Texte intégral
Dans la vie de ce beau ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville, il est des lieux et des circonstances qui comptent tout particulièrement.
Des lieux, d'abord, avec cette salle des accords de Grenelle où j'ai le plaisir de vous accueillir aujourd'hui et qui est devenue l'emblème, depuis quarante ans, du fonctionnement de notre démocratie sociale. Des circonstances, ensuite, avec ce discours de présentation des voeux qui m'offre l'occasion de vous dire l'importance que j'accorde au dialogue social dans la préparation des échéances de l'année 2010.
Au cours d'une année 2009 marquée par une crise économique d'une gravité exceptionnelle, le dialogue social a su faire la démonstration de son utilité, de sa légitimité et de sa nécessité.
Il a permis de défendre les intérêts des salariés tout en tenant compte des difficultés considérables que devaient traverser des entreprises et des secteurs entiers de notre économie.
Il a joué un rôle irremplaçable de conciliateur et de modérateur, empêchant qu'à la crise économique ne s'ajoute une crise sociale qui aurait compromis durablement nos espoirs de reprise. J'ai souvent regretté, au cours des derniers mois, que le travail admirable de discussion et de négociation mené par les partenaires sociaux pour accompagner des plans sociaux très délicats n'ait pas bénéficié de la même couverture médiatique que certains conflits, plus radicaux, plus spectaculaires et heureusement beaucoup moins nombreux. L'image de notre démocratie sociale auprès du grand public en aurait sans doute été plus juste.
Face à cette crise, le Gouvernement avait fait de l'emploi la priorité de l'agenda social pour 2009. Je constate avec une grande satisfaction que vous avez su faire vivre cette priorité, en signant au cours de l'année pas moins de quatre accords sur la convention d'assurance-chômage, sur les retraites complémentaires, sur l'indemnisation du chômage partiel et sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique. Sur ce dernier thème, je note d'ailleurs qu'au-delà de l'accord du 8 juillet 2009, la négociation se poursuit aujourd'hui sur d'autres dimensions essentielles telles que les mobilités professionnelles ou le rôle des groupements d'employeurs. En ce début d'année 2010, il me paraît essentiel de laisser ces négociations se poursuivre jusqu'à leur terme. D'autres discussions se sont par ailleurs engagées sur des sujets essentiels pour les entreprises, les salariés et le dialogue de tous les acteurs.
Dans un contexte si difficile, chacun a donc su faire preuve de responsabilité. Aucun de nous n'a renié pour autant ses convictions et ses engagements. Telle est la force d'une grande démocratie sociale comme la nôtre.
Mais la force d'une démocratie sociale, c'est aussi, avant tout, de savoir protéger la vitalité et la viabilité du modèle social sur lequel elle repose. C'est la condition même du progrès social dont elle se réclame.
En un sens, notre modèle social sort renforcé de cette crise, où il a démontré son rôle d'amortisseur.
Mais il reste considérablement affaibli par la remise en cause tendancielle de ses deux principaux piliers : le travail, d'une part, dont le rôle émancipateur se trouve aujourd'hui contesté, et le principe de solidarité, d'autre part, qui doit faire face à un contexte démographique qui bouleverse ses équilibres.
Le Président de la République a clairement indiqué devant le Congrès de Versailles au mois de juin dernier que notre modèle social devait retrouver toutes ses chances. Et c'est la mission qu'il a confiée à ce ministère. L'affaiblissement de notre modèle social nous place donc face à une triple responsabilité : celle de réhabiliter la valeur-travail, de pérenniser le principe de solidarité et de renforcer le dialogue social. Ce sont ces trois responsabilités, ces trois enjeux, qui seront au coeur de mon action pour l'année 2010, que je voudrais évoquer avec vous ce matin.
La première responsabilité qui nous incombe, c'est la réhabilitation du travail comme valeur et comme fondement de notre modèle social.
