça mon horizon, et je dis c'est ça l'objectif qu'on doit avoir. Les jeunes jusqu'à 16 ans, quand on a 16 ans, je le rappelle, on est dans une classe de 1ère, on voit donc que le tronc commun il est étiré jusqu'au bac. Notre but c'est de faire qu'il y ai le plus possible d'élève qui arrivent au niveau du bac, voilà ma position. Moi je ne suis pour, ni contre le collège unique, ce n'est pas mon problème, mon problème, c'est de dire tous les gosses doivent pouvoir y arriver. A quoi Monsieur Villeneuve, répond, juste sur un mot, parce que Monsieur Villeneuve dit des choses profondes. Mais oui... non mais Villeneuve on se connaît, on a l'occasion assez souvent de discuter. Il dit il faut qu'il y ait ce tronc commun, je vous le redis, Monsieur Villeneuve, et vous ne pouvez me démentir. Lorsqu'on est en 4ème ou en 3ème techno, le tronc commun est assuré, quand on sort de la 3ème techno, on peut aller en 2ème. En réalité, vous passez votre temps les uns et les autres à considérer de haut tout ce qui travaille.
Sylvain Attal
Sur le collège unique, pourquoi le collège unique ?
Marie Duru-Bellat
Oui, pourquoi le collège unique, on est d'accord, c'est un objectif de démocratisation, simplement il y a une chose qui est fausse et qu'il faut souligner c'est qu'on a comparé ce que savaient les élèves en français, en maths en techno, en 3ème techno et en 3ème générale. Et ce qu'on voit, ben c'est qu'ils sont plus faibles même en techno. Donc dire, c'est un parcours différent..
Jean-Luc Mélenchon
Non, non Madame... Madame, il y a la même proportion d'élèves qui réussissent le bac, qui sortent de 4ème et 3ème techno...
Marie Duru-Bellat
Ce n'est pas le même bac...
Jean-Luc Mélenchon
Ah ce n'est pas le même bac, c'est un sous-bac, Madame ?
Marie Duru-Bellat
Non, je parle des acquis.
Jean-Luc Mélenchon
Ah, c'est un sous-bac ?
Marie Duru-Bellat
Non, je parle des acquis.
Jean-Luc Mélenchon
Il y a trois bacs et c'est trois bac égaux.
Marie Duru-Bellat
Attendez, qu'est ce que sait un élève en français en fin de 3ème ? Ce n'est pas Et après tout, c'est ce que savent les jeunes du pays, qu'est ce qu'ils savent à 16 ans, en français et en maths et en techno, eh bien de fait ils sont moins bons. C'est à dire qu'on ne dise pas
Jean-Luc Mélenchon
Quant à dire que le bac est réservé aux ouvriers alors là laissez-moi rigoler, au collège il y a 2 millions d'élèves. Sur les 50 000 que je demande, allez dans le lycée professionnel, ça vous laisse 70 % à 80 % venus des milieux populaires au collège, il faut arrêter les caricatures.
Sylvain Attal
Il est encore temps que vous nous appeliez sur cette question du collège unique : pour ou contre le collège unique, ou est-ce que comme le ministre Jean-Luc Mélenchon vous êtes favorable à une orientation plus précoce, on verra à quel âge, il y a une polémique sur l'âge
Jean-Luc Mélenchon
Si vous êtes contre une orientation tardive, vous êtes d'accord avec moi.
Sylvain Attal
Ah oui, mais alors trop tardive ou plus précoce, on ne sait pas très bien. Mais alors donc, justement, Philippe Val, vous lisiez son papier, là, pendant la pub, il dit : le ministre veut envoyer dès douze ans les gamins en enseignement technologique.
Jean-Luc Mélenchon
Bon, j'aime bien Philippe Val, donc ça m'ennuie d'en rajouter, mais je n'ai jamais dit une chose pareille, enfin, c'est une caricature absolument grotesque. Je dis une chose, concernant l'âge : à quinze ans, quel que soit l'endroit où le jeune est, il doit avoir le droit de choisir son orientation, voilà. Quand il est en seconde, ce n'est pas un droit, c'est une obligation pour lui de le faire ; et bien moi je dis : si un jeune à quinze ans est capable de le faire en seconde, à quinze ans je pense qu'il est capable de le faire en quatrième.
Sylvain Attal
Donc vous voulez fixer l'âge et non pas la classe.
Jean-Luc Mélenchon
Voilà.
Sylvain Attal
C'est à dire qu'à quinze ans, si on est un petit peu en retard, par exemple qu'on est encore en quatrième
Jean-Luc Mélenchon
Et qu'on ait le droit, et qu'on ne soit pas obligé de rester à l'endroit où on est, où on en a marre.
