Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Revenons sur les chiffres, d'abord sur les chiffres de décembre, ce n'était pas les bons ? Que s'est-il passé ?
Chaque année, en début d'année, il y a ce qu'on appelle "une correction saisonnière". Ce n'est pas moi qui la fais, c'est un institut de statistiques indépendant, qui s'appelle la DARES. Je les ai d'ailleurs appelés hier pour leur dire : c'est bien mais ce qu'on aimerait, c'est que les chiffres que vous donnez soient fiables à chaque fois. Cela joue parfois dans le sens de mauvaise nouvelle, par exemple sur décembre, et aussi dans le sens de bonne nouvelle.
En décembre, le chômage, officiellement, avait légèrement reculé, et puis on s'aperçoit qu'en fait, il avait progressé...
Il était stable. Non, stable.
Bon, il était stable, enfin, bon...
Mais, à l'inverse, sur le mois de novembre, on nous avait dit : vous avez eu une très forte augmentation du chômage, la réalité c'est qu'on a eu une augmentation du chômage beaucoup plus faible. Donc, la seule chose, mais ce n'est pas le coeur du sujet, c'est que ce serait bien quand même que ceux qui font les statistiques nous donnent des chiffres fiables dès le premier mois.
En janvier, ils sont fiables ces chiffres ou pas ?
Sous réserve de ce que nous donne la DARES. En tout cas, ce qu'on voit sur le mois de janvier, et ça, ce n'est jamais une bonne nouvelle, c'est que le taux de chômage a légèrement progressé.
19.500 chômeurs de plus, c'est ça ?
Un petit peu moins de 1 % d'augmentation. Cela étant, il faut quand même qu'on arrive à garder les signes d'espoir qu'on conserve dans cette période. Première chose, comparons avec le mois de janvier 2009 : l'augmentation du chômage...
En pleine crise...
...était trois fois plus forte. Donc on voit bien que malgré, tout l'aggravation forte s'est arrêtée, l'amélioration...
...S'est arrêtée sur un mois.
Oui, mais l'amélioration n'est pas encore là. Il y a des signaux qui sont pour moi importants. Premièrement, le taux de chômage des jeunes baisse. Cela fait maintenant depuis mai qu'on a fait reculer le taux de chômage des jeunes, ça c'est un vrai signal d'espoir, ça montre quand même qu'on est sur une sortie de crise. Deuxième chose...
On est sur une sortie de crise pour vous ? Il n'y a pas de doute, la crise, c'est fini ?
L'aggravation très forte du taux de chômage dans la crise, c'est derrière nous. L'amélioration...
La crise, c'est fini ?
Je n'ai pas dit que la crise était finie.
"Sortie de crise", c'est-à-dire qu'on est au bout de la crise, quoi ?
Non, cela veut dire que pour l'instant, on est encore dans le tunnel, on commence à voir la lumière, mais il faut qu'on avance. Et surtout, il y a un point fondamental, c'est qu'on ne doit pas désarmer notre politique de l'emploi. On voit bien qu'on garde des chiffres qui nécessitent toute notre vigilance, qu'on a besoin de tous les outils de la politique de l'emploi. Il y a un autre point qui est intéressant sur ce qui s'est passé sur le mois de janvier : les offres d'emplois repartent à la hausse, on a une augmentation de près de 7 % du nombre d'offres d'emplois qui sont sur la table. Ca, c'est très important parce que si on est réactifs, si on arrive à être meilleurs pour mettre en relation celui qui cherche un emploi avec les emplois à prendre, là, on a une possibilité d'accélérer la sortie de crise.
Vous êtes optimiste alors ?
Je ne suis pas optimiste, je suis déterminé.
D'accord, vous êtes prudent. Cent chômeurs supplémentaires, quarante-cinq pauvres supplémentaires. Quarante-cinq pauvres, plus la famille ! On va parler du chômage de longue durée. Il y a deux sujets que je voudrais aborder avec vous, c'est le chômage des plus de 50 ans et le chômage de longue durée. Alors, lequel choisissez-vous pour commencer ?
C'est rare que vous me donniez le choix...
Je vous demande, pour voir, comme ça, je teste...
