Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur l'établissement d'un partenariat global entre la France et la Syrie, notamment en vue du processus de paix au Proche-Orient et dans les négociations avec l'Iran, à Damas le 20 février 2010.

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Circonstance : Visite du Premier ministre en Syrie, à Damas le 20 février 2010 - Conférence de presse

Texte intégral

Monsieur le Premier ministre, je veux vous redire tout le plaisir que j'ai d'être aujourd'hui en Syrie et je voudrais remercier le président Bachar El ASSAD et le Premier ministre syrien Nadji OTRI, le gouvernement et le peuple syrien de l'accueil chaleureux qu'ils m'ont réservé. Ma visite s'inscrit dans la dynamique politique engagée depuis près de deux ans entre nos deux pays. La reprise des relations au plus haut niveau entre la France et la Syrie en 2008 impulsée par le Président de la République française et par le Président AL- ASSAD s'est traduite par de nombreuses visites à Damas tant du président SARKOZY que de plusieurs membres de mon gouvernement.
Me voici donc à mon tour en Syrie pour la première visite d'un chef de gouvernement français depuis 1977, avec trois ministres, cinq parlementaires, les dirigeants du Louvre, de l'Institut du Monde Arabe, de l'Ecole nationale d'administration et de l'Agence française de développement, et enfin une trentaine de chefs d'entreprises qui ont fait le voyage avec moi.
L'objectif de cette visite est d'ancrer dans la durée le renforcement des relations entre la France et la Syrie et de nouer ensemble un partenariat global. Et c'est d'ailleurs l'esprit de la décision conjointe et des nombreux accords que nous venons de signer.
La France veut renforcer son partenariat avec la Syrie, parce qu'elle veut accompagner la Syrie dans son développement et dans sa modernisation et je voudrais dans cet esprit mentionner en particulier la signature entre l'Agence française de développement et la Commission d'Etat au plan d'un accord qui porte sur 150 millions d'euros de projets communs pour 2010 et 2011. Et je veux aussi mentionner la conclusion d'accords dans le domaine de l'agriculture, dans le domaine du tourisme, je veux évoquer l'intérêt que portent les entreprises françaises aux priorités qui ont été exprimées par le gouvernement syrien dans le domaine des transports, dans le domaine de l'eau, de l'énergie, ou encore de l'aéronautique.
Enfin, je veux évoquer notre coopération très ambitieuse dans le domaine culturel. Opération qui est ancienne, mais qui est en train de connaître un renouvellement complet, grâce à l'accord cadre que nous venons de signer. C'est à la France et c'est au Musée du Louvre que la Syrie a fait appel pour élaborer un nouveau projet muséal pour valoriser son très riche patrimoine, et c'est l'Institut du Monde Arabe à Paris qui présentera en 2012 l'exceptionnel patrimoine syrien à l'occasion d'une très grande exposition.
Lors de l'entretien que j'ai eu hier soir avec le président AL-ASSAD, celui-ci m'a redit tout le prix qu'il attache à cette relation de confiance nouée avec la France, en particulier sur les sujets régionaux. Je pense à l'objectif d'une paix juste et globale au Proche Orient, en faveur de laquelle vous le savez la France a toujours plaidé et agi. En liaison avec les acteurs concernés, la France est prête à appuyer tous les efforts en cours pour que les pourparlers entre la Syrie et Israël reprennent.
Nous avons aussi évoqué le Liban et j'ai dit à mes interlocuteurs syriens combien l'établissement des relations diplomatiques entre Damas et Beyrouth était une étape historique. Et c'est d'ailleurs le message que j'avais transmis à Saad HARIRI lors de sa visite à Paris le mois dernier.
Notre dialogue avec les autorités syriennes est franc, il est direct, et il nous permet d'aborder tous les sujets, y compris ceux sur lesquels nous avons des divergences de vue. Nous avons évoqué l'Iran, et j'ai rappelé que nous attendions des gestes concrets de la part des Iraniens pour répondre aux très fortes inquiétudes de la Communauté internationale. Enfin, nous avons naturellement eu des échanges sur la situation des droits de l'homme en Syrie.
