Conférence de presse de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur l'évolution de l'épidémie de grippe A (H1N1), les recommandations du comité de lutte contre la grippe quant à l'utilisation d'antiviraux et la campagne de vaccination, Paris le 16 décembre 2009

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Circonstance : Conférence de presse sur la grippe A (H1n) à Paris le 16 décembre 2009

Texte intégral

Mesdames, messieurs,
Je souhaite tout d'abord faire avec vous, un point sur la progression de l'épidémie que Françoise Weber complétera si vous le souhaitez.
La première vague s'est développée et nous avions dépassé depuis 15 jours 900000 consultations pour cause de grippe en France. Depuis cette semaine une diminution s'amorce tout en restant à un niveau très élevé à environ 720000 consultations pour grippe. C'est considérable. La quasi-totalité des prélèvements identifient le nouveau virus A(H1N1) comme cause de ces grippes.
Au total, on peut estimer que nous dépasserons cette semaine le cap des 5 millions de français qui ont contracté la grippe depuis le début de cette première vague.
Ce chiffre s'accompagne malheureusement d'un nombre croissant de formes graves et de décès. L'augmentation du nombre de cas graves hospitalisés se poursuit ainsi avec un total de 804 personnes hospitalisées pour grippe depuis le début de l'épidémie, dont environ 200 sont toujours en réanimation. A ce jour, on dénombre 150 décès en métropole
Dans nos territoires ultra-marins, en revanche, l'épidémie marque un répit.
Les toutes dernières données semblent indiquer que l'épidémie se stabilise. Nous sommes, sans doute, proches du premier pic.
Pour autant, les épidémiologistes, Françoise Weber directrice générale de l'Institut de veille sanitaire vous le confirmera, restent très prudents sur les scénarii pour la suite.
Nous aurons en effet sans doute, ces prochaines semaines, l'effet contradictoire de la fermeture des écoles pour les congés de fin d'année dont on peut attendre un effet modérateur sur l'épidémie et l'arrivée de la première vague de froid généralement propice au développement des virus de la grippe. Nous ne sommes en effet qu'au début de la saison hivernale qui favorise, en outre, la co-circulation d'autres virus respiratoires qui peuvent multiplier le risque de complications.
Il ne faut enfin pas oublier que les pandémies se déroulent souvent en plusieurs vagues successives, d'ampleur variable, les dernières étant malheureusement souvent, si on s'en réfère aux données historiques, plutôt plus virulentes que les premières. Il est donc évident que nous ne devons surtout pas relâcher la vigilance et que la campagne vaccinale doit se poursuivre.
Je voudrais revenir un peu plus longuement sur ces cas graves dont nous parlons, car, ces derniers temps, les préoccupations relatives à l'organisation de la campagne ont sans doute contribué à une moindre audibilité des messages de santé publique que je porte depuis le début de cette épidémie.
Oui, la grippe A(H1N1) peut être dangereuse...elle peut provoquer des formes graves qui parfois évoluent vers le décès chez des personnes déjà fragiles mais aussi chez certaines qui ne présentent aucun facteur de risque. C'est ainsi que, parmi les décès que nous déplorons, 25 sont survenus chez des personnes qui ne présentaient aucun facteur de risque et 4 ont emporté des enfants qui eux non plus ne présentaient pas de facteur de risque et qui n'avaient pas 15 ans... J'entends parfois des propos insupportables de personnes qui considèrent que nous en faisons trop alors qu'il n'y a « que » quelques décès. Je ne souhaite pas verser dans l'exploitation politicienne de ces décès, mais, en tant que ministre de la santé, je ne peux pas en accepter la survenue alors que nous disposons désormais d'un moyen de nous en prémunir.
Personne ne peut prétendre avoir d'immunité naturelle complète contre ce virus qui précisément est nouveau. On a constaté que les personnes nées après une certaine date étaient un peu moins sensibles mais sans que cela signifie qu'elles bénéficient d'une protection aussi efficace que celle que confère la vaccination.