Sylvain Attal
D'accord, ok.
Jean-Luc Mélenchon
Vous allez dans l'enseignement privé, parce qu'il n'y a que là qu'il y a des classes qui sont adaptées pour
Sylvain Attal
C'est parfaitement clair. Alors il y a des appels au standard. Il y a d'abord Philippe, ébéniste en Haute-Savoie, qui doit avoir trop de boulot, qui ne veut pas qu'on le rappelle, mais qui nous dit : je ne comprends pas qu'à l'école on ennuie certains élèves avec Balzac, ou d'autres écrivains
Jean-Luc Mélenchon
Il a tort.
Sylvain Attal
Il a certainement tort, oui, bien sûr. Mais il dit : aujourd'hui en ébénisterie on manque de main-d'uvre, et en apprenant l'histoire des styles dans le domaines du bois, j'ai appris mon histoire de France.
Jean-Luc Mélenchon
Et voilà.
Sylvain Attal
Est-ce que Monsieur Kuntz veut réagir par rapport à Balzac ?
Philippe Kuntz (président du SNALC)
Oui, sur Balzac tout à fait. Vous savez, je crois que malheureusement à l'heure actuelle, ça n'est pas seulement dans l'enseignement professionnel que se pose le problème, je crois que c'est au collège même où l'on a tendance à considérer que Balzac n'appartient plus à la sphère des élèves. C'est que le système unique tel qu'il a été instauré, il aboutit à de telles baisses dans le niveau des connaissances que maintenant on n'offre plus, même aux élèves qui avaient à une époque une certaine aptitude à l'abstraction, des éléments susceptibles de les motiver. C'est en ce sens aussi que Monsieur Mélenchon pose bien le problème, parce qu'encore une fois, il s'agit d'offrir à tous les talents, à toutes les formes d'intelligence, un parcours qui puisse leur convenir. C'est cela les parcours diversifiés.
Sylvain Attal
D'accord. On continue avec Danièle qui nous appelle de Salon-de-Provence, bonjour Danièle.
Danièle
Bonjour Monsieur.
Sylvain Attal
Je crois que vous avez une question particulière, vous avez un fils, justement, de quinze ans.
Danièle
Oui, j'ai un fils de quinze ans, j'ai cinq enfants, donc celui-ci c'est le dernier.
Sylvain Attal
Il est en quelle classe ?
Danièle
Il est troisième. Il est passé en troisième parce qu'il avait un projet, quand même, qu'on ne voulait pas lui enlever, mais bon, il n'a pas fait une bonne quatrième, quand même, et on l'a fait passer en troisième. La troisième n'est pas meilleure, mais seulement il voudrait quitter l'école pour apprendre un métier. Et un métier, bien sûr, que mon mari n'est peut-être pas trop d'accord qu'il quitte l'école, il préférerait qu'il fasse un enseignement général, mais l'enseignement général, pour lui ce ne serait pas moi je ne le vois pas dedans. Et technologie, bien sûr, sans aller chez un patron, moi je pense qu'en faisant un collège technique, simplement, ça irait aussi.
Sylvain Attal
Donc pour vous, vous n'avez pas d'a priori contre l'enseignement technique, sauf que là éventuellement
Danièle
Non, parce que mon mari n'est pas trop d'accord là-dessus. Dès qu'on parle d'enseignement technique, il s'imagine que le jeune va vite aller chez un patron
Jean-Luc Mélenchon
Mais non
Danièle
se contenter d'un CAP
Jean-Luc Mélenchon
Il faut lui expliquer, Madame, qu'il se trompe. Parce que s'il va dans l'enseignement
Danièle
C'est ce que les professeurs nous ont dit.
Jean-Luc Mélenchon
Oui mais les professeurs, peut-être qu'ils ne connaissent pas la situation, ça arrive aussi. S'il va dans l'enseignement professionnel, c'est un enseignement sous statut scolaire. Il va donc faire un parcours jusqu'au bac ; en cours de route, s'il veut, il va faire un CAP, mais s'il a le talent, vous sentez que votre gosse, il a l'énergie, il va aller au bac pro ; il peut ensuite aller dans le supérieur, passer un brevet de technicien supérieur et s'il en a vraiment le talent, ça continue.
Danièle
C'est ce qu'ils nous ont expliqué.
Jean-Luc Mélenchon
Donc, absolument. Alors ce n'est pas partout possible, parce que des fois il n'existe pas les classes de transition qui permettent de passer de la voie professionnelle à la voie techno, enfin c'est un petit peu le sujet de notre débat. Mais n'ayez aucune réticence à vous dire que votre garçon a là la possibilité d'aller jusqu'au bac et de réussir, alors qu'aujourd'hui vous avez l'impression qu'il est un peu en panne.