La force de notre modèle social, c'est d'avoir réussi à faire du travail un instrument d'émancipation individuelle et de progrès social. C'est une conquête historique immense qu'il nous appartient de préserver. Je suis convaincu qu'une société ne peut créer davantage de richesses collectives si elle renonce à travailler individuellement davantage.
Je suis convaincu que le véritable progrès social n'est pas de travailler moins, mais de travailler mieux pour nous permettre de travailler plus longtemps et d'en retirer une meilleure utilité individuelle et collective.
Je suis convaincu que notre modèle social ne peut être durablement renforcé que si chacun d'entre nous contribue, par son travail, à assurer sa viabilité.
Au cours de l'année 2009, nous avons très nettement progressé dans la voie de la réhabilitation du travail.
Notre première priorité, je l'ai dit, a été d'améliorer les conditions de l'accès à l'emploi, notamment pour tous ceux qui sont aujourd'hui artificiellement écartés du marché du travail. Je pense notamment aux personnes handicapées : j'ai d'ailleurs reçu cette semaine une importante contribution pour améliorer leur employabilité. Cela fera partie de mes priorités en 2010.
Je pense aussi naturellement aux salariés les plus âgés. Il n'est pas normal que dans une société où l'on a la chance de pouvoir étudier plus tard et de voir son espérance de vie s'allonger d'un trimestre chaque année, l'emploi des seniors soit considéré comme une simple variable d'ajustement.
A partir de cette année, vous le savez, les entreprises de plus de 50 salariés doivent être couvertes par un accord de branche ou d'entreprise. Dans un très grand nombre d'entreprises et des branches, votre travail a permis de parvenir à cet accord. J'ai indiqué que nous ferions le point à la fin du 1er trimestre 2010 sur les avancées réalisées et que je n'hésiterai pas à faire appliquer les pénalités prévues par la loi pour les entreprises qui n'auraient pas respecté cette obligation. Au cours de l'année 2009, nous avons aussi travaillé à refaire du travail un instrument de promotion sociale et de reconnaissance du mérite. Cela suppose que nous combattions les inégalités et les injustices qui perdurent entre certaines catégories de salariés, et notamment entre les hommes et les femmes. Le rapport que m'a remis Brigitte Grésy a mis en évidence des disparités inacceptables. Comme j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer, je suis fermement déterminé à imposer, par la loi, les mesures qui permettront de rétablir l'égalité entre les carrières des hommes et celles des femmes et je suis heureux que vous ayez choisi de négocier sur ce point.
J'attendrai naturellement, de connaître les résultats de ces négociations fin avril pour vous faire part des orientations que je souhaite retenir dans la future loi.
Favoriser l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, c'est aussi leur permettre de mieux concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle.
Conformément aux engagements du Président de la République, nous allons créer 200 000 solutions d'accueil du jeune enfant d'ici 2012. C'est le travail important que conduit Nadine Morano à mes côtés. Ce combat, c'est celui de la place des femmes dans la société. Je rappelle à ce sujet que la grande cause nationale de l'année 2010 sera celle de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Réhabiliter le travail enfin, c'est faire en sorte que le travail soit une source d'accomplissement personnel et en aucun cas un motif de souffrance. C'est pourquoi la question de la santé au travail est une priorité absolue de mon action.
Comme je l'ai indiqué vendredi dernier à l'occasion de la présentation du deuxième plan santé au travail devant le conseil d'orientation des conditions de travail, je veux poursuivre la lutte contre les maladies professionnelles et les accidents du travail, dont le nombre reste trop élevé, et avancer significativement sur la prévention des nouveaux risques, en particulier des risques psychosociaux et du risque cancérogène. Nous ne pouvons admettre que dans un pays comme le nôtre, plus d'un décès par jour soit lié à un accident du travail. Si nous voulons travailler plus longtemps, nous devons faire en sorte de travailler mieux et de réduire les facteurs de pénibilité qui pèsent sur certaines activités. C'est un chantier immense, dont les contours évoluent sans cesse et dans lequel je veux saluer l'implication des partenaires sociaux. Je serai vigilant à vos observations et à vos propositions dans ce domaine.
