Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à La Chaîne Info le 3 février 2010, sur la grève à la SNCF, la réorganisation du transport des marchandises, l'organisation d'un contrôle aérien au niveau européen et les élections régionales en Poitou-Charentes.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Encore une grève à la SNCF, à cause de la réorganisation des effectifs. La CGT réclame au moins 1.500 embauches. A-t-elle raison ?
 
Ce n'est pas un problème d'embauche. La SNCF a vécu une année 2009 difficile, parce que c'était la crise, donc moins de gens dans les TGV, moins de marchandises transportées dans les trains de fret, donc une année difficile. La SNCF doit ajuster son budget, donc elle a un choix à faire entre tant ou tant d'embauches. Elle le fera en réalité au fur et à mesure de l'année, selon les trafics et selon les résultats.
 
Vous évoquez le fret. On remet de l'argent, des milliards chaque année, ça ne marche pas. Est-ce que la SNCF ne doit pas s'en détourner ? Il y a d'autres opérateurs qui vont arriver.
 
Il y a d'abord 15 % du fret actuellement en France, des trains de fret qui circulent sur nos voies ferrées, qui sont faits par des opérateurs privés, qui peuvent être privés ou d'autres opérateurs européens, d'ailleurs la SNCF fait la même chose dans les autres pays européens. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est que la SNCF se re-concentre bien sur le fret, parce qu'avec J.-L. Borloo, nous souhaitons que dans le cadre du Grenelle de l'environnement, on passe des camions sur des routes aux chemins de fer ou sur les canaux. Donc on demande à la SNCF un gros effort, elle va le faire, avec une nouvelle organisation. C'est difficile parfois au sein de l'entreprise de mettre en place cette nouvelle organisation, mais si elle ne le fait pas, elle est condamnée à ne plus être un acteur important du fret en France, ce qui n'est pas possible pour l'entreprise ferroviaire historique.
 
Sur plusieurs dossiers, le fret, les dessertes TGV déficitaires, on vous a vu prendre vos distances avec le président de la SNCF, G. Pépy. Y a-t-il un problème ?
 
Non, G. Pépy est un excellent président de la SNCF, c'est un homme de dialogue, c'est un homme de communication, c'est un bon gestionnaire. Il vit son entreprise de manière très forte dans sa personnalité. Simplement, à certains moments, l'Etat qui est l'actionnaire et le patron de la SNCF, discute avec son président, et sur telle ou telle chose, en ayant des avis qui parfois peuvent être légèrement différents. Et puis ensuite, nous en discutons. Mais vraiment, il n'y a aucun problème avec G. Pépy, la SNCF a de la chance d'avoir un homme de cette qualité à sa tête.
 
Et pourtant, syndrome France Télécom, dénonce la CGT, il y a de la souffrance au travail à la SNCF. C'est vrai, il faut écouter cet appel ?
 
Vous savez, moi je suis fils et petit-fils de cheminots, j'ai travaillé à la SNCF quand j'étais étudiant. C'est une entreprise difficile, parce que quand on a dans les mains la sécurité de ses clients, de ses passagers, ça demande en effet une grande concentration des conducteurs, des contrôleurs, des agents de circulation. Peut-être que ici et là, il y a des soucis d'organisation, je pense que la SNCF est capable de les régler sereinement.
 
Préavis de grève, aussi, du contrôle aérien pour les vacances de février, parce qu'on veut réorganiser au niveau européen le contrôle. Que leur dites-vous ? Vous abandonnez ce projet européen, vous les rassurez ?
 
Non, surtout pas. Vous savez, l'idée, c'est que quand par exemple vous prenez un avion à Paris pour aller à Milan, vous allez passer au-dessus de la Suisse, de l'Italie, en venant de la France, et vous allez passer par plusieurs contrôles aériens, ce qui fait qu'au lieu d'avoir une route droite, comme une voie, à vol d'oiseau, vous allez avoir une route à plusieurs tronçons, vous perdez du temps, vous perdez de l'argent, les passagers perdent du temps dans l'avion, consomment plus de CO2, plus de kérosène. Donc on va mettre en place un contrôle aérien européen...
 
Et on supprime des emplois...
 
On ne supprimera pas du tout d'emplois, au contraire, parce que ça nécessite que les choses se réorganisent. Simplement, c'est une nouvelle organisation, donc il y a un syndicat des contrôleurs aériens qui est à fond pour et un syndicat qui est à fond contre. Donc le gouvernement et la Direction générale de l'aviation civile discutent dans ce cadre-là.
 
Quelle est votre conviction sur le dossier du Concorde ? Est-ce qu'il était en feu avant de rouler sur la fameuse lame métallique, comme le disent les avocats de Continental Airlines ?
 
Vous savez, moi j'étais député de l'opposition, j'ai suivi cette affaire à ce moment-là. J'ai écouté J.-C. Gayssot, qui a pris courageusement ses responsabilités. Il faut attendre le résultat du procès. J'ai très confiance dans le Bureau enquêtes analyses, je travaille avec eux depuis plusieurs années...
 
Donc leur version est la bonne ?
 
Je pense que leur version est la bonne. Ceci étant, le procès est là pour établir la vérité. Il y a une autre thèse qui mérite d'être écoutée, et puis la justice tranchera.
 
1 euro, 75 centimes, c'est le montant de certains chèques envoyés par la RATP, aux usagers victimes des grèves de RER en décembre. Je vois que ça vous fait rire...
 
Oui...
 
Pour ceux qui reçoivent le chèque, ce n'est pas...
 
Oui, parce que je l'ai dit hier au président de la RATP. On inaugurait ensemble un nouveau bus formidable, hybride, qui va circuler en région Ile-de-France et je lui ai dit que ces chèques, il aurait mieux fait de ne pas les envoyer, ou alors d'attendre...
 
