Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur son engagement parmi les trotskistes, à l'Assemblée nationale le 5 juin 2001.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député,
Puisque vous m'interpellez publiquement, je vais me faire un plaisir de vous répondre.
Il est vrai que dans les années 60, j'ai marqué de l'intérêt pour les idées trotskistes, et que j'ai noué des relations avec l'une des formations de ce mouvement. Il s'agit, là, d'un itinéraire personnel, intellectuel et politique, dont je n'ai en rien, si c'est le mot qui convient, à rougir.
J'ai déjà eu l'occasion de dire dans plusieurs déclarations que j'étais un enfant de Suez et de Budapest. C'était une façon de marquer que pour moi, dans cette époque des années 60, très différente avec celle que nous connaissons maintenant, deux éléments ont été essentiels dans mon mûrissement politique et dans mon engagement : l'anticolonialisme et l'anti-stalinisme.
Et, pour moi, je me suis engagé fermement en faveur de l'évolution notamment en Algérie - et tout le monde ne peut en dire autant, même aujourd'hui - et d'autre part, effectivement, pour moi, dans les idées trotskistes, il y avait ce que j'appellerais une amorce des thèmes anti-totalitaristes qui ont fait florès plus tard. Je veux rappeler aussi que dans cette période très idéologique, le Parti communiste n'était pas ce qu'il était et le nouveau Parti socialiste ne s'était pas encore formé. Je n'ai donc, par rapport à cette pensée, ces engagements, qui ont relevé de rencontres intellectuelles, de conversations privées, je n'ai donc à formuler ni regrets ni excuses. J'ai rencontré dans ces contacts quelques hommes remarquables, et cela a contribué à ma formation.
Se pose une deuxième question : pourquoi n'en ai-je pas parlé plus tôt ? Eh bien, honnêtement, mesdames et messieurs les députés, parce que je crois que cela n'intéressait personne. Et je ne crois pas d'ailleurs, aujourd'hui encore, même si je trouve légitimes les interpellations ou les enquêtes qui sont faites par les journaux - je ne les conteste pas - que cela passionne.
Enfin, j'ai toujours considéré que ce qui relevait des idées, des opinions, du libre débat, à partir du moment où il ne s'agissait pas d'un engagement public, relevait de la liberté d'opinion et je ne sache pas que dans les démocraties, il existe un délit d'opinion. Donc, je ne voyais pas pourquoi j'aurais à en rendre compte.
Enfin, mon engagement dans le Parti socialiste depuis maintenant trente ans - et nous fêterons cela bientôt - a été un engagement de nature différente. Il a été constamment public. Il s'est appuyé sur des écrits, des déclarations, des interviews, des débats politiques souvent avec vous et parfois contre vous. Il a relevé aussi de mon engagement dans les confrontations électorales. Je l'ai toujours assumé publiquement. J'en ai rendu compte à ses militants comme à l'opinion. C'est ainsi que j'en ai été successivement un responsable, puis le premier secrétaire. C'est aussi en son nom, et parce que choisi, que j'ai été ministre de l'Education nationale. C'est encore à l'issue d'une victoire de la gauche au sein de laquelle le Parti socialiste avait joué un rôle essentiel que je suis devenu Premier ministre.
Eh bien, je pense que ce qui est important, aujourd'hui, c'est ce que j'ai fait depuis quatre ans, et c'est peut-être aussi ce que nous ferons ensemble. J'invite chacun, sur tout sujet, à donner sa vérité.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 7 juin 2001)