Je pense que le plus grave dans l'immédiat, c'est le chômage de longue durée.
Alors, combien de chômeurs de longue durée aujourd'hui en France ?
On est en train de travailler dessus avec les partenaires sociaux.
Parce qu'on ne le sait pas vraiment ?
Non. Pourquoi ? D'abord, le chômage de longue durée, qu'est-ce que vous appelez un chômeur de longue durée ? C'est quelqu'un qui cherche depuis deux ans ou c'est quelqu'un qui cherche depuis un an ? Personnellement, je pense que, dès qu'on est à un an de recherche et qu'on n'a pas trouvé, il faut qu'on se mobilise.
J'ai une avalanche de témoignages de chômeurs de longue durée.
Surtout, un point qu'il faut savoir : la réalité du chômage, c'est que c'est une course contre la montre. Quelqu'un qui a perdu son emploi, chaque semaine qui passe est une semaine où il a moins de chance de trouver un emploi. Donc notre bataille, c'est d'essayer de réagir le plus tôt possible pour réagir avant que la personne se trouve dans cette espèce de nasse du chômage de longue durée.
Dans une nasse, oui...
C'est une nasse pour deux raisons. La première, parce que ses chances de retrouver un emploi diminuent, c'est la première chose. Mais la deuxième chose aussi, qui n'est pas totalement anecdotique, c'est qu'il n'a plus d'indemnités à la fin. Et quelqu'un qui n'a plus d'assurance-chômage à la fin est en grosse difficulté. On travaille donc sur ce sujet, d'arrache-pied, avec les partenaires sociaux. On les a rencontrés pendant toute la semaine, j'ai vu les huit partenaires sociaux qui travaillent avec nous sur ce sujet. Dès la semaine prochaine, on fait une séance de bilan pour précisément se dire : combien est-ce qu'il y a de personnes qui sont au chômage de longue durée ? Comment...
Vous avez une évaluation, un chiffre, à peu près ?
Pas pour l'instant.
D'accord. Donc vous voulez savoir exactement combien de personnes sont en situation de chômage de longue durée ?
Exactement. Combien de personnes auront besoin de nous en 2010.
Alors, qu'allez-vous leur proposer ?
Ensuite, le but est d'avoir un plan d'action qui soit opérationnel avant la fin du mois de mars. Pour moi, il y a trois pistes d'action, trois pistes. La première d'abord, c'est comment fait-on pour agir avant que les personnes se trouvent au chômage de longue durée et avant qu'elles aient perdu leur indemnisation assurance-chômage. C'est la première chose. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce qu'on voit trop souvent, c'est qu'on réagit trop tard. On réagit après que la personne soit devenue sans droits, les fameux "fin de droits" dont on parle, et puis après, qu'elle soit dans le chômage de longue durée. Exemple précis : une femme, 45 ans, qui cherche dans le secteur du textile, si au bout d'un mois n'a pas trouvé, il faut lui proposer avant qu'elle soit à un an, une formation pour se reconvertir, par exemple dans les services à la personne. Ca, c'est ce qu'on doit faire avant. Deuxième chose, miser sur la formation. Parce que quelqu'un qui ne trouve pas dans son domaine au bout d'un an, c'est que ce n'est pas le bon domaine. Donc cela veut dire qu'il faut l'aider à se reconvertir. Et puis la troisième chose, tout ce qui permet, y compris à travers des aides, de recommencer à travailler, et je pense notamment à des contrats aidés.
Après avoir parlé du chômage de longue durée, je voudrais parler des chômeurs en fin de droits, parce que finalement c'est un peu pareil ? C'est le même sujet. Les chômeurs en fin de droits, combien de chômeurs en fin de droits dans cette année 2010, quelle est votre estimation ? Parce que, là encore, chacun a ses chiffres.
L'estimation... D'abord, ce qu'il faut savoir, c'est que chaque année...
400.000, 500.000, 600.000 ?
D'abord, il faut savoir que c'est chaque année qu'on a un problème de chômeurs qui sont en fin de droits...
Chaque année, mais là, il est amplifié par ce qui s'est passé l'année dernière.