Je tiens aussi à souligner le travail essentiel fait par les partenaires sociaux au cours des sept séances de négociation sur les services de santé au travail. Il nous est très utile pour la réforme qui s'est engagée, dont j'ai présenté mes orientations au COCT le 4 décembre dernier et qui donnera lieu à un projet de loi en ce début d'année 2010. La concertation continue.
Enfin, notre modèle social doit s'appuyer sur un droit social plus stable et plus sûr pour tous : c'est une exigence qui doit nourrir nos réflexions.
Notre deuxième responsabilité, c'est de pérenniser le principe de solidarité sur lequel reposent nos mécanismes de protection sociale.
Notre modèle social a fait le choix de reposer sur un principe de solidarité universelle.
Cela suppose, d'une part, que chacun contribue à son financement durant sa vie active : c'est tout l'enjeu de la réhabilitation du travail. Cela nécessite, d'autre part, que le nombre des contributeurs reste toujours plus élevé que celui des bénéficiaires.
Or l'allongement de la durée de la vie ne s'est pas accompagné d'une augmentation significative de la durée de vie active. Nous avons, à terme, un problème d'équilibre dont chacun ici connaît les enjeux. C'est pourquoi, à travers les deux priorités qu'a indiquées le Président de la République pour l'année 2010, celle de la réforme des retraites et celle de la prise en charge de la dépendance, il me semble indispensable que nous nous interrogions sur la façon dont nous pouvons relégitimer ce principe de solidarité.
Trop longtemps, sans doute, nous avons envisagé le principe de solidarité comme un mécanisme à sens unique assurant la protection des plus âgés par le travail des plus jeunes.
La solidarité, me semble-t-il, ne doit pas être à sens unique. Les générations présentes ont aussi le devoir d'assurer la protection des générations futures. De cette « dette sociale » que constitue notre système de protection, mon illustre prédécesseur Léon Bourgeois, père du solidarisme, disait qu'elle était : « un legs de tout le passé à tout l'avenir », dont « chaque génération qui passe ne peut vraiment se considérer que comme en étant l'usufruitière, (..) à charge de le conserver et de le restituer fidèlement ».
Dans la perspective des discussions qui seront les nôtre, au cours de l'année 2010, il me semble important rappeler ce principe. Le Président de la République a indiqué que nous aurions, en 2010, un rendez-vous important sur la question des retraites. Ce rendez-vous, c'est vous-même qui avez souhaité en avancer la date, en votre qualité de gestionnaires des régimes de retraite AGIRC et ARRCO.
J'aborde ce rendez-vous avec une triple exigence.
D'abord, une exigence de vérité sur la situation des régimes de retraite dont nous savons parfaitement que leur pérennité est compromise à moyen terme si nous ne faisons rien.
Une exigence de responsabilité, ensuite, car nous ne pouvons nous contenter de livrer un constat sans rechercher par ailleurs les solutions qui peuvent nous permettre de remédier à la situation.
Une exigence d'équité, enfin, dans les efforts qui seront demandés aux Français. Si les règles doivent être les mêmes pour tous, nous devons tenir compte des différences de situation individuelle en fonction notamment des facteurs de pénibilité qu'un salarié aura pu rencontrer au cours de sa carrière. Le Président de la République l'a indiqué sans ambiguïté : cette question de la pénibilité sera clairement posée.
Quelle sera notre méthode ? Je souhaite d'abord ouvrir une phase de diagnostic afin de faire le point sur la situation financière des régimes de retraite à partir des données actualisées que le Conseil d'orientation des retraites devrait communiquer au mois d'avril prochain. Ce diagnostic devra également nous permettre de juger précisément de l'impact des précédentes réformes afin de mesurer le chemin déjà parcouru. Il me semble nécessaire ensuite que nous abordions une phase de concertation, au cours de laquelle l'ensemble des pistes devront être explorées, qu'il s'agisse de l'âge de la retraite, de la durée de cotisation et, bien sûr, comme l'a indiqué le Président de la République, celle de la pénibilité. Cette phase de concertation d'ailleurs, ne saurait s'enfermer dans les limites de notre système actuel : nous devons ainsi réfléchir aux autres voies possibles, comme l'ont fait d'autres pays européens. Nous bénéficierons ainsi des analyses du COR sur les systèmes de retraite par points ou en « comptes notionnels ».
