Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense et président du Nouveau centre, à Canal Plus le 8 décembre 2009, sur la polémique à propos de la récupération du sigle de l'UDF par le Nouveau centre.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

M. Biraben et C. Roux.- M. Biraben : Bonjour monsieur, soyez le bienvenu. Vous êtes également le patron du Nouveau centre, que vous souhaitez rebaptiser l'UDF, l'ancienne formation giscardienne. Cyril a mené l'enquête à ce sujet à l'Assemblée, « L'infoman » tout de suite.
 
(Rubrique « L'infoman »)
 
M. Biraben : Voilà qui fait bien marrer H. Morin, notre invité, ministre de la Défense, patron du Nouveau centre, pour l'heure encore. Alors que B. Obama a décidé de renvoyer des troupes en Afghanistan, la France se pose la question et envisage d'envoyer des hommes non pas soldats, mais formateurs. Nuance ! Et samedi, le Nouveau centre tiendra son conseil national, le Centre qui devient un refuge pour les UMP déçus du sarkozysme. H. Morin, bonjour.
 
Bonjour.
 
M. Biraben : Soyez le bienvenu.
 
Merci.
 
M. Biraben : On vous a bien fait rigoler, c'est pas mal.
 
Ecoutez, au moins on commence bien la matinée.
 
C. Roux : Alors on va parler bien sûr de l'UDF, du sigle, de la marque UDF. Avant ça, un mot sur H. de Charette, qui va annoncer qu'il quitte l'UMP, jugée trop à droite. Est-ce que vous l'accueillez au Nouveau centre ?
 
Ecoutez, je crois qu'on va l'accueillir. En effet, H. de Charette a décidé de nous rejoindre, et c'est une belle nouvelle. C'est quelque chose de signifiant, ça a été le ministre des Affaires étrangères, il a été ministre du Logement, ministre des Affaires étrangères, ministre de la Fonction publique, c'est un homme qui a une longue expérience politique, qui a été un des pivots majeurs de l'UDF et à travers cela, c'est la preuve que le Nouveau centre progressivement est en train de ressembler la famille centriste. A.-M. Idrac, la semaine dernière, la ministre chargée du Commerce extérieur, H. de Charette, des sénateurs, et vous voyez que le mouvement est en cours.
 
C. Roux : Alors là, l'information, c'est aussi qu'il quitte l'UMP jugée trop à droite. C'est quoi son problème ?
 
Je crois qu'H. de Charette a envie de participer à la construction d'une famille politique, qui trouve ses racines à la fois dans le libéralisme de Tocqueville et l'humanisme chrétien. Et c'est cette confluence, cette famille de pensée qu'il a envie de rejoindre, qui a toujours été la sienne.
 
C. Roux : Je vous repose la question, son problème avec l'UMP c'est quoi ? Ecoutez... C. Roux : Trop à droite ça veut dire quoi ? Sur quoi ? On vous voit au quotidien, on vous reçoit très souvent...
 
Enfin, des conversations que j'ai pu avoir avec H. de Charette, sa volonté profonde c'est celle de reconstruire et de rebâtir la famille centriste, et deux, de considérer, si j'en crois les conversations que nous avons pu avoir, c'est que l'UMP s'était affichée comme la famille de la droite et du centre et qu'il estime que l'UMP est d'abord et avant tout la famille de la droite.
 
C. Roux : En quoi, le Nouveau centre serait moins à droite que l'UMP ? Sur quel(s) sujet(s) ? Par exemple, aujourd'hui, je ne sais pas moi, l'identité nationale ; vous supprimeriez le bouclier fiscal par exemple ?
 
On a déjà, je me permets de vous signaler que dans la campagne de F. Bayrou de 2007, nous défendions le bouclier fiscal. Ca vous donne une idée de l'évolution. Je vais vous donner un exemple, je défends lors de chaque meeting, une idée simple : c'est celle d'une société qui aujourd'hui, vit dans la confrontation permanente, où on oppose les Français les uns aux autres.
 
C. Roux : Ca c'est N. Sarkozy ?
 
Non ! C'est la société française qui s'est bâtie là-dessus. On oppose les écologistes aux agriculteurs, comme si les uns et les autres n'aimaient pas la terre. On oppose les fonctionnaires aux salariés du secteur privé, comme si on n'avait pas besoin des uns et des autres. On oppose les policiers aux magistrats, on oppose les patrons aux salariés. Eh bien, moi, je veux défendre l'idée d'une société qui se construit avec cette idée simple, c'est que votre réussite personnelle, quel que soit votre talent, dépend de votre environnement social et dépend des autres. Et donc moi, je veux défendre l'idée...
 
