Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Lors de ma précédente intervention devant votre Assemblée, j'avais pris le soin de souligner que l'Europe entrait, avec l'avènement du Traité de Lisbonne et la mise en place de ses nouvelles institutions, le président du Conseil européen et la Haute représentante pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, dans une nouvelle phase de son histoire.
Force est de constater que la succession ininterrompue d'événements et de crises depuis le mois de décembre (séisme en Haïti, crise financière en Grèce, situation difficile sur le front de la croissance et de l'emploi, retrait du consortium EADS-Gummar Northrop du marché américain des avions ravitailleurs suite à une modification inique de l'appel d'offres par les autorités américaines) a résolument fait rentrer la nouvelle Europe dans le monde réel. Les nouvelles institutions issues du Traité de Lisbonne ont eu très peu de temps pour trouver leur rythme, prendre des décisions, préparer l'avenir. J'aurai l'occasion d'y revenir.
Les chefs d'Etat et de gouvernement se pencheront, au Conseil européen des 25 et 26 mars, sur deux dossiers majeurs : l'économie et l'emploi, avec, notamment, la définition d'une nouvelle stratégie pour l'Europe, la stratégie dite "UE 2020" ; et le climat après la Conférence de Copenhague. Les questions de justice et d'affaires intérieures seront brièvement abordées avec l'adoption d'une nouvelle stratégie de sécurité intérieure.
La situation en Grèce est expertisée depuis plusieurs semaines au plan technique dans des enceintes spécifiques (Eurogroupe, Conseil ECOFIN). Elle n'est, comme vous le savez, pas à l'ordre du jour de ce Conseil européen, je n'y reviendrai donc pas.
* Stratégie "UE 2020" pour la croissance et l'emploi
Je voudrais vous dire, très simplement, qu'un seul sujet compte aujourd'hui en Europe pour tous les chefs d'Etat et de gouvernement : comment sortir au plus vite de la crise, comment répondre aux angoisses de nos concitoyens sur l'emploi, comment créer les conditions de la croissance de demain.
Les statistiques, vous les connaissez, sont moins défavorables pour la France que ce que nous pouvions craindre : l'économie française, après avoir mieux résisté en 2009 que d'autres grandes économies européennes, retrouvera en 2010 un taux de croissance positive, autour de 1,4 , comparativement à une croissance de l'ordre de 1 % dans l'Union européenne.
Mais il faut comparer ce chiffre aux évolutions des grands pays émergents : la croissance de la Chine, dans le même temps, dépassera 10 %, celle de l'Inde 7 %, celle du Brésil 5 . La réalité de la mondialisation est bien présente : les autres pays ne nous attendront pas pour remettre en cause la hiérarchie des puissances.
Face à la montée de ces grands ensembles émergents, l'Union européenne doit donc se doter d'une véritable stratégie économique pour la croissance et l'emploi. Nous n'avons, dans ce domaine, pas le droit à l'échec.
Je voudrais donc, de ce point de vue, insister sur la radicale nouveauté de la méthode impulsée par le président du Conseil européen, et reprise, au fond, dans la communication de la Commission, que les chefs d'Etat et de gouvernement examineront les 25 et 26 mars.
1/ Premier élément, les chefs d'Etat et de gouvernement, et c'est quelque chose de tout à fait nouveau, ont vocation à prendre eux-mêmes en mains la nouvelle stratégie UE 2020. La réussite de la stratégie économique de l'Europe dépendra de son degré d'appropriation par les chefs d'Etat et de gouvernement ; nous avons, là encore, un nouvel exemple de l'affirmation du rôle du Conseil européen comme véritable gouvernement économique de l'Europe.
Cette appropriation par les chefs d'Etat a une conséquence opérationnelle immédiate : la stratégie doit s'inspirer d'une approche dite "du haut vers le bas", qui parte des travaux du Conseil européen pour irriguer ensuite les filières plus techniques du Conseil. C'est en effet au Conseil européen de prendre la responsabilité de la définition et de la stratégie et de demander, en tant que de besoin, aux différents Conseils sectoriels de produire sur tel ou tel thème, et non aux Conseils de faire remonter, du bas vers le haut, des documents bureaucratiques, de type "key issues paper", comme nous en avons connu par le passé.
Dans ce contexte, le Conseil des Affaires générales, auquel je représente la France, devra jouer le rôle très spécifique que lui assigne le Traité de Lisbonne et que je vous rappelle ici : "le Conseil des Affaires générales assure la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil. Il prépare les réunions du Conseil européen et en assure le suivi en liaison avec le président du Conseil européen et la Commission". C'est vraiment un rôle à la fois "d'ensemblier" et de "dernier filtre" avant le Conseil européen que doit jouer le CAG.
