Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec RTL le 13 janvier 2010, sur le séisme en Haïti.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - D'abord avez-vous des nouvelles, en particulier à travers l'ambassade de France à Port-au-Prince ?
R - Je viens d'avoir au téléphone notre ambassadeur, M. Le Bret qui a été lui-même touché. Il est très choqué par ce qu'il vient de découvrir, il revient d'une tentative d'exploration dans la ville. Evidemment c'est très difficile parce que c'est un véritable chaos et les conditions de circulation sont particulièrement difficiles. Nous n'avons qu'un téléphone nous permettant de communiquer avec lui, un seul, toutes les communications étaient interrompues depuis le tremblement de terre qui, je vous le rappelle, s'est déroulé juste avant 23h00 - heure française - hier soir. Le bilan est difficile à établir. Il y a entre 1.200 et 1.500 Français vivant en Haïti. Il faut affirmer à ces Français d'Haïti notre solidarité et notre souci de sécurité. Je vais m'entretenir avec le président Préval dont le palais présidentiel s'est également écroulé, mais il s'en est sorti. Ce que vient de dire notre ambassadeur il y a quelques minutes, c'est que le bas de la ville a été fortement détruit et les collines environnantes ont été plus épargnées - ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas eu de secousses ou de dégâts dans ces endroits. Le bas de la ville est donc vraiment dans un chaos terrible avec une poussière qui n'est pas retombée et où se trouvent probablement de nombreux morts.
Q - Evidemment c'est encore plus terrible parce que c'est en Haïti. C'est un pays très pauvre, aux infrastructures très fragiles, un pays sous perfusions avec l'aide internationale même quand il ne va pas trop mal.
R - Oui, mais cela veut dire que les services qui n'étaient déjà pas extrêmement efficaces sont évidemment maintenant complètement fracturés, déboussolés. Il faut que l'on s'assure de la logistique pour être efficace. Je vous rappelle que deux avions français partent d'ici une heure, l'un de la Guadeloupe passant par la Martinique et arrivant en Haïti le premier et puis un autre au départ de Paris avec escale à Marseille. Il y a 120 sauveteurs et personnels médicaux à bord avec du matériel. L'aéroport de Port-au-Prince semble praticable.
Q - Vous l'avez dit, c'est un pays qui n'a pas les moyens finalement de se porter secours lui-même de façon extrêmement efficace, faute de structures. Vous connaissez bien ces situations de catastrophes naturelles, Bernard Kouchner, quelle va être l'urgence des secours de la communauté internationale sur place ?
R - L'urgence est d'arriver le plus vite possible, d'abord parce que, hélas, les blessés qui sont coincés sous les décombres succombent. Arriver vite, être très efficace et ne pas constituer une charge supplémentaire afin que les secours ne s'embouteillent pas. Cela à l'air ridicule ce que je dis mais c'est hélas l'expérience qui parle. Vous savez, il y avait sur place une mission des Nations unies, la MINUSTAH, qui devait suppléer aussi bien en terme de sécurité, de formations, que de développement. Hélas, le bâtiment de l'ONU s'est écroulé et il semblerait que tous ceux qui étaient dans le bâtiment, dont mon ami Hedi Annabi, l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, soient morts.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 janvier 2010