Déclaration de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du gouvernement, sur la lutte contre la violence dans les établissements scolaires et la sécurité des élèves, Issy les Moulineaux le 1er février 2010.

Prononcé le 1er février 2010

Intervenant(s) : 

Circonstance : Rencontre nationale des responsables des équipes mobiles de sécurité (EMS) au collège Victor Hugo d'Issy les Moulineaux le 1er février 2010

Texte intégral


Il y a quelques semaines, au lendemain de la mort d'Hakim Mahdi, j'ai souhaité réunir l'ensemble des conseillers sécurité des recteurs d'académie. Dans mon esprit, cette rencontre avait un double but :
* faire un point sur le déploiement des équipes mobiles de sécurité (EMS)
* au-delà, faire un tour d'horizon sur l'ensemble de notre politique de sanctuarisation des établissements scolaires
De plus, cette rencontre va nous permettre de poser les bases d'un nouveau réseau, celui des conseillers sécurité des recteurs. En effet, au moment où nous avons décidé de créer les EMS, j'ai souhaité que leurs responsables exercent également les fonctions de conseillers sécurité auprès de nos recteurs d'académie. Il m'apparaissait essentiel que vous puissiez vous rencontrer et travailler ensemble pour, à l'avenir, confronter vos idées, vos problématiques, vos expériences.
Avant d'évoquer avec vous les axes prioritaires de notre action au cours des mois à venir, je voudrais vous faire part d'une expérience récente. Je me suis rendu en Martinique et en Guyane en fin de semaine dernière. À la Martinique, j'ai visité la cité scolaire Frantz Fanon de Trinité et rencontré l'équipe pédagogique. Patrick Oligny, le conseiller sécurité du recteur de la Martinique le sait : j'ai été impressionné par les résultats obtenus par cet établissement en matière de sécurité.
La cité scolaire connaissait des problèmes de violence, avec en particulier des intrusions régulières. La question a été prise à bras-le- corps avec des réponses multiformes : sécurisation (vidéoprotection, badges, clôtures), mais également dissuasion, médiation. Aujourd'hui, les résultats sont là : moins de violences verbales, plus d'intrusions, amélioration du climat et des résultats scolaires des élèves !
Cet exemple montre que la violence à l'école n'est pas une fatalité, que nous pouvons la faire reculer à force de détermination. Pour cela, il n'y a pas de réponse toute faite. Il ne saurait y avoir de préjugé. Il nous faut avant tout faire preuve de pragmatisme et de volonté.
Bien sûr, j'ai été profondément touché, comme l'ensemble de la communauté éducative, par la mort du jeune Hakim Mahdi, poignardé dans l'enceinte même de son lycée par l'un de ses camarades. Sa mort est la négation des valeurs de l'École de la République, fondée sur la tolérance, sur le respect de l'autre. Sur la conviction aussi que le savoir est le premier pas vers l'émancipation de l'Homme.
Mais en même temps, la mort d'Hakim renforce ma détermination à agir. À agir concrètement pour lutter sans relâche et par tous les moyens contre toutes les formes de violence au sein et à l'abord des établissements scolaires. Car c'est ainsi, en sanctuarisant nos écoles et nos établissements scolaires que nous parviendrons à porter haut les valeurs de notre École, à transmettre à nos enfants les savoirs dont ils auront besoin tout au long de leur vie d'adulte.
Ce travail de sécurisation a été largement engagé depuis la conférence de presse que j'ai tenue avec Brice Hortefeux au mois de septembre dernier.
* D'abord, les responsables des EMS ont été désignés dans toutes les académies. Pour l'essentiel, vous êtes des professionnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou de l'armée. Je me réjouis de vous accueillir dans notre ministère et je suis certain que nous avons beaucoup à nous apporter mutuellement.
* Aujourd'hui, les équipes mobiles de sécurité sont en place dans 8 académies, et en cours de constitution dans 19 autres. Les équipes déjà opérationnelles ont effectué plus de 350 interventions dans les établissements scolaires depuis leur création. Concrètement, elles mènent des opérations de prévention, des actions de formation ou d'aide à la réalisation de diagnostics de sécurité. Elles procèdent aussi à des interventions immédiates pour pacifier la situation en cas de crise passagère.
* Par ailleurs, dans 57 % des établissements scolaires, les diagnostics de sécurité ont été réalisés ou sont en voie de finalisation. Comme vous le savez, ils sont déjà achevés dans les 184 établissements identifiés comme prioritaires et ont donné lieu à 637 préconisations concrètes, dont 44 % sont réalisées ou en cours de réalisation. Dans les établissements prioritaires, les recommandations portent principalement sur la mise en place d'une surveillance aux abords des établissements (25 %), sur l'installation d'un dispositif de vidéoprotection (20 %), de clôtures (16 %). Elles suggèrent aussi d'autres types de mesures comme des alarmes, des travaux d'agrandissement ou d'aménagements de locaux (38 %). Dans une moindre mesure, