Texte intégral
Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter, M. le Président, et la Présidence espagnole, pour l'organisation de cette réunion informelle et pour le choix des thèmes de discussion, qui placent notre Conseil Emploi/Travail/Affaires sociales véritablement au coeur de la réflexion sur la stratégie européenne 2020 : dans un contexte de crise économique qui a durement touché les citoyens de nos pays, nous devons plus que jamais prendre en compte la dimension sociale, si nous voulons trouver les voies d'une reprise durable, qui allie la croissance économique et le progrès social.
Je regrette de n'avoir pu vous rejoindre plus tôt ici à Barcelone. Mes collaborateurs m'ont rendu compte de la qualité de vos échanges depuis hier et je suis convaincu que nos débats apporteront une contribution utile à la finalisation des orientations de la stratégie 2020 et en premier lieu dans la perspective du sommet extraordinaire sur la croissance et l'emploi, qui se tiendra le 11 février prochain. Comme de nombreux collègues l'ont souligné hier avant moi, il est en effet particulièrement important que les ministres de l'emploi, du travail et des politiques sociales soient pleinement impliqués dans le processus d'élaboration de cette stratégie.
Je voudrais ici vous faire part de trois convictions.
* La première, c'est que les droits sociaux constituent un investissement et non un coût. La crise sans précédent à laquelle nous avons été confrontés nous a montré s'il en était besoin que la protection sociale est d'abord un « amortisseur social ». Elle assure à nos concitoyens une sécurité renforcée par rapport aux solidarités, nécessairement plus limitées, qu'offrent familles et entourages. C'est aussi, comme l'ont montré plusieurs études notamment de l'OCDE, un stabilisateur économique, qui contribue à maintenir la demande globale, la consommation et donc à relancer l'économie, particulièrement en période de crise. Elle est aussi source d'investissement et d'activité notamment dans les secteurs médico-sociaux, et à ce titre favorise aussi directement l'emploi.
Dans un contexte de vieillissement démographique et d'intensification de la concurrence mondiale, l'objectif de cohésion sociale et de lutte contre la pauvreté doit guider nos réflexions sur la stratégie pour 2020. Disant cela, j'ai à l'esprit les dernières données publiées par Eurostat qui montrent que 17% de la population sont touchés par la pauvreté.
* La deuxième conviction, c'est qu'il faut faire du contexte particulièrement difficile que nous avons à traverser depuis 2008, une opportunité pour développer une approche véritablement intégrée - économique, sociale et environnementale - de nos stratégies économiques.
La Commission a fait en novembre des propositions en vue d'une consultation sur la nouvelle stratégie. On voit bien dans les réponses que nous avons faites que nous nous retrouvons sur le constat et les orientations : il faut un véritable agenda européen dans la nouvelle stratégie pour 2020. Il faut mettre le social au coeur de cet agenda, et le Conseil EPSSCO doit jouer son rôle dans ce but.
Il convient aussi de repenser notre modèle de croissance en ayant en tête les deux enjeux suivants :
1. le vieillissement de nos sociétés pose un vrai défi à nos systèmes de protection sociale,
2. la croissance du Produit Intérieur Brut n'est pas le seul indicateur du bien être de nos concitoyens. A cet égard, j'ai pu constater que les réflexions que nous avons en France dans la suite du rapport Stiglitz-Sen remis au Président de la République trouvent un écho dans les contributions de plusieurs Etats membres.
Reste que les questions de gouvernance de la stratégie sont difficiles. Plutôt que de bouleverser les procédures que nous avons mis du temps à mettre en place ensemble, je pense que nous devons améliorer considérablement notre manière de travailler. Je le dis en toute amitié à nos collègues qui vont assurer les trois prochaines présidences : n'hésitez pas à nous proposer des manières différentes de travailler et à nous surprendre. Nous en avons plus que jamais besoin.
L'adéquation, la modernisation et la « soutenabilité » de nos systèmes de pensions doivent être au coeur de nos préoccupations. Je suis heureux que le commissaire désigné nous ait annoncé que le nouveau collège souhaitait un livre vert sur ces questions. Nous sommes bien entendu prêts à y contribuer.
