Déclaration de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, en hommage aux policiers et gendarmes français qui ont désobéi pour sauver des juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale, à Paris le 14 décembre 2009.

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Circonstance : Vernissage de l'exposition "Désobéir pour sauver", à Paris le 14 décembre 2009

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur d'Israël (Daniel Shek),
Mon Général,
Mesdames, Messieurs,
Ce que les Juifs de France ont subi, tout au long de la Seconde Guerre mondiale, reste gravé, dans la mémoire nationale, comme l'une des épreuves les plus terribles de notre histoire.
Les persécutions, les rafles, la déportation, la mort : rien ne fut épargné aux Juifs de France, qui furent 76 000 à être déportés et à vivre l'horreur des camps.
Tout l'appareil d'Etat fut mis au service de cette politique monstrueuse.
La France avait, tout au long de son histoire, donné au monde ses idées les plus belles et les plus généreuses : les Lumières et les Droits de l'Homme, la tolérance et la fraternité.
C'était, parmi les nations d'Europe, l'une des toutes premières à avoir donné aux Juifs leur citoyenneté.
C'est pour elle que, dans les synagogues du pays, les Juifs de France priaient.
C'est pour elle que nombreux d'entre eux avaient combattu durant la Grande Guerre et étaient tombés au champ d'honneur.
Où était-elle, la France, quand au petit matin on venait arrêter des familles entières ?
Où était-elle, la France, quand on livrait les victimes à leurs bourreaux ?
Elle avait déserté les places officielles. Mais elle n'avait pas disparu.
Elle vivait.
Elle vivait dans le coeur de Français qui ne pouvaient se résoudre à la collaboration.
Elle vivait dans le coeur de tous ces braves gens qui refusèrent de livrer leurs concitoyens juifs, qui les protégèrent et le firent, le plus souvent, au péril de leur vie.
54 policiers et gendarmes ont reçu, jusqu'à ce jour, le titre de « Justes parmi les nations ».
Il y en a eu bien d'autres : discrètement, la veille des rafles, ils prévenaient les familles juives de ce qui allait se passer, ils faisaient de faux-papiers ou ils aidaient encore certains à franchir la ligne de démarcation.
Pour avoir fait cela, certains de ces policiers et de ces gendarmes ont été torturés. D'autres ont été déportés.
Ils méritent notre respect et notre reconnaissance.
Notre respect, car ils furent des héros. Des héros de la dignité humaine.
Notre reconnaissance, car ils furent « des lumières dans la nuit de la Shoah », comme l'écrit superbement Simone Veil dans sa préface à cette exposition.
Quand on regarde, rétrospectivement, ces années terribles, on pourrait désespérer de tout.
Désespérer de la France.
Désespérer de l'Etat, dont la mission est de protéger et de servir.
Désespérer, aussi et surtout, de la nature humaine.
Mais ces Justes parmi les Nations, ces policiers et ces gendarmes dont nous honorons la mémoire aujourd'hui, ces hommes qui ont agi dans l'ombre, nous redonnent espoir et confiance en l'humanité.
Ils n'ont pas obéi aux ordres. Ils n'ont pas obéi à leur hiérarchie. Ils n'ont pas obéi aux lois iniques de l'Etat français.
Ils ont obéi à leur conscience. Ils ont obéi à ce qu'ils pensaient être juste.
Ils ne l'ont pas fait au nom de grands principes ou en prononçant de grands discours. Ils l'ont fait simplement, naturellement, avec la seule intuition de ce qui est bien et de ce qui est mal.
Ils sont l'honneur de la France. Ils sont des exemples et des modèles pour chacun d'entre nous.
Cette exposition, qui s'ouvre aujourd'hui, va circuler dans tout le pays.
Beaucoup viendront la voir et, en particulier, les plus jeunes de nos concitoyens.
Ils découvriront alors l'histoire de ces policiers et de ces gendarmes, qui ont choisi de désobéir, non pas contre leur uniforme, mais au nom-même des valeurs pour lesquelles ils portaient un uniforme français.
Ils découvriront alors que rien n'est simple et que l'histoire d'un pays ne s'écrit pas d'un seul bloc.
Ils découvriront que l'histoire de France, comme l'histoire de toutes les nations du monde, est, avant tout, une histoire humaine.
Et les hommes ont leurs forces. Les hommes ont leurs faiblesses. Ils ont, surtout, pour agir, leur conscience.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 janvier 2010