Voilà. On pense qu'à cause de la crise, on aura entre 100 à 150.000 demandeurs d'emploi qui arrivent en fin de droits, supplémentaires cette année. C'est quoi quelqu'un qui est en fin de droits ? Il faut bien comprendre. C'est quelqu'un qui est allé au bout de son droit assurance-chômage, donc qui est en situation difficile, juste pour faire vivre sa famille. Sur ces un million de personnes, il y en a toute une partie qui bénéficie de la solidarité nationale : le RSA, l'ASS qui est un dispositif qui est fait pour ça, un certain nombre d'autres aides - je ne vais pas rentrer dans les détails techniques - mais qui sont là pour soutenir les gens et leur permettre de traverse la période. Et puis, il y en a d'autres qui peuvent avoir des niveaux de revenus, parce que leur conjoint travaille, qui sont au-delà des seuils. Et qui, eux, sont donc dans un petit peu ce trou noir de notre système de solidarité nationale ; ils n'ont plus leur assurance-chômage, ils n'ont pas le droit à la solidarité nationale.
Il y avait deux salaires qui rentraient dans le foyer, il n'y en a plus qu'un...
Voilà. L'exemple typique c'est : vous étiez tous les deux au travail, votre conjoint a toujours son travail, vous êtes donc au-dessus des seuils d'aide, et vous, vous perdez votre emploi.
Alors ça fait combien ? 400, 500, 600.000 ?
On estime, et c'est tout l'objet de notre réunion de la semaine prochaine avec les partenaires sociaux, aux alentours de...entre 350.000 et 400.000, ces personnes qui sont en dehors de nos aides.
Si je vous interroge sur ces deux sujets, et notamment sur les chômeurs en fin de droits, c'est parce que les partenaires sociaux discutent quand même depuis longtemps et n'arrivent pas à trouver de solution.
C'est bien pour ça qu'on va s'en occuper.
Donc, vous, l'Etat, vous allez devoir prendre vos responsabilités ?
Oui, je le dis clairement, on prendra nos responsabilités.
Cela veut dire quoi, "prendre vos responsabilités" ?
D'abord, les deux prennent leurs responsabilités, les partenaires sociaux, et je tiens à le dire, dans cette crise, ils sont exemplaires.
Ils sont exemplaires mais ils ne trouvent pas de solution !
Non, ils ont dit - et ce qui est un point déjà majeur d'avancement - "on est prêts à aider sur ce sujet et à cofinancer". Nous, même disposition : on est prêts à travailler ensemble et à mettre de l'argent sur la table. Maintenant, on arrête d'enfiler des perles ! On est en séance de travail commune...
Oui, on décide...
...On décide. Semaine prochaine, on a notre réunion de diagnostic, semaine d'après, je souhaite que les mesures soient arrêtées et qu'elles soient opérationnelles avant la fin du mois de mars.
Est-ce qu'il faut pour financer, je ne sais pas, augmenter les cotisations patronales par exemple ?
Non, ce n'est pas un sujet.
Alors quelle solution avez-vous en tête ?
Les solutions dont je vous ai avancées : essayer d'agir avant que la personne soit en fin de droits, miser sur la formation...
D'accord, mais là, il y a une réalité ! Il y a des chômeurs en fin de droits !
Oui, c'est-à-dire que pour ceux qui sont déjà en fin de droits, il faut leur proposer des formations rémunérées parce qu'il faut agir sur deux sujets : d'abord, aider...
Mais qui va payer ces formations ?
On a quand même un petit peu d'argent...
L'Unedic, l'Etat ?
Un cofinancement. Je suis prêt à ce qu'on mette de l'argent sur mon budget politique de l'emploi, et...
L'Etat est prêt à s'engager, à quelle hauteur ?
A quelle hauteur, c'est tout l'objet de notre négociation. Mais il faut savoir que sur un sujet comme ça...
A quelle hauteur ? Moitié-moitié ?
Ce ne serait pas responsable de ma part de lâcher ça, même si je comprends vos questions.
Mais ma question est précise.
Ma réponse qui est précise, c'est plusieurs centaines de millions d'euros qui seront sur la table.
