Texte intégral
Q - Vous êtes le secrétaire d'Etat à la Coopération et à la Francophonie. Vous êtes à Bamako, vous allez ramener en France dans les minutes qui viennent Pierre Camatte l'otage français libéré. Cela faisait trois mois qu'il était détenu par Al Qaïda. Vous l'avez rencontré avec Bernard Kouchner et avec Nicolas Sarkozy, comment va-t-il physiquement, on l'a entendu tout à l'heure, il a l'air assez éprouvé ?
R - Oui, il est très éprouvé mais, quand même, en bonne forme physique et psychologique. Il a vécu vraiment trois mois l'enfer, nous a-t-il dit. C'est un homme admirable, très courageux.
Q - Etait-il au courant qu'il avait fait l'objet d'ultimatum et qu'à chaque fois, ses jours étaient en danger ?
R - Non, il ne savait pas qu'à l'extérieur il y avait ces ultimatums. Il n'était pas du tout au courant. Il a appris tout cela après sa libération et il nous a dit qu'il avait été vraiment, pendant ces trois mois, dans des conditions très difficiles avec des menaces à répétition.
Q - Que lui a dit le président de la République ?
R - Le président de la République l'a félicité parce que de toute évidence, il a vraiment fait preuve de beaucoup de courage. D'ailleurs, il nous a indiqué qu'il avait fait face à l'épreuve psychologique grâce à un certain nombre de méthodes, pour ne pas se laisser complètement aller. Le président lui a dit que cette résistance méritait vraiment d'être saluée.
Q - "Libération" s'en réjouit mais il y a déjà un début de polémique ici, puisque pour obtenir sa libération, des terroristes ont été libérés. On parle ici, Daniel Cohn-Bendit, "de mise en spectacle" de ce qui vient de se passer. Alors tout d'abord, est-ce que vous nous confirmez qu'il n'y a pas eu de rançon ?
R - Aucune rançon, je suis absolument affirmatif. Le président Sarkozy l'a confirmé. Il y a eu ces quatre personnes qui ont été condamnés à une peine supérieure à leur détention provisoire. Mais que se serait-il passé, qu'aurait-on dit si Pierre Camatte avait été assassiné ? Je rappelle que le groupe qui le détenait était déjà passé à l'acte, avait déjà été responsable d'un assassinat. C'est d'ailleurs ce qui a présidé à la décision du président malien, qui a été vraiment formidable et qui a vraiment pris sa décision en son âme et conscience.
Q - Mais clairement, la France a demandé au président malien de libérer des islamistes en échange de l'otage français ; c'est ce qui c'est passé, clairement ?
R - Ce n'est pas aussi simple que cela. Il y a eu un procès, il y a eu une condamnation. Les islamistes en question étaient porteurs d'armes mais ils n'avaient pas commis de délit sur le sol malien. Tout cela a donc été vraiment un équilibre...
Q - Vous répondez quoi à Daniel Cohn-Bendit qui dénonce le discours aberrant du Président sur le thème "on ne va pas céder à des criminels", et il en fait libérer quatre qu'il remet dans le circuit, et qui vont se trouver peut-être en Afghanistan et attaquer des soldats français, c'est n'importe quoi. Que répondez-vous ?
R - Je dis simplement à Daniel Cohn-Bendit qu'il peut faire les commentaires. Il est dans le commentaire, il n'est pas dans l'action ; il n'est pas responsable. C'est nous qui sommes responsables, c'est le président français et le président malien qui sont responsables de la vie de Pierre Camatte. Les propos de Daniel Cohn-Bendit sont des propos irresponsables.
Q - La diplomatie avait-elle ce genre d'information, c'est-à-dire que les ravisseurs étaient sur le point de passer à l'acte ? Aviez-vous ce genre d'information ?
R - Pierre Camatte nous a confirmé que les ravisseurs l'avaient menacé à plusieurs reprises, d'ailleurs en lui faisant ce geste du pouce qui passe sous le menton, si vous voyez l'image. Je crois qu'il était vraiment dans les mains de ceux qui étaient capables de le faire.
Q - Mais vous n'avez pas peur que de négocier, d'une certaine manière, avec les terroristes des échanges, c'est ouvrir la boîte de Pandore ? Ce matin, Algérie et la Mauritanie par exemple critiquent la libération des quatre islamistes. Ouvrir la boîte de Pandore, cela ne vous inquiète pas ?
R - Ce qui nous a véritablement décidé, c'est l'impérieuse nécessité de protéger la vie de Pierre Camatte. Pour nous, l'important c'était vraiment de ramener Pierre Camatte en France, en vie. Et nous sommes tranquilles avec notre conscience. Je crois que nous avons fait, avec le président Sarkozy et avec le président malien, ce qu'il fallait faire pour le ramener en France.
