Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur la création du projet ARTEM (Art, Technique, Management), alliant la connaissance, la recherche et la culture, Nancy le 23 novembre 2009.

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Circonstance : Pose de la première pierre du campus ARTEM à Nancy le 23 novembre 2009

Texte intégral


« ARTEM non odit nisi ignarus » : « l'art n'est odieux qu'à l'ignorant ». Cette maxime, que j'ai pu lire au fronton d'un musée berlinois, lors de mon récent voyage à l'occasion du 20e anniversaire de la chute du Mur, me semble convenir à merveille au projet d'ARTEM, depuis sa création il y a tout juste 10 ans : un projet de connaissance, de recherche et de culture, bien digne de cette ville des Lumières qu'a toujours été et que demeure NANCY.
ARTEM est aussi un bel acronyme - ce qui est un tour de force ! - pour « Art - Technique - Management ». Mais c'est, surtout, une belle manière de faire tomber les murs et un beau projet d'« alliance », non pas seulement de trois écoles ou de trois structures, mais de tout ce qui, autrefois, ressortissait aux « arts » : les "arts mécaniques, dont relève l'École des Mines de Nancy, et les beaux-arts, représentés par l'École nationale supérieure d'art. Quant au management et au commerce, qui n'ont été enseignés que beaucoup plus tard dans l'histoire et qui sont ici représentés par l'ICN-École de Management, ils constituent ce qu'on pourrait appeler des arts de la communication et de l'échange.
Ce magnifique principe de l'« alliance », il est inscrit en quelque sorte dans le patrimoine - je dirais presque génétique - de la célèbre École de Nancy, définie par ses fondateurs comme l'Alliance provinciale des industries d'art, sans doute parce que Nancy, comme Metz où je me suis rendu avant de venir ici, a toujours associé l'art et la technique, en raison de son glorieux passé industriel.
Mais je vois aussi une autre généalogie de cet esprit d'alliance, c'est, je le disais, celui des Lumières et des Encyclopédistes, qui n'a jamais cessé de s'exercer sur cette ville, jusqu'à l'édile éclairé qui la dirige avec le succès que chacun connaît depuis plus de 25 ans, et dont les efforts et la détermination ont été récompensés : merci, M. le Ministre, M. le Député-Maire et Président de la Communauté urbaine du Grand-Nancy ; merci, cher André ROSSINOT !
L'alliance, c'est d'abord l'interdisciplinarité et la transversalité des approches qui, avant même de se traduire dans cet espace partagé, est d'ores et déjà assurée par des « ateliers », où des étudiants en art, par exemple, peuvent s'initier au management, des ingénieurs au design, des managers à la peinture ou à l'histoire de l'art. Loin d'être simplement anecdotique, cette pluridisciplinarité et cette diversité de la formation constituent une dimension essentielle de cette priorité pour le gouvernement que sont l'insertion professionnelle des étudiants et la création d'emplois. Car de plus en plus, aujourd'hui, il convient d'allier à ses compétences les plus pointues dans sa discipline de base, une culture générale, scientifique, économique, qui permet de la valoriser pleinement.
L'alliance, que symbolise et surtout que réalise ARTEM, c'est aussi, bien sûr, la création de ce pôle d'excellence, dans une logique de regroupement des forces et des énergies. Car pour exister, notamment sur le plan international, il faut être visible. Le principe du campus que nous mettons en oeuvre en créant ces passerelles et en mutualisant certaines de nos ressources, vous savez qu'il a été retenu aussi par les rapporteurs du Grand Emprunt, dont le Président de la République dévoilera prochainement les lignes définitives.
Ce pôle de compétences se combinera à d'autres réseaux - je pense, par exemple, et pour en rester au cas de l'École d'art qui relève de mon ministère, au Réseau des écoles supérieures d'art du Grand-Est qui regroupe 9 écoles implantées dans cinq régions différentes, ou conduira, je l'espère, à des partenariats avec d'autres écoles et d'autres villes, comme celle de Metz, toute proche. Rien n'empêche, par exemple, d'imaginer une collaboration plus étroite de l'ENSAN avec l'Établissement public de coopération culturelle (alias EPCC) que sont en train de constituer les écoles de Metz et d'Épinal.