C. Roux : Ca c'est l'humanisme défendu par F. Bayrou, c'est ça, ce que vous nous décrivez ?
 
Vous permettez que je puisse penser sans me référer chaque fois, chaque matin à F. Bayrou. Et je veux donc défendre l'idée qu'il y a un message politique à adresser à nos compatriotes, qu'il ne faut pas aller chercher chez les autres des boucs émissaires, et qu'on a besoin de chacun pour construire une société qui a confiance en elle. Premier exemple.
 
C. Roux : Ça c'est différent de l'UMP ?
 
Je pense que ce message-là est un message propre aux centristes qui veulent construire une famille, autour de l'idée du rassemblement, de l'union, de la compréhension. Deuxième exemple, je veux défendre l'idée, deuxième exemple...
 
C. Roux : H. de Charette, c'est très important, H. de Charette est propriétaire du nom... Merci ! C. Roux : Vous avez eu le temps de développer très largement, sur le premier exemple, qui était très significatif. H. de Charette propriétaire du nom, de la marque, du sigle UDF, vous souhaitez faire un hold-up, il paraît, sur l'UDF, récupérer le sigle UDF. Est-ce que c'est un gadget ? Ou est-ce que ça a du sens politiquement de récupérer le sigle UDF ?
 
Je vais porter ce débat au sein de mon parti. Je vais le proposer aux militants, parce qu'on est dans une famille politique, nous avons 12 000 militants aujourd'hui. C'est-à-dire à peu près la moitié de ce qu'était l'UDF d'ailleurs. La moitié d'entre nous venons de l'UDF, l'autre moitié a adhéré au Nouveau centre après 2007, dans une famille politique nouvelle et comme vous avez pu le voir, nous avons beaucoup de jeunes militants. On a une formation avec beaucoup de jeunes. Et donc je ne veux pas que ce débat-là, se résume à une question de nostalgie. Ce que je veux démontrer...
 
C. Roux : Vous ne voulez pas faire un parti vintage comme le disait Cyril...
 
Ce que je veux démontrer, c'est qu'il y a toujours eu en France un courant de pensée, ce courant de pensée, que je décrivais tout à l'heure. Et que ce courant de pensée trouve ses racines très profondément ancrées dans la société française, et c'est pour cela que je veux porter l'idée que le Nouveau centre c'est l'UDF d'aujourd'hui. Alors est-ce que ça doit nous amener jusqu'au changement de nom ? Nous allons mener ce débat au sein de notre formation politique, je vais le porter auprès des militants, et nous ferons un congrès fondateur, à un moment déterminé, au cours de l'année 2010, pour le changement de nom. Mais le fait qu'H. de Charette nous rejoigne, nous permet bien entendu, de pouvoir prendre le nom, si nous le souhaitons.
 
C. Roux : Est-ce que le but de cette opération, que vous avez initié avec le Nouveau centre, peut-être un jour l'UDF, c'est d'avoir un candidat à la présidentielle en 2012 ?
 
Si vous suivez mon raisonnement...
 
C. Roux : Je le suis.
 
Vous savez, avoir en perspective qu'une famille de pensée et un courant de pensée doit avoir un candidat au moment de l'élection pivot qui est l'élection présidentielle, c'est l'objectif que je me suis fixé, c'est que notre parti politique soit en situation de force et d'autonomie suffisante pour qu'en 2012, il décide seul d'avoir ou non, un candidat à l'élection présidentielle et de savoir qui, à ce moment-là portera...
 
C. Roux : C'est vous ?
 
Non, ça peut être un tas de personnes dans notre famille politique. Ce que je veux...
 
C. Roux : Vous n'y pensez pas, en faisant votre noeud de cravate le matin ?
 
Non, ce n'est pas mon obsession de tous les matins. Ce que je veux, c'est que notre formation politique retrouve sa place dans le paysage politique. Il y a trois endroits de pouvoir en France. Il y a l'Elysée, il y a Matignon et il y a l'Assemblée nationale. Moi, ce que je souhaite, c'est qu'à l'issue des élections présidentielles et législatives de 2012, nous ayons un parti qui soit suffisamment nombreux à l'Assemblée nationale, pour qu'aucune majorité ne puisse se faire sans lui.
 