L'Etat dégage plusieurs centaines de millions d'euros pour aider les chômeurs de longue durée, c'est ça ? Va dégager ?
L'Etat et l'assurance-chômage ensemble vont dégager plusieurs centaines de millions d'euros.
Plusieurs centaines de millions d'euros ?
Oui.
Rapidement ? Là, je suis très clair : ce sont des gens qui nous attendent, on n'est pas là pour attendre. Cela veut dire que, fin mars, tout ça doit être opérationnel.
Les syndicats réclament un élargissement de l'allocation spécifique de solidarité, la fameuse ASS...
Pas tous les syndicats.
Certains, notamment la CFDT...
Pourquoi ? Parce que, ce que je ne veux pas... La CFDT est plus pour dire : je veux des mesures actives. Pourquoi ?...
De formation, oui, c'est vrai.
...C'est-à-dire ce sur quoi on est prêts à travailler. Pourquoi ? Si jamais vous vous contentez de pousser le problème devant vous et que vous rajoutez deux mois, trois mois d'indemnisation, mais que trois mois plus tard, les gens n'ont toujours pas d'emploi, vous n'avez pas réglé le problème !
Mais pardon, la formation c'est repousser le problème à plus tard !
Non, monsieur Bourdin !
Je suis chômeur de longue durée, j'arrive au mois de mars, on me propose une formation, et si la formation commence au mois de juin, je fais comment du mois de mars au mois de juin ? Je fais comment ? !!
Je suis d'accord, il faut qu'on puisse gérer les périodes de transition ; ça, on est d'accord là-dessus. Mais juste un exemple précis, parce que j'aime bien que ce soit concret : Amiens, des salariés qui étaient dans la sous-traitance automobile, secteur en crise, ils perdent leur emploi. On a mis en place des formations pour les reconvertir sur la construction de moteurs d'éolienne ; ils ont réussi à retrouver un emploi. Ça, c'est un exemple précis de ce que peut permettre la formation. On a des emplois, on voit que les offres d'emploi repartent à la hausse. Est-ce qu'on est capables de former les gens pour les positionner là où on sait qu'il y a des emplois à gagner ? C'est ça le sujet de demain.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 mars 2010
Chaque année, en début d'année, il y a ce qu'on appelle "une correction saisonnière". Ce n'est pas moi qui la fais, c'est un institut de statistiques indépendant, qui s'appelle la DARES. Je les ai d'ailleurs appelés hier pour leur dire : c'est bien mais ce qu'on aimerait, c'est que les chiffres que vous donnez soient fiables à chaque fois. Cela joue parfois dans le sens de mauvaise nouvelle, par exemple sur décembre, et aussi dans le sens de bonne nouvelle.
En décembre, le chômage, officiellement, avait légèrement reculé, et puis on s'aperçoit qu'en fait, il avait progressé...
Il était stable. Non, stable.
Bon, il était stable, enfin, bon...
Mais, à l'inverse, sur le mois de novembre, on nous avait dit : vous avez eu une très forte augmentation du chômage, la réalité c'est qu'on a eu une augmentation du chômage beaucoup plus faible. Donc, la seule chose, mais ce n'est pas le coeur du sujet, c'est que ce serait bien quand même que ceux qui font les statistiques nous donnent des chiffres fiables dès le premier mois.
En janvier, ils sont fiables ces chiffres ou pas ?
Sous réserve de ce que nous donne la DARES. En tout cas, ce qu'on voit sur le mois de janvier, et ça, ce n'est jamais une bonne nouvelle, c'est que le taux de chômage a légèrement progressé.
19.500 chômeurs de plus, c'est ça ?
Un petit peu moins de 1 % d'augmentation. Cela étant, il faut quand même qu'on arrive à garder les signes d'espoir qu'on conserve dans cette période. Première chose, comparons avec le mois de janvier 2009 : l'augmentation du chômage...
En pleine crise...
...était trois fois plus forte. Donc on voit bien que malgré, tout l'aggravation forte s'est arrêtée, l'amélioration...
...S'est arrêtée sur un mois.