Q - Cela a-t-il été compliqué de convaincre le Président malien ? On sait que Bernard Kouchner et Claude Guéant s'étaient rendus discrètement le 13 février à Bamako. Cela a-t-il été compliqué, finalement, que le président malien accepte de libérer ces islamistes ?
R - Bernard Kouchner et Claude Guéant, avec le président Sarkozy, ont effectivement fait un gros travail. Il a fallu évidemment des semaines de discussions pour regarder cette situation. Mais je vous le dis encore une fois, c'est le choix entre des solutions qui, évidemment, ne sont idéales ni les unes ni les autres.
Q - En tout cas, vous nous confirmez qu'il n'y a pas eu de rançon. Pour terminer, une source malienne proche du dossier a toutefois reconnu que des personnes impliquées avaient reçu des frais pour pouvoir entreprendre les démarches ayant abouti à la libération de l'otage. Il y a eu, comme à chaque fois dans ce genre d'histoire, et cela, ça ne se critique pas, mais disons du "graissage de patte" pour faciliter les choses ?
R - Là, nous sommes absolument formels, il n'y a eu aucune rançon. Les choses se sont passées au Mali. Et il faut, une fois de plus, remercier le président du Mali, c'est vraiment lui qui a été, à notre demande, à la manoeuvre dans cette opération qui se termine fort heureusement très bien.
Q - Merci Alain Joyandet, on vous laisse reprendre l'avion avec Pierre Camatte. Un mot sur complètement autre chose : vous étiez en Haïti il n'y a pas si longtemps, et ce matin les familles et certaines ONG s'impatientent du retour des enfants haïtiens qu'elles ont adoptés. Partagez-vous leur impatience ? Il y a là également un début de polémique entre les associations de parents qui souhaitent une accélération du processus d'adoption des orphelins haïtiens et les spécialistes de l'enfance qui prônent la prudence pour éviter les traumatismes. Votre position en deux mots sur ce sujet ?
R - Il reste un peu plus de cents enfants qui attendent de rejoindre leur famille. Et notre position est très claire : l'intérêt de l'enfant d'abord, sur le plan de la santé physique et psychologique. L'important, pour les familles, c'est qu'elles puissent accueillir ces enfants dans d'excellentes conditions psychologiques.
Q - Merci beaucoup Alain Joyandet. On vous laisse ramener Pierre Camatte à Paris ; on imagine qu'il va être pris en charge médicalement en arrivant ?
R - Dès son arrivée, un programme est évidemment prêt pour le prendre en charge sur le plan physique, sur le plan psychologique. Et puis, naturellement, sa famille sera à Villacoublay pour l'accueillir.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2010
R - Oui, il est très éprouvé mais, quand même, en bonne forme physique et psychologique. Il a vécu vraiment trois mois l'enfer, nous a-t-il dit. C'est un homme admirable, très courageux.
Q - Etait-il au courant qu'il avait fait l'objet d'ultimatum et qu'à chaque fois, ses jours étaient en danger ?
R - Non, il ne savait pas qu'à l'extérieur il y avait ces ultimatums. Il n'était pas du tout au courant. Il a appris tout cela après sa libération et il nous a dit qu'il avait été vraiment, pendant ces trois mois, dans des conditions très difficiles avec des menaces à répétition.
Q - Que lui a dit le président de la République ?
R - Le président de la République l'a félicité parce que de toute évidence, il a vraiment fait preuve de beaucoup de courage. D'ailleurs, il nous a indiqué qu'il avait fait face à l'épreuve psychologique grâce à un certain nombre de méthodes, pour ne pas se laisser complètement aller. Le président lui a dit que cette résistance méritait vraiment d'être saluée.
Q - "Libération" s'en réjouit mais il y a déjà un début de polémique ici, puisque pour obtenir sa libération, des terroristes ont été libérés. On parle ici, Daniel Cohn-Bendit, "de mise en spectacle" de ce qui vient de se passer. Alors tout d'abord, est-ce que vous nous confirmez qu'il n'y a pas eu de rançon ?
R - Aucune rançon, je suis absolument affirmatif. Le président Sarkozy l'a confirmé. Il y a eu ces quatre personnes qui ont été condamnés à une peine supérieure à leur détention provisoire. Mais que se serait-il passé, qu'aurait-on dit si Pierre Camatte avait été assassiné ? Je rappelle que le groupe qui le détenait était déjà passé à l'acte, avait déjà été responsable d'un assassinat. C'est d'ailleurs ce qui a présidé à la décision du président malien, qui a été vraiment formidable et qui a vraiment pris sa décision en son âme et conscience.
Q - Mais clairement, la France a demandé au président malien de libérer des islamistes en échange de l'otage français ; c'est ce qui c'est passé, clairement ?