J'aimerais enfin rappeler que la France, comme ses partenaires de l'Union européenne, souhaite que la Syrie soit prochainement en mesure de signer l'accord d'association Union Européenne / Syrie. Et puis nous avons évoqué évidemment l'Union Pour la Méditerranée. Nous n'oublions pas que la Syrie a souscrit d'emblée à ce projet très important et très ambitieux, et qui sera, je l'espère, un évènement structurant de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée.
Je voudrais, monsieur le Premier ministre, une nouvelle fois vous remercier de la chaleur de votre accueil, de votre amitié et vous dire que la France veut voir la Syrie jouer un très grand rôle dans l'établissement de la paix et de la stabilité au Proche Orient.
Source http://www.gouvernement.fr, le 22 février 2010
BENJAMIN SPORTOUCH - AGENCE FRANCE PRESSE :
Monsieur François FILLON, est-ce que vous avez évoqué avec votre homologue et avec le président syrien le cas de Clotilde REISS qui est toujours retenue à Téhéran. Est-ce que la Syrie accepte à nouveau de faire une médiation comme l'avait fait au mois d'août dernier. Et enfin avez-vous évoqué la question des droits de l'homme en Syrie avec le Président AL-ASSAD et le Premier ministre, l'opposition politique ici étant difficilement audible. Merci.
FRANÇOIS FILLON :
J'ai effectivement évoqué avec le président AL-ASSAD hier soir la question des droits de l'homme, la France évoque cette question lorsqu'elle l'estime nécessaire, et nous avons eu une conversation franche et directe sur ce sujet. J'ai évoqué également la question de Clotilde REISS, injustement détenue en Iran, je l'ai fait pour remercier le gouvernement syrien, qui a relayé le message du gouvernement français auprès du gouvernement iranien.
Madame REISS est une jeune femme innocente, qui n'a aucune raison d'être détenue et qui doit être libérée dans les meilleurs délais et sans condition. Voilà tout simplement le message que nous passons au gouvernement iranien et je veux encore une fois remercier le Président AL-ASSAD de nous avoir aidés à relayer ce message.
JOURNALISTE DE LA TELEVISION NATIONALE SYRIENNE :
Monsieur François Fillon, vous avez confirmé avant votre venue à Damas, votre espoir de fonder un partenariat global entre la Syrie et la France. Sur quels éléments fondez-vous cet espoir ?
FRANÇOIS FILLON :
Ca n'est pas parce que nous avons des désaccords que nous ne devons pas parler ensemble et rechercher comment justement faire disparaître ces désaccords. C'est quand on ne se parle pas que les tensions augmentent, et que les risques d'incompréhension et de conflit surgissent. Et le choix que nous avons fait avec le Président de la République c'est de parler avec la Syrie, franchement et sincèrement. La Syrie a des positions, elle les défend, nous avons les nôtres, nous les défendons et nous essayons de rapprocher nos points de vue. Ce que nous constatons depuis que nous avons pris cette initiative c'est que beaucoup de sujets qui étaient des sujets difficiles, des sujets de blocage, des sujets d'incompréhension, entre nous, ce sont considérablement améliorés. J'ai évoqué la situation au Liban, j'ai évoqué les efforts pour relancer le processus de paix, et en particulier pour relancer le dialogue entre la Syrie et Israël, tout ceci ce sont des points positifs qui montrent que nous avons eu raison d'engager ce dialogue et de faire confiance au fond à la sagesse des uns et des autres dans le cadre d'un échange qui est un échange franc, qui est un échange transparent, qui est un échange sincère. La Syrie est un grand pays, c'est un vieux pays, c'est un pays puissant, c'est un pays dont l'économie est en plein développement, il a évidemment un rôle absolument clé à jouer pour la stabilité et pour la prospérité du Proche Orient. Sans la Syrie il n'y a aucune chance que cette stabilité et cette prospérité ne s'installent de façon durable. Voilà. Et donc il y avait toutes les raisons pour la France d'engager ce dialogue et ce partenariat. Et encore une fois je l'ai dit tout à l'heure, je constate avec beaucoup d'intérêt que ce dialogue, après avoir été beaucoup critiqué, est aujourd'hui suivi, imité par beaucoup d'autres et je me réjouis qu'en particulier les Etats-Unis aient finalement choisi la même voie que celle que la France avait choisie il y a deux ans.