Je note enfin que les lignes bougent sur ce sujet dans le champ des responsables politiques. Certains responsables ont semble-t-il décidé de ne pas se réfugier dans une opposition stérile, mais de regarder la situation dans un esprit de responsabilité et d'ouverture. C'est avec le même esprit de responsabilité et d'ouverture que j'espère pouvoir mener les discussions avec vous sur ce sujet.
Le Président de la République a souhaité également que nous ayons un débat, au cours de l'année 2010, sur la question de la dépendance qui pose un formidable défi à notre système de protection sociale.
C'est un enjeu considérable, non seulement en raison du nombre croissant de personnes concernées, mais aussi à cause des difficultés structurelles de financement de ce nouveau risque social. Nous consacrons déjà 14 milliards d'euros à la dépendance. Notre système actuel de solidarité ne pourra pas faire face durablement à l'accroissement des coûts. Au cours de l'année 2010, nous animerons avec Nora Berra un large débat sur cette question, auquel vous serez naturellement associés.
Je voudrais dire un mot, enfin, d'un autre domaine de la solidarité dans lequel les partenaires sociaux ont joué un rôle tout à fait essentiel, qui est celui de la rénovation urbaine. Les représentants des partenaires sociaux présents au conseil d'administration et au comité d'engagement de l'ANRU ont en effet largement contribué au succès actuel du programme national de rénovation urbaine et je veillerai, avec Fadela Amara, à ce que leur présence au sien de la gouvernance de l'opérateur de la rénovation urbaine soit confortée.
Notre responsabilité, enfin, c'est de renforcer le dialogue social. Je vous l'ai dit, j'accorde la plus grande importance à ce que les réformes et les évolutions à venir fassent l'objet d'un dialogue social approfondi. Cela suppose que la légitimité des acteurs de ce dialogue ne puisse être remise en cause, c'est la raison pour laquelle je veux achever la réforme de la représentativité et la consolider. Dans un premier temps, nous devrons accompagner la montée en puissance de la loi du 20 août 2008 en veillant à ce que le Haut conseil du dialogue social suive de près la compilation des résultats électoraux et je souhait que tous les acteurs soient sensibilisés sur leurs responsabilités.
Je veux aussi avancer sur la question de la représentativité dans les entreprises de moins de 11 salariés. Je connais les réticences de certains d'entre vous à ces évolutions. Mais nous ne devons pas avoir peur du changement. J'ai pris connaissance avec attention de la lettre commune qu'a signée hier l'UPA avec quatre organisations syndicales, la CFDT, la CGT, la CFTC et CFE-CGC et qui est un repère essentiel pour la future réforme. J'y vois un très net encouragement à poursuivre le dialogue sur cette question. C'est ce que nous ferons très prochainement dans la perspective de la préparation du projet de loi relatif à cette question. Personne ne comprendrait que 4 millions de salariés ne soient pas représentés. Enfin, nous avons de beaux enjeux qui s'offrent à nous sur la vitalité de notre démocratie sociale. J'attache une importance particulière à deux chantiers primordiaux qui ont été ouverts en 2009 dans le cadre de l'agenda social : la place et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel et le paritarisme. Nous aurons largement l'occasion d'en reparler en 2010.
