Interview de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à Europe 1 le 4 mars 2010, sur les conséquences de la tempête Xinthia, l'urbanisation des zones inondables, la redéfinition, par l'UMP, de la campagne pour les élections régionales et sur la violence dans les stades.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M. Grossiord.- Un hommage national sera donc rendu aujourd'hui aux victimes de la tempête Xynthia, à Luçon, en Vendée. On a assisté ces derniers jours à ne mobilisation générale, également un fort élan de solidarité partout dans le pays. Les assureurs évoquent une facture d'1 milliard d'euros. Est-ce que c'est votre estimation des dégâts ?
 
D'abord, effectivement, nous sommes encore dans le temps du recueillement et de la solidarité. Je rappelle qu'il y a eu 53 morts, on en parle, vous en avez parlé ce matin à l'antenne, mais il y a aussi sept blessés graves, il y a 72 autres blessés. Donc c'est à l'évidence une catastrophe nationale, et le premier temps, la première étape, la première époque c'est celui du recueillement et de la compassion. C'est donc le cas aujourd'hui. Simplement, à côté de cela, il faut observer ce qui a été fait. Premier élément, qu'est-ce qui a été fait ? C'est la formidable réactivité des services publics, notamment Météo France ; Météo France, a indiqué dès le vendredi qu'il allait y avoir une tempête, et d'ailleurs vous avez contribué à informer, la population était informée. Deuxième élément, il fallait la solidarité une fois que ce drame est survenu, et ça a été le cas. Le président de la République a annoncé un concours de 3 millions d'euros, nous avons, quasiment le jour même, décrété l'état de catastrophe naturelle, ce qui est un moyen concrètement de faciliter les indemnisations. Le ministre de l'Agriculture, B. Le Maire, y était, il a annoncé des aides fortes pour les agriculteurs et les ostréiculteurs. Le ministre du Budget, E. Woerth, a annoncé là aussi des mesures de solidarité fiscale, avec un certain nombre de diminutions, en tout cas d'allégements, de délais dans le temps. Bref il y a une très forte mobilisation. Et puis il y aura un deuxième temps, c'est le temps, naturellement, des leçons à tirer.
 
Justement, hier vous avez reçu les préfets, et il y a des leçons à tirer, en matière d'urbanisation dans les zones inondables. Faut-il remettre en cause certains maires qui ont pu délivrer à la légère des permis de construire ?
 
Là, il faut laisser un peu de temps au temps. Mais en revanche, là où je ne laisse pas de temps, c'est avec, comme je l'ai fait hier, avec le Premier ministre qui est venu à la réunion des préfets, j'ai dit trois choses : un, qu'il fallait accélérer les plans de prévention des risques naturels. C'est une des leçons à tirer de ce qui s'est déroulé. Deux, qu'il ne fallait pas hésiter à déférer les permis de construire lorsque ceux-ci peuvent paraître dangereux. Les permis de construire, je rappelle qu'ils sont délivrés par les autorités locales...
 
Doivent-ils devenir ces permis l'apanage des préfets dans les zones délicates, inondables ?
 
Non, les lois de décentralisation ont prévu que la compétence de délivrance des permis de construire était confiée aux autorités municipales, mais cela n'empêche pas le préfet, lorsqu'il l'estime nécessaire, de déférer, c'est-à-dire concrètement de s'opposer, devant les tribunaux, à ces délivrances de permis. Enfin, troisième point, il y a trois points : il y les plans de prévention des risques naturels, ne pas hésiter à déférer les permis de construire, lorsque ceux-ci peuvent paraître dangereux. Et troisième élément, réaliser un plan pluriannuel de consolidation et d'amélioration des digues. Ce sont les trois mesures très concrètes pour lesquelles j'ai demandé aux préfets de veiller tout particulièrement. Cela signifie une chose, c'est que, d'abord il y a la réactivité, ce qui a été le cas, réactivité exemplaire, et de la population d'ailleurs par la solidarité ; et puis ça signifie une deuxième chose, c'est qu'il faut impérativement que nous en tirions les leçons pour l'avenir. C'est ce qui est fait.
 