En France, nous avons mené une première grande réforme en 2003, qui a notamment permis d'harmoniser et d'allonger les durées d'assurance requises dans nos différents régimes de retraite. Il nous faut aller plus loin. Conformément à la volonté du Président de la République, nous aurons cette année un grand rendez-vous sur les retraites afin de garantir la pérennité de notre système de retraite. Avec l'ensemble des acteurs, nous débattrons d'un grand nombre de thèmes comme la durée de cotisation, l'âge de la retraite ou bien encore la pénibilité.
Mais le constat est clair et doit être posé : dans un pays où l'espérance de vie s'accroît d'un trimestre chaque année, nous n'avons d'autre solution que de travailler plus longtemps.
Pour préparer cette réforme, je considère que c'est une chance pour notre pays de pouvoir bénéficier de l'expérience des autres Etats de l'Union européenne. Je pense par exemple à l'Allemagne, aux Pays-Bas, mais aussi aux refontes profondes intervenues en Suède, en Italie ou en Pologne.
Je souhaite à cet égard souligner notre intérêt pour les travaux menés dans le cadre de la méthode ouverte de coordination.
La méthode ouverte de coordination a fait ses preuves dans les domaines de la protection sociale : elle permet de confronter nos façons de penser face aux défis communs du vieillissement et de la lutte contre la pauvreté et de diffuser les bonnes pratiques.
Maintenir la pérennité financière, garantir le niveau des pensions et améliorer l'équité intergénérationnelle sont en effet des défis communs à l'ensemble de nos Etats. Je pense donc qu'il est précieux de pouvoir tirer des enseignements de nos expériences respectives.
De manière générale, je pense que nous avons intérêt à développer une approche plus intégrée de la protection sociale. L'égalité entre les hommes et les femmes, les politiques familiales, les mesures en faveur de l'emploi des séniors, les politiques de santé publique ou bien encore la santé au travail, par exemple, qui est l'un des grands chantiers de mon ministère, sont autant de sources de croissance et d'emploi.
* Ma troisième conviction c'est que nous devons agir ensemble pour aboutir à une meilleure gouvernance, y compris sociale, de la mondialisation, en associant toutes les Organisations internationales à cet effort, notamment l'OIT et en favorisant leurs synergies.
Nous devons agir en faveur d'une régulation de la mondialisation, dans sa dimension sociale, autour de deux axes principaux :
* l'établissement d'un socle de protection sociale universel.
* la mondialisation équitable, régulation visant la mise en oeuvre effective des normes fondamentales du travail ;
Aujourd'hui, de nombreux pays du G20 et au-delà ont replacé la protection sociale au coeur de leur réponse à la crise : le Brésil, avec la Bolsa Familia, le Japon, pour faire face à la montée de l'emploi précaire, l'Inde, la Corée, la Chine, qui réfléchit à l'extension d'une protection sociale pour tous.
C'est pourquoi, je tiens à le souligner, les réflexions que nous menons ici, à 27, doivent trouver un prolongement dans d'autres enceintes.
C'est vrai d'abord à l'OIT, organisation tripartite, représentative du monde du travail et de l'économie. Son rôle doit être conforté - dans le cadre de la gouvernance mondiale qui s'esquisse - pour y porter la dimension sociale, en partenariat avec, notamment, les organisations financières comme le FMI ou la Banque mondiale
C'est vrai ensuite à l'OMC et dans les partenariats commerciaux que l'Union européenne noue avec d'autres régions du monde
C'est vrai enfin au sein du G20 des ministres du travail et de l'emploi auquel participent plusieurs d'entre nous.
Pour les pays émergents, le développement de la protection sociale est devenu à la fois un impératif économique, pour stimuler durablement la demande interne et la croissance, et l'amorce d'une reconnaissance des droits sociaux. C'est la meilleure garantie pour prévenir les crises sociales.
Le BIT et l'OMS travaillent aujourd'hui à la définition de ce socle universel de protection sociale. Nous devons encourager ces efforts. Nous serons ainsi aussi en mesure de promouvoir dans son prolongement l'universalisation et l'application effective des normes fondamentales du travail. Sur ces sujets, il est plus que jamais temps d'aller plus loin.
Le rôle de la protection sociale est en effet la première étape essentielle pour parvenir à une mondialisation maîtrisée.