Mesdames et Messieurs, Vous le voyez, l'année qui commence s'annonce décisive pour beaucoup des sujets qui nous rassemblent. Je crois que notre démocratie sociale a la maturité, le recul suffisant pour aborder sereinement ces défis. A vous-mêmes, ainsi qu'à tous ceux qui vous accompagnent tout au long de l'année dans votre action, je souhaite donc une très belle année 2010 !source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 22 janvier 2010
Des lieux, d'abord, avec cette salle des accords de Grenelle où j'ai le plaisir de vous accueillir aujourd'hui et qui est devenue l'emblème, depuis quarante ans, du fonctionnement de notre démocratie sociale. Des circonstances, ensuite, avec ce discours de présentation des voeux qui m'offre l'occasion de vous dire l'importance que j'accorde au dialogue social dans la préparation des échéances de l'année 2010.
Au cours d'une année 2009 marquée par une crise économique d'une gravité exceptionnelle, le dialogue social a su faire la démonstration de son utilité, de sa légitimité et de sa nécessité.
Il a permis de défendre les intérêts des salariés tout en tenant compte des difficultés considérables que devaient traverser des entreprises et des secteurs entiers de notre économie.
Il a joué un rôle irremplaçable de conciliateur et de modérateur, empêchant qu'à la crise économique ne s'ajoute une crise sociale qui aurait compromis durablement nos espoirs de reprise. J'ai souvent regretté, au cours des derniers mois, que le travail admirable de discussion et de négociation mené par les partenaires sociaux pour accompagner des plans sociaux très délicats n'ait pas bénéficié de la même couverture médiatique que certains conflits, plus radicaux, plus spectaculaires et heureusement beaucoup moins nombreux. L'image de notre démocratie sociale auprès du grand public en aurait sans doute été plus juste.
Face à cette crise, le Gouvernement avait fait de l'emploi la priorité de l'agenda social pour 2009. Je constate avec une grande satisfaction que vous avez su faire vivre cette priorité, en signant au cours de l'année pas moins de quatre accords sur la convention d'assurance-chômage, sur les retraites complémentaires, sur l'indemnisation du chômage partiel et sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique. Sur ce dernier thème, je note d'ailleurs qu'au-delà de l'accord du 8 juillet 2009, la négociation se poursuit aujourd'hui sur d'autres dimensions essentielles telles que les mobilités professionnelles ou le rôle des groupements d'employeurs. En ce début d'année 2010, il me paraît essentiel de laisser ces négociations se poursuivre jusqu'à leur terme. D'autres discussions se sont par ailleurs engagées sur des sujets essentiels pour les entreprises, les salariés et le dialogue de tous les acteurs.
Dans un contexte si difficile, chacun a donc su faire preuve de responsabilité. Aucun de nous n'a renié pour autant ses convictions et ses engagements. Telle est la force d'une grande démocratie sociale comme la nôtre.
Mais la force d'une démocratie sociale, c'est aussi, avant tout, de savoir protéger la vitalité et la viabilité du modèle social sur lequel elle repose. C'est la condition même du progrès social dont elle se réclame.
En un sens, notre modèle social sort renforcé de cette crise, où il a démontré son rôle d'amortisseur.
Mais il reste considérablement affaibli par la remise en cause tendancielle de ses deux principaux piliers : le travail, d'une part, dont le rôle émancipateur se trouve aujourd'hui contesté, et le principe de solidarité, d'autre part, qui doit faire face à un contexte démographique qui bouleverse ses équilibres.
Le Président de la République a clairement indiqué devant le Congrès de Versailles au mois de juin dernier que notre modèle social devait retrouver toutes ses chances. Et c'est la mission qu'il a confiée à ce ministère. L'affaiblissement de notre modèle social nous place donc face à une triple responsabilité : celle de réhabiliter la valeur-travail, de pérenniser le principe de solidarité et de renforcer le dialogue social. Ce sont ces trois responsabilités, ces trois enjeux, qui seront au coeur de mon action pour l'année 2010, que je voudrais évoquer avec vous ce matin.
La première responsabilité qui nous incombe, c'est la réhabilitation du travail comme valeur et comme fondement de notre modèle social.
La force de notre modèle social, c'est d'avoir réussi à faire du travail un instrument d'émancipation individuelle et de progrès social. C'est une conquête historique immense qu'il nous appartient de préserver. Je suis convaincu qu'une société ne peut créer davantage de richesses collectives si elle renonce à travailler individuellement davantage.