Oui, mais l'amélioration n'est pas encore là. Il y a des signaux qui sont pour moi importants. Premièrement, le taux de chômage des jeunes baisse. Cela fait maintenant depuis mai qu'on a fait reculer le taux de chômage des jeunes, ça c'est un vrai signal d'espoir, ça montre quand même qu'on est sur une sortie de crise. Deuxième chose...
On est sur une sortie de crise pour vous ? Il n'y a pas de doute, la crise, c'est fini ?
L'aggravation très forte du taux de chômage dans la crise, c'est derrière nous. L'amélioration...
La crise, c'est fini ?
Je n'ai pas dit que la crise était finie.
"Sortie de crise", c'est-à-dire qu'on est au bout de la crise, quoi ?
Non, cela veut dire que pour l'instant, on est encore dans le tunnel, on commence à voir la lumière, mais il faut qu'on avance. Et surtout, il y a un point fondamental, c'est qu'on ne doit pas désarmer notre politique de l'emploi. On voit bien qu'on garde des chiffres qui nécessitent toute notre vigilance, qu'on a besoin de tous les outils de la politique de l'emploi. Il y a un autre point qui est intéressant sur ce qui s'est passé sur le mois de janvier : les offres d'emplois repartent à la hausse, on a une augmentation de près de 7 % du nombre d'offres d'emplois qui sont sur la table. Ca, c'est très important parce que si on est réactifs, si on arrive à être meilleurs pour mettre en relation celui qui cherche un emploi avec les emplois à prendre, là, on a une possibilité d'accélérer la sortie de crise.
Vous êtes optimiste alors ?
Je ne suis pas optimiste, je suis déterminé.
D'accord, vous êtes prudent. Cent chômeurs supplémentaires, quarante-cinq pauvres supplémentaires. Quarante-cinq pauvres, plus la famille ! On va parler du chômage de longue durée. Il y a deux sujets que je voudrais aborder avec vous, c'est le chômage des plus de 50 ans et le chômage de longue durée. Alors, lequel choisissez-vous pour commencer ?
C'est rare que vous me donniez le choix...
Je vous demande, pour voir, comme ça, je teste...
Je pense que le plus grave dans l'immédiat, c'est le chômage de longue durée.
Alors, combien de chômeurs de longue durée aujourd'hui en France ?
On est en train de travailler dessus avec les partenaires sociaux.
Parce qu'on ne le sait pas vraiment ?
Non. Pourquoi ? D'abord, le chômage de longue durée, qu'est-ce que vous appelez un chômeur de longue durée ? C'est quelqu'un qui cherche depuis deux ans ou c'est quelqu'un qui cherche depuis un an ? Personnellement, je pense que, dès qu'on est à un an de recherche et qu'on n'a pas trouvé, il faut qu'on se mobilise.
J'ai une avalanche de témoignages de chômeurs de longue durée.
Surtout, un point qu'il faut savoir : la réalité du chômage, c'est que c'est une course contre la montre. Quelqu'un qui a perdu son emploi, chaque semaine qui passe est une semaine où il a moins de chance de trouver un emploi. Donc notre bataille, c'est d'essayer de réagir le plus tôt possible pour réagir avant que la personne se trouve dans cette espèce de nasse du chômage de longue durée.
Dans une nasse, oui...
C'est une nasse pour deux raisons. La première, parce que ses chances de retrouver un emploi diminuent, c'est la première chose. Mais la deuxième chose aussi, qui n'est pas totalement anecdotique, c'est qu'il n'a plus d'indemnités à la fin. Et quelqu'un qui n'a plus d'assurance-chômage à la fin est en grosse difficulté. On travaille donc sur ce sujet, d'arrache-pied, avec les partenaires sociaux. On les a rencontrés pendant toute la semaine, j'ai vu les huit partenaires sociaux qui travaillent avec nous sur ce sujet. Dès la semaine prochaine, on fait une séance de bilan pour précisément se dire : combien est-ce qu'il y a de personnes qui sont au chômage de longue durée ? Comment...
Vous avez une évaluation, un chiffre, à peu près ?
Pas pour l'instant.
D'accord. Donc vous voulez savoir exactement combien de personnes sont en situation de chômage de longue durée ?
Exactement. Combien de personnes auront besoin de nous en 2010.
