Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, à France 2 le 17 décembre 2009, sur les conséquences de la vague de froid sur la santé, la grippe A et la méfiance à l'égard du vaccin.

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Média : France 2

Texte intégral

J. Wittenberg.- Bonjour R. Bachelot. La ministre de la Santé que vous êtes est-elle inquiète des conséquences de la vague de froid ? Décembre est un mois traditionnellement chargé dans les hôpitaux. Est-ce que le système sanitaire est prêt à accueillir l'affluence des urgences forcément qui va arriver ?
 
La ministre de la Santé que je suis est mobilisée et prend les dispositions pour permettre d'affronter une vague de froid qui a toujours des conséquences en termes de santé parce qu'on voit flamber les épidémies classiques, sans doute le départ de la grippe saisonnière, les gastro-entérites, les bronchiolites, les problèmes dus à la tension dans les hôpitaux parce que les personnels ont aussi le droit de prendre des congés pendant ces vacances de fin d'année, et puis évidemment la grippe A H1N1 qui vient ajouter à la tension. Donc, nous prenons des dispositions pour renforcer les effectifs, aussi bien au niveau des centres 15 que de la médecine de ville.
 
Ceux qui souffrent le plus du froid c'est sont les SDF, est-ce qu'il y aura une action spécifique pour eux ?
 
Oui, j'y tiens beaucoup ! Bien sûr, il y a toutes les actions que nous menons avec B. Apparu, renforcement des maraudes, places dans les foyers d'hébergement, mais je tiens à ce que ces personnes fassent l'objet d'une vaccination spécifique, renforcement des équipes mobiles avec les associations qui s'occupent de ces personnes, qui ont d'ailleurs le langage pour leur parler, pour les attirer, pour les comprendre, pour qu'elles soient vaccinées parce qu'il serait évidemment sur le plan éthique tout à fait impossible que ces personnes n'aient pas accès à cette vaccination qui va les protéger, d'autant qu'elles sont particulièrement fragiles.
 
Est-ce que la vague de froid va justement doper, risque de doper l'épidémie de grippe A dont vous avez dit hier qu'elle était arrivée à une sorte de pallier, de plateau ?
 
Oui, comme les spécialistes nous l'avaient dit, comme les médecins nous l'avaient dit, nous avons un premier plateau attendu donc en milieu décembre. Nous allons avoir deux phénomènes qui vont venir sans doute s'opposer : le départ en vacances des scolaires va sans doute faire baisser l'épidémie, mais par contre l'arrivée de cette première vague de froid dope l'épidémie. C'est un classique.
 
Cela veut dire quoi, lorsque vous parlez du palier ou du plateau ? Cela veut dire que c'est un pic ? Est-ce que ça veut dire que le plus dur malgré tout est passé dans cette grippe ?
 
Non, ça ne veut pas dire ça. Cela veut dire que les épidémies de grippe évoluent par vague et que nous avons le sommet de la première vague. Cette pandémie va sans doute un peu s'atténuer, et les spécialistes, les épidémiologistes nous disent que nous pourrions avoir une, deux, ou peut-être même trois vagues à suivre. Et ce qui est évidemment ennuyeux, c'est qu'en général les vagues suivantes sont plus virulentes. Il faut donc en profiter pour se faire vacciner.
 
Alors, quand même, je reprends vos chiffres : 150 morts, c'est beaucoup, dont 25 qui n'avaient pas d'autres facteurs de risque. 150 morts malgré tout sur des millions de cas. Est-ce qu'on n'a pas tout de même affolé les gens un peu vite ? Finalement, cette grippe n'est-elle pas aussi sévère qu'on l'avait redouté ?
 
D'abord, il faut dire que quand on a la grippe, on est malade, on est malade pendant huit jours, on est très fatigué dans les jours à suivre, donc on a un vaccin qui vous en protège, profitons-en. Et puis, cette grippe c'est une loterie sinistre, c'est-à-dire que des personnes sans facteur de risque peuvent être atteintes par cette grippe. Moi, vous savez, quand je vois des petits enfants qui sont morts de la grippe alors que un vaccin les aurait protégés, j'enrage de voir que cette protection, on n'a pas jugé bon de la leur apporter. Ces 150 morts, ces 150 morts, c'est 150 morts de trop alors que nous disposons d'un vaccin.
 