YAEL GOOSZ - EUROPE 1 :
Question au Premier ministre François FILLON. Est-ce que l'affaire du Mossad est de nature à ternir les relations de la France avec Israël. On sait qu'un passeport français a été utilisé pendant l'opération à Dubaï. Et puis nous avons appris il y a deux heures le suicide par pendaison dans sa cellule de Jean-Pierre TREIBER. Est-ce que selon vous la responsabilité de l'administration pénitentiaire est en cause, dans une affaire on le sait qui a défrayé la chronique après sa longue cavale ?
FRANÇOIS FILLON :
Je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants de cette affaire de Dubaï. Et j'espère que toute la lumière sera faite sur les responsabilités des uns et des autres dans cet assassinat. Ce que je veux dire d'abord c'est que la France condamne l'assassinat. L'assassinat n'est pas un mode d'action en matière de relations internationales. Et tous les assassinats, d'où qu'ils viennent, quels que soient ceux qui les commanditent, doivent être condamnés. La France condamne la violence d'une façon générale, l'usage de la violence dans les relations internationales et tout particulièrement ses pratiques. Deuxièmement, comme les Britanniques et comme les Allemands nous avons demandé aux autorités israéliennes des explications puisqu'un passeport français a été utilisé dans le cadre de cette opération. Et naturellement nous voulons connaître toute la vérité sur ce sujet.
Sur la deuxième question qui concerne vraiment les affaires franco-françaises j'ai appris comme vous il y a quelques instants le suicide de monsieur TREIBER. Vous comprendrez que je n'ai pas d'élément pour vous dire quelles sont les responsabilités dans ce suicide. Je vous répondrai quand j'aurai plus d'éléments pour le faire.
Un dernier mot, peut-être, pour reprendre le sujet de la situation en Iran par rapport à la question qui était posée tout à l'heure. Il va de soi que la France a une vision un peu différente de celle de la Syrie sur la situation en Iran, s'agissant de la question nucléaire. Nous avons pris connaissance du nouveau rapport de l'AIEA sur le programme nucléaire iranien, il est très préoccupant, il décrit avec beaucoup de précisions la poursuite des activités d'enrichissement de l'Iran qui sont des activités qui violent très directement les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et du Conseil des gouverneurs de l'AIEA. Nous avons fait des propositions à l'Iran depuis plusieurs mois pour dialoguer et pour coopérer. Pour le moment toutes ces propositions ont été refusées et donc avec nos partenaires nous n'avons pas d'autres choix, au vu de ce constat, et si la situation n'évolue pas que de rechercher l'adoption dans les prochaines semaines de nouvelles mesures par le Conseil de sécurité des Nations Unies.
JOURNALISTE DE AL-MANAR :
Monsieur le Premier ministre. Il est clair que la France veut jouer un rôle dans la reprise des négociations entre la Syrie et Israël. Mais, dans le même temps, la Syrie souhaite que la France apporte son soutien aux discussions déjà engagées par l'intermédiaire de la Turquie. Est-ce qu'il y a des éléments nouveaux sur cette question compte tenu des menaces actuelles d'Israël sur le Liban et la Syrie ?
FRANÇOIS FILLON :
Le Président AL-ASSAD m'a redit hier son souci de voir la France prendre des initiatives en liaison avec la Turquie. Le Président de la République française a indiqué à plusieurs reprises que la France y était tout à fait disposée. Nous souhaitons aussi que la Turquie joue un rôle important de médiation dans la recherche de solutions au conflit du Proche Orient. Ce conflit dure depuis trop longtemps, les solutions pour le résoudre sont des solutions qui sont connues, la France les défend, elle les soutient, et nous nous pensons qu'il n'y a pas de temps à perdre. Et que le temps n'est l'allié de personne dans cette affaire. Et toutes les bonnes volontés sont évidemment les bienvenues, et nous aurons dans les prochaines semaines des conversations avec le gouvernement syrien, avec le gouvernement israélien, avec le gouvernement turc pour voir comment reprendre, dans les meilleurs délais, ce processus de dialogue.
Source http://www.gouvernement.fr, le 22 février 2010