Je suis convaincu que le véritable progrès social n'est pas de travailler moins, mais de travailler mieux pour nous permettre de travailler plus longtemps et d'en retirer une meilleure utilité individuelle et collective.
Je suis convaincu que notre modèle social ne peut être durablement renforcé que si chacun d'entre nous contribue, par son travail, à assurer sa viabilité.
Au cours de l'année 2009, nous avons très nettement progressé dans la voie de la réhabilitation du travail.
Notre première priorité, je l'ai dit, a été d'améliorer les conditions de l'accès à l'emploi, notamment pour tous ceux qui sont aujourd'hui artificiellement écartés du marché du travail. Je pense notamment aux personnes handicapées : j'ai d'ailleurs reçu cette semaine une importante contribution pour améliorer leur employabilité. Cela fera partie de mes priorités en 2010.
Je pense aussi naturellement aux salariés les plus âgés. Il n'est pas normal que dans une société où l'on a la chance de pouvoir étudier plus tard et de voir son espérance de vie s'allonger d'un trimestre chaque année, l'emploi des seniors soit considéré comme une simple variable d'ajustement.
A partir de cette année, vous le savez, les entreprises de plus de 50 salariés doivent être couvertes par un accord de branche ou d'entreprise. Dans un très grand nombre d'entreprises et des branches, votre travail a permis de parvenir à cet accord. J'ai indiqué que nous ferions le point à la fin du 1er trimestre 2010 sur les avancées réalisées et que je n'hésiterai pas à faire appliquer les pénalités prévues par la loi pour les entreprises qui n'auraient pas respecté cette obligation. Au cours de l'année 2009, nous avons aussi travaillé à refaire du travail un instrument de promotion sociale et de reconnaissance du mérite. Cela suppose que nous combattions les inégalités et les injustices qui perdurent entre certaines catégories de salariés, et notamment entre les hommes et les femmes. Le rapport que m'a remis Brigitte Grésy a mis en évidence des disparités inacceptables. Comme j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer, je suis fermement déterminé à imposer, par la loi, les mesures qui permettront de rétablir l'égalité entre les carrières des hommes et celles des femmes et je suis heureux que vous ayez choisi de négocier sur ce point.
J'attendrai naturellement, de connaître les résultats de ces négociations fin avril pour vous faire part des orientations que je souhaite retenir dans la future loi.
Favoriser l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, c'est aussi leur permettre de mieux concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle.
Conformément aux engagements du Président de la République, nous allons créer 200 000 solutions d'accueil du jeune enfant d'ici 2012. C'est le travail important que conduit Nadine Morano à mes côtés. Ce combat, c'est celui de la place des femmes dans la société. Je rappelle à ce sujet que la grande cause nationale de l'année 2010 sera celle de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Réhabiliter le travail enfin, c'est faire en sorte que le travail soit une source d'accomplissement personnel et en aucun cas un motif de souffrance. C'est pourquoi la question de la santé au travail est une priorité absolue de mon action.
Comme je l'ai indiqué vendredi dernier à l'occasion de la présentation du deuxième plan santé au travail devant le conseil d'orientation des conditions de travail, je veux poursuivre la lutte contre les maladies professionnelles et les accidents du travail, dont le nombre reste trop élevé, et avancer significativement sur la prévention des nouveaux risques, en particulier des risques psychosociaux et du risque cancérogène. Nous ne pouvons admettre que dans un pays comme le nôtre, plus d'un décès par jour soit lié à un accident du travail. Si nous voulons travailler plus longtemps, nous devons faire en sorte de travailler mieux et de réduire les facteurs de pénibilité qui pèsent sur certaines activités. C'est un chantier immense, dont les contours évoluent sans cesse et dans lequel je veux saluer l'implication des partenaires sociaux. Je serai vigilant à vos observations et à vos propositions dans ce domaine.