Alors, qu'allez-vous leur proposer ?
Ensuite, le but est d'avoir un plan d'action qui soit opérationnel avant la fin du mois de mars. Pour moi, il y a trois pistes d'action, trois pistes. La première d'abord, c'est comment fait-on pour agir avant que les personnes se trouvent au chômage de longue durée et avant qu'elles aient perdu leur indemnisation assurance-chômage. C'est la première chose. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce qu'on voit trop souvent, c'est qu'on réagit trop tard. On réagit après que la personne soit devenue sans droits, les fameux "fin de droits" dont on parle, et puis après, qu'elle soit dans le chômage de longue durée. Exemple précis : une femme, 45 ans, qui cherche dans le secteur du textile, si au bout d'un mois n'a pas trouvé, il faut lui proposer avant qu'elle soit à un an, une formation pour se reconvertir, par exemple dans les services à la personne. Ca, c'est ce qu'on doit faire avant. Deuxième chose, miser sur la formation. Parce que quelqu'un qui ne trouve pas dans son domaine au bout d'un an, c'est que ce n'est pas le bon domaine. Donc cela veut dire qu'il faut l'aider à se reconvertir. Et puis la troisième chose, tout ce qui permet, y compris à travers des aides, de recommencer à travailler, et je pense notamment à des contrats aidés.
Après avoir parlé du chômage de longue durée, je voudrais parler des chômeurs en fin de droits, parce que finalement c'est un peu pareil ? C'est le même sujet. Les chômeurs en fin de droits, combien de chômeurs en fin de droits dans cette année 2010, quelle est votre estimation ? Parce que, là encore, chacun a ses chiffres.
L'estimation... D'abord, ce qu'il faut savoir, c'est que chaque année...
400.000, 500.000, 600.000 ?
D'abord, il faut savoir que c'est chaque année qu'on a un problème de chômeurs qui sont en fin de droits...
Chaque année, mais là, il est amplifié par ce qui s'est passé l'année dernière.
Voilà. On pense qu'à cause de la crise, on aura entre 100 à 150.000 demandeurs d'emploi qui arrivent en fin de droits, supplémentaires cette année. C'est quoi quelqu'un qui est en fin de droits ? Il faut bien comprendre. C'est quelqu'un qui est allé au bout de son droit assurance-chômage, donc qui est en situation difficile, juste pour faire vivre sa famille. Sur ces un million de personnes, il y en a toute une partie qui bénéficie de la solidarité nationale : le RSA, l'ASS qui est un dispositif qui est fait pour ça, un certain nombre d'autres aides - je ne vais pas rentrer dans les détails techniques - mais qui sont là pour soutenir les gens et leur permettre de traverse la période. Et puis, il y en a d'autres qui peuvent avoir des niveaux de revenus, parce que leur conjoint travaille, qui sont au-delà des seuils. Et qui, eux, sont donc dans un petit peu ce trou noir de notre système de solidarité nationale ; ils n'ont plus leur assurance-chômage, ils n'ont pas le droit à la solidarité nationale.
Il y avait deux salaires qui rentraient dans le foyer, il n'y en a plus qu'un...
Voilà. L'exemple typique c'est : vous étiez tous les deux au travail, votre conjoint a toujours son travail, vous êtes donc au-dessus des seuils d'aide, et vous, vous perdez votre emploi.
Alors ça fait combien ? 400, 500, 600.000 ?
On estime, et c'est tout l'objet de notre réunion de la semaine prochaine avec les partenaires sociaux, aux alentours de...entre 350.000 et 400.000, ces personnes qui sont en dehors de nos aides.
Si je vous interroge sur ces deux sujets, et notamment sur les chômeurs en fin de droits, c'est parce que les partenaires sociaux discutent quand même depuis longtemps et n'arrivent pas à trouver de solution.
C'est bien pour ça qu'on va s'en occuper.
Donc, vous, l'Etat, vous allez devoir prendre vos responsabilités ?
Oui, je le dis clairement, on prendra nos responsabilités.
Cela veut dire quoi, "prendre vos responsabilités" ?
