Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports, sur la préparation de la coupe du monde de football et la politique du spaot, Johannesburg le 15 janvier 2010.

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Circonstance : Rencontre avec la promotion Diambar's à la Sunward Park High School de Johannesburg le 15 janvier 2010

Texte intégral


Monsieur le Maire,
Madame la directrice,
Mesdames, Messieurs, chers amis de Diambar's,
C'est avec une très grande joie que je suis ici avec vous aujourd'hui. Je souhaite avant tout vous remercier du fond du coeur pour votre accueil chaleureux, quelques jours seulement après votre rentrée scolaire !
Nous sommes à 146 jours d'un événement exceptionnel dans l'histoire du sport : pour la 1re fois, le continent africain accueillera la Coupe du monde de football. Et c'est ici, chez vous, en Afrique du Sud, que se déroulera la plus grande compétition sportive au monde, qui fait vibrer le coeur de milliards d'Hommes.
Je sais toute l'ardeur que met le peuple de l'Afrique du Sud à préparer cette Coupe du Monde. Ce sera une très belle fête.
L'Afrique du Sud donc ! Quelle fierté ! Cette Afrique du Sud qui, au terme d'une Histoire douloureuse, a su briser ses chaînes pour se réconcilier avec elle-même.
Un pays c'est l'Histoire d'un peuple, mais parfois aussi celle d'un homme. Un destin, une volonté peut changer l'Histoire. Comment ne pas rendre une nouvelle fois hommage à celui qui incarne cette lutte pour la justice puis la réconciliation, Nelson Mandela. J'ai eu l'immense joie et privilège de le rencontrer à deux reprises. La dernière fois, ici, en Afrique du Sud, pour célébrer son anniversaire, dans une école française ! Son visage lumineux et ses mots de fraternité sont restés gravés dans ma mémoire. En vous parlant, je vois son sourire, je vois toute votre histoire récente, je vois l'espoir.
L'espoir justement, c'est ce qui nous réunit tous ici.
L'espoir, pour la ministre des sports française que je suis, d'une très belle rencontre dans 157 jours, lorsque l'équipe de France affrontera les « Bafana Bafana ». La loi du jeu décidera du gagnant, mais moi j'en vois déjà deux : nos deux pays réunis sur le même terrain pour s'affronter dans la paix, l'amitié et le respect mutuel. Quelle fierté et quel symbole. Je suis impatiente d'assister à cette rencontre. Vous aussi j'imagine !
Mais l'espoir, le bel espoir que j'ai voulu anticiper en venant parmi vous, c'est celui d'une Coupe du monde de football qui pose très concrètement les premières pierres d'une nouvelle décennie pour tout le continent africain, et pour tous ceux qui en portent l'avenir, ses enfants, sa jeunesse. Quel plus bel endroit que votre école, Madame la directrice, qui accueille la première promotion des « Diambar's » d'Afrique du Sud, pour évoquer ensemble ce sujet, pour partager ensemble le futur que nous allons construire.
Le sport, le football, peuvent être capables du pire comme du meilleur. Ici, vous avez choisi le meilleur. Vous avez choisi le sport porteur de valeurs de paix, de fraternité, de respect mutuel. C'est aussi celui que j'aime, que nous devons tous porter, et qui est le fil rouge de mon action ministérielle. Aussi, quand je vois des matches amicaux comme celui auquel nous venons d'assister, ma conviction est renforcée : c'est la bonne voie, la seule, loin de la folie des hommes perdus dans la violence ou la cupidité. Je pense évidemment à l'équipe togolaise lâchement attaquée il y a quelques jours en Angola, je pense aux débordements de violence qui enflamment certaines rencontres, mais je pense aussi à tous ceux qui sillonnent ce continent à la recherche de jeunes talents qu'ils n'hésitent pas à exploiter par seul appât du lucre. Ces marchands de chair ne sont guidés que par l'avidité. Malheur à ceux qu'un talent exceptionnel ne suffit pas à conduire sur les chemins de la réussite sportive et de la célébrité. A ceux la, l'abandon et la détresse. A ceux la, les vies foudroyés. A ceux la, le futur barré. Oui, nous le savons, il y a sur ce continent une forme moderne d'esclavagisme, de traite sportive. Des marchands de rêves vendent du cauchemar. Je ne connais rien de plus répugnant et intolérable que l'abus de l'enfance et de l'adolescence. Il est tellement facile d'abuser du rêve de devenir un jour un grand joueur mondialement reconnu, ou même, tout simplement, un bon joueur vivant au quotidien sa passion. Voilà la honte moderne que je veux combattre à vos côtés.