Danièle
Moi je suis entièrement d'accord, entièrement d'accord là-dessus. Mais seulement c'est
Sylvain Attal
Mais c'est symptomatique de voir que votre mari, par exemple, il a l'impression que s'il y a un échec, qu'on veut faire un métier manuel, ça veut dire tout de suite aller dans la vie active.
Danièle
Voilà, c'est ça qu'il a peur, parce que bon, je lui ai dit non, ce n'est pas obligé qu'il aille dans la vie active de suite.
Jean-Luc Mélenchon
Ah non Il a quel âge ?
Sylvain Attal
Quinze ans.
Jean-Luc Mélenchon
Quinze ans ? Ah non, non, de toute façon la scolarité obligatoire c'est seize ans.
Sylvain Attal
Oui mais il est en troisième, d'un autre côté l'année prochaine c'est fini.
Jean-Luc Mélenchon
Oui, alors, Messieurs, qu'est-ce qu'on répond à ce garçon, là ? Parce qu'on m'a fait toutes sortes de procès ; on lui dit quoi ? Tu restes là et tu continues ?
Intervenant
Non, mais moi je réponds sans problèmes et sans difficultés. Il est en troisième, Madame, et là justement, manifestement, votre enfant a un projet, il souhaite
Danièle
Il voudrait apprendre l'électrotechnique.
Intervenant
Tout à fait.
intervenant
Voilà. C'est chez moi, ça.
Intervenant
Dans ce cadre-là, justement, il demande d'aller en lycée professionnel. Il ne s'agit pas, là, d'une orientation par l'échec, mais bien au contraire d'un choix réfléchi par votre enfant. Moi je pense que c'est tout à fait positif et c'est comme ça que nous voyons, nous, l'enseignement professionnel. C'est à dire que des jeunes sont motivés par la pratique de tel ou tel métier et ils choisissent. Mais on ne les envoie pas.
Intervenant
Comme quoi Monsieur Mélenchon a raison.
Jean-Luc Mélenchon
Il faut les envoyer, attendez, non mais, Villeneuve, j'ai trop de respect pour vous. Moi je n'ai jamais dit qu'on allait envoyer les gens de force.
M. Villeneuve
Non mais
Jean-Luc Mélenchon
Je dis qu'un jeune qui a quinze ans comme le jeune de cette dame, s'il est en quatrième, s'il est en cinquième, il a le droit de faire ce choix.
Sylvain Attal
Vous pensez que ce garçon, par exemple s'il avait fait une quatrième technologique et une troisième technologique, ç'aurait été mieux pour lui que de s'emmerder, comme visiblement il n'a pas fait une bonne quatrième, nous dit sa maman.
Jean-Luc Mélenchon
Possible, oui, possible, je ne sais pas, ça c'est à voir avec l'équipe pédagogique. Mais moi je veux que si l'équipe pédagogique dit : ce garçon, ou cette fille, c'est le moment de l'envoyer dans cette voie, ben qu'ils puissent le faire, c'est tout. Je ne dis rien d'autre.
Intervenant
Mais ça, actuellement c'est impossible dans le collège unique, l'équipe pédagogique elle n'a plus aucun pouvoir sur l'orientation. On a instauré un véritable passage automatique dans la classe supérieure de la sixième à quasiment la terminale, pour valoriser l'enseignement général
Sylvain Attal
C'est ce que nous dit cette dame.
Intervenant
Et ça, ça se fait au détriment des élèves. On ne peut quand même pas nous dire que ça, ça va dans le sens de la justice sociale ? Ça va dans le sens de creuser les inégalités, de creuser les écarts entre les catégories sociales, c'est une monstruosité.
Sylvain Attal
Danièle, vous nous avez quand même laissé entendre que votre fils avait fait une mauvaise quatrième, qu'on l'a quand même fait passer en troisième ?
Danièle
Voilà. Alors comme il avait un projet d'être pompier professionnel, on n'a pas voulu lui casser son projet, on l'a fait passer quand même en troisième, mais la troisième est un il n'a pas réussi. Et moi j'ai peur que
Intervenant
Oui, mais enfin s'il réussit dans la voie professionnelle, Madame, vous pouvez lui dire que, ensuite, s'il passe dans le supérieur, dans les IUT, il pourra faire pompier professionnel, il y a des hauts niveaux.
Danièle
Ah oui, oui, mais, parce que dans la famille on a des pompiers, on le sait, et on sait comment ça se passe.
Intervenant
Vous le savez bien.
Danièle
Mais moi, ce que j'ai peur, c'est que d'après son bulletin, qu'il va avoir, on le brime là-dessus, on ne lui donne pas sa chance pour apprendre le métier qui lui plaît, en collège technique.