Elle est un fondement de la cohésion sociale, quelles que soient les différences de niveaux de développement et les choix nationaux sociaux, économiques et culturels. Dans nos sociétés développées, où elle constitue un acquis, elle a démontré son rôle d'amortisseur face à la crise mondiale. Dans les sociétés en développement, elle est une condition pour sortir progressivement de l'économie informelle qui prive les citoyens de droits fondamentaux et fausse les conditions de production. C'est en ce sens qu'établir un socle universel est capital. Je souhaite que nous y travaillions avec détermination. Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 9 février 2010
Je regrette de n'avoir pu vous rejoindre plus tôt ici à Barcelone. Mes collaborateurs m'ont rendu compte de la qualité de vos échanges depuis hier et je suis convaincu que nos débats apporteront une contribution utile à la finalisation des orientations de la stratégie 2020 et en premier lieu dans la perspective du sommet extraordinaire sur la croissance et l'emploi, qui se tiendra le 11 février prochain. Comme de nombreux collègues l'ont souligné hier avant moi, il est en effet particulièrement important que les ministres de l'emploi, du travail et des politiques sociales soient pleinement impliqués dans le processus d'élaboration de cette stratégie.
Je voudrais ici vous faire part de trois convictions.
* La première, c'est que les droits sociaux constituent un investissement et non un coût. La crise sans précédent à laquelle nous avons été confrontés nous a montré s'il en était besoin que la protection sociale est d'abord un « amortisseur social ». Elle assure à nos concitoyens une sécurité renforcée par rapport aux solidarités, nécessairement plus limitées, qu'offrent familles et entourages. C'est aussi, comme l'ont montré plusieurs études notamment de l'OCDE, un stabilisateur économique, qui contribue à maintenir la demande globale, la consommation et donc à relancer l'économie, particulièrement en période de crise. Elle est aussi source d'investissement et d'activité notamment dans les secteurs médico-sociaux, et à ce titre favorise aussi directement l'emploi.
Dans un contexte de vieillissement démographique et d'intensification de la concurrence mondiale, l'objectif de cohésion sociale et de lutte contre la pauvreté doit guider nos réflexions sur la stratégie pour 2020. Disant cela, j'ai à l'esprit les dernières données publiées par Eurostat qui montrent que 17% de la population sont touchés par la pauvreté.
* La deuxième conviction, c'est qu'il faut faire du contexte particulièrement difficile que nous avons à traverser depuis 2008, une opportunité pour développer une approche véritablement intégrée - économique, sociale et environnementale - de nos stratégies économiques.
La Commission a fait en novembre des propositions en vue d'une consultation sur la nouvelle stratégie. On voit bien dans les réponses que nous avons faites que nous nous retrouvons sur le constat et les orientations : il faut un véritable agenda européen dans la nouvelle stratégie pour 2020. Il faut mettre le social au coeur de cet agenda, et le Conseil EPSSCO doit jouer son rôle dans ce but.
Il convient aussi de repenser notre modèle de croissance en ayant en tête les deux enjeux suivants :
1. le vieillissement de nos sociétés pose un vrai défi à nos systèmes de protection sociale,
2. la croissance du Produit Intérieur Brut n'est pas le seul indicateur du bien être de nos concitoyens. A cet égard, j'ai pu constater que les réflexions que nous avons en France dans la suite du rapport Stiglitz-Sen remis au Président de la République trouvent un écho dans les contributions de plusieurs Etats membres.
Reste que les questions de gouvernance de la stratégie sont difficiles. Plutôt que de bouleverser les procédures que nous avons mis du temps à mettre en place ensemble, je pense que nous devons améliorer considérablement notre manière de travailler. Je le dis en toute amitié à nos collègues qui vont assurer les trois prochaines présidences : n'hésitez pas à nous proposer des manières différentes de travailler et à nous surprendre. Nous en avons plus que jamais besoin.
L'adéquation, la modernisation et la « soutenabilité » de nos systèmes de pensions doivent être au coeur de nos préoccupations. Je suis heureux que le commissaire désigné nous ait annoncé que le nouveau collège souhaitait un livre vert sur ces questions. Nous sommes bien entendu prêts à y contribuer.
En France, nous avons mené une première grande réforme en 2003, qui a notamment permis d'harmoniser et d'allonger les durées d'assurance requises dans nos différents régimes de retraite. Il nous faut aller plus loin. Conformément à la volonté du Président de la République, nous aurons cette année un grand rendez-vous sur les retraites afin de garantir la pérennité de notre système de retraite. Avec l'ensemble des acteurs, nous débattrons d'un grand nombre de thèmes comme la durée de cotisation, l'âge de la retraite ou bien encore la pénibilité.