Lorsque le Président de la République française, Nicolas Sarkozy, et le Premier ministre François Fillon m'ont fait l'honneur de me confier la responsabilité des sports en France, j'ai immédiatement voulu engager notre pays dans ce combat. C'est une question d'éthique, et d'honneur. Et la voie nous était tracée : il suffisait de regarder les efforts extraordinaires engagés depuis 10 ans désormais par quatre joueurs, quatre amis, comme les Mousquetaires de Dumas, Patrick Vieira, Bernard Lama, Jimmy Adjovi-Bocco - qui est parmi nous et je le salue très chaleureusement -, et enfin Saer Seck, pour construire et développer le projet Diambar's qui franchit ici, aujourd'hui, une nouvelle étape. Bien sûr, ils ne sont pas les seuls, mais leur opiniâtreté, leur énergie et leurs résultats sont exemplaires, nous devons savoir nous en inspirer.
Quelles sont les leçons que nous apprennent des initiatives comme celle-ci ? Tout simplement qu'il est possible lorsqu'on y met les moyens de permettre aux jeunes de poursuivre leur rêve de sport professionnel sans devoir s'exiler dans des conditions indignes et dévastatrices ; mais aussi que de meilleurs hommes font de meilleurs footballeurs : la formation sportive est indissociable de l'éducation.
Le monde du football l'a bien compris en renforçant considérablement la réglementation relative aux transferts de mineurs. Il l'a bien compris aussi en lançant à l'initiative de la FIFA et d'un large réseau d'ONG, le « streefootballworld network », les projets de centres « Football For Hope ». Je me rends d'ailleurs demain à Cape Town au centre qui vient d'être inauguré en décembre dernier. Il était largement temps que la France s'implique très activement dans ces initiatives, et soit en mesure de les soutenir durablement. C'est la raison d'être du « fonds sportif pour la protection internationale de l'enfance » que nous sommes en train de construire avec conviction et sans tarder : j'attends de ce projet qu'il soit opérationnel avant le mondial. Dans moins de 146 jours ...
Concrètement, cela signifie qu'il pourra soutenir tout ce qui permet à un enfant de grandir et de se former dans un cadre protecteur, qu'il s'agisse d'une formation à la carrière sportive ou d'une formation où le sport tient une place importante pour ce qu'il peut apporter au développement harmonieux de l'individu. A nos côtés, pour construire ce projet, nous avons réuni en France les instances nationales du football comme les spécialistes de la solidarité civile et de la protection de l'enfance, dont notamment l'UNICEF.
Pour agir, ce fonds disposera de financements publics comme privés. Enfin, les programmes qu'il appuiera devront répondre à des critères stricts de qualité, que ce soit en matière de protection de l'enfance comme en matière de pratique sportive. Le fonds disposera d'une unité d'experts destinée à construire ces programmes en s'appuyant sur les compétences locales existantes et en leur permettant de consolider et d'élargir leur action. Voilà pourquoi il était essentiel pour moi de venir évaluer sur le terrain des initiatives comme les Diambar's aujourd'hui, Football for Hope demain. Le fonds n'a pas vocation à réinventer, il a vocation à permettre à tous ceux qui sont déjà efficaces sur place de l'être plus, plus vite, plus largement.
Je sais que nous sommes dans une école, mais je ne voudrais pas vous faire une leçon trop longue et académique. Je voudrai terminer en m'adressant à vous, les 20 « Diambar's » et vos familles, les premiers de cette promotion en Afrique du Sud. Vous allez écrire une nouvelle page de l'histoire de votre pays et du football. Aujourd'hui c'est une page vierge, demain de nombreux autres élèves suivront votre voie, votre exemple. Je voulais vous dire combien vous pouvez être fiers de ce chemin dans lequel vous vous engagez, votre avenir et celui de vos frères est entre vos mains. J'ai de l'admiration pour vous et je vous souhaite bonne chance. Je suis consciente de tout le chemin parcouru par ceux qui vous accueillent pour que votre promotion soit devenue une réalité. Quel bel exemple. Tous ensemble vous incarnez cet espoir d'un football africain exemplaire. Je suis heureuse d'être à vos côtés aujourd'hui.
Je vous remercie.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 19 janvier 2010