Sylvain Attal
Alors, l'une des difficultés, vous l'avez dit vous-même Jean-Luc Mélenchon, c'est que selon les endroits où on se trouve, par exemple Danièle, elle est à Salon-de-Provence, a priori ce n'est pas très loin de Marseille, on l'imagine c'est une région où il y a ce qu'il faut. Il y a peut-être des endroits en France où il n'y a pas, justement, les classes qu'il faut pour
Jean-Luc Mélenchon
Ah, bien sûr, mais là ce n'est même pas sûr qu'il y ait ce qu'il faut dans le coin, parce que c'est un des problèmes
Danièle
A Salon-de-Provence il y a le lycée Adam de Craponne.
Jean-Luc Mélenchon
Oui, et alors, qu'est-ce qu'il y a comme... parce que je ne les connais pas tous par cur, il y en a 1 772. Mais enfin, l'offre est là. Moi, ma bataille dans l'Education, et là c'est les petits secrets de la maison, c'est pour précisément élargir cette offre, et là-dessus, je crois que je me retrouve avec vous, en général
Intervenante
Si ce n'est qu'on a créé de l'offre, par exemple pour des métiers de la couture ou de l'aliment, et une fois que l'offre est créée, elle subsiste : il y en a des gamins, qui pendant vingt ans sont formés c'est aussi le danger, quand même, de créer de l'offre, comme ça, à tour de bras. Vous dites : il faut qu'on puisse ouvrir autant de filières technologiques, aussi facilement que les filières générales ; une fois qu'elles sont créées, elles tournent, et ça peut créer des problèmes graves d'insertion pour les élèves.
Jean-Luc Mélenchon
Oui, bien sûr. Ça peut créer des problèmes, ça crée des problèmes beaucoup plus graves quand cette offre n'existe pas, d'accord ? Premièrement. Et deuxièmement, pour ce qui est des métiers de la couture, alors évidemment ceux qui n'y ont jamais mis les pieds peuvent croire qu'on fait du point de croix, ce sont des métiers qui ont des hauts niveaux techniques, d'accord ? Et si la France a rattrapé une partie de son retard au moment où on pensait que son industrie textile allait s'effondrer en face de celle des pays asiatiques, c'est parce qu'on a élevé le niveau, et des techniques et des enseignements.
Intervenante
Vous connaissez le taux de chômage à l'issue des BEP d'habillement, j'imagine ? Ce n'est quand même pas très glorieux
Intervenant
Donc, bien, ce n'est pas la peine de les envoyer là, mieux vaut qu'on continue à les il y a 11000 personnes qui sortent de la seconde et qui ne suivent plus aucune étude.
Intervenant
Ou ils perdent leur temps pendant cinq ans à essayer de passer un DEUG.
Sylvain Attal
Alors on va prendre un autre appel, celui de Pascale, parce que justement ça soulève une autre critique parfois qui est faite de votre projet, Jean-Luc Mélenchon, derrière ce que va nous dire Pascal. Bonjour, vous êtes artisan à Saint-Étienne.
Pascal
Voilà. Nous, nous sommes artisans maçons et on a des très très gros problèmes pour trouver des jeunes qui voudraient partir dans cette branche-là. On veut tellement faire des bureaucrates de nos enfants, des architectes et tout ça, que finalement on a mis un dégoût pas possible pour les métiers manuels, et les jeunes ne veulent plus partir dans cette branche-là. Et il va arriver un moment, on aura tellement les gens dans les bureaux qu'il n'y aura plus personne sur les chantiers, et ça va être enfin je ne sais pas, c'est ridicule
Sylvain Attal
Merci pour votre appel, Pascal, je voudrais simplement avoir l'avis
Pascal
Des problèmes d'école, scolaires, et de leur donner la possibilité de et puis devant eux, de valoriser ce genre de métier, que de les pousser en seconde et puis qu'ils se cassent le nez même pas en terminale, mais enfin, ça je trouve que c'est idiot ce principe-là.
Sylvain Attal
Souvent, certains craignent que ce soit finalement au bout du compte la sphère professionnelle qui dicte un peu à l'enseignement ses conditions, c'est à dire qui dise : on a besoin de maçons en ce moment, on a besoin d'ouvriers du bâtiment
Jean-Luc Mélenchon
Oui, non, mais alors là je vais rassurer tout le monde, et pour certains ils diront hélas : en réalité, la sphère professionnelle et l'enseignement professionnel sont interconnectés depuis des années, parce que les diplômes professionnels sont le contenu est élaboré en commun entre l'Éducation nationale, les représentants du personnel enseignant et les branches professionnelles, et ça, je me permets de dire que c'est très bon. Parce que qu'est-ce qu'on veut dans nos diplômes ? On veut le plus haut niveau technique du métier réel. Maintenant, quand vous dites : est-ce que c'est eux qui commandent ? A un certain moment on pourrait dire hélas, pour ça au moins, non. Parce que figurez-vous que pour les métiers du bâtiment, tous les ans il va nous manquer 30 000 personnes. C'est à dire, quand l'année commence, avec les départs en retraite aujourd'hui et le nombre insuffisant qui sort des lycées professionnels, il manque 30 000 personnes. Et les métiers du bâtiment, bon alors évidemment que si les professionnels du bâtiment payaient mieux il y aurait plus de monde pour y venir, soit dit par parenthèse, mais à côté de ça, le niveau de l'éducation dans le bâtiment s'est considérablement élevé.
