Déclaration de Mme Nora Bera, secrétaire d'Etat aux aînés, sur les inégalités entre les femmes et les hommes et les inégalités par rapport au vieillissement et les personnes âgées dépendantes, Paris le 25 mars 2010.

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Circonstance : Colloque national des femmes françaises à Paris le 25 mars 2010

Texte intégral


Je suis particulièrement heureuse d'être parmi vous à l'occasion de ce colloque consacré aux enjeux du vieillissement, et notamment aux femmes par rapport au vieillissement.
Il s'agit en effet d'un sujet qui a été peu pris en compte, jusqu'à présent, dans les combats des femmes et la recherche de l'égalité entre les hommes et les femmes. Votre initiative est donc particulièrement bien venue, et je vous remercie de l'avoir prise, car elle correspond à une question essentielle dans notre approche nouvelle de la condition des femmes.
Tout d'abord, je voudrais vous dire combien je me sens proche de vous, en tant que femme. Car je fais partie comme vous des citoyennes qui s'engagent, dans leur pays et au niveau international, pour faire progresser la condition et les droits des femmes. Je suis impliquée personnellement depuis de nombreuses années dans ce combat à travers une association européenne. C'est pourquoi je veux rendre hommage au Conseil national des femmes et à sa Présidente Marie-Jeanne VIDAILLET-PIRETTI. Célébrer le 100ème anniversaire de la Journée internationale de la femme, comme nous venons de le faire, revient aussi à célébrer un siècle d'action du Conseil national des femmes.
Il a été, il est de tous les combats des femmes : pour le droit de vote et la parité politique, pour l'éducation et la formation des filles et l'égalité professionnelle, pour la meilleure reconnaissance du travail des femmes et la conciliation de leur vie sociale, familiale, professionnelle, pour le respect des droits humains et la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles.
Je voudrais également associer à cet hommage les Zonta Clubs, co-organisateurs de ce colloque, qui, forts de leurs 1250 clubs répartis dans 70 pays, constituent un réseau de plus de 30 000 femmes sur les 5 continents, exerçant des responsabilités professionnelles dans les secteurs économique, culturel, artistique, social.
Par vos efforts, vous avez toujours été en première ligne pour défendre la cause des femmes.
Au-delà des progrès et des avancées obtenus, et des luttes qui continuent, il y a une autre inégalité qui nous interpelle particulièrement : celle des femmes par rapport au vieillissement.
Le sujet que vous abordez aujourd'hui me paraît à cet égard particulièrement important, car les femmes âgées semblent être les oubliées, jusque par les femmes elles-mêmes, du combat pour les femmes. Depuis 40 ans, à l'exception notable des combats pour la défense des retraites, ce sont surtout les femmes en âge de procréer et de travailler qui ont constitué l'étalon des grandes luttes, que ce soit pour l'égalité professionnelle, la libre disposition du corps ou le contrôle des maternités.
Mais que faisons-nous pour impliquer dans cette cause les femmes plus âgées ? Les écoutons-nous suffisamment ? N'avons-nous pas tendance à les oublier, à les placer hors du débat sur la place des femmes dans notre société ?
Dans mes responsabilités ministérielles, j'ai d'autant plus pris conscience de ce problème que l'allongement de la durée de la vie n'est pas suffisamment perçu comme un formidable acquis pour les individus. Pourtant, il s'agit d'une opportunité de ressourcer notre conception du "vivre-ensemble", non seulement entre les générations, mais aussi entre les hommes et les femmes.
L'image du vieillissement, dans notre société, n'a pas seulement besoin d'être changée. Elle doit nous faire prendre conscience que l'on ne vieillit pas de la même manière selon qu'on est un homme ou une femme.
Le grand âge est surtout féminin. En France, sur 10 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, il y a 6 millions de femmes. Leur espérance de vie est de 84 ans, contre 77,5 ans pour les hommes. Une jeune fille qui naît aujourd'hui a une chance sur deux de devenir centenaire.
Les discussions que nous entendons sur le vieillissement, les images du vieillissement que nous renvoie notamment la publicité ne sont pas représentatives des femmes. Car les discours, je le dis franchement, sont asexués. Car la publicité a, quant à elle, plus tendance à sur-représenter et sur-valoriser les hommes, au détriment des femmes.
Quelle est la situation des femmes par rapport au vieillissement ? Quels sont les problèmes auxquels elles doivent faire face en tant que femmes ?
1) Tout d'abord, elles sont plus importantes en nombre, car leur espérance de vie est supérieure à celle des hommes.
2) Ensuite, elles sont plus fragiles sur le plan de la sécurité financière, surtout avec les effets du veuvage. Même si un nombre grandissant de femmes disposent d'une retraite après avoir eu leur propre carrière professionnelle, beaucoup d'entre elles doivent se contenter de la pension de réversion de leur conjoint, ce qui réduit considérablement leur niveau de vie.
Il faut aussi souligner l'impact des séparations et divorces, on l'oublie trop souvent, qui sont source de précarité supplémentaire pour les femmes. Ces ruptures ont en effet des répercussions profondes sur leur vie.
82% des personnes âgées qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté sont des femmes. Parmi les 880 000 personnes qui bénéficient du minimum vieillesse, il y a une majorité de femmes. A cette question de précarité financière, se rajoute naturellement la solitude.
3) Une certaine dictature de l'âge, s'exerce également et plus particulièrement sur les femmes, comme si le corps d'une femme n'avait pas le droit de vieillir.
4) Les femmes sont doublement touchées par la maladie d'Alzheimer :
* comme malades
* mais aussi comme aidantes, puisque, comme vous le savez bien, ce sont, dans l'immense majorité des cas, des femmes qui accompagnent et soutiennent leur conjoint ou leurs proches touchés par la maladie. Il ne faut pas qu'elles deviennent les 2èmes victimes de cette maladie.
6) Soulager le quotidien des femmes âgées, c'est aussi leur permettre de vivre chez elles, dans de bonnes conditions. C'est l'objet de la mission "Vivre chez soi" et de l'opération « Bien vieillir » que je viens de lancer.
Ma volonté, c'est de faire en sorte que les femmes ne vivent pas leur vieillissement comme une sorte de fatalité, qui aurait des répercussions sur leur épanouissement personnel et sur leur rayonnement dans la société.
C'est pourquoi je crois qu'il faut repenser l'articulation entre les inégalités de genre et les inégalités liées à l'âge.
Comme le soulignent Rose-Marie LAGRAVE et Juliette RENNES, la revendication « mon corps m'appartient » doit pouvoir aussi s'appliquer aux femmes moins jeunes, dont les corps sont plus vulnérables.
Par ailleurs, il est temps de faire changer la perception différenciée selon le sexe des corps vieillissants dans notre société.
Je vois dans votre colloque deux aspects novateurs : par le choix du sujet de "la femme par rapport au vieillissement", vous vous placez aux avant-postes de la lutte d'aujourd'hui pour la reconnaissance du droit des femmes. Vous contribuez à réparer une erreur historique, et vous ouvrez aussi des perspectives d'avenir.
Comptez sur moi pour être à votre écoute, pour suivre avec le plus grand intérêt le résultat de vos travaux, et pour faire en sorte que, désormais, la situation spécifique des femmes face au vieillissement soit pleinement reconnue et assumée.
C'est un enjeu essentiel pour une société moderne et éprise de justice et d'équité entre les hommes et les femmes, jeunes et moins jeunes.
Je vous souhaite de fructueux travaux.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 30 mars 2010