Est-ce qu'il y aura des poursuites pénales contre certains maires ?
 
Cela dépendra naturellement de la situation...
 
Mais la situation vous la connaissez dans certaines communes...
 
Ce sont des décisions qui sont des décisions extrêmement graves, il faut qu'il y ait des analyses précises, c'est pour cela d'ailleurs qu'il y a une mission d'inspection, d'analyse, qui a été demandée par le président de la République afin que toute la lumière soit faite.
 
On se souvient que N. Sarkozy avait, durant sa campagne présidentielle, dénoncé "le carcan règlementaire" qui limite justement les constructions en zones inondables, et d'ailleurs, il l'a redit en présentant son projet du Grand Paris. Là, il n'est plus question, j'imagine, d'envisager des dérogations, c'est le contraire ?
 
C'est un équilibre à trouver. Effectivement, dans un certain de cas, l'administration peut être trop tâtillonne, et en même temps elle a pour vocation de protéger, et donc c'est une question, tout simplement, d'équilibre.
 
Y. Goosz racontait ce matin sur Europe 1 que l'UMP face une cascade de sondages défavorables, avait redéfini sa feuille de route pour les régionales, avec un assaut renouvelé sur la fiscalité et la sécurité. Est-ce que vous faites donc partie du dispositif avec eux ? Votre loi sur les bandes ?
 
D'abord, sur la fiscalité, d'un mot, heureusement, l'UMP doit rappeler une réalité simple, c'est que les socialistes quand ils ont dirigé, et quand ils dirigent des régions, ce qui est le cas, ils ont pour l'essentiel et pour la plupart, une pratique simple, c'est l'augmentation massive des impôts locaux. Dans ma région en Auvergne, ils ont décidé d'augmenter les impôts locaux de 71 % !! Quant à ceux qui s'interrogent pour savoir s'il y a des différences en matière de gestion entre les socialistes et nous, oui il y en a une majeure, c'est celle-ci...
 
La sécurité...
 
Attendez, attendez, je termine. Nous, nous proposons un pacte de stabilité fiscale, c'est-à-dire, l'inverse de ce que font les responsables socialistes. Ne me reprochez pas de vous répondre alors que vous m'interrogez sur ce point. Deuxième élément...
 
Votre domaine de compétence, la sécurité...
 
Le domaine de la sécurité, naturellement, la sécurité de nos concitoyens c'est une préoccupation majeure. Quel est notre rôle, c'est d'assurer la sécurité et la tranquillité publiques. Nos concitoyens ont le droit de vivre tranquillement. Il y a des domaines dans lesquels nous sommes effectivement très préoccupés : c'est par exemple la violence dans les stades ; ces violences dans les stades sont devenues depuis quelque temps une habitude. Et d'ailleurs, comble de l'absurde, ces violences maintenant ont lieu entre supporters d'un même club, je pense bien évidemment au PSG où ils se battent, s'entretuent, des énergumènes, des cinglés, des fous, tout ce que vous pouvez dire, il n'y a pas de mots assez forts, pour les qualifier. Et donc, je vous le dis, très calmement mais je vous le dis en même temps très fermement : ça suffit ! Ça ne continuera pas comme ça !
 
Ça fait des années qu'on le dit !
 
Non, non, mais...mais je vous le dis, ça suffit !
 
Il y a déjà eu des textes de lois...
 
Je vais vous dire...il n'y a pas simplement des textes, il y a des actions, des initiatives. Ces individus n'ont pas leur place dans les stades de notre pays, et nous prenons d'ores et déjà des mesures. Nous avons créé, il y a quelques mois, une division spéciale de sécurité publique de lutte contre le hooliganisme ; nous avons établi un partenariat inédit avec le contrôle des représentants de l'Etat et la Ligue professionnelle de football, et les clubs, et ça commence d'ailleurs à produire des résultats. Je vous signale que nous sommes déjà à 452 interdictions de stade - la plupart sont des interdictions administratives. Pour vous donner un exemple, le mois dernier, on était simplement à 311, aujourd'hui on est à 452, et ça ne s'arrêtera pas là. Ceux qui sont frappés par ces interdictions, ont l'obligation pour l'essentiel - c'est le champ d'une décision administrative - de pointer dans les commissariats, et nous allons aller plus loin...
 