Sylvain Attal
Juste un mot, parce qu'après il faudra encore s'interrompre pour le rappel des titres, il n'y a pas un risque, quand même, de prédestination à la fois géographique, sociologique, c'est à dire en gros : les fils d'ouvriers des lainières du Nord deviendraient à nouveau ouvriers dans des lainières
Jean-Luc Mélenchon
Non, je vais vous dire, non, écoutez-moi. Ce n'est pas possible, d'abord parce que, d'une manière générale, l'enseignement a été massifié, donc toutes les catégories sociales sont là. C'est
Monsieur Villeneuve
En lycée professionnel, Monsieur le Ministre ?
Jean-Luc Mélenchon
Non, en lycée professionnel, Monsieur Villeneuve, vous avez raison, on trouve peu d'enfants de certaines classes sociales. Vous avez raison. Mais je ne veux pas que ça aboutisse à dire que le lycée professionnel n'est dès lors que le lycée professionnel fonctionne, ailleurs il ne resterait que les bons. Parce que ce n'est pas vrai.
Sylvain Attal
Alors, j'ai une minute de retard sur le rappel des titres, on se retrouve pour le dernier quart d'heure juste après.
Sylvain Attal
Il nous reste encore au moins un quart d'heure pour parler de cette question du collège unique, la proposition de Jean-Luc Mélenchon qui dit : à partir de quinze ans, il a bien précisé, c'est à partir de quinze ans, il y a des élèves qui effectivement à quinze ans ne sont pas comme d'autres en troisième, qui sont encore en quatrième, voire pire, il faut qu'ils puissent choisir, eux aussi, d'aller dans une filière technique sans avoir à attendre la seconde. Voilà en gros l'idée lancée alors Danièle avait quand même, Danièle que nous entendue tout à l'heure de Salon-de-Provence, vous avait posé, peut-être plus aux enseignants qui sont ici qu'au ministre, une question.:
Danièle
Oui, parce que, vu que mon fils n'a pas un très bon bulletin, point de vue notes et appréciations, moi je crains que ça sera le bloc pour
Sylvain Attal
Qu'on ne le laisse pas passer en seconde, même une seconde technique ?
Danièle
Comment ?
Sylvain Attal
Même une seconde de lycée technique ?
Danièle
Oui. Qu'on ne lui donne pas sa chance d'apprendre son métier, quoi.
Sylvain Attal
Alors là, ça irait dans le sens de ce que dit Mélenchon, parce qu'à ce moment-là peut-être que dans des classes plus adaptées, technologiques, il aurait eu de meilleures notes ?
Intervenante
Moi je pense que la question de Danièle pose un vrai problème qui est : on va envoyer ces enfants en difficulté vers des formations techniques, on leur promet de très belles carrières, donc c'est très bien ; mais à partir de quel niveau de connaissance ? Un gamin qui est en difficulté en cinquième, en quatrième, à quinze ans, là le problème c'est la responsabilité de l'école, et c'est ça qui est inadmissible. Parce que ces enfants-là, s'ils veulent faire une carrière dans le technique il faut qu'ils sachent bien lire, il faut qu'ils sachent s'exprimer, il faut qu'ils sachent calculer ; et donc s'ils leurs envoient trop tôt, eh bien c'est vraiment coupable, parce qu'ils se casseront la figure. Donc je pense que ça c'est un vrai problème, ce n'est pas le problème de l'âge, c'est le problème du niveau minimum dans la formation générale, avec lequel on s'oriente vers l'enseignement technique.
Jean-Luc Villeneuve
Et je me permets d'ajouter dans la foulée que non seulement les élèves qu'on envoie en lycée professionnel et qui sont en grave échec au collège, on les retrouve en grave échec en lycée professionnel. Ce que n'a pas dit Monsieur le Ministre, c'est combien d'élèves quittent le lycée professionnel en cours de formation ? Combien d'élèves, même, quittent parfois à trois mois ou à trois semaines du bac professionnel le lycée professionnel ?
