Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports, sur la contribution des événements sportifs à la paix durable, Monaco le 25 novembre 2009.

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Circonstance : Cérémonie d'ouverture du 3ème forum "Peace and sport" à Monaco le 25 novembre 2009

Texte intégral


Votre Altesse,
Monsieur le Président de la République de Slovénie,
Mesdames et Messieurs les représentants des Gouvernements et organisations internationales,
Mesdames et Messieurs les présidents et représentants des fédérations internationales et comités olympiques, athlètes et participants au forum,
Monsieur le Président, cher Joël Bouzou,
Lorsque le Président de la République, Nicolas Sarkozy, m'a confié la responsabilité ministérielle du sport au sein du Gouvernement français, quelques commentateurs mal avisés et férus de polémiques ont « ironisé » : cette nomination était une « punition » politique, une régression, un renoncement.
Ils n'avaient rien compris. Quel médiocre contresens ! Quel mépris des passions de milliards d'hommes et de femmes ! Car, au delà des formidables enjeux que représente la conduite de la politique sportive d'un pays comme la France, ces beaux esprits ignorent que le le sport est l'un des meilleurs outils de promotion des droits de l'Homme dans le monde. Comment ne pas voir en effet l'évidente continuité qu'il y a entre deux ans consacrés aux droits de l'Homme au ministère des Affaires étrangères, et aujourd'hui cette nouvelle aventure du sport que je vis passionnément depuis cinq mois désormais. On construit les droits de l'Homme, la paix, par le sport. Vous le savez tous, c'est pour cela que nous sommes réunis. C'est un fait. Sachons le faire fructifier.
Sans préjuger de vos débats à venir, je voudrai profiter de la tribune qui m'a été proposée pour apporter ma réponse à l'une des questions que vous allez débattre : « Comment les grands évènements sportifs peuvent-ils contribuer à la Paix Durable ? A quelles conditions ? ». A l'aube du Mondial 2010, événement sportif international majeur qui se déroule pour la première fois en Afrique, et en Afrique du Sud - cette Afrique du Sud ou l'apartheid séparait les noirs des blancs au sein des équipes sportives - cette question prend toute sa dimension. Elle met en évidence à quel point il reste possible de progresser dans l'utilisation du sport pour défendre les droits de l'Homme. Elle nous oblige à trouver des réponses qui dépassent le cadre feutré de nos réunions et soient réellement perçues par les populations. Quel défi ! Comment le relever ?
Premièrement, j'ai envie de dire en ne nous limitant pas aux seuls « grands événements sportifs ». Si ceux-ci sont, de toute évidence, un puissant catalyseur d'énergies, ma conviction c'est que c'est chaque événement sportif, quelle que soit sa dimension, doit contribuer à la paix et aux droits de l'Homme. Le rassemblement d'hommes et de femmes dans une enceinte sportive doit trouver son prolongement dans la société. Cette ferveur, cet enthousiasme ne doit pas s'arrêter aux portes du stade. Nous devons savoir faire vivre les causes invisibles, celles qui n'attirent pas la lumière, qui sont ignorées des projecteurs de l'actualité.
Au-delà des grands rassemblements, la vie sportive est rythmée par une quantité incroyable d'événements d'envergure locale, régionale, nationale voire internationale qui rassemblent dans un même élan sportifs et public. Il faut savoir s'adresser à eux et je crois que c'est notre responsabilité à tous de nous fixer cet objectif, Etats, fédérations sportives, organisations nationales ou internationales de solidarité. Pour chaque événement qui portera le message des droits de l'Homme, le message de la paix, une vie peut être sauvée, une situation dramatique redressée, un tort réparé, une détresse soignée. Ne faisons pas cette économie. Sachons inventer les outils nécessaires pour mettre en avant cette philosophie à l'occasion de tous les événements sportifs. Voilà un chantier que je vous propose d'ouvrir.
Pour moi, c'est la responsabilité des Gouvernements d'être en initiative et de promouvoir les outils nécessaires. Nous sommes encore très en deçà du potentiel du sport en matière de promotion active et concrète des droits de l'Homme et de la paix. Nous pouvons aller plus loin. Le rêve concret que je vous propose de partager, c'est que chaque événement sportif soit l'occasion de donner vie à une initiative en faveur des droits de l'Homme. Le terrain est vaste, combien d'initiatives existent déjà et se battent jour après jour pour leur survie ? Combien de bonnes volontés, de femmes et d'hommes, ont besoin de l'appui que pourrait leur conférer un engagement plus massif du sport en leur faveur ?