R - Ce n'est pas aussi simple que cela. Il y a eu un procès, il y a eu une condamnation. Les islamistes en question étaient porteurs d'armes mais ils n'avaient pas commis de délit sur le sol malien. Tout cela a donc été vraiment un équilibre...
Q - Vous répondez quoi à Daniel Cohn-Bendit qui dénonce le discours aberrant du Président sur le thème "on ne va pas céder à des criminels", et il en fait libérer quatre qu'il remet dans le circuit, et qui vont se trouver peut-être en Afghanistan et attaquer des soldats français, c'est n'importe quoi. Que répondez-vous ?
R - Je dis simplement à Daniel Cohn-Bendit qu'il peut faire les commentaires. Il est dans le commentaire, il n'est pas dans l'action ; il n'est pas responsable. C'est nous qui sommes responsables, c'est le président français et le président malien qui sont responsables de la vie de Pierre Camatte. Les propos de Daniel Cohn-Bendit sont des propos irresponsables.
Q - La diplomatie avait-elle ce genre d'information, c'est-à-dire que les ravisseurs étaient sur le point de passer à l'acte ? Aviez-vous ce genre d'information ?
R - Pierre Camatte nous a confirmé que les ravisseurs l'avaient menacé à plusieurs reprises, d'ailleurs en lui faisant ce geste du pouce qui passe sous le menton, si vous voyez l'image. Je crois qu'il était vraiment dans les mains de ceux qui étaient capables de le faire.
Q - Mais vous n'avez pas peur que de négocier, d'une certaine manière, avec les terroristes des échanges, c'est ouvrir la boîte de Pandore ? Ce matin, Algérie et la Mauritanie par exemple critiquent la libération des quatre islamistes. Ouvrir la boîte de Pandore, cela ne vous inquiète pas ?
R - Ce qui nous a véritablement décidé, c'est l'impérieuse nécessité de protéger la vie de Pierre Camatte. Pour nous, l'important c'était vraiment de ramener Pierre Camatte en France, en vie. Et nous sommes tranquilles avec notre conscience. Je crois que nous avons fait, avec le président Sarkozy et avec le président malien, ce qu'il fallait faire pour le ramener en France.
Q - Cela a-t-il été compliqué de convaincre le Président malien ? On sait que Bernard Kouchner et Claude Guéant s'étaient rendus discrètement le 13 février à Bamako. Cela a-t-il été compliqué, finalement, que le président malien accepte de libérer ces islamistes ?
R - Bernard Kouchner et Claude Guéant, avec le président Sarkozy, ont effectivement fait un gros travail. Il a fallu évidemment des semaines de discussions pour regarder cette situation. Mais je vous le dis encore une fois, c'est le choix entre des solutions qui, évidemment, ne sont idéales ni les unes ni les autres.
Q - En tout cas, vous nous confirmez qu'il n'y a pas eu de rançon. Pour terminer, une source malienne proche du dossier a toutefois reconnu que des personnes impliquées avaient reçu des frais pour pouvoir entreprendre les démarches ayant abouti à la libération de l'otage. Il y a eu, comme à chaque fois dans ce genre d'histoire, et cela, ça ne se critique pas, mais disons du "graissage de patte" pour faciliter les choses ?
R - Là, nous sommes absolument formels, il n'y a eu aucune rançon. Les choses se sont passées au Mali. Et il faut, une fois de plus, remercier le président du Mali, c'est vraiment lui qui a été, à notre demande, à la manoeuvre dans cette opération qui se termine fort heureusement très bien.
Q - Merci Alain Joyandet, on vous laisse reprendre l'avion avec Pierre Camatte. Un mot sur complètement autre chose : vous étiez en Haïti il n'y a pas si longtemps, et ce matin les familles et certaines ONG s'impatientent du retour des enfants haïtiens qu'elles ont adoptés. Partagez-vous leur impatience ? Il y a là également un début de polémique entre les associations de parents qui souhaitent une accélération du processus d'adoption des orphelins haïtiens et les spécialistes de l'enfance qui prônent la prudence pour éviter les traumatismes. Votre position en deux mots sur ce sujet ?
R - Il reste un peu plus de cents enfants qui attendent de rejoindre leur famille. Et notre position est très claire : l'intérêt de l'enfant d'abord, sur le plan de la santé physique et psychologique. L'important, pour les familles, c'est qu'elles puissent accueillir ces enfants dans d'excellentes conditions psychologiques.
Q - Merci beaucoup Alain Joyandet. On vous laisse ramener Pierre Camatte à Paris ; on imagine qu'il va être pris en charge médicalement en arrivant ?
R - Dès son arrivée, un programme est évidemment prêt pour le prendre en charge sur le plan physique, sur le plan psychologique. Et puis, naturellement, sa famille sera à Villacoublay pour l'accueillir.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2010