C. Roux : Vous êtes en train d'enterrer l'UMP, vous refaites le RPR et l'UDF ?
 
Non, je crois que nous bâtissons cette famille du centre dont on a besoin d'ailleurs. Ecoutez...
 
C. Roux : Famille du centre qui devait être heureuse à l'UMP, vous, vous souvenez ?
 
C. Roux, j'ai moi, en tête, une chose : c'est que 70 % des Français qui ont voté F. Bayrou au premier tour de l'élection présidentielle ont voté N. Sarkozy au second tour. Ca veut dire quoi ? Ca veut dire qu'il y a des personnes qui estiment qu'ils sont modérés, que leur alliance naturelle, compte tenu de leurs valeurs, c'est avec l'UMP, c'est ce que je défends, c'est ce que j'ai défendu depuis, entre les deux tours de l'élection présidentielle, c'est que pour moi, le centre, c'est le centre droit, parce que quand on porte l'idée européenne, lorsqu'on porte l'idée de responsabilité, lorsqu'on porte l'économie de marché...
 
C. Roux : Le centre ce n'est plus F. Bayrou ?
 
On a naturellement comme allié, le RPR hier, l'UMP aujourd'hui. Mais vous aurez remarqué, quand j'ai fait cette première démonstration, 70 % a voté N. Sarkozy, ça veut dire aussi que ce sont des personnes qui ne votent pas UMP, forcément au premier tour. Eh bien, cet électorat-là, il a le droit d'avoir une expression politique.
 
M. Biraben : On va passer au « J'aime, j'aime pas » maintenant. Vous allez nous dire si vous aimez ou si vous n'aimez pas l'argent touché par R. Domenech, confirmé par la Fédération Française de Football : 826 000 euros.
 
Vous voulez que je vous dise ! J'adore le football, je vais souvent voir les matchs de foot, et donc j'ai beaucoup d'indulgence à l'égard du football. Je sais que c'est une pratique générale, c'est qu'on donne des primes aux joueurs qui jouent en équipe nationale et à l'entraîneur. Et partout dans tous les pays du monde ça se fait, donc on est obligé de faire pareil. Mais moi, j'aimerais qu'on puisse jouer dans l'équipe nationale, de façon totalement bénévole.
 
M. Biraben : Donc vous n'aimez pas ?
 
Donc je n'aime pas.
 
M. Biraben : Plus que ça d'ailleurs ! C. Roux : Vous n'allez pas vous faire des amis avec cette proposition ?
 
Je le dis, parce que...
 
M. Biraben : Vous parlez des joueurs également ?
 
Je pense aux joueurs surtout, l'entraîneur encore, lui, c'est son métier. Les joueurs, ils touchent beaucoup d'argent dans leur club, ils touchent beaucoup d'argent à travers l'ensemble des retombées liées au fait qu'ils soient dans l'équipe de France, parce que leur notoriété s'améliore, ils peuvent avoir des contrats commerciaux, des contrats publicitaires. Moi, j'aimerais que porter le dossard et le maillot de l'Equipe de France, ce soit une telle fierté, qu'on puisse le faire sans avoir à se poser la question de la prime. Mais bon, ça, je rêve !
 
C. Roux : « J'aime, j'aime pas » les heures d'histoire supprimées en Terminale Scientifique ?
 
Mais, j'ai lu, j'ai entendu les propos de Léon, tout à l'heure. Je crois qu'il se trompe. L'idée c'est de transformer l'histoire et la géographique qui sont en Terminale et qu'on passe au moment du Bac, de faire en sorte que pour les Terminale S, ce soit en première. Et donc on augmente le nombre d'heures, si j'ai bien compris la réforme de L. Chatel, en Première, pour qu'en fait, ils aient la totalité du programme, mais qu'il puisse y avoir en quelque sorte des épreuves, comme le Français, j'imagine que vous aussi, comme moi, vous avez passé le Bac, le Bac français en Première.
 
C. Roux : Brillamment.
 
Brillamment comme moi, ça je n'en doute pas. Et donc l'idée, c'est que les Terminales Scientifiques aient le même programme, mais le terminent en Première, donc il ne faut pas résumer ça à la suppression. Donc il n'y a pas de problème.
 
M. Biraben : Merci, beaucoup, H. Morin, d'avoir été avec nous.
 
Merci.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 décembre 2009