Texte intégral
« L'Ecole du Louvre » : je dois dire que cette expression, dans sa simplicité même, m'a toujours paru très belle, très riche de sens. Le Louvre, c'est le Musée par excellence, c'est pour nous l'un des grands symboles de Paris, de notre pays et de leur rayonnement. Installer « une école » dans ce « saint des saints » de l'art, dont on sait qu'il a été fréquenté par les plus grands artistes, écrivains, philosophes, c'était déjà, à la fin du XIXe siècle, un geste fort. Aujourd'hui, nous allons, vous allez plus loin, fidèles à cet esprit de partage et à cet idéal d'éducation qui sont le propre de notre République.
Les chefs-d'oeuvre répondent en effet à un étrange paradoxe. D'un côté, leur splendeur semble une évidence pour tous et pour chacun. Il y a toujours, même inconsciemment, une sorte d'évidence du choc esthétique devant un chef-d'oeuvre, un émerveillement même fugace. Et pourtant, de l'autre côté, même les plus grandes oeuvres nécessitent une initiation qui permet seule de fixer l'étonnement ou l'admiration et qui seule permet de saisir dans l'oeuvre les fils directeurs qui guident notre sensibilité dans ses subtilités. Nous avons besoin aussi de tous les secours de l'histoire et de l'histoire de l'art pour déchiffrer les symboles, les références, pour repérer les originalités, les audaces des artistes par rapport à leur temps.
C'est pourquoi « l'Ecole du Louvre » est aujourd'hui l'étage supérieur de notre construction commune d'une « éducation culturelle et artistique à l'école », l'un des piliers de l'action conjuguée des ministères de l'Education nationale et de la Culture en faveur de cette nécessaire initiation à une école des chefs-d'oeuvre de l'art. Ce nouvel enseignement obligatoire de l'histoire des arts, du primaire au lycée, constitue une vraie révolution et je suis très attaché à ce qu'elle puisse porter tous ses fruits.
Pour y parvenir, nous avons compris qu'il fallait agir très en amont, lutter contre l'intimidation sociale qui retient certain à la porte de nos musées et de nos écoles supérieures, et relever le grand défi de ce que j'appelle la « culture pour chacun ». Je dis bien la « culture pour chacun » et non pas seulement la « culture pour tous », qui n'a parfois été que la « culture pour quelques-uns », trop souvent les mêmes - la culture pour chacun, quels que soient ses origines, son « capital culturel » de départ ou son lieu d'habitation. Car la culture, ce n'est pas seulement pour Paris et les centres-villes, mais pour chacun de nos territoires, en région, en milieu rural, et bien sûr en banlieue, ces territoires trop longtemps délaissés aux marges des villes...
Les élèves des lycées qui s'y trouvent - en particulier des lycées « Ambition réussite » et « Espoir banlieue » - sont les premiers à avoir besoin qu'on leur indique les moyens de se frayer un chemin vers l'art et vers la culture. Cela demande notre engagement à tous : celui du gouvernement, celui des fondations, celui des écoles supérieures, celui des lycées, et bien sûr celui des lycéens eux-mêmes, sans lesquels rien ne peut se faire.
C'est pourquoi, je voudrais tout d'abord féliciter chaleureusement nos chers lycéens, à la fois d'avoir été choisis par un jury pourtant peu réputé pour son manque d'exigence... mais aussi d'avoir préféré passer une partie de leurs vacances à travailler ! à travailler dur pour préparer ce fameux « test probatoire », difficile, mais désormais à leur portée. Par ce choix, par cet engagement, vous faites preuve d'un magnifique désir de réussir, qui à lui seul mérite notre admiration et nos encouragements !
À chacun d'entre vous, je souhaite de profiter pleinement de ce stage. Quel qu'en soit le résultat, il sera, pour chacun d'entre vous, une expérience unique et inoubliable, à laquelle j'espère que la journée d'aujourd'hui pourra contribuer ! Je forme des voeux pour chacun d'entre vous, qui avez fait une partie du chemin : nous sommes là, à vos côtés, pour vous aider à accomplir l'autre partie sur la voie de la réussite. C'est le sens de notre rencontre d'aujourd'hui.
Ce stage est une chance pour vous, mais je tiens à vous dire que vous êtes, vous aussi, une grande chance pour l'Ecole du Louvre, et pour nous tous : car nous avons besoin de tous les talents, de tous les regards, de toutes les histoires pour comprendre, conserver et transmettre notre patrimoine, et plus généralement pour faire vivre pleinement notre culture, en parfaite consonance avec notre société contemporaine, qui se nourrit de sa diversité.
