Entretien de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, à RFI le 20 janvier 2010, sur la situation à Haïti après le tremblement de terre.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Q - Bonjour Alain Joyandet, avant de parler des secours, de l'aide, de la reconstruction, de la diplomatie, pouvez-vous pour commencer nous dire ce que vous ramenez comme images des deux jours que vous venez de passer en Haïti ?
R - J'en ramène les images d'une ville en grande partie détruite, comme si elle avait été bombardée. C'est vraiment l'image que j'ai eu en arrivant, comme s'il y avait eu un bombardement avec des rues entières détruites, des bâtiments entiers, des milliers de maisons et vraiment une impression de chaos avec des morts en très grand nombre. C'est vraiment une catastrophe humanitaire dramatique.
Q - On parle beaucoup de défaut d'organisation dans les secours, ce qui peut se comprendre compte tenu de l'ampleur de cette catastrophe, mais d'après vous la situation tend-elle à s'améliorer ? Désormais les besoins sont-ils clairement identifiés ?
R - Je crois que l'ampleur de la catastrophe rendait très compliquée, dans les premières heures, la coordination et la possibilité d'apporter en volume autant de moyens pour qu'ils correspondent à cette ampleur de la catastrophe.
Je crois que les choses ont été faites vraiment le mieux possible par les différents intervenants. J'ajoute que les moyens internes à Haïti qui auraient pu permettre de commencer, parce qu'en général cela se passe ainsi, ce sont les moyens internes du pays où il y a une catastrophe qui entre en jeu, la communauté internationale vient en relais. Dans le cas présent, la catastrophe a aussi endommagé considérablement les moyens qui étaient sur place. Vous savez que le commandement des Nations unies a été, hélas, très touché, notamment avec la disparition de son responsable, le palais présidentiel également, de nombreux ministères. Face à une situation aussi difficile, l'organisation des secours a été la meilleure possible.
Q - Les Etats-Unis ont déployé et sont en train de déployer un dispositif particulièrement impressionnant sur place, est-ce qu'ils font ce qu'il faut ou est-ce qu'ils en font un peu trop ?
R - Je pense que l'on ne peut que se réjouir de ce que font les Etats Unis d'Amérique. Et j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises.
Grâce à eux, l'aéroport a été ouvert très rapidement et puis je crois que l'ampleur de cette catastrophe nécessite des moyens très importants. Les Etats-Unis d'Amérique sont très proches, ils ont ces moyens à déployer, on ne peut que s'en réjouir.
Q - Les Américains ont pris le contrôle de l'aéroport de Port-au-Prince et ils ont interdit samedi dernier un avion français qui transportait un hôpital de campagne de se poser. Vous avez dit qu'à ce moment-là vous aviez émis une protestation officielle auprès des autorités américaines, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner a aussitôt démenti. Protestation ou pas, Alain Joyandet ?
R - Vous savez, j'ai redit, j'ai salué à plusieurs reprises ce que faisaient nos amis américains. J'étais sur place. Il est vrai qu'au tout début il y a eu quelques difficultés techniques liées à la complexité de la situation. Un certain nombre d'avions devaient atterrir et notamment un hôpital de campagne venu de France. Il y a donc eu ce moment de difficulté dans les premières heures de la coordination.
Q - Vous avez protesté ?
R - Je suis intervenu pour que l'hôpital de campagne arrive le plus vite possible.
Q - En faisant part de votre mécontentement auprès de l'ambassadeur américain ?
R - J'ai indiqué qu'il fallait absolument que cet avion atterrisse. L'essentiel c'est que la coordination entre les Etats-Unis et la France fonctionne parfaitement bien et que sur le terrain les choses sont excellentes.
Q - Le président américain semble vouloir travailler, c'est ce qu'il disait hier, avec le Brésil et le Canada pour la reconstruction. La France et l'Union européenne n'ont pas été citées. Est-ce que c'est un parti pris ou est-ce que c'est un oubli ?
R - Non, je pense que tout le monde sera évidemment associé. Je rappelle que c'est une initiative du président de la République française, Nicolas Sarkozy, qui a souhaité justement que très vite, une conférence internationale soit organisée, parce que d'ores et déjà il faut penser à la reconstruction d'Haïti, j'allais même dire à la construction d'Haïti. C'est dans des conditions différentes, il faut penser imaginer un nouvel Haïti sur des bases nouvelles et puis si possible penser à son développement économique et à sa relance. Servons-nous de cette grande catastrophe pour voir l'Haïti de demain.
Q - Est-ce que la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton n'aurait pas du se rendre sur place ?
R - Elle a pris une initiative très intéressante de réunir ici en Europe, les ministres européens des Affaires étrangères et du développement, pour faire en sorte que l'Europe réponde présent. Et je pense que c'est ce qui a été fait.
Q - Est-ce qu'elle n'a pas manqué une occasion de faire mieux exister l'Europe sur la scène mondiale et, elle, de mieux exister sur la scène européenne ?
R - Je crois que Mme Ashton a bien fait de réunir immédiatement et ce n'est pas aussi simple l'ensemble des ministres des Affaires étrangères et du Développement pour leur suggérer un certain nombre de décisions très positives qui ont été prises, et d'ailleurs avec ses résultats financiers qui sont particulièrement intéressants puisqu'au total, c'est tout de même plus de 400 millions d'euros qui vont être mobilisés, entre l'aide d'urgence, la participation à la reconstruction. J'en profite pour dire qu'à cette occasion la France a dégagé 10 millions d'euros supplémentaires, après en avoir mis 2 millions pour l'aide alimentaire. Vous voyez que l'Europe et la France sont particulièrement présentes.
Q - Très rapidement, est-ce que les parents adoptifs de petits haïtiens qui sont toujours sur place et qui dénoncent un manque de souplesse vont obtenir satisfaction ?
R - Le ministre des Affaires étrangères a répondu sur ce point. Je crois que sur 500 dossiers qui sont en cours, Bernard Kouchner a indiqué que 128 étaient d'ores et déjà prêts et que bien sûr, comme l'a demandé le président de la République, les choses vont s'accélérer.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2010