Extraits d'un entretien de M. Hervé Morin, ministre de la défense, dans "Aujourd'hui en France" du 3 janvier 2010, notamment sur la présence militaire française en Afghanistan.

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Média : Aujourd'hui en France

Texte intégral

Q - Avez-vous des nouvelles des deux journalistes français enlevés en Afghanistan ?
R - Moins on en parle, mieux c'est pour leur sécurité. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous n'avons aucun contact direct nous permettant de vous donner des nouvelles d'eux. Nous n'avons en effet reçu aucune revendication ni aucune demande de leurs probables ravisseurs. L'armée française, présente en Afghanistan dans la région où ils ont disparu, a déclenché le plan Oscar et met en oeuvre tous les moyens possibles pour en savoir plus et les retrouver sains et saufs.
Q - Vous venez de passer le Nouvel An en Afghanistan avec les troupes françaises...
R - Leur moral est excellent. C'est une mission passionnante même si elle est dangereuse. Nos soldats sont dans l'accomplissement total de leur métier avec tous les risques que cela comporte. C'est toute la grandeur et la noblesse de leur vocation. Ils sont parfaitement conscients que leur présence là-bas est nécessaire à notre sécurité en France. La menace terroriste est bien réelle, comme la tentative d'attentat perpétrée contre le vol 253 Amsterdam-Detroit vient encore de le démontrer.
Q - La France, qui a déjà 3.500 hommes en Afghanistan, est-elle prête à y envoyer des renforts comme le demande Barack Obama ?
R - Ce serait une erreur de penser qu'il suffit d'envoyer des militaires supplémentaires en Afghanistan pour reconstruire le pays. Qu'il y ait - selon les Américains - besoin de renforts dans certaines régions, pourquoi pas ? Mais il nous faut gagner la confiance de la population car nous ne sommes pas en guerre contre les Afghans. La conférence sur l'Afghanistan, le 28 janvier à Londres, a pour but de trouver les moyens d'accroître l'aide au développement, comme la construction d'écoles et hôpitaux, et d'intensifier la formation de l'armée et de la police afghanes.
Q - Mais peut-on vraiment gagner cette guerre contre les Taliban alors que les troupes de l'OTAN sont accusées de commettre des "bavures" ?
R - Chaque accident qui touche la population civile est inacceptable et affecte la confiance qu'ont les Afghans dans la coalition. Il faut absolument les éviter. On ne trouvera une issue positive à ce conflit qu'avec les Afghans. La solution est donc politique.
Q - L'Iran connaît d'importantes manifestations d'opposition réprimées dans le sang...
R - Cela fait plus de six mois que les Iraniens contestent ouvertement le régime et démontrent ainsi que la voie empruntée par Ahmadinejad n'est pas la bonne. Par ces manifestations, vous constatez que le programme nucléaire iranien n'est pas un facteur de mobilisation de la nation iranienne et que de nombreux Iraniens souhaitent que l'Iran se réconcilie avec le monde. La politique iranienne en matière de nucléaire militaire est un vecteur de risque et d'instabilité considérables pour toute la région. Car la tentation sera alors grande pour d'autres pays de la région de se doter eux aussi de l'arme nucléaire.
Q - Verra-t-on des soldats de pays d'Afrique noire défiler le 14 juillet sur les Champs Elysées ?
R - Oui, c'est une idée formidable. Je me réjouis que cette proposition du président Sarkozy ait déjà reçu un écho extrêmement favorable chez nos partenaires et amis africains, avec lesquels la France a une longue histoire. Cinquante ans après les indépendances africaines, ce sera un symbole fort de l'intimité des relations que la France entretient avec ces pays et un hommage rendu aux "forces noires" dans la libération et la liberté de notre pays. La France veut bâtir une relation entre pays souverains et indépendants. Ainsi, nous avons réécrit ensemble nos accords de coopération et de défense. Dans ce cadre, je souhaite le maintien de nos bases dans certains pays, comme le Gabon, le Sénégal, le Tchad et Djibouti. (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 janvier 2010