2/ Deuxième élément de méthode, il ne s'agit pas, pour les Conseils européens à venir, de faire systématiquement un point complet sur tous les thèmes et de répéter chaque année la même chose. Il est, au contraire, plus efficace d'accepter de consacrer les premières années à faire avancer certains thèmes bien précis de la stratégie, en mettant à plat les objectifs de l'Europe et en décrivant son schéma d'action, quitte à passer ensuite à d'autres thèmes une fois les objectifs atteints. En application de cette méthode, le Conseil européen d'automne devrait, pour la première fois, être consacré au thème spécifique de la recherche et de l'innovation.
3/ Sur le fond, la Commission a rendu publique le 3 mars dernier une communication sur la stratégie UE 2020, qui a été examinée par le CAG du 22 mars et qui sera à son tour examinée par le Conseil européen des 25 et 26 mars pour une première orientation. La nouvelle stratégie UE 2020 a vocation à être définitivement adoptée par le Conseil européen d'ici la fin de l'année 2010.
Je retiens de la communication de la Commission européenne quatre éléments fondamentaux :
1/ Il n'y a pas de divergence de fond, en Europe, sur le contenu de la future stratégie. Tout le monde le sait, on ne peut pas se contenter de reproduire les erreurs de la Stratégie de Lisbonne ; il faut passer à la vitesse supérieure.
2/ Dans sa communication, la Commission a proposé, sur la suggestion du président du Conseil européen, d'assigner à la stratégie cinq très grands objectifs :
- le taux d'emploi (objectif de 75% en 2020 pour les 20-64 ans) ;
- les investissements en R&D (l'objectif poursuivi est le maintien des 3 % d'investissement du PIB européen dans la R&D en 2020) ;
- des objectifs climatiques et environnementaux, en ligne avec les grandes décisions européennes sur le sujet : la réduction des émissions de CO2 de 20% par rapport au niveau de 1990, l'augmentation de 20 % de la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie, la diminution de 20% de la consommation d'énergie ;
- le taux d'enseignement supérieur (objectif de 40% d'accès en 2020) ;
- enfin, la réduction de 25% du nombre d'européens sous les seuils nationaux de pauvreté.
Ces objectifs ont le mérite d'assigner un cadre précis et mesurable à la future stratégie européenne pour la croissance et l'emploi ; j'ajoute qu'ils conviennent, sur le fond, également à la France.
Je ne vous cacherai toutefois pas qu'il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour parvenir à rendre ces objectifs pleinement opérationnels :
- ces objectifs ont vocation, comme l'a rappelé la Commission, à être déclinés, pays par pays, et adaptés à la fois à la réalité économique et sociale de chaque Etat membre et à sa position de départ. Il devrait donc y avoir, dans les mois à venir, d'importantes discussions avec la Commission et entre Etats pour parvenir à s'accorder sur la méthode de répartition de ces objectifs au niveau national, et pour s'assurer que la somme des Vingt-sept objectifs nationaux permet bien d'atteindre la cible européenne ;
- certains objectifs sont susceptibles de poser des difficultés à des Etats fédéraux qui ne disposent pas de l'ensemble des leviers pour s'assurer de leur suivi et de leur réalisation et qui devront, en outre, décliner ces objectifs au niveau régional dans le cadre d'un dialogue avec les collectivités concernées ;
- les objectifs proposés par la Commission font, pour certains, référence à des moyens (les investissements en R&D, qui mesurent une dépense, qu'elle soit publique ou privée) ; dans d'autres cas, ils entendent mesurer les impacts des politiques publiques (exemple : réduction de la pauvreté). Il s'agira donc d'homogénéiser, dans les débats à venir, à la fois la mesure mais aussi les modalités d'utilisation et d'interprétation de ces objectifs, qui ne se situent pas tous sur le même niveau ;
- dernier élément, la Commission n'a, à ce stade, pas proposé d'objectif relatif à la mesure de la compétitivité "externe" de l'Union, par rapport à ses principaux concurrents industrialisés ou par rapport aux grands émergents. Ce point, et je vais y revenir, devra toutefois être dûment pris en compte dans la future stratégie européenne.
Compte tenu du travail qui reste à accomplir, les chefs d'Etat et de gouvernement ne devraient donc, à ce stade, avoir à la fin de la semaine qu'un premier échange sur ces cinq grands objectifs.