Intervenant
Combien d'élèves quittent le bac avant d'avoir Combien d'élèves abandonnent le DEUG avant d'avoir réussi les examens ?
Jean-Luc Villeneuve
Non mais attendez. Puisque on dit qu'au collège, et là moi je partage, je crois qu'il faut dire, on partage le constat de Monsieur le Ministre sur la situation actuelle du collège : désarroi des enseignants face à la gestion difficile des classes hétérogènes, ennui d'un certain nombre d'élèves qui sont en échec et qui du coup, les conduit à des incivilités, voire à une certaine violence, on le comprend parfaitement. Mais il ne doit pas y avoir de fatalisme. Il faut régler les problèmes du collège au sein du collège, et non pas
Sylvain Attal
Vous n'avez pas répondu à cette mère d'élève.
Bernard Kuntz
Moi j'ai quelque chose à dire à cette dame
Sylvain Attal
Bernard Kuntz, est-ce qu'il peut être empêché d'aller en seconde technique ?
Bernard Kuntz
Non mais, il peut être empêché Si ce garçon est en situation d'échec à l'issue du collège, c'est bien que le collège ne lui a pas offert un enseignement adéquat ? C'est qu'il n'a pas pu suivre un parcours adapté à son type d'intelligence, on l'a forcé par le moule unique à subir un enseignement qui ne lui convenait absolument pas. Il s'ensuit que ce que propose Monsieur Mélenchon, c'est de réintroduire une possibilité de choix antérieur pour permettre d'échapper à cette orientation par l'échec. Voilà, tout le problème est là. Actuellement on nous dit, il y aurait à vous croire, Madame, Monsieur chers collègues, il y aurait à vous croire la volonté de filiariser les élèves pour les enfermer dans un déterminisme, mais c'est actuellement qu'il se trouve mis en place, le déterminisme. Jamais le système scolaire n'a été aussi inégalitaire qu'il n'est actuellement. Il n'est ouvert et il ne profite actuellement qu'aux enfants issus des catégories sociales les plus favorisées. Vous n'avez pas parlé des classes dans les collèges où l'on met les meilleurs élèves ou ceux qui sont socialement homogènes. Vous n'avez pas parlé des filières obscures. Vous n'avez pas parlé de la hiérarchisation qui s'établit à travers les établissements. Et pour une fois qu'un ministre nous dit : on va rétablir la justice, on va rétablir des parcours qui permettront d'éveiller toutes les formes d'intelligence, vous nous dites : ah non, surtout pas, ne renonçons pas au collège unique, gardons-le surtout tel qu'il est parce que
Intervenant
Non mais vous avez une façon, vraiment, de dénaturer les propos
Bernard Kuntz
Écoutez, je vous ai lus dans la presse et j'ai lu votre appel des 12 ou 14, là, vous savez, avec le raton laveur où vous vous liguez tous contre Monsieur Mélenchon pour démontrer qu'il n'est pas un brave homme
Intervenant
Écoutez, vous avez manifestement d'excellentes lectures, je vous en félicite, d'avoir d'aussi bonnes lectures.
Bernard Kuntz
vous devriez lire aussi " La quinzaine universitaire ", je crois que ça vous
Intervenant
Je reconnais que j'ai du mal. Mais ça c'est un autre problème.
Sylvain Attal
" La quinzaine universitaire ". Laissez-le répondre.
Bernard Kuntz
C'est la revue du SNALC.
Sylvain Attal
D'accord.
Jean-Luc Villeneuve
Non, moi, ce que je Encore une fois, on le dit de manière très ferme : le collège actuel ne fonctionne pas bien. Non mais je voudrais rajouter un point qui n'a pas été abordé, et en particulier j'aimerais m'adresser à Monsieur le Ministre. On vit dans une société hétérogène. Les élèves, en primaire, sont, de fait, mélangés. Je pense quand même que l'ambition d'un pays et de ce gouvernement ça devrait être également, au collège, non pas uniquement d'apprendre le français, les maths, etc., mais d'apprendre à vivre ensemble, ce qu'on appelle la mixité sociale. C'est quelque chose d'absolument fondamental, si on ne veut pas une société qui conduise à terme, et de manière excessivement dangereuse, à une société de l'exclusion, voire une forme d'apartheid. Et c'est en cela
Sylvain Attal
Et vous pensez que c'est un projet ségrégationniste ?
Jean-Luc Villeneuve
Je pense qu'il y a un grave danger.
Sylvain Attal
Monsieur Mélenchon ?
