Déclaration de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur les missions des centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI), Paris le 27 avril 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Signature de la charte des centres de culture scientifique, technique et industrielle, à Paris le 27 avril 2001

Texte intégral

Je l'ai souvent souligné : nous devons développer une science citoyenne. Une science qui soit au contact direct des citoyens et de leurs interrogations.
Nos concitoyens aspirent à être pleinement informés des avancées et des enjeux de la recherche scientifique et technologique.
En novembre 2000, à la demande du Ministère de la Recherche, la SOFRES a réalisé un sondage sur "Les Français et la recherche scientifique". 63 % des personnes sondées ne s'estiment pas " suffisamment informées sur les découvertes scientifiques ". Ce pourcentage monte même à 74 % chez les 18-24 ans.
Il faut donc répondre à ce désir de connaissance, à cette volonté d'être informé, qui se heurte à une fonction d'information scientifique souvent insuffisamment assurée par les médias audiovisuels.
Comme moi-même, les Centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) sont convaincus de la nécessité de faire vivre la culture scientifique et technique partout et pour tous. J'accorde donc une très grande attention à l'action que vous menez avec efficacité et souvent avec passion.
Pour renforcer la culture scientifique et technique, j'ai augmenté sensiblement au budget 2001 les crédits qui lui sont consacrés : ceux-ci s'élèvent désormais à 56,5 MF. Sur ces 56,5 MF, les crédits attribués au CCSTI augmentent de 11 MF : ils passent de 22 MF en 2000 à 33 MF en 2001. Très précisément 33.304.000 F, dont 25.920.000 F à travers les CPER et 7.384.000 F hors CPER.
Il s'agit, après une période de stagnation, de donner une nouvelle impulsion à ces associations. On peut considérer que leur développement s'est véritablement amorcé à partir de la loi de programmation de la recherche de 1982, quand les grands organismes ont eu à valoriser leurs avancées scientifiques et donc à trouver, en région, des relais capables de les faire connaître.
Aujourd'hui au nombre de 29, les CCSTI ont diversifié leurs activités. Il a donc paru nécessaire, afin d'harmoniser et de valoriser leur action, de repréciser leurs missions. Sur la recommandation du Conseil scientifique de la culture et de l'information scientifiques et des musées, présidé par le Professeur Guy Ourisson, et à la suite du rapport rédigé par Mme Jeannine Geyssant et M. Michel Cabaret, nous allons donc signer cette Charte nationale. Elle établit un "code de conduite", qui permettra enfin aux CCSTI d'être reconnus comme de véritables partenaires du Ministère de la Recherche.
Déjà, la plupart des CCSTI ont vu leurs actions inscrites dans les Contrats de Plan Etat-Région. Aujourd'hui, la signature de cette Charte nationale constitue une reconnaissance supplémentaire du rôle des CCSTI dans le développement de la culture scientifique en région.
Les missions des CCSTI ont été redéfinies
Les CCSTI ont pour but de favoriser un partage des savoirs, en offrant au plus large public les moyens de s'informer et de réfléchir sur les évolutions scientifiques et techniques de notre temps. Ils doivent donc concentrer leurs efforts sur trois axes :
servir de centres de ressources et de diffusion : en s'appuyant sur les grands organismes de recherche nationaux et sur les ressources scientifiques régionales, ils collectent un ensemble d'informations et les mettent à disposition du public sous forme de bibliothèques et de médiathèques.
multiplier les interlocuteurs en suscitant des partenariats : le recours au partenariat départemental, régional, national voire international est une donnée essentielle de l'identité des CCSTI. La mobilisation des centres de recherche universitaires, du monde des entreprises, des associations culturelles et de loisirs, et des établissements scolaires, vise à fédérer les énergies : en réalisant en commun des manifestations répondant à des besoins précis du public.
assurer la communication autour des questions scientifiques : sous forme de conférences, de débats, de forums, d'expositions, d'organisation de concours, d'installation de "cafés des sciences", les CCSTI animent la réflexion autour des grands sujets de la science contemporaine. Obtenir une implication forte de la presse régionale permettrait de répercuter ces initiatives et d'en multiplier l'effet. Par ailleurs, la participation à de grandes opérations comme la Fête de la Science - dont vous êtes les indispensables relais - confère une dimension nationale à votre présence sur le terrain, et contribue à donner un esprit collectif à cette "mise en culture" de la science.