L'alliance, c'est enfin - last but not least - celle des différentes institutions et des différents acteurs qui ont concouru à lui donner une existence réelle dans la cité, dont cette pose de la première pierre est la matérialisation symbolique, mais aussi bien tangible : outre la coopération entre les quatre ministères de la Culture et de la Communication, de l'Éducation nationale / Enseignement supérieur et recherche (dont je salue le représentant, M. Patrick HETZEL), et de l'Industrie, il y a bien sûr celle entre les collectivités territoriales - le conseil régional, le conseil général, ainsi que, je l'ai dit, la ville et la communauté urbaine - et les services de l'État, avec lesquels ils ont travaillé en étroit partenariat, sans oublier, bien sûr, les partenaires privés regroupés au sein d'ARTEM Entreprises. Je me réjouis de cette alliance vertueuse entre secteurs public et privé, propre à renforcer l'attractivité de nos territoires et de nos pôles de recherche. Pour cela, nous avons besoin de toutes les énergies réunies. Le ministère de la Culture n'est pas en reste, vous le savez, puisqu'il ne verse pas moins de 11 millions d'euros dans ce projet, selon les termes d'une convention avec la Communauté Urbaine qui sera signée tout prochainement.
C'est ce type de projets qui montre bien que la culture ne doit pas être enfermée dans son pré carré, mais fait désormais partie des forces vives grâce auxquelles nous allons construire l'économie de demain : nous venons encore de le réaffirmer au 2e Forum d'Avignon, dont je reviens tout juste, au cours duquel nous avons tenté de mettre au jour les « Stratégies culturelles pour un nouveau monde ».
Je tiens donc à remercier chaleureusement, outre André ROSSINOT, tous les élus qui ont oeuvré à la réussite de cette coopération, et en particulier ceux que j'ai le plaisir de rencontrer ou de retrouver ici - M. le député et ancien ministre Laurent HENART, Mme la députée Valérie ROSSODEBORD, M. le Sénateur Philippe NACHBAR pour sa forte implication dans les affaires culturelles au sein de la Haute Assemblée, ainsi que les Présidents des Conseils régional et général, M. Jean-Pierre MASSERET (lui aussi ancien ministre) et M. Michel DINET. Je n'oublie pas bien sûr le travail exemplaire de M. François LAURENT, Président d'ARTEM et de l'Institut national polytechnique de Lorraine, qui a su fédérer autour du projet commun les efforts de ses collègues et de ses partenaires. Je salue également Monsieur Antonio - José GUZMAN, directeur de l'école nationale supérieure d'art et les nombreux acteurs de la vie culturelle, scientifique et économique nancéienne, qui ont contribué et contribueront encore à enrichir ce pôle par de nouvelles coopérations.
En somme, cette alliance à laquelle nous convie ARTEM possède la force d'un alliage, principe bien connu des ingénieurs des Mines et bien naturel dans cette région de sidérurgie. Les nouveaux alliages de l'économie de la connaissance, dont ARTEM constitue l'emblème, sont à coup sûr aujourd'hui les mieux à même de créer une croissance durable. Dans la crise économique et financière que nous traversons depuis un an et demi, la culture apparaît bien comme un pôle de résistance et de résilience : la faire intervenir dans l'alliage inédit d'un pôle de recherche interdisciplinaire associant trois types complémentaires d'art et de technique est, à l'évidence, la meilleure façon d'investir dans notre avenir.
Culture et recherche procèdent d'une même curiosité, que les scientifiques et les artistes ont en partage. À Paris aussi, nous allons créer, grâce au regroupement du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l'Industrie piloté par Mme Claudie HAIGNERÉ, un grand centre associant la culture scientifique et la technique.
C'est pour toutes ces raisons que je tenais absolument à être présent pour cet acte fondateur du campus d'ARTEM, dans cette ville qui a su rester fidèle à l'esprit des Lumières : celui d'une ouverture des disciplines et des pratiques, et surtout celui d'une ouverture à l'autre.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 28 décembre 2009