Jean-Luc Mélenchon
Moi je souscris à la crainte du danger. Je voudrais tout de même vous faire remarquer que toute cette explosion de passions vient du fait que j'ai osé dire qu'il fallait arrêter de fermer les classes de quatrième et troisième techno, et les rouvrir dans les lycées professionnels. Je parle, dans la situation actuelle, de 50 000 jeunes par rapport à 2 millions, et aussitôt c'est la levée de boucliers. Et moi je ne suis ni pour ni contre le collège unique, ce n'est pas mon problème. Je suis pour le bac pour tous, voilà ce dont je parle. Alors, la mixité sociale, Monsieur Villeneuve : mais de toute façon, elle est réalisée actuellement. Mais bien sûr ! Dans le collège et au lycée. Alors maintenant si vous voulez nous faire un quota de bourgeois, de fils de bourgeois dans le lycée
Jean-Luc Villeneuve
Je vous en prie franchement
Jean-Luc Mélenchon
Mais enfin, Monsieur Villeneuve, ne me dites pas " je vous en prie ", c'est exactement ce que vous me dites. Vous m'accusez de vouloir mettre en cause la mixité sociale
Jean-Luc Villeneuve
Non ! Non, je n'ai pas dit ça !
Jean-Luc Mélenchon
Alors qu'elle n'est menacée nulle part. Attendez, Monsieur Villeneuve, maintenant comme vous me chauffez, je vais vous répondre. Comme je vous parlais
Sylvain Attal
Ça fait un moment qu'il est chaud quand même.
Jean-Luc Mélenchon
Écoutez, on peut être ministre et de passion, non ? Et puis on peut aimer aussi les gens dont on s'occupe. Je veux vous dire une chose : il n'y en a pas un d'entre vous qui m'a répondu sur ce qu'il fait des 9 000 jeunes qui sont en classe de préapprentissage. Est-ce que vous voulez les rapatrier au collège unique ? Aucun d'entre vous qui me dit ce qu'il fait des 100 000 qui sont dans les SEGPA. Qu'est-ce que vous voulez faire ?
Sylvain Attal
C'est quoi les SEGPA ?
Jean-Luc Mélenchon
Les SEGPA, c'est Section d'enseignement général adapté. Ce sont des élèves qui ont des difficultés particulières, il y en 100 000. Est-ce qu'au nom du collège unique vous me dites aussi pas vous, parce que vous êtes tous les deux je vous connais, vous ne me direz pas une chose pareille.
Jean-Luc Villeneuve
Non.
Jean-Luc Mélenchon
Figure-toi, Villeneuve, que moi j'ai entendu dans un couloir me dire : les SEGPA aussi il faut les dissoudre et mettre les élèves dans des classes comme les autres. Vous êtes en train de devenir fous ? Alors, mixité sociale, pour l'instant c'est moi qui la défends. Ce n'est personne d'autre.
Sylvain Attal
Alors il y a une autre question qui existe, quand même, c'est celle de : est-ce que la filière techno est une filière sans retour ? Parce qu'il peut y avoir aussi des erreurs d'aiguillage dans ce sens-là aussi : est-ce qu'on peut revenir dans le général ? Alors, Valérie, qui nous appelle de Manosque, dans les Alpes de Haute-Provence, elle a un témoignage par rapport à ça. Bonjour Valérie.
Valérie
Bonjour. Je vous téléphone parce que j'ai mon fils qui a quatorze ans, qui est au collège. Il était en cinquième l'année dernière, on a créé une classe spéciale, une quatrième, qui devait aider les enfants qui avaient quelques difficultés scolaires. Donc j'ai mis mon fils dans cette classe, et il s'avère cette année qu'il a une moyenne tout à fait correcte, et on l'oriente automatiquement en troisième technologique l'année prochaine, qui ne se passe pas au collège ni au lycée professionnel. Donc je crois que ce n'est pas tout à fait vrai de dire que les enfants retournent dans un système général. J'ai l'exemple
Sylvain Attal
Vous avez l'impression, effectivement, d'une sélection vers le technique par l'échec ? Mais, même pas par l'échec parce qu'a priori, là, ça va mieux, ça réussit mieux, oui.
Valérie
Oui, ça va mieux.
Jean-Luc Mélenchon
Oui, mais on a supprimé les classes de troisième technologique dans les lycées, donc votre fils il va au lycée professionnel parce qu'il y a des gens qui pensent que ça doit être comme ça. Oui, oui, non mais attendez. Alors, le problème des passerelles : est-ce que les jeunes peuvent ou non retourner dans l'enseignement général ? L'enseignement général, Madame, pas le bâtiment. Lorsqu'un élève a fini sa classe de troisième techno, il peut revenir dans la voie générale. Et à la sortie d'une classe de troisième, quelle qu'elle soit techno ou pas, aujourd'hui il peut choisir l'enseignement professionnel : plus de 32 % des élèves font ce choix.
Sylvain Attal
Madame Duru-Bellat, vous voulez répondre à Valérie ?