Je parlais de l'engagement de tous : ce défi de la « culture pour chacun » et de l'égalité des chances, il n'est pas seulement une « affaire d'Etat », une affaire de l'Etat, mais concerne à la fois la puissance publique et les acteurs privés. Et dans ce domaine, la Fondation « Culture et Diversité » a joué, et continue plus que jamais de jouer un rôle absolument primordial.
Informer, préparer, accompagner : c'est toute l'originalité de votre démarche, cher Marc LADREIT DE LACHARRIÈRE, et je tiens à vous en féliciter et surtout à vous en remercier. Chaque année, ce sont près de 200 élèves que vous emmenez dans les hauts lieux de notre patrimoine. Vous leur faites découvrir, non seulement nos plus grands chefs-d'oeuvre, mais une large palette de métiers, des métiers de prestige, de passion et d'exigence, mais aussi - et c'est évidemment très important - des métiers d'avenir. Vous les préparez assidûment aux concours, et les soutenez ensuite jusqu'à la fin de leurs études : du premier déclic au diplôme, c'est ainsi tout le chemin de la vocation culturelle que vous vous êtes donné pour mission de susciter et de porter jusqu'à son plein épanouissement.
Ce travail, vous le menez en coopération étroite, sur le terrain, avec les équipes de l'Ecole du Louvre, dont vous êtes devenus en quatre ans un partenaire essentiel : c'est ensemble, main dans la main, que vous avez pensé, conçu et mis en oeuvre ce programme « Egalité des chances », afin de répondre au plus près, au plus juste aux besoins des élèves - un projet « sur-mesure », en quelque sorte.
Comme vous l'avez très justement souligné, cher Marc, ce travail ne cesse de prendre de l'ampleur : après l'Ecole du Louvre, après les Écoles supérieures d'art et la FEMIS, ce sont les écoles d'architecture qui se sont engagées en octobre dernier à vos côtés, pour ouvrir plus grand leurs portes aux élèves issus de l'éducation prioritaire. Je tiens à saluer cette forte mobilisation des établissements d'enseignement supérieur Culture pour offrir l'excellence à chacun.
Premier établissement signataire, L'Ecole du Louvre a joué dans cette grande aventure un rôle pionnier que je tiens également à saluer. Votre prestigieuse maison, cher Philippe DUREY, a ouvert la voie, comme elle avait ouvert la voie en intégrant le dispositif interministériel des « Cordées de la réussite », que rejoindront bientôt les autres établissements d'enseignement supérieur Culture déjà engagés aux côtés de la Fondation. Ce système de tutorat bénévole, qui s'adresse aux jeunes des zones urbaines sensibles, poursuit le même objectif : favoriser une plus grande mixité sociale dans les formations d'excellence, soutenir les élèves qui, en raison de leurs origines sociales ou territoriales, voient leurs ambitions scolaires freinées, voire bridées, eux qui possèdent le talent nécessaire mais pas toujours les clés, les codes ou simplement les informations et les encouragements qui sont indispensables pour pouvoir s'engager dans des formations longues et sélectives.
En s'investissant dans ces différents dispositifs, l'Ecole du Louvre poursuit sa longue tradition d'ouverture et de démocratisation, qui avait commencé dès 1921, grâce à une autre Fondation, avec le lancement des cours du soir, ouverts à tous et à chacun. Nous connaissons leur succès : ce sont aujourd'hui quelque 15 000 auditeurs libres qui suivent ces cours dans 24 villes - et notamment à LENS où un autre Louvre ouvrira bientôt ses portes.
Merci, donc, à chacun d'entre vous, qui avez su saisir l'occasion et osé vous lancer dans l'aventure ! Merci à Marc LADREIT DE LA CHARRIERE et à l'Ecole du Louvre. Ensemble, nous commençons à changer la donne, à déjouer les mécanismes pervers de cette auto-reproduction sociale et culturelle des « héritiers » dont parlait Pierre BOURDIEU, et qui finissait par vider de son sens le principe même de la « méritocratie républicaine ». En favorisant réellement le cercle vertueux de « l'égalité des chances », nous faisons vivre l'esprit de cette « École du Louvre » : un esprit de curiosité, d'ouverture et de partage.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 24 février 2010