Nous disposons de plusieurs vaccins disposant d'autorisation de mise sur le marché (AMM).
Je connais la méfiance de certains de nos concitoyens qui ont entendu dire, émanant d'experts autoproclamés, que ces AMM avaient été bradées...et cela me contrarie, cela me met même en colère car il s'agit de désinformation volontaire de la part de certains détracteurs de la vaccination...
Aujourd'hui, une nouvelle fois, je souhaite devant vous rappeler le message de santé publique qui m'anime et qui guide mes actions : cette vaccination n'est obligatoire pour personne mais il est de mon devoir de ministre de la santé de recommander à chacun de faire le choix de la protection, pour lui et pour ses proches, contre un virus qui peut prendre des vies...
A ce propos, je me réjouis que le taux de vaccination, chez les médecins de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, a dépassé les 60% et qu'il atteigne même 100% dans certaines unités. Dans d'autres établissements les taux sont en constante augmentation. Cette adhésion, qui devrait être un exemple, n'est absolument pas relayée aujourd'hui dans les média. Il est extrêmement dommageable que certains personnels de santé, ainsi que certains de nos compatriotes en soient restés aux doutes voire aux dénigrements portés par certains au début de cette campagne vaccinale.
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Ce contexte épidémiologique a conduit le comité de lutte contre la grippe (CLCG) à formuler de nouvelles recommandations d'utilisation des antiviraux :
la prescription d'un traitement antiviral est désormais systématiquement recommandée chez les patients présentant une grippe clinique ;
pour une personne non malade et présentant des facteurs de risque (dont les femmes enceintes et les enfants de moins de 1 an) qui a été en contact étroit avec une personne grippée, un traitement antiviral post exposition est recommandé. Le traitement est dit préemptif : il est donné à dose curative et pendant 5 jours.
Cet avis a été confirmé par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
Si vous le souhaitez, le professeur Houssin et Jean Marimbert pourront répondre plus en détail aux questions que vous pouvez vous poser sur le sujet mais je tiens à insister sur les deux raisons principales qui fondent cette position du CLCG :
l'organisation mondiale de la santé (OMS) considère que la prescription précoce d'oseltamivir reste un moyen efficace de prévenir les formes graves ;
la grippe A(H1N1) n'est pas la grippe saisonnière ni par les effets qu'elle produit ni même par leurs répercussions physiologiques. Aussi, ce qui est pratiqué pour la grippe saisonnière n'est pas forcément adapté pour la grippe pandémique. Ainsi, la prescription d'oseltamivir peut être une stratégie thérapeutique pour la grippe pandémique et ne pas l'être pour la grippe saisonnière.
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Où, en sommes-nous de la campagne vaccinale ?
A ce jour, près de 25 millions de français ont été invités à se faire vacciner. Il s'agit de l'ensemble des populations prioritaires définies par le Haut conseil de la santé publique (HCSP). Ce sont comme vous le savez, les personnes particulièrement exposées comme l'ensemble des professionnels de santé et de la chaîne de secours, les personnes fragiles (souffrant d'une des 9 « affection longue durée - ALD grippe »)et l'ensemble des enfants de 6 mois à 18 ans.
Le reste de la population générale, c'est-à-dire 40 millions de personnes, va progressivement commencer à être appelée, les envois de bons s'étalant jusque vers la fin du mois de janvier.
Du côté des vaccinations, un peu plus d'un mois après l'ouverture des centres, le bilan est le suivant :
Plus de 3, 5 millions de personnes se sont fait vacciner, dont plus de 2,8 millions dans les centres de vaccination, environ 300000 dans les collèges et lycées, plus de 350000 dans les établissements de santé et la chaine de secours et plus de 30000 français résidents à l'étranger dans les ambassades et consulats.