Permettez-moi d'insister, à ce propos, sur le fait qu'il faudra absolument éviter, dans les mois à venir, que la stratégie UE 2020 ne s'enlise dans des débats trop technocratiques, notamment autour de ces objectifs ou indicateurs, au risque de perdre en route tous nos concitoyens. Nous devons impérativement adopter une approche simple et pragmatique, et conserver une ligne claire avec des mots, des idées, des concepts compréhensibles par tous. Je ne suis pas certain, pour ne donner qu'un seul exemple, que les termes de "croissance durable, intelligente et inclusive" mis en avant par la Commission pour donner un cadre conceptuel à la stratégie européenne parlent à tout le monde et suscitent l'enthousiasme.
3/ La Stratégie de Lisbonne avait, en partie, échoué, car elle ne reposait que sur la contribution des politiques nationales à la croissance et à l'emploi. Le changement majeur introduit ici, dont je me félicite, consiste à reconnaître le fait que les institutions européennes, et les politiques européennes qu'elles définissent, apportent une contribution propre à la réussite de la future stratégie.
Ce constat vaut pour toutes les politiques européennes, y compris, j'insiste sur ce point, sur la Politique agricole commune, car il est temps de faire reconnaître explicitement la contribution et la valeur ajoutée de cette politique à la croissance et à la compétitivité européenne.
Cette reconnaissance de la contribution des politiques européennes à la croissance doit nous permettre d'examiner - enfin !- certaines questions majeures pour l'avenir de l'Europe, comme la mise en place d'une véritable politique industrielle et d'une politique énergétique. Ceci doit nous conduire également à réexaminer de façon précise le fonctionnement de certaines politiques européennes, et je pense ici à la politique de la concurrence.
Parlons d'abord de la politique industrielle. Le président de la République l'a rappelé lors des premiers Etats Généraux de l'Industrie qu'il a pris l'initiative de réunir, en accord avec les syndicats, le 4 mars dernier à Marignane : nous devons résister à cette idée facile selon laquelle les emplois pourraient être créés simplement dans les services et que l'on pourrait abandonner l'industrie. En dernier ressort, c'est bien l'emploi industriel et la création de valeur ajoutée dans l'industrie qui font la richesse d'un pays. Nicolas Sarkozy a raison de poser la question : "le jour où l'industrie sera partie, pour qui les services travailleront-ils ?". La réponse coule de source : ils se délocaliseront, eux aussi.
Il nous faut donc, au niveau européen, une véritable politique européenne tournée résolument vers l'industrie, l'innovation et le développement durable, qui encourage les nouvelles sources de croissance et privilégie les investissements du futur, ceux qui apporteront à la France les emplois et la croissance à long terme. C'est, en France, tout l'objet de la démarche engagée par le président de la République et le Gouvernement avec le Grand Emprunt, qui identifie les secteurs clés pour l'avenir de la France, avec un accent mis en particulier sur l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation (16 milliards d'euros sur un total de 35 milliards d'euros). C'est bien une telle démarche d'identification et de "priorisation" des secteurs clés pour notre avenir collectif que nous voulons désormais promouvoir au niveau européen.
C'est la raison pour laquelle la France demande l'inscription, dans les conclusions du Conseil européen, de la mention explicite d'une "ambitieuse politique industrielle, qui promeuve l'innovation et l'excellence technologique" et qui combine à la fois des mesures horizontales (amélioration de l'environnement des entreprises) mais aussi des mesures sectorielles précises (promotion en Europe des véhicules électriques, à la suite des conclusions du groupe de travail franco-allemand sur l'électromobilité).
L'Union européenne devrait, en outre, favoriser l'émergence d'acteurs européens compétitifs à l'échelle mondiale, ce qui impose très certainement de réexaminer la politique de la concurrence telle qu'elle existe actuellement au niveau européen. Cette question majeure se posera, en particulier, très vite dans le secteur de l'énergie, si l'Europe souhaite véritablement discuter sur un pied d'égalité avec ses grands fournisseurs.
4/ Quatrième et dernier élément tout à fait fondamental, la stratégie européenne doit, pour être efficace, inclure ce que l'on appelle un fort "volet externe", c'est-à-dire un ensemble de mesures qui assure la promotion des intérêts et positions européennes sur la scène internationale.
