Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur la place centrale de l'alimentation dans la politique agricole, Paris le 21 janvier 2010.

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Circonstance : Voeux à la presse, à Paris le 21 janvier 2010

Texte intégral

2009 a été une année calamiteuse pour l'agriculture
La plus grave crise depuis 30 ans.
Crise économique, qui plonge des milliers de familles dans la détresse. Ma 1ère responsabilité est d'offrir une perspective et des revenus stables à tous les agriculteurs : il n'y a pas d'agriculture sans agriculteurs.
Crise morale (Quelle est leur place dans la société ? Qu'est-ce qu'on attend aujourd'hui de l'agriculture ?) Répondre à ces 2 questions est aussi ma responsabilité.
Comment ?
Nous devons donner un sens politique à l'agriculture en mettant l'alimentation au coeur de notre action :
Rappeler que la finalité 1ère de l'agriculture et de la pêche, c'est l'alimentation de tous les Français et des Européens.
c'est un enjeu géopolitique mondial avec 1 milliard de personnes sous-alimentées.
c'est aussi un enjeu de sécurité pour l'Europe
c'est enfin un enjeu social, notamment chez les jeunes et dans les classes sociales défavorisées.
6,5 M d'obèses et 14,5 M d'adultes en surpoids en France.
Nous allons mettre en oeuvre un Programme national pour l'alimentation, pour :
1. Améliorer l'information et l'éducation
Nous ferons évoluer l'étiquetage des produits alimentaires pour répondre aux attentes des consommateurs.
La loi fixera des règles nutritionnelles en restauration scolaire et universitaire. Aujourd'hui ce sont de simples recommandations, (circulaire de 2001) peu connues et non respectées.
Nous aurons des manifestations :
J'inaugurerai le 3 février l'Exposition « Bon appétit ! » organisée à la Cité des Sciences pour apprendre aux enfants à bien manger.
Au Salon de l'agriculture (du 27 février au 7 mars) Nous avons fait le choix d'un stand d'un nouveau genre, axé spécifiquement sur l'alimentation.
Sur le Site Internet du MAAP, un nouveau portail « alimentation.gouv.fr » sera consacré à la politique de l'alimentation pour le grand public. Il ne remplace pas « agriculture.gouv.fr ».
Nous étendrons à la rentrée 2010 l'opération « Un fruit pour la récré » à 1 M d'enfants (aujourd'hui 350 000).
2. Faire évoluer l'organisation de la chaîne alimentaire
Développer les circuits courts, notamment dans la restauration collective,
Développer l'alimentation bio (20 % d'aliments bio dans la restauration collective publique en 2012).
Lutter contre les gaspillages (15 à 30 % de la production alimentaire est perdue en France). Ex : valoriser les invendus dans tous les marchés d'intérêt national et sur les criées (comme nous le faisons déjà à Rungis).
3. Promouvoir le modèle alimentaire français
Arrêter les « interdits » alimentaires (sur le lait, la viande, Paul Mc Cartney) : le modèle français est fondé sur la diversité des produits et l'équilibre des repas.
Journées du patrimoine étendues au patrimoine gastronomique
Le 9 mai, pour la Journée de l'Europe, nous organiserons des manifestations spécifiques pour valoriser notre patrimoine culinaire et agricole.
Il y aura aussi le Salon International de l'Alimentation (SIAL) à l'automne 2010.
Nous devons donner un sens à l'agriculture française, mais nous devons aussi lui donner des moyens, aux niveaux national et européen :
Pour permettre aux producteurs de vivre de leurs revenus.
il n'est pas acceptable que les agriculteurs produisent à perte (ex. kilo de pommes)
il n'est pas acceptable que le producteur soit systématiquement la variable d'ajustement de la filière alimentaire.
Cela doit changer.
1. Stabiliser le revenu des producteurs
par des contrats écrits
par un système d'assurances plus performant
en renforçant l'observatoire de la formation des prix et des marges
en renforçant le pouvoir des interprofessions (y compris en modifiant le droit européen de la concurrence)
Il faut mieux répartir la valeur ajoutée au sein des filières
2. Mieux prendre en compte l'impact économique des contraintes environnementales pour le producteur
Une agriculture durable, évidemment
Je proposerai avec Jean-Louis Borloo une nouvelle méthode de travail dans les prochains jours :
Pour toute nouvelle mesure, dans le respect du Grenelle, une étude d'impact devra répondre à 3 questions :
Quel est le bénéfice réel pour la société ? Le progrès qu'elle permet d'accomplir ?
Quel est l'impact économique pour la filière ?
Cette mesure est-elle mise en place au même niveau par nos voisins européens ?
3. Préserver le capital agricole français
Observatoire national
Dispositions fiscales
pour limiter la perte de terres agricoles.
4. Encourager la recherche appliquée et l'innovation :
Par le Grand Emprunt, qui soutiendra :
les biotechnologies (chimie du végétal, biocarburants).
les nouvelles technologies de propulsion des navires de pêche
les 10 000 PME agroalimentaires
Le pilier européen : la régulation des marchés agricoles.
Une chose dont je suis fier depuis 6 mois : nous avons réussi à renverser la perspective de l'Europe agricole.
Nous étions partis vers la libéralisation totale des marchés agricoles,
Nous sommes revenus vers la régulation avec l'Appel de Paris du 10 décembre,
Je ne dis pas que nous avons atteint le but, mais nous avons inversé la perspective.
1. Nous avons respecté les règles européennes
J'ai assumé les demandes de remboursement d'aides d'Etat jugées illégales par Bruxelles
2. Nous avons multiplié les démarches diplomatiques
En nous appuyant sur l'Allemagne,
Puis en ralliant 1 à 1 nos partenaires européens sur le dossier du lait,
Avec l'Appel de Paris, nous avons réussi à remettre les objectifs politiques avant les objectifs budgétaires,
Maintenant le travail diplomatique se poursuit :
J'irai à Londres mercredi prochain
Je présiderai la réunion du comité des ministres de l'agriculture de l'OCDE à Paris les 26 et 27 février, à la veille de l'ouverture du SIA.
3. Nous avons apporté des arguments convaincants en faveur de la régulation
avec la régulation des marchés financiers
et la lutte contre le changement climatique
la régulation des marchés agricoles est le 3ème grand enjeu mondial aujourd'hui.
Pourquoi cette régulation des marchés agricoles est-elle indispensable ?
Pour stabiliser les cours des matières premières dont la volatilité est insupportable pour les agriculteurs européens, et encore plus pour les agriculteurs des PVD.
Pour stabiliser les revenus des agriculteurs et stabiliser les prix
Pour permettre à chaque région du monde d'assurer son autonomie alimentaire.
Quand les Etats-Unis augmentent de 20 Mrds $ leur budget agricole,
Quand la Chine double son budget agricole et achète massivement des terres cultivables à travers le monde
Il serait absurde de ne pas préserver l'agriculture européenne
Nous voulons une PAC forte,
Avec un budget conséquent,
Nous refusons toute renationalisation de la PAC.
Nous devons faire preuve d'audace et d'imagination.
Je lancerai mi-février un groupe de réflexion sur l'avenir de la PAC avec une quinzaine de personnalités issues de tous horizons.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 22 janvier 2010