Je souhaite aussi, faire un petit tour d'horizon de la situation dans différents pays qui ont fait le choix d'une campagne de vaccination. Sans rentrer dans des comparaisons chiffrées, je tiens malgré tout à signaler que la France n'a absolument pas rougir des résultats obtenus. Seuls deux pays se distinguent vraiment par leur taux d'adhésion et dépassent sensiblement celui atteint en France, il s'agit du Canada et de la Suède, pays où la santé publique est beaucoup plus profondément ancrée que dans le notre. Pour le reste, la France fait partie des pays où la campagne vaccinale a le plus avancé.
Comme je m'y étais engagée, la plus grande transparence est appliquée au suivi des événements indésirables rapportés dans le cadre de cette vaccination. Jean Marimbert, le directeur général de l'AFSSAPS qui publie chaque semaine le bulletin de pharmaco vigilance, pourra revenir sur le sujet si vous le souhaitez, mais je souligne d'ores et déjà que l'augmentation importante du nombre de personnes vaccinées ne s'est pas traduite par une augmentation anormale du nombre de signalements qui restent dans des proportions tout à fait attendues.
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A ce stade de la campagne, le bilan est satisfaisant. Nous sommes sur un rythme de l'ordre de 1million de personnes qui se font vacciner chaque semaine. Ce résultat peut néanmoins encore largement être amélioré, au vu du nombre de personnes qui n'ont pas encore bénéficié de l'invitation qui leur a été envoyée, c'est la raison pour laquelle je veux continuer à porter ce message de prévention.
Le dispositif de vaccination continue d'évoluer. En effet, nous avons élargi les modalités de cette vaccination en multipliant les équipes mobiles qui permettent de vacciner dans des collectivités comme les collèges, les lycées. D'ailleurs, l'arrivée des vacances scolaire dans quelques jours permettra de réorienter l'activité des équipes mobiles qui y participaient vers les établissements médico-sociaux et aussi vers la population carcérale.
Nous avons enfin ouvert la possibilité à des médecins, sous réserve qu'ils soient rattachés à un centre de vaccination et y aient fait au moins une vacation, de vacciner leur patientèle quand celle-ci est isolée et à mobilité réduite.
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Cette montée en charge du dispositif a nécessité une mobilisation tout à fait exceptionnelle de professionnels de santé et de cadres administratifs.
Je salue une fois encore l'engagement citoyen des étudiants en soins infirmiers et en médecine qui ont massivement participé aux centres de vaccination ainsi bien sur que les internes, les infirmiers et les médecins en exercice.
Je veux d'ailleurs réitérer mes profonds remerciements et ceux du gouvernement à l'égard de tous ces professionnels qui se sont mobilisés, au service de nos concitoyens pour cette grande campagne de prévention.
Grâce à eux tous, depuis 15 jours, le dispositif fonctionne bien. Les files d'attente ont disparu et nous avons triplé le nombre de personnes vaccinées dans les centres.
Alors, bien sur, je sais que cette montée en charge très rapide du dispositif a pu s'accompagner ça et là de problèmes dans la mise en oeuvre des réquisitions.
Nous avons par conséquent rappelé par circulaire aux préfets, avec le ministère de l'Intérieur, les bonnes pratiques en la matière, je sais qu'elles seront observées et cela a rassuré les professionnels.
La gentillesse, le professionnalisme et l'engagement pour autrui des professionnels qui oeuvrent dans les centres que j'ai pu constater au cours des différentes visites que j'ai effectuées m'ont véritablement marquée.
Je voudrais ici souligner l'importance de la solidarité entre nous tous et l'interêt de l'initiative portée par Monsieur Atanase PERIFAN qui a été soutenue par la CIC, à qui je laisserai la parole tout a l'heure afin qu'il vous présente les Voisins solidaires en pandémie.
Je vous remercie et me livre maintenant à vos questions.Source : http://www.sante-sports.gouv.fr/, le 17 décembre 2009