Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur les enjeux du dialogue social, Paris le 17 décembre 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 20ème édition des sessions nationales de l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) à Paris le 17 décembre 2009

Texte intégral

A l'occasion de la 30ème édition des sessions nationales, je tiens à vous dire toute l'importance que revêtent à mes yeux les travaux de l'Institut National du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle. Les sessions nationales constituent une manifestation très originale qui permet d'approfondir des sujets majeurs pour notre pacte social. Elles offrent depuis plus de vingt ans un espace de dialogue et d'échanges qui doit être préservé et développé.
Cet espace a formé et forme encore un réseau d'auditeurs qui se connaissent, s'apprécient et savent partager leur vision des enjeux dans un esprit d'échange et d'ouverture.
Ces sessions de l'INTEFP ont en effet à mes yeux deux atouts essentiels : produire une réflexion pour le long terme et alimenter un réseau qui permet de faciliter le lien social.
Elles puisent la richesse de leurs réflexions dans la diversité et la qualité de leurs participants, tant en termes d'analyse des politiques publiques que de prospective.
Je veux saluer l'ensemble des participants à ces sessions : les partenaires sociaux, qui y trouvent matière à animer des discussions constructives, les cadres de l'administration, qui y puisent des éléments de réflexion pour enrichir l'action publique, les parlementaires enfin qui y contribuent de façon essentielle depuis quatre ans.
Je ne saurais oublier non plus les journalistes spécialisés dans l'information sociale, qui apportent leur expertise à cette manifestation grâce au soutien de l'AJIS (association des journalistes de l'information sociale). Je tiens enfin à saluer l'action de l'association des auditeurs qui contribue à entretenir le réseau formidable que les sessions permettent de créer.
Vous avez aujourd'hui choisi de réfléchir sur "les enjeux du dialogue social pour les années à venir". C'est bien évidemment un axe central de la politique que je conduis en tant que ministre des Relations sociales.
Je salue le rôle que vous jouez vous-mêmes dans ce domaine. L'INTEFP n'est pas seulement un centre de formation du Ministère du Travail, c'est aussi un outil du dialogue social. Loin de se contenter de permettre à des acteurs très divers de débattre entre eux, l'INTEFP a développé des liens avec d'autres partenaires essentiels pour l'action de ce ministère, tels que l'ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) et d'autres administrations européennes. Cette ouverture aux pratiques étrangères est très précieuse au vu des missions qui sont les vôtres.
Les sessions que l'INTEFP organise permettent de faire réfléchir ensemble des acteurs de la régulation sociale pour trouver des points de convergence.
Le dialogue social que j'entends promouvoir, c'est un dialogue social structuré, moderne, adapté aux enjeux de l'entreprise et aux attentes des salariés. Cela suppose à la fois :
 de poser des règles du jeu claires pour que chacun connaisse son rôle et voie sa légitimité renforcée ;
 de nous saisir tous ensemble des enjeux que suscitent les transformations de notre modèle économique et social.
Des règles du jeu claires, cela suppose que chacun exerce pleinement les attributions qui sont les siennes. Le dialogue social doit donc s'appuyer sur des interlocuteurs qui soient pleinement légitimes.
Un syndicat plus légitime, c'est un syndicat qui négocie plus efficacement au nom des salariés qu'il représente. C'est ce que permet la réforme de la représentativité inscrite dans la loi du 20 août 2008, texte fondateur, sans précédent depuis l'après guerre, qui a profondément rénové notre démocratie sociale. La représentativité des syndicats est désormais fondée sur leur audience aux élections et non plus sur une présomption irréfragable de représentativité. Ce sont les salariés, et eux seuls, qui choisissent qui peut négocier en leur nom. C'est une avancée considérable pour notre démocratie sociale.