Je tiens aussi à souligner le travail essentiel fait par les partenaires sociaux au cours des sept séances de négociation sur les services de santé au travail. Il nous est très utile pour la réforme qui s'est engagée, dont j'ai présenté mes orientations au COCT le 4 décembre dernier et qui donnera lieu à un projet de loi en ce début d'année 2010. La concertation continue.
Enfin, notre modèle social doit s'appuyer sur un droit social plus stable et plus sûr pour tous : c'est une exigence qui doit nourrir nos réflexions.
Notre deuxième responsabilité, c'est de pérenniser le principe de solidarité sur lequel reposent nos mécanismes de protection sociale.
Notre modèle social a fait le choix de reposer sur un principe de solidarité universelle.
Cela suppose, d'une part, que chacun contribue à son financement durant sa vie active : c'est tout l'enjeu de la réhabilitation du travail. Cela nécessite, d'autre part, que le nombre des contributeurs reste toujours plus élevé que celui des bénéficiaires.
Or l'allongement de la durée de la vie ne s'est pas accompagné d'une augmentation significative de la durée de vie active. Nous avons, à terme, un problème d'équilibre dont chacun ici connaît les enjeux. C'est pourquoi, à travers les deux priorités qu'a indiquées le Président de la République pour l'année 2010, celle de la réforme des retraites et celle de la prise en charge de la dépendance, il me semble indispensable que nous nous interrogions sur la façon dont nous pouvons relégitimer ce principe de solidarité.
Trop longtemps, sans doute, nous avons envisagé le principe de solidarité comme un mécanisme à sens unique assurant la protection des plus âgés par le travail des plus jeunes.
La solidarité, me semble-t-il, ne doit pas être à sens unique. Les générations présentes ont aussi le devoir d'assurer la protection des générations futures. De cette « dette sociale » que constitue notre système de protection, mon illustre prédécesseur Léon Bourgeois, père du solidarisme, disait qu'elle était : « un legs de tout le passé à tout l'avenir », dont « chaque génération qui passe ne peut vraiment se considérer que comme en étant l'usufruitière, (..) à charge de le conserver et de le restituer fidèlement ».
Dans la perspective des discussions qui seront les nôtre, au cours de l'année 2010, il me semble important rappeler ce principe. Le Président de la République a indiqué que nous aurions, en 2010, un rendez-vous important sur la question des retraites. Ce rendez-vous, c'est vous-même qui avez souhaité en avancer la date, en votre qualité de gestionnaires des régimes de retraite AGIRC et ARRCO.
J'aborde ce rendez-vous avec une triple exigence.
D'abord, une exigence de vérité sur la situation des régimes de retraite dont nous savons parfaitement que leur pérennité est compromise à moyen terme si nous ne faisons rien.
Une exigence de responsabilité, ensuite, car nous ne pouvons nous contenter de livrer un constat sans rechercher par ailleurs les solutions qui peuvent nous permettre de remédier à la situation.
Une exigence d'équité, enfin, dans les efforts qui seront demandés aux Français. Si les règles doivent être les mêmes pour tous, nous devons tenir compte des différences de situation individuelle en fonction notamment des facteurs de pénibilité qu'un salarié aura pu rencontrer au cours de sa carrière. Le Président de la République l'a indiqué sans ambiguïté : cette question de la pénibilité sera clairement posée.
Quelle sera notre méthode ? Je souhaite d'abord ouvrir une phase de diagnostic afin de faire le point sur la situation financière des régimes de retraite à partir des données actualisées que le Conseil d'orientation des retraites devrait communiquer au mois d'avril prochain. Ce diagnostic devra également nous permettre de juger précisément de l'impact des précédentes réformes afin de mesurer le chemin déjà parcouru. Il me semble nécessaire ensuite que nous abordions une phase de concertation, au cours de laquelle l'ensemble des pistes devront être explorées, qu'il s'agisse de l'âge de la retraite, de la durée de cotisation et, bien sûr, comme l'a indiqué le Président de la République, celle de la pénibilité. Cette phase de concertation d'ailleurs, ne saurait s'enfermer dans les limites de notre système actuel : nous devons ainsi réfléchir aux autres voies possibles, comme l'ont fait d'autres pays européens. Nous bénéficierons ainsi des analyses du COR sur les systèmes de retraite par points ou en « comptes notionnels ».
