Interview de Mme Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, à Europe 1 le 30 décembre 2009, sur l'annulation de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel et sur la position des Verts sur cette taxe.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

A. Caron.- "La taxe carbone instaurée par le Gouvernement est une fumisterie". C'est ce que vous déclariez en septembre. Son annulation par le Conseil constitutionnel doit plutôt vous faire plaisir.
 
C'est presque logique, j'allais dire. C'est vrai que la somme d'exonérations, dont certains avaient bénéficié, faisait que la taxe carbone n'avait plus qu'un nom, c'était celui de la taxe carbone, mais plus aucun sens. En tout cas, absolument pas l'utilité que peut avoir la fiscalité écologique.
 
En revanche, le porte-parole de France Nature Environnement dit que cette décision est "catastrophique". Il dit que le Gouvernement n'aura pas le courage de statuer à nouveau sur une taxe impopulaire, alors qu'approchent les élections régionales. Est-ce que vous êtes aussi pessimiste que lui ?
 
Je pense que l'on ne peut pas avoir des grands discours écolo, comme là, le président de la République, dire ce qu'il a dit à Copenhague, et ensuite ne pas mettre ce discours dans les actes. Et donc il faut une vraie fiscalité écologique. Ce qu'on défend et ce que l'on défendait déjà à l'époque, c'est une contribution climat-énergie, c'est-à-dire à la fois de taxer les pollueurs et d'avoir les moyens de faire bénéficier notamment toutes les familles qui en ont besoin, d'aides aux mesures d'économies d'énergie, au changement de mode de chauffage. C'est vraiment ça, l'utilité c'est lutter contre le réchauffement climatique, ce n'est pas créer une nouvelle taxe, évidemment.
 
On comprend bien comment vous la voyez cette taxe, vous l'avez déjà expliqué longuement cet été, mais aujourd'hui, est-ce que vous êtes plutôt optimiste en vous disant que finalement cette décision du Conseil constitutionnel va ouvrir la voie à de nouvelles réflexions, à une nouvelle loi beaucoup plus efficace, ou au contraire, vous dites "c'est fini pour l'instant, cette loi est enterrée" ?
 
Je suis obligée d'être optimiste. On ne peut pas voir les choses se dégrader et la situation être rendue de plus en plus difficile, et après l'échec de Copenhague, sans se dire qu'on n'a pas les moyens d'agir autrement. Sinon ce serait un gâchis phénoménal. Donc soit le Gouvernement laisse faire ce gâchis absolu, soit il en profite pour se ressaisir et être à la hauteur de l'enjeu. On verra bien.
 
Et quel est votre avis ce matin ? Est-ce que vous pensez que le Gouvernement va justement réagir, comme vous le souhaitez ?
 
Honnêtement, en matière d'écologie, on a été habitué aux belles paroles qui ne se traduisent pas dans les actes, donc, ça, c'est un vrai souci. Mais il y a un moment où on est quand même un peu au pied du mur et j'espère que ce moment-là est arrivé. C'est-à-dire que l'objectif, vraiment, de remplacer une partie de la fiscalité, notamment de la fiscalité sur le travail, par une fiscalité écologique, c'est une mesure de bon sens, tout simplement.
 
Concrètement, pour que ce texte soit bon, selon vous, qu'est-ce qu'il faut changer ?
 
Il faut changer le montant de la taxe, le niveau, ces fameux 17 euros, qui doivent passer aux 32 euros qui était le compromis issu de la commission qui avait travaillé avec M. Rocard pour préparer ces travaux. Ça c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que l'ensemble des sources d'énergie soit soumis à cette taxe pour qu'il y ait un effet favorable en matière d'économies d'énergie. Et enfin...
 
Vous parlez de l'électricité, ce qui n'était pas le cas ?
 
Je parle effectivement de l'électricité. Et enfin, que l'intégralité du montant collecté soit réaffectée à des dépenses d'économie d'énergie. Soit individuelles, le mode de chauffage, l'isolation des habitations, soit à des modes plus collectifs comme les transports en commun. Mais l'intégralité du montant collecté doit être affectée à des mesures d'économie d'énergie et doit bénéficier notamment pour que ce soit socialement juste, aux ménages qui en ont le plus besoin et qui, finalement, sont les plus vulnérables à l'augmentation du coût de l'énergie et aux conséquences du dérèglement climatique.
 
Est-ce que vous pensez que les entreprises doivent être davantage mises à contribution ?
 
C'est une évidence, c'est une évidence parce que ça permet aussi aux entreprises, justement, de changer leur mode de décision. C'est-à-dire que si...
 
Mais est-ce que vous pensez que le Gouvernement aura le courage, justement, d'aller jusque-là ?
 
Je ne sais pas. Je ne sais pas, mais c'est une bonne question. Ce que je vous dis, c'est que l'on ne peut pas avoir en même temps les discours qu'a le président de la République et ne pas avoir le courage, comme vous dites, d'avoir les mesures qui vont avec. On ne peut pas dire en même temps que l'on va faire peser sur les générations futures et même sur celles qui sont déjà nées, des conséquences extrêmement désastreuses si on n'agit pas aujourd'hui contre le dérèglement climatique, et ne rien faire. Ça, c'est contradictoire. Moi, c'est quelque chose que je n'arrive pas à comprendre. Donc on verra bien.
 
Ce matin, c'est plutôt une mauvaise nouvelle pour l'environnement, mais ces échecs successifs, puisqu'on peut également parler de l'échec de Copenhague, font un petit peu votre affaire d'un point de vue électoral.
 
Je ne sais pas. En tout cas, ce qui est certain, c'est que ça rend encore plus vive notre détermination de considérer qu'à un moment il faut des écologistes en responsabilité, justement, sinon on n'a pas le courage de passer aux actes. Parce que ce n'est pas seulement... Vous savez, je ne crois pas, moi, d'ailleurs, si on explique les choses de façon posée, ce n'est pas une mesure si impopulaire que ça, parce qu'il y a énormément de gens qui voient très bien, il y a énormément de familles, aujourd'hui, qui n'ont pas les moyens de se chauffer correctement, parce que leur logement c'est des véritables passoires énergétiques. Donc c'est simplement avoir une politique cohérente. Donc, s'il faut que les....
 
Enfin, quand vous dites qu'elle n'est pas impopulaire, elle est impopulaire, puisque les sondages le montrent : deux tiers des Français sont opposés à cette taxe.
 
Ce n'était pas si sûr que ça. Quand on expliquait notre proposition, c'est-à-dire la proposition de la contribution climat-énergie, telle que je l'ai présentée, avec l'utilisation des fonds, pour des mesures d'économies d'énergie et pour aider les ménages, le sondage qu'avait réalisé Que Choisir, justement dans lequel il intégrait cette possibilité, montrait que, à 52 %, je crois, si je me souviens bien, là, les Français devenaient favorables. Je comprends très bien que personne n'ait envie d'une taxe supplémentaire dont on ne voit pas l'intérêt, si ce n'est boucher les trous qui auraient pu être créés par le bouclier fiscal. Je comprends tout à fait ça, c'est une évidence pour moi. En revanche, une mesure écolo et utile pour tous et pour toutes, et utile pour la planète, franchement, je pense que c'est vraiment le bon sens. Donc, je crois, et là vous avez raison, que les gens ont beaucoup plus évolué, plus rapidement qu'une partie des dirigeants politiques. Et c'est peut-être ce qui explique les bons résultats des écologistes et j'espère que ça va continuer, évidemment.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 janvier 2010