Entretien de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, avec divers medias, sur l'aide européenne apportée aux Haïtiens victimes d'un tremblement de terre, à Bruxelles le 18 janvier 2010.

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Intervenant(s) : 
  • Alain Joyandet - Secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie

Circonstance : Réunion des ministres européens chargés de la coopération, à Bruxelles (Belgique) le 18 janvier 2010

Texte intégral

92 millions d'euros ont été rassemblés par les Etats de l'Union européenne. Ces fonds vont être mis à disposition des Nations unies dans le cadre de cet appel d'urgence. 130 millions d'euros vont être mis en oeuvre directement par la Commission européenne, directement sur place ; ce sera une intervention d'urgence complémentaire de l'Union européenne.

Q - Comment expliquez-vous que l'Union européenne soit plus lente à réagir que les Etats membres eux-mêmes ?
R - L'Union européenne a réagi relativement vite.

Q - Une semaine après, c'est vite ?
R - Nous sommes rassemblés ce matin et chacun déjà de son côté a apporté des réponses. Il n'est pas choquant que des Etats soit plus souples, plus rapides à réagir qu'une organisation multilatérale qui a besoin de quelques jours pour organiser des réunions. L'heure n'est pas à la polémique mais à l'urgence et à l'addition des bonnes volontés. C'est ce qui se passe sur le terrain ; la France a été présente immédiatement.

Q - La France propose également une conférence internationale. Cela n'a-t-il pas un peu phagocyté le travail de l'Union européenne ?
R - La France a des relations particulières avec Haïti. Nous avons 1.400 ressortissants en Haïti dont 1.200 uniquement dans la capitale. Nous avons donc à ce titre un rôle particulier à jouer.
Nous avons été parmi les premiers sur place et nous avons pour l'heure d'ores et déjà évacué l'ensemble de nos ressortissants. Nous nous mettons à la disposition des autres Etats européens, avec les 600 personnels dont nous disposons sur place, à côté de nos amis américains. Des collègues européens nous sollicitent pour que nous venions en aide à leurs ressortissants, c'est ce que nous faisons à partir d'aujourd'hui, notamment avec les Italiens.
Je crois que la France est dans son rôle en proposant cette conférence internationale pour que, dans un deuxième temps, on puisse envisager la reconstruction d'Haïti.

Q - Est-ce que c'est un test pour Catherine Ashton de réussir à mettre tout le monde d'accord en Europe ?
R - En tout cas, la réunion que Catherine Ashton vient de présider s'est soldée, vous le verrez, par un succès, puisqu'il n'y a pas eu dissension ce matin, et sur tous les sujets. On peut vraiment dire que les Etats sont en accord. La nouvelle Haute représentante, assistée par M. Moratinos, ont fait, je crois, un très bon travail qui va être conclu par un succès.
Même si cette nouvelle fonction est en train de s'apprendre, de se mettre en oeuvre, par rapport à l'urgence de la situation et au fait que l'ampleur de cette catastrophe a surpris tout le monde, je trouve que la réponse européenne est plutôt encourageante. C'est plutôt un bon point pour Mme Ashton.

Q - Avec les Américains ?
R - Je vous l'ai dit, l'heure n'est pas aux polémiques, aux dissensions. Je constate que chacun va dans le même sens, avec un rôle vraiment positif. La réaction de la communauté internationale a été exemplaire et je veux le dire.
C'est une catastrophe d'une ampleur très importante. Les moyens qu'il faut mettre en oeuvre sont considérables. Nous sommes dans un pays où l'Etat lui-même et la Mission des Nations unies ont été touchés. Cela veut dire que contrairement à ce qui se passe ailleurs, on n'a pas pu bénéficier d'une première intervention des secours locaux, avec des moyens locaux car tout cela a été détruit. Même les premières interventions devaient donc venir de l'extérieur.
Malgré toutes ces difficultés - j'étais sur le terrain - la communauté internationale s'est mobilisée à une vitesse exceptionnelle et avec des moyens particulièrement importants.

Q - La force européenne de gendarmerie pourra arriver à quelle échéance ?
R - C'est Mme Ashton qui va travailler sur cette question. L'ensemble des Etats l'a mandatée pour qu'elle mette en place cette force européenne. Elle sera mise en oeuvre le plus vite possible.

Q - Est-ce que le rôle de la France peut aller plus loin dans la coordination de l'aide européenne à Haïti ?
R - La France est un Etat européen important mais évidemment elle est l'un des Etats au sein de l'Union européenne. Elle souhaite que l'Union européenne joue tout son rôle à côté des autres grands intervenants en Haïti.
La France, je vous le dis une fois de plus, à un rôle particulier à jouer compte tenu du nombre de ressortissants, compte tenu de son histoire avec Haïti, la francophonie, nos relations étroites, de très nombreux binationaux. La France souhaite que l'Union européenne joue tout son rôle et elle est heureuse de constater que c'est le cas mais elle a son propre rôle à jouer pour la sécurité de ses ressortissants et pour tout ce qu'elle doit apporter à la communauté, notamment franco-haïtienne. C'est la raison pour laquelle, sans attendre, la France était sur le terrain en premier.
Je voudrais ajouter un mot pour vous dire que notre action, avec tous les personnels français, a été universelle. Nous avons été un des rares pays à prendre en charge immédiatement et sans compter, l'ensemble des blessés quelle que soit leur nationalité. Nous les avons convoyés vers les hôpitaux français en Guadeloupe et en Martinique. Dans cette affaire, la France a bien entendu pris soin de ses ressortissants mais, en même temps, quelles que soient les nationalités et quel que soit le nombre, la France a pris en charge l'ensemble des autres personnes qui étaient en souffrance, ces grands malades, que nous avons acheminés depuis trois jours.

Q - C'est un rôle de chef de file en Europe ?
R - La France a un rôle spécifique. Il peut y avoir d'ailleurs plusieurs nations chef de file. Actuellement, nous sommes tout à fait disposés à être chef de file pour prendre en charge les ressortissants des autres Etats qui n'auraient pas les mêmes moyens sur place. La France n'impose rien, la France est à disposition. Nous avons des moyens importants sur place. Nous avons au moment de ma présence, quasiment mis en sécurité et en France l'ensemble des ressortissants français en Guadeloupe et en Martinique.
Ces moyens sont présents et nous avons donc la possibilité d'aider les autres Etats européens à mettre en sécurité aussi leurs propres ressortissants. Nous commençons dès aujourd'hui à Jacmel avec les ressortissants italiens. Nous nous mettons à la disposition de l'Union européenne et à la disposition d'autres Etats. D'autres Etats peuvent le faire aussi.
Vous savez, dans les moments que nous vivons aujourd'hui, il ne faut pas s'appesantir sur des questions de forme, sur des questions de principes ou de susceptibilité. Tous ceux qui ont des moyens sur place, qui peuvent alléger la souffrance des femmes et des hommes qui sont là-bas, dire quelle que soit leur nationalité, doivent le faire impérativement. C'est ce que la France fait d'une manière admirable avec l'ensemble des secours qu'elle a mis en place.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 janvier 2010