Je note enfin que les lignes bougent sur ce sujet dans le champ des responsables politiques. Certains responsables ont semble-t-il décidé de ne pas se réfugier dans une opposition stérile, mais de regarder la situation dans un esprit de responsabilité et d'ouverture. C'est avec le même esprit de responsabilité et d'ouverture que j'espère pouvoir mener les discussions avec vous sur ce sujet.
Le Président de la République a souhaité également que nous ayons un débat, au cours de l'année 2010, sur la question de la dépendance qui pose un formidable défi à notre système de protection sociale.
C'est un enjeu considérable, non seulement en raison du nombre croissant de personnes concernées, mais aussi à cause des difficultés structurelles de financement de ce nouveau risque social. Nous consacrons déjà 14 milliards d'euros à la dépendance. Notre système actuel de solidarité ne pourra pas faire face durablement à l'accroissement des coûts. Au cours de l'année 2010, nous animerons avec Nora Berra un large débat sur cette question, auquel vous serez naturellement associés.
Je voudrais dire un mot, enfin, d'un autre domaine de la solidarité dans lequel les partenaires sociaux ont joué un rôle tout à fait essentiel, qui est celui de la rénovation urbaine. Les représentants des partenaires sociaux présents au conseil d'administration et au comité d'engagement de l'ANRU ont en effet largement contribué au succès actuel du programme national de rénovation urbaine et je veillerai, avec Fadela Amara, à ce que leur présence au sien de la gouvernance de l'opérateur de la rénovation urbaine soit confortée.
Notre responsabilité, enfin, c'est de renforcer le dialogue social. Je vous l'ai dit, j'accorde la plus grande importance à ce que les réformes et les évolutions à venir fassent l'objet d'un dialogue social approfondi. Cela suppose que la légitimité des acteurs de ce dialogue ne puisse être remise en cause, c'est la raison pour laquelle je veux achever la réforme de la représentativité et la consolider. Dans un premier temps, nous devrons accompagner la montée en puissance de la loi du 20 août 2008 en veillant à ce que le Haut conseil du dialogue social suive de près la compilation des résultats électoraux et je souhait que tous les acteurs soient sensibilisés sur leurs responsabilités.
Je veux aussi avancer sur la question de la représentativité dans les entreprises de moins de 11 salariés. Je connais les réticences de certains d'entre vous à ces évolutions. Mais nous ne devons pas avoir peur du changement. J'ai pris connaissance avec attention de la lettre commune qu'a signée hier l'UPA avec quatre organisations syndicales, la CFDT, la CGT, la CFTC et CFE-CGC et qui est un repère essentiel pour la future réforme. J'y vois un très net encouragement à poursuivre le dialogue sur cette question. C'est ce que nous ferons très prochainement dans la perspective de la préparation du projet de loi relatif à cette question. Personne ne comprendrait que 4 millions de salariés ne soient pas représentés. Enfin, nous avons de beaux enjeux qui s'offrent à nous sur la vitalité de notre démocratie sociale. J'attache une importance particulière à deux chantiers primordiaux qui ont été ouverts en 2009 dans le cadre de l'agenda social : la place et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel et le paritarisme. Nous aurons largement l'occasion d'en reparler en 2010.
Mesdames et Messieurs, Vous le voyez, l'année qui commence s'annonce décisive pour beaucoup des sujets qui nous rassemblent. Je crois que notre démocratie sociale a la maturité, le recul suffisant pour aborder sereinement ces défis. A vous-mêmes, ainsi qu'à tous ceux qui vous accompagnent tout au long de l'année dans votre action, je souhaite donc une très belle année 2010 !source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 22 janvier 2010