Marie Duru-Bellat
Non mais, un bilan a été fait des quatrièmes et troisièmes technologiques, parce qu'au départ elles étaient faites pour ça, ce n'était pas une mauvaise idée, on disait : on va adopter une pédagogie différente, mais au total il y aura un brevet, les orientations seront donc ça ce n'était pas mal, parce que beaucoup de gens défendent le collège en disant : il faut diversifier les méthodes. Le problème, c'est que comme ils n'arrivent pas avec le même niveau d'acquis, je l'ai évoqué tout à l'heure, de fait les élèves qui de troisième techno passent en seconde, c'est 2 %. En fait c'est une pré orientation vers l'enseignement technologique, et alors qu'au départ ce n'était pas une mauvaise idée. Je pense qu'il faut bien insister sur le fait que les gens qui défendent le collège ne défendent pas un collège uniforme, on prend tous les élèves sont différents, on peut les prendre de manière différente, mais il faut qu'il y ait un objectif commun.
Sylvain Attal
Bien. Ça vous va comme réponse, Valérie ?
Valérie
Oui, seulement je voulais rajouter quand même que le brevet des collèges en troisième technologique n'est pas du tout le même que le brevet des collèges en troisième générale.
Marie Duru-Bellat
Donc, c'est tromper les élèves que de leur dire : c'est une voie différente mais c'est pareil. Ce n'est pas vrai.
Jean-Luc Mélenchon
Oui, mais Madame, je sais bien. Ce n'est pas, pour vous, ce n'est pas le brevet, c'est le bac. Tout à l'heure vous l'avez laissé échapper. Je m'excuse, c'est un brevet des collèges, il a la même valeur que les autres.
Marie Duru-Bellat
Non, il ne correspond pas aux mêmes acquis. Les acquis sont inférieurs, on fait moins de français, on fait moins de maths
Intervenant
vous considérez que les acquis technologiques sont des acquis inférieurs. Ce n'est pas une vision de classe, ça ? Ce n'est pas une vision bourgeoise, ça ? Ce n'est pas une vision droit issue du 19e siècle, ça ?
Marie Duru-Bellat
Mais pas du tout ! Non, non. Non, attendez, il y a une épreuve de technologie, il y a une épreuve de technologie qui est commune, qui a été passée aux élèves de troisième générale et de troisième techno, et les élèves de troisième techno sont moins bons en technologie. Donc qu'on ne dise pas de contrevérités, c'est les mêmes épreuves.
Sylvain Attal
Ce que dit peut-être Marie Duru-Bellat, peut-être qu'elle veut dire : ils savent moins bien écrire, ils savent moins bien compter, ils sont peut-être moins bons sur les choses
Marie Duru-Bellat
Oui, c'est vrai, quand même, il faut le reconnaître.
Intervenant
S'ils savent moins bien écrire et moins bien compter, c'est parce que le collège unique ne leur fournit plus les outils nécessaires à ces apprentissages-là.
Jean-Luc Mélenchon
Moi je dis que la scolarité c'est jusqu'à seize ans ; nous avons donc un parcours à faire. Quand vous prenez mes élèves à niveau bac pro, ils sont de très bon niveau, et culturel, parce qu'ils sont aussi curieux que les autres jeunes de leur âge, et professionnel
Intervenant
Monsieur le Ministre, il y en a combien qui de BEP vont au bac pro ?
Jean-Luc Mélenchon
Attendez, Monsieur Villeneuve, tout à l'heure vous avez posé la question de ceux qui se sauvent en cours de route. Monsieur Villeneuve, le syndicat CFDT d'Alsace, qui est
Jean-Luc Villeneuve
Oui.
Jean-Luc Mélenchon
Je ne vais pas dire le département, d'accord ?
Intervenant
Oui, enfin c'est trop tard.
Intervenant
C'est assez limité comme choix, de toute façon
Jean-Luc Mélenchon
Eux ils ont euh oui, ils se sont battus, et je leur donne mille fois raison, quand ils ont découvert qu'en une année on nous avait pris 1 500 élèves dans les établissements professionnels ; pas parce qu'ils n'étaient pas bons, mais parce que ces 1 500-là c'était les meilleurs et les patrons les embauchaient sur-le-champ. Et j'ai dû comme eux hurler pour dire : c'est un crime contre ces jeunes qui doivent aller au bout de leur formation.
Jean-Luc Villeneuve
Ma confédération a bien réagi.
Jean-Luc Mélenchon
Oui c'est pour dire qu'eux ils disent comme moi.
Sylvain Attal
Comme vous avez tous beaucoup de choses à dire et que j'ai encore des appels au standard, je vous garde d'office encore un quart d'heure, après les informations de 17 h 00. Merci.
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 27 mars 2001)