Madame Bachelot, vous enragez aussi peut-être parce que la méfiance des Français à l'égard du vaccin persiste. Si on en croit une étude réalisée par une société Médiaprism, sur 11 000 personnes, 78 % des Français - c'est un taux très important - disent ne pas vouloir se faire vacciner ; et 73 % d'entre elles disent craindre les effets secondaires. Alors, pourquoi ne pas mettre les choses au point ?
 
Alors, c'est un taux que l'on retrouve d'ailleurs dans la plupart des pays étrangers. Eh bien, je le regrette. Pourquoi cette méfiance ? Parce que peut-être on a perdu la connaissance, l'expérience des grandes maladies infectieuses. La médecine a remporté une grande victoire qui nous a fait baisser la garde. Alors, je veux dire que les vaccins que nous proposons sont des vaccins qui ont reçu les autorisations qui garantissent leur efficacité et leur innocuité, le fait que les bénéfices l'emportent sur les risques, et que vraiment nous disposons d'un vaccin, il faut le faire.
 
Vous le redites aujourd'hui, il n'y a pas d'effet secondaire. On parle des fameux adjuvants qu'on n'administre pas aux femmes enceintes, par exemple.
 
Un vaccin c'est comme tout médicament efficace, bien sûr qu'il y a des effets secondaires. Vous pouvez avoir une petite douleur au point d'injection, ou avoir un petit peu de fièvre. On connaît bien ces effets secondaires. Mais nous avons déjà en France vacciné près de quatre millions de personnes. Nous avons un système de pharmacovigilance qui pointe tous les effets secondaires, tous les effets indésirables. Et ce que l'on peut dire, c'est que cette vaccination est très très bien supportée.
 
Une question de santé encore. Dans quelques jours, ça fera deux ans tout juste qu'il est interdit de fumer dans les lieux publics. Or, selon un rapport de l'Association des droits des non fumeurs que s'est procuré le journal Le Parisien, eh bien beaucoup de Français, 21 % des salariés, souffrent encore du tabagisme passif, et il y a manifestement un relâchement, on recommence à fumer dans les entreprises.
 
Mais, il ne faut pas baisser la garde ! Alors, ces 21 %, je vous demande de les comparer aux chiffres d'il y a quinze ans, où il y a quinze ans 80 % des salariés estimaient être victimes du tabagisme passif. Donc, on a gagné ce combat. On l'a gagné parce que c'est accepté par les non fumeurs et aussi par les fumeurs. Mais, on sait bien qu'il faut être particulièrement vigilant. Donc, je rappelle ce message de santé publique, il y a 60 000 personnes qui meurent du tabac dans notre pays chaque année, dont presque 8.000 du tabagisme passif. C'est absolument inadmissible et j'en appelle à une prise de conscience citoyenne.
 
R. Bachelot, on parle rapidement du Gouvernement. D'après vos confrères interrogés par l'Express, vous êtes la ministre la plus drôle du Gouvernement. C'est eux qui ont voté, en quelque sorte. Alors, vous êtes drôle, parait-il, mais pourtant vous n'avez pas participé au clip de l'UMP auquel quelques-uns de vos confrères, comme C. Lagarde ou X.Darcos, ont prêté...
 
... d'abord, je veux remercier mes collègues du Gouvernement. Vous savez, quand je les vois, ils font quelque chose de très dur, donc j'essaie plutôt de les détendre que de les stresser. Et je vais vous faire un aveu, je ne chante que du classique et que de l'opéra, et ça, ça passe très très mal en clip.
 
Mais vous trouvez que cette initiative était bien bienvenue ?
 
Elle est plutôt amusante ! Entre nous, je trouve que les femmes s'en tirent beaucoup mieux que les hommes !
 
Un dernier mot, J. Chirac va être à nouveau convoqué par la justice. J. Chirac c'est un homme dont vous avez la directrice de campagne en 2002, c'est quelqu'un dont vous êtes proche. Quel est votre sentiment personnel sur cette deuxième affaire qui le concerne ?
 
Mon sentiment personnel c'est que j'ai une grande affection pour J. Chirac, c'est quelqu'un qui a accompagné toute ma carrière politique et auquel je suis extrêmement fidèle, mais vous comprendrez qu'en tant que ministre du Gouvernement je ne commente pas une affaire de justice. Je la regarde avec attention, en gardant quoi qu'il arrive toute mon affection à l'homme.
 
Je vous remercie.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 janvier 2009