Comme la loi l'impose, et suivant la position commune des partenaires sociaux du 9 avril 2008, je veux à présent que la négociation collective interprofessionnelle mette en place des règles de mesure de l'audience des syndicats dans les très petites entreprises. Nous ne pouvons exclure 4 millions de salariés du système de mesure de la représentativité.
A titre de comparaison, cela reviendrait à empêcher les villes de moins de 10 000 habitants de voter lors de l'élection présidentielle. Je souhaite clairement une solution négociée sur ce point. En toutes hypothèses, je ferai évoluer les règles légales dès l'an prochain.
****
Pour renforcer notre pacte social, nous devons aussi nous saisir tous ensemble des enjeux que suscitent les transformations de notre modèle économique et social.
L'histoire de ces quarante dernières années en matière sociale, c'est l'histoire d'un espace de la négociation collective qui s'est constamment accru et les partenaires sociaux ont su se saisir de cette chance. C'est l'histoire de lois importantes comme celles sur la formation professionnelle, sur les représentants du personnel, sur les contrats de travail. C'est aussi une histoire marquée par des accords interprofessionnels importants qui ont précédé ou suivi ces lois.
Pour poursuivre dans cette dynamique, je souhaite que nous puissions nous appuyer sur un consensus fort de l'ensemble des acteurs.
C'est le sens de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 portée par Gérard Larcher, qui donne à la concertation et à la négociation avec les partenaires sociaux un rôle central pour toute réforme dans le monde du travail. C'est grâce à ce dialogue constructif que nous avons mené les réformes essentielles de la représentativité des syndicats et du marché du travail en 2008.
L'agenda social 2009 permet de traiter de questions fondamentales comme l'égalité professionnelle, la gouvernance des entreprises ou les instances de représentation du personnel. Il y en aura d'autres en 2010 mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Je souhaite que nous puissions avancer tous ensemble sur ces chantiers qui répondent aux attentes de nos concitoyens et aux nécessités du progrès social dans notre pays. L'avenir en matière de régulation sociale, c'est de donner plus d'espace à la négociation collective mais aussi de fixer des obligations de résultats.
C'est la raison pour laquelle, dans le cadre du plan d'urgence contre le stress au travail que j'ai lancé le 9 octobre dernier, j'ai souhaité que le site internet de mon ministère recense les entreprises de plus de 1000 salariés qui auront ou non engagé des négociations. Je suis le ministre du dialogue social, mais ce dialogue nécessite, pour être efficace, que chacun des acteurs fasse preuve de responsabilité.
***
En guise de conclusion, permettez-moi de vous faire part de quelques pistes de réflexion.
En premier lieu, l'interaction des normes de toute nature, lois, accords, conventions, etc., pose la question de la sécurité juridique et de l'intervention de tous ceux qui vont faire vivre ces normes, partenaires sociaux, administration, juges... Quelles réponses pourrons-nous apporter, dans le respect des prérogatives de chacun, pour que les salariés et les entreprises puissent bénéficier de règles claires, durables, stables et compréhensibles ?
En second lieu, l'éclatement des espaces de travail dans l'espace et dans le temps, la forme de plus en plus mouvante que prennent les entreprises et les parcours professionnels de moins en moins linéaires nécessitent de réfléchir aux moyens d'appliquer les garanties prévues. Celles-ci en effet sont le plus souvent fondées, comme le théâtre classique, sur la règle de l'unité de temps, de lieu et d'action.
Or tout salarié doit pouvoir bénéficier tout au long de sa vie de droits qui ne sont pas propres à son contrat de travail, mais à sa personne et à son parcours. Nous devons donc inventer de nouvelles formes d'action afin de prendre en compte les transitions entre professions et entre entreprises. C'est toute la question de la portabilité des droits, de la flexicurité et de la sécurité sociale professionnelle.
Autant de défis à relever pour le dialogue social dans notre pays. Autant de sujets de réflexion pour lesquels votre contribution sera essentielle, particulièrement en ce contexte de crise économique mondiale.
Je vous remercie.Source : http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 18 décembre 2009