En fonction de sa dimension, de ses orientations et de ses moyens, chacun des Centres assurait déjà l'une ou plusieurs de ces activités. Leur inscription dans la Charte et la reconnaissance du Ministère de la Recherche visent à fédérer les CCSTI en un véritable réseau, afin de renforcer leur coopération et leur information réciproque, de mieux mutualiser leurs ressources et, par conséquent, de renforcer leur impact.
Les CCSTI ont pour vocation d'atteindre le plus large public
Comme vient de le rappeler M. Niel - que je remercie pour l'excellent travail de coordination qu'il effectue à la tête de l'Association nationale "La réunion des CCSTI" - les préoccupations sur l'avenir de la science sont l'affaire de tous. Nous devons développer une science publique, une science "désanctuarisée", au contact direct des citoyens et de leurs interrogations. Les CCSTI disposent d'atouts importants pour faire sortir la science de la forteresse du savoir académique.
Ils sont représentés dans la totalité des régions françaises, y compris Outre-mer
Ils constituent ainsi un "maillage" de l'ensemble du territoire, ce qui permet la conduite d'actions concertées avec les autres acteurs de la vie associative. Ils jouent ainsi le rôle de catalyseurs pour les initiatives locales.
Par ailleurs, la subvention de l'Etat peut servir de levier pour attirer d'autres financements, et leur permettre de démultiplier leur action.
Ils effectuent un travail de proximité
Vous allez à la rencontre de publics très divers, dont les attentes sont spécifiques.
Le succès obtenu, par exemple, par l'opération "Mille classes, mille chercheurs" dans les établissements secondaires prouve que l'intérêt des enfants et des adolescents pour les questions scientifiques s'éveille facilement, pourvu que le rapport soit personnalisé. Faire mieux connaître les métiers de la recherche aux collégiens et lycéens, et en particulier aux filles, peut susciter des vocations.
Les CCSTI sont appelés à devenir aujourd'hui l'échelon de proximité qui diffuse l'information scientifique vers le citoyen, et qui crée une relation directe et interactive entre celui-ci et la science..
Il faut rapprocher science et société
Il faut "repolitiser la science", c'est-à-dire lui faire retrouver sa place dans la Cité, dans le débat civique et politique.
L'attention de nos citoyens se porte très légitimement vers des questions essentielles comme les applications de la génomique et de la post-génomique, les thérapies géniques et cellulaires, les recherches sur les cellules souches embryonnaires, l'ESB et la maladie de Creutzfeldt-Jakob, les OGM, l'effet de serre ou le devenir des déchets radioactifs.
Il importe que les citoyens se réapproprient les choix scientifiques et technologiques. Nos concitoyens doivent pouvoir débattre des choix scientifiques avec les chercheurs et avec les responsables politiques.
En réalité, la science est largement absente du débat public et des programmes politiques. Jaurès, Mendès France ou de Gaulle parlaient de la science. Aujourd'hui, les partis politiques n'en parlent plus guère.
Les enjeux scientifiques doivent faire leur entrée - ou plutôt leur retour - dans les programmes des partis politiques.
A cet égard, si l'on veut que les électeurs puissent ressaisir le pouvoir de décider sur ces enjeux, la campagne présidentielle et législative de 2002 devra faire une place nettement accrue aux grands choix scientifiques. Il est grand temps que les formations politiques réintègrent les enjeux scientifiques dans leur discours et leur projet. La politique est l'affaire de chacun. Elle doit donc englober aussi la science, qui concerne chacun.
Notre démocratie est politique, sociale et économique. Elle doit devenir aussi une démocratie scientifique. La science et la technologie moderne modifient et parfois bouleversent - le quotidien de chacun et son avenir. Elles sont porteuses de changements profonds et parfois radicaux. Ce changement doit être voulu et décidé. Il doit être choisi, consenti et non pas subi.
M. Niel a terminé en parlant d' "utopie". Je reprends volontiers ce mot à mon tour. L'utopie est nécessaire dans la mesure où elle trace une perspective, un horizon et indique la volonté de les atteindre à terme.
Victor Hugo le disait d'ailleurs : "L'utopie, c'est la vérité de demain".
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 2 mai 2001)