Le second chantier sur lequel je vous propose de travailler, c'est celui des financements innovants. Apparus en 2002, ces mécanismes qui génèrent des ressources additionnelles à l'Aide Publique au Développement traditionnelle sont aujourd'hui en plein essor. La France a jouer un rôle essentiel à leur développement. Songez au formidable succès d'UNITAID. Quelle contribution intellectuelle et concrète apporte le sport à la dynamique des financements innovants ? Voilà la première question que je crois que nous devons nous poser. Pourquoi de grandes institutions sportives ne pourraient-elles pas envisager d'intégrer le groupe pilote sur les financements innovants pour le développement ?
Des initiatives existent déjà de la part du monde sportif. Je pense évidemment à toute l'action développée par le Comité International Olympique ou encore la FIFA pour ne citer qu'eux, et aux modalités originales de financement qu'ont su mettre en place ces organisations pour appuyer le développement et la paix dans le monde. Ces actions, et toutes celles que je n'ai pas citées, sont des exemples réussis de financements innovants. Or, tout exemple a vocation à être généralisé lorsqu'il fait la preuve de son utilité. Je crois que ce sera tout l'honneur du sport que de faire la preuve qu'il peut s'associer à ces grandes mobilisations mondiales, et ce sera tout l'honneur de ces mobilisations de savoir ne pas l'ignorer. Comment faire l'impasse sur une activité qui rassemble aussi spontanément des millions de personnes autour d'une passion commune ?
Le troisième chantier que je voudrai évoquer avec vous, c'est celui du caractère durable des actions engagées en faveur des droits de l'Homme et de la paix et de leur coordination. Nous sommes ici sur le terrain, auprès des bénéficiaires de tous ces projets lancés ou appuyés au nom de nos valeurs, de notre philosophie.
Nous devons savoir nous défier de la tentation de la solution miracle, de l'idée isolée. La priorité absolue c'est l'appui aux organisations qui agissent localement, qui sont animées par les ressortissants du pays où elles agissent, que l'on parle des autorités locales ou de la société civile. Le plus beau des projets n'a aucun sens s'il se développe sans eux. Les partenariats de développement sont essentiels, mais au service et en appui des acteurs locaux.
Nous devons aussi savoir nous défier de la dispersion des moyens. Nous n'agissons pas pour nous valoriser, nous agissons pour contribuer à la hauteur de nos possibilités à la construction d'un objectif commun. C'est pourquoi je suis absolument convaincue de la nécessité de mettre en commun toutes les ressources existantes à l'heure de lancer de nouvelles actions. C'est une exigence d'éthique comme d'efficacité.
Ces orientations que j'évoque et que je propose à votre réflexion, nous nous les appliquons à nous-mêmes. Elles sont au coeur du projet de « fonds sportif pour la protection internationale de l'enfance » que je viens de lancer en octobre dernier. En matière de droits de l'Homme, il faut souvent choisir un angle pour commencer d'agir. Celui que j'ai retenu, ce sont les enfants, car combien d'entre eux sont victimes de traite au nom du sport, et combien d'entre eux ont besoin du sport pour se construire ! L'esclavage sportif est une réalité, hélas.
Ce fonds aura vocation à agir dans ces deux directions : aider ceux qui se laissent berner par les fausses promesses d'intermédiaires sans scrupules, aider ceux qui pourraient, grâce au sport, accéder à une philosophie de vie construite sur l'idée de paix.
Le département ministériel dont j'ai la charge y contribuera à hauteur de 2 millions d'euros annuels, et ce montant servira à mobiliser un montant au moins équivalent de financements privés, qu'ils soient issus de la philanthropie ou qu'ils résultent d'un mécanisme innovant que nous aurons inventé avec tous ceux qui participent à la création de cet outil : mouvement sportif français, ONGs, organisations spécialisées dans la protection de l'enfance.
Ces financements seront consacrés au renforcement de toutes les structures locales qui ont la compétence pour apporter une réponse aux besoins de ces enfants, et n'en ont pas les moyens. Il s'agit là d'une approche stratégique de l'aide au développement consacrée à l'enfance, fondée sur l'expertise en amont des ressources disponibles et des besoins insatisfaits. Malgré les efforts énormes fournis par tous, et aussi par vous tous ici présents, nous savons bien que le champ reste immense. Je suis à l'écoute de tous ceux qui verraient dans cette idée un projet d'avenir et souhaiteraient y contribuer.
Votre Altesse, Monsieur le Président, Mesdames et messieurs, le sport n'est pas politique, il est universel. Il a des choses à dire, des choses à faire. Il ne tient qu'à nous d'oser, d'inventer. Faisons-le ! C'est bien là l'un des enjeux majeurs d'un forum comme celui qui nous réunit. Sachons voir loin, parler franc, et agir ferme (Pierre de Coubertin).
Je vous remercie.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 2 décembre 2009