Que vont-il faire ? Ils vont en envoyer d'autres, réparer les choses ?
 
Ecoutez, on va voir ça. Ça fait un peu sourire.
 
Après trois refus de mobilité, un fonctionnaire pourra perdre emploi et salaire. Le Gouvernement va-t-il retirer ce projet de décret ?
 
Je l'ai appris, ce décret, par la presse, donc je n'ai pas d'idée là-dessus pour l'instant.
 
Ça vous semble logique que si on vous propose trois postes et qu'on refuse, eh bien, on finisse par...
 
Vous savez, ça existe dans la fonction publique territoriale. Si vous êtes fonctionnaire territorial à La Rochelle ou à Royan ou à Poitiers, si vous ne voulez pas bouger, à un moment on vous demande d'aller dans une autre commune. Bon, il faut voir ça, je ne connais pas le dossier.
 
Oublié, le colloque sur l'identité nationale, qui devait avoir lieu demain. C'est un enterrement de première classe pour ce débat ?
 
Non, je crois que le débat a eu lieu dans le pays, il a été fructueux...
 
On passe à autre chose ?
 
On passe à autre chose.
 
Refus de naturalisation pour un homme voilant intégralement sa femme. Ça fait aussi un peu diversion avant les régionales....
 
Très franchement, E. Besson a raison. J'ai trouvé que l'attitude de cet homme, si telle est la description que j'ai entendue à la télévision, à la radio, est choquante, et qu'en effet, E. Besson a raison de montrer qu'être citoyen français, c'est avoir bien sûr des droits et c'est aussi avoir un certain nombre de devoirs, dont celui de respecter sa compagne ou son épouse.
 
Vingt-huit présidents de conseils généraux de droite déclarent la guerre à l'Association des départements de France, pilotée par la gauche. Une tribune dans Le Figaro dit que cette ADF est trop opposée à la réforme des collectivités locales. Vous n'êtes pas dans les signataires, pourquoi ?
 
Oui, je n'ai pas signé cette tribune, parce que je suis en même temps membre du Gouvernement et que je travaille avec tous les présidents de conseils généraux. Donc je ne voulais pas rentrer dans un débat. Mais je peux vous dire que dans le cas de mon département, la Charente- Maritime, pour l'instant, nous attendons pour payer notre cotisation à l'ADF, dans le département que je préside, parce qu'en effet, je trouve que son attitude est devenue partisane. Alors que la grande force des associations d'élus en France, sur les territoires, comme au niveau national, les maires, les régions, les départements, ça a toujours été d'être pluraliste, et je trouve que l'ADF sort de son pluralisme.
 
Envoyé de l'Elysée, revanchard, cumulard...
 
Ça, j'ai déjà entendu ça, oui !
 
C'est D. Bussereau vu par S. Royal. Alors, que lui répondez-vous ?
 
Ecoutez, "envoyé de l'Elysée", je suis membre du gouvernement de N. Sarkozy. "Revanchard", non, parce que je n'ai pas été tête de liste aux dernières élections régionales dans le Poitou-Charentes. "Cumulard" non plus, j'avais deux mandats et pour me préparer à ces élections régionales, j'ai démissionné de celui qui m'était le plus cher, celui de conseiller municipal de mon village, là où j'habite, Saint-Georges-de-Didonne, à côté de Royan.
 
S. Royal est devenue invisible à Paris, elle est à 100 % en Poitou-Charentes. Elle a déjà partie gagnée, comme on l'entend rue de Solferino ?
 
Madame Royal, dans cette affaire, est très contestée au niveau local, vous verrez ce matin...
 
Par qui ?
 
Par des élus socialistes. Vous le verrez ce matin dans Libération, dans d'autres journaux, qui publient un appel d'élus socialistes qui protestent contre sa manière d'organiser, de mener la campagne, et de faire ses listes. Donc, on verra bien le résultat final. Pour moi, je conteste non pas ces listes, je conteste son projet, mais je le fais dans un débat républicain, courtois, et je l'espère, qui intéressera les Picto-charentais.
 
Grogne aussi à l'UMP sur la composition des listes, trop de places pour les petites composantes...
 
Ça, C. Barbier, c'est la proportionnelle. Dès que l'on est dans ce mode de scrutin, qui est un mode de scrutin injuste, qui privilégie des appareils plutôt que les hommes, qui fait qu'on fait des choix parisiens et non pas des choix locaux, on a ce type de problème, ce qui veut dire qu'il faut vraiment se débarrasser de la proportionnelle, et que l'élection des conseillers territoriaux...
 
2014...
 
...Au suffrage universel, le même homme ou la même femme, représentant le département et la région, sur un territoire où chacun le connaîtra, est une notion de bon sens.
 
Dites-vous "bravo" à M. Aubry pour sa fermeté face à G. Frêche ?
 
Je dis trois choses sur l'affaire G. Frêche. Un, bravo à ceux qui l'ont mise en exergue, qui ont rappelé par un grand hebdomadaire que vous connaissez bien...
 
L'Express...
 
Ce qui c'était passé. Deux, le PS aurait pu s'en occuper avant. On savait avant qu'il ait l'investiture tout ce qu'il avait dit. Donc il y avait déjà une part d'hypocrisie. Trois, madame Royal (sic) dont vous parlez, j'aimerais bien qu'elle s'exprime sur ce point. Et quatre, peut-être que cette affaire montrera que le PS est un parti de gouvernement, qui sait prendre à un certain moment ses responsabilités au détriment peut-être de ses intérêts. Tant mieux pour la démocratie.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 5 février 2010