Mais le constat est clair et doit être posé : dans un pays où l'espérance de vie s'accroît d'un trimestre chaque année, nous n'avons d'autre solution que de travailler plus longtemps.
Pour préparer cette réforme, je considère que c'est une chance pour notre pays de pouvoir bénéficier de l'expérience des autres Etats de l'Union européenne. Je pense par exemple à l'Allemagne, aux Pays-Bas, mais aussi aux refontes profondes intervenues en Suède, en Italie ou en Pologne.
Je souhaite à cet égard souligner notre intérêt pour les travaux menés dans le cadre de la méthode ouverte de coordination.
La méthode ouverte de coordination a fait ses preuves dans les domaines de la protection sociale : elle permet de confronter nos façons de penser face aux défis communs du vieillissement et de la lutte contre la pauvreté et de diffuser les bonnes pratiques.
Maintenir la pérennité financière, garantir le niveau des pensions et améliorer l'équité intergénérationnelle sont en effet des défis communs à l'ensemble de nos Etats. Je pense donc qu'il est précieux de pouvoir tirer des enseignements de nos expériences respectives.
De manière générale, je pense que nous avons intérêt à développer une approche plus intégrée de la protection sociale. L'égalité entre les hommes et les femmes, les politiques familiales, les mesures en faveur de l'emploi des séniors, les politiques de santé publique ou bien encore la santé au travail, par exemple, qui est l'un des grands chantiers de mon ministère, sont autant de sources de croissance et d'emploi.
* Ma troisième conviction c'est que nous devons agir ensemble pour aboutir à une meilleure gouvernance, y compris sociale, de la mondialisation, en associant toutes les Organisations internationales à cet effort, notamment l'OIT et en favorisant leurs synergies.
Nous devons agir en faveur d'une régulation de la mondialisation, dans sa dimension sociale, autour de deux axes principaux :
* l'établissement d'un socle de protection sociale universel.
* la mondialisation équitable, régulation visant la mise en oeuvre effective des normes fondamentales du travail ;
Aujourd'hui, de nombreux pays du G20 et au-delà ont replacé la protection sociale au coeur de leur réponse à la crise : le Brésil, avec la Bolsa Familia, le Japon, pour faire face à la montée de l'emploi précaire, l'Inde, la Corée, la Chine, qui réfléchit à l'extension d'une protection sociale pour tous.
C'est pourquoi, je tiens à le souligner, les réflexions que nous menons ici, à 27, doivent trouver un prolongement dans d'autres enceintes.
C'est vrai d'abord à l'OIT, organisation tripartite, représentative du monde du travail et de l'économie. Son rôle doit être conforté - dans le cadre de la gouvernance mondiale qui s'esquisse - pour y porter la dimension sociale, en partenariat avec, notamment, les organisations financières comme le FMI ou la Banque mondiale
C'est vrai ensuite à l'OMC et dans les partenariats commerciaux que l'Union européenne noue avec d'autres régions du monde
C'est vrai enfin au sein du G20 des ministres du travail et de l'emploi auquel participent plusieurs d'entre nous.
Pour les pays émergents, le développement de la protection sociale est devenu à la fois un impératif économique, pour stimuler durablement la demande interne et la croissance, et l'amorce d'une reconnaissance des droits sociaux. C'est la meilleure garantie pour prévenir les crises sociales.
Le BIT et l'OMS travaillent aujourd'hui à la définition de ce socle universel de protection sociale. Nous devons encourager ces efforts. Nous serons ainsi aussi en mesure de promouvoir dans son prolongement l'universalisation et l'application effective des normes fondamentales du travail. Sur ces sujets, il est plus que jamais temps d'aller plus loin.
Le rôle de la protection sociale est en effet la première étape essentielle pour parvenir à une mondialisation maîtrisée.
Elle est un fondement de la cohésion sociale, quelles que soient les différences de niveaux de développement et les choix nationaux sociaux, économiques et culturels. Dans nos sociétés développées, où elle constitue un acquis, elle a démontré son rôle d'amortisseur face à la crise mondiale. Dans les sociétés en développement, elle est une condition pour sortir progressivement de l'économie informelle qui prive les citoyens de droits fondamentaux et fausse les conditions de production. C'est en ce sens qu'établir un socle universel est capital. Je souhaite que nous y travaillions avec détermination. Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 9 février 2010