D'abord, les deux prennent leurs responsabilités, les partenaires sociaux, et je tiens à le dire, dans cette crise, ils sont exemplaires.
Ils sont exemplaires mais ils ne trouvent pas de solution !
Non, ils ont dit - et ce qui est un point déjà majeur d'avancement - "on est prêts à aider sur ce sujet et à cofinancer". Nous, même disposition : on est prêts à travailler ensemble et à mettre de l'argent sur la table. Maintenant, on arrête d'enfiler des perles ! On est en séance de travail commune...
Oui, on décide...
...On décide. Semaine prochaine, on a notre réunion de diagnostic, semaine d'après, je souhaite que les mesures soient arrêtées et qu'elles soient opérationnelles avant la fin du mois de mars.
Est-ce qu'il faut pour financer, je ne sais pas, augmenter les cotisations patronales par exemple ?
Non, ce n'est pas un sujet.
Alors quelle solution avez-vous en tête ?
Les solutions dont je vous ai avancées : essayer d'agir avant que la personne soit en fin de droits, miser sur la formation...
D'accord, mais là, il y a une réalité ! Il y a des chômeurs en fin de droits !
Oui, c'est-à-dire que pour ceux qui sont déjà en fin de droits, il faut leur proposer des formations rémunérées parce qu'il faut agir sur deux sujets : d'abord, aider...
Mais qui va payer ces formations ?
On a quand même un petit peu d'argent...
L'Unedic, l'Etat ?
Un cofinancement. Je suis prêt à ce qu'on mette de l'argent sur mon budget politique de l'emploi, et...
L'Etat est prêt à s'engager, à quelle hauteur ?
A quelle hauteur, c'est tout l'objet de notre négociation. Mais il faut savoir que sur un sujet comme ça...
A quelle hauteur ? Moitié-moitié ?
Ce ne serait pas responsable de ma part de lâcher ça, même si je comprends vos questions.
Mais ma question est précise.
Ma réponse qui est précise, c'est plusieurs centaines de millions d'euros qui seront sur la table.
L'Etat dégage plusieurs centaines de millions d'euros pour aider les chômeurs de longue durée, c'est ça ? Va dégager ?
L'Etat et l'assurance-chômage ensemble vont dégager plusieurs centaines de millions d'euros.
Plusieurs centaines de millions d'euros ?
Oui.
Rapidement ? Là, je suis très clair : ce sont des gens qui nous attendent, on n'est pas là pour attendre. Cela veut dire que, fin mars, tout ça doit être opérationnel.
Les syndicats réclament un élargissement de l'allocation spécifique de solidarité, la fameuse ASS...
Pas tous les syndicats.
Certains, notamment la CFDT...
Pourquoi ? Parce que, ce que je ne veux pas... La CFDT est plus pour dire : je veux des mesures actives. Pourquoi ?...
De formation, oui, c'est vrai.
...C'est-à-dire ce sur quoi on est prêts à travailler. Pourquoi ? Si jamais vous vous contentez de pousser le problème devant vous et que vous rajoutez deux mois, trois mois d'indemnisation, mais que trois mois plus tard, les gens n'ont toujours pas d'emploi, vous n'avez pas réglé le problème !
Mais pardon, la formation c'est repousser le problème à plus tard !
Non, monsieur Bourdin !
Je suis chômeur de longue durée, j'arrive au mois de mars, on me propose une formation, et si la formation commence au mois de juin, je fais comment du mois de mars au mois de juin ? Je fais comment ? !!
Je suis d'accord, il faut qu'on puisse gérer les périodes de transition ; ça, on est d'accord là-dessus. Mais juste un exemple précis, parce que j'aime bien que ce soit concret : Amiens, des salariés qui étaient dans la sous-traitance automobile, secteur en crise, ils perdent leur emploi. On a mis en place des formations pour les reconvertir sur la construction de moteurs d'éolienne ; ils ont réussi à retrouver un emploi. Ça, c'est un exemple précis de ce que peut permettre la formation. On a des emplois, on voit que les offres d'emploi repartent à la hausse. Est-ce qu'on est capables de former les gens pour les positionner là où on sait qu'il y a des emplois à gagner ? C'est ça le sujet de demain.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 mars 2010