Permettez-moi d'illustrer mon propos par quelques exemples. Il est temps - le Premier ministre l'a dit à Berlin le 10 mars et j'étais à ses côtés - d'ouvrir avec les autres Etats membres une véritable discussion sur la politique de change afin que la parité de l'euro ne constitue pas un frein à la croissance, comme c'est aujourd'hui le cas (face au dollar, mais aussi face à des monnaies très sous-évaluées, comme le yuan). La France, qui présidera à compter de la fin 2010, à la fois le G20 et le G8, compte bien, le président de la République l'a déjà annoncé, prendre ce problème à bras le corps, et poser la question d'un nouveau Bretton-Woods. Il en va de l'avenir de la compétitivité européenne.
Il est également nécessaire de cesser de faire preuve de naïveté et de faire évoluer la politique européenne en matière commerciale. Si nous regardons les grands pays émergents : Chine, Inde, Brésil, et même la nation par excellence du libéralisme, les Etats-Unis, tous tiennent à défendre leur industrie. L'affaire des avions-ravitailleurs de l'armée de l'air américaine est bien là pour nous le rappeler !
Nous devons donc accepter d'ouvrir les yeux sur la réalité des échanges mondiaux et imposer une véritable réciprocité dans les échanges commerciaux, en particulier dans l'accès aux marchés publics. Comme le souligne Nicolas Sarkozy, "la pire situation pour l'Europe serait celle où son marché serait ouvert quand les autres lui sont fermés." Il faut davantage de loyauté dans les échanges commerciaux. Il est temps que la Commission prenne ce sujet à bras-le-corps, fasse régulièrement rapport au Conseil de la situation et - enfin - propose des mesures législatives concrètes pour mettre un terme aux situations d'inégalité auxquelles nos entreprises sont confrontées. J'évoquerai prochainement ce sujet avec la Commission européenne, et je m'emploierai également à convaincre nos partenaires du bien-fondé de cette démarche.
Pour conclure sur ce point, j'ajoute qu'il ne faut surtout pas donner l'impression qu'il est nécessaire d'attendre 2020 pour obtenir les premiers résultats concrets de la future stratégie. Les peuples européens ne nous le pardonneraient pas. Il faut obtenir des avancées dès maintenant.
* Climat Post-Copenhague
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Il reste, bien entendu, de nombreux sujets de travail pour l'Europe dans les mois à venir, à commencer par la gestion des questions climatiques après l'Accord de Copenhague en décembre.
Comme vous le savez, l'Accord de Copenhague enregistre des avancées majeures, qui n'existaient auparavant dans aucun document de portée mondiale, tels que :
- l'objectif du seuil des 2°C à ne pas dépasser et la diminution de 50 % des émissions de Co2 en 2050 par rapport à 1990 ;
- la création d'un cadre spécifique pour l'adaptation aux changements climatiques ;
- le principe de l'enregistrement des objectifs et actions de réduction d'émissions des principaux pays émetteurs -développés et en développement. A l'heure actuelle, 114 pays ont notifié aux Nations unies leur soutien à l'accord de Copenhague (115 en comptant l'Union européenne en tant que Partie), dont 43 au sein de l'annexe I à l'accord (pays développés) et 72 au sein de l'annexe II (pays en développement). L'Accord de Copenhague a franchi une étape importante en obtenant le soutien écrit des deux tiers des pays du monde (représentant 80 % des émissions), dont le ralliement de la Chine et de l'Inde début mars ;
- des orientations pour le suivi de ces engagements ;
- l'objectif d'une augmentation significative des ressources financières pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique, tant à court terme (30 milliards d'euros de "fast start" sur trois ans 2010-2012) et moyen terme (objectif de 100 milliards d'euros par an d'ici 2020), avec la mise à l'étude des mécanismes qui vont nous permettre de tenir ces engagements (création d'un groupe sur les financements innovants) ;
- l'instauration rapide de mécanismes pour lutter contre la déforestation et favoriser le déploiement des technologies propres ;
- près de 3 mois après Copenhague, le calendrier des négociations dans les différents processus existants se met progressivement en place, dans un climat beaucoup plus positif que celui qui avait marqué les premières semaines de l'année. La multiplication des réunions au niveau politique témoigne d'une volonté de faire progresser les discussions, en mettant en oeuvre chacune des orientations fixées par les chefs d'Etat et de gouvernement à Copenhague.
Mais, vous le savez comme moi, rien n'est terminé, et de grandes échéances sont encore devant nous : Copenhague, de ce point de vue, n'était qu'une étape. Nous devons donc nous préparer dès maintenant à répondre aux questions-clés de la future négociation :
1/ En premier lieu, nous devons préparer les grandes échéances internationales de 2010, notamment la prochaine session de négociations dans le cadre de la CCNUCC à Bonn (31 mai - 11 juin 2010) qui sera une étape intermédiaire avant la COP 16 de Mexico (29 novembre - 10 décembre 2010). Nous devrons veiller à intégrer les résultats de Copenhague dans les différents textes juridiques en négociation, stabiliser et sécuriser concrètement tous les points de l'accord (adaptation, lutte contre la déforestation, suivi et vérification).
2/ Nous devrons également maintenir le rôle de leader de l'Union européenne sur la scène internationale et renforcer sa crédibilité ; ceci passe certainement par un changement radical de la méthode de négociation car, au-delà de l'engagement personnel du président de la République, de la chancelière fédérale et du Premier ministre britannique à Copenhague, sans qui rien n'aurait été possible, la voix de l'Europe s'est faite très - trop- discrète, et le processus a été marqué par sa lourdeur et son affreuse complexité.
Je vous rappelle les paroles du président de la République : "on ne peut pas continuer la fiction qui consiste à penser que 192 pays et leurs représentants peuvent négocier un texte. C'est fou, on n'y arrivera jamais. Ou alors, on va se retrouver chaque fois comme on s'est retrouvé à Copenhague, avec un texte qui ressemblait à un volapuk, qui n'était pas un texte, qui n'était qu'une parenthèse. A part les remerciements du début et les saluts de la fin, rien ne faisait l'objet d'un accord (...). Il faut dès maintenant mettre en place un groupe plus restreint et multiplier les réunions de ce groupe pour préparer un texte que l'on mettra sur la table à Bonn comme étape et qu'on adoptera à Cancun".
3/ Nous devons également avancer sur le front des financements.
Je pense, tout d'abord, au financement rapide ("fast start") en faveur des pays les plus vulnérables, les pays les moins avancés, les petits Etats insulaires en développement et l'Afrique, pour un montant de 10 milliards d'euros par an sur trois ans, auquel l'Europe contribuera à hauteur de 2,4 milliards d'euros par an. Je rappelle à ce sujet que le président de la République, dans la conclusion de la grande Conférence internationale sur les bassins forestiers qui s'est tenue à Paris le 11 mars, a bien précisé que la France avait proposé que 20 % de ces 10 milliards d'euros annuels soient consacrés aux grands bassins forestiers. L'objectif de la France, c'est de réduire la déforestation de 25 % d'ici 2015, de 50 % d'ici 2020, et d'y mettre un terme en 2030.
Le deuxième chantier, c'est le financement à plus long terme des pays en développement pour les aider à lutter contre le changement climatique ; l'Accord de Copenhague mentionne le chiffre de 100 milliards d'euros par an d'ici 2020. Il faudra impérativement recourir aux financements innovants pour dégager les ressources nécessaires et, là encore, le président de la République a été très clair : "nous prendrons avec d'autres des initiatives au G20 - et la France présidera le G20 en novembre 2011 - pour que soit adoptée une taxe sur les transactions financières. C'est une question de crédibilité pour chacun d'entre nous".
Nous devons maintenir la pression pour que les pays acceptent des engagements qui permettent d'atteindre effectivement l'objectif de 2°C. Ceci implique de mettre en place des mécanismes de vérification efficaces. Nous demeurons convaincus, dans ce contexte, de la nécessité d'une Organisation mondiale de l'environnement, qui serait chargée d'assurer la mise en oeuvre, le contrôle et le fonctionnement des accords post-2012.
4/ Enfin, l'Europe, si elle veut se faire respecter sur la scène internationale, doit mettre en place un mécanisme d'inclusion carbone (MIC). Le risque de "fuites de carbone" demeure ; et il n'existe pas, à ce stade, de régime de contrôle des engagements. Les leçons de Copenhague ont porté : la vertu et l'exemplarité ne suffisent pas. Nous attendons donc que soient dûment mises en oeuvre les dispositions du "paquet climat/énergie" sur ce point, et nous souhaitons convaincre nos partenaires les plus réticents de l'importance de mettre simultanément sur la table de négociation, en sus de nos engagements (parfois parmi les plus contraignants au monde), des instruments de dissuasion. Nous invitons donc la Commission à présenter d'ici le 30 juin 2010 un rapport incluant des "propositions appropriées" sur la question des secteurs vulnérables au risque de fuite, incluant la possibilité d'un MIC.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mars 2010