C'est-à-dire ? Est-ce que vous êtes prêt par exemple, à dissoudre les ou des associations de supporters ?
 
Grâce à la loi qui a été promulguée hier...
 
Oui ou non ?
 
...nous avons maintenant une possibilité, c'est de suspendre ou de dissoudre les clubs qui sont à l'origine de ces violences. Et je vous le dis, suspension ou dissolution, nous n'hésiterons pas à le faire.
 
Et êtes-vous prêt, par exemple, à vider les tribunes du Parc des Princes, puisque déjà les supporters parisiens ne peuvent plus acheter de billets pour les matchs à l'extérieur ?
 
Je vous le dis là aussi très clairement, vous me posez une question précise, je vous réponds aussi précisément que possible : si pour les prochains match, s'il faut des tribunes vides, il y aura des tribunes vides. Si il faut dissoudre des associations de supporters, nous le ferons aussi. Encore une fois, mon objectif, c'est que ceux qui aiment le sport, qui veulent se rendre au match en famille, qui veulent en profiter, ce qui doit être un moment de détente et d'émotion, il faut que ce soit le cas. Ce n'est plus malheureusement la situation aujourd'hui !
 
Pouvez-vous nous éclairer sur le rôle de N. Sarkozy dans la campagne des régionales ? Le 25 janvier dernier sur TF1, il affirmait qu'il "n'y participait pas", [que] ce n'est pas le rôle du président de la République". Or, mardi, il a reçu, on le sait, toute l'équipe de l'Ilede- France, se comportant comme un directeur de campagne de V. Pécresse, ce que dénonce toute l'opposition. Alors, éclairez-nous.
 
C'est d'une simplicité pourtant évidente : je ne vois pas...je suis sûr qu'au fond de vous, je n'ai pas du tout besoin de vous éclairer...
 
Quand même...Il participe ou pas ?
 
Le président de la République a indiqué qu'il "ne s'impliquerait pas" dans la campagne. Est-ce que vous l'avez entendu participer à des réunions publiques ? Est-ce que vous l'avez entendu diffuser des messages aux radios, aux télévisions ? Ce n'est pas le cas. Simplement, comme tout citoyen, bien évidemment, il est concerné par un scrutin, celui-ci, et de surcroît, en Ile-de- France, puisqu'il en a été l'élu, il a été l'élu pendant longtemps, il a été lui-même conseiller régional. Si vous voulez, très honnêtement, c'est l'inverse qui me surprendrait, qu'il se désintéresse. Il ne s'en désintéresse pas.
 
Vous avez vu Le Point, cette semaine : Le président, F. Fillon - pourquoi la droite croit en lui - la tentation de l'Elysée. Est-ce que vous êtes d'accord, est-ce que le Premier ministre se présidentialise, et est-ce vrai que N. Sarkozy, dont vous êtes très proche, pourrait, lui, ne plus avoir la tentation de l'Elysée en 2012 ?
 
Ecoutez, il me faut une heure et quart pour vous répondre, je vous remercie de me laisser le temps...
 
Je vous laisse 30 secondes à peine...
 
La réalité est très simple, c'est que les relations entre le Premier ministre et le président de la République sont fonctionnellement bonnes, institutionnellement excellentes, et personnellement amicales. Et c'est comme ça que ça fonctionne, et ça fonctionne bien. Voilà.
 
Vous lui avez souhaité son anniversaire, au Premier ministre ?
 
Mais je vais le faire dès ma sortie de ce studio, cela va de soi. Peut-être même serais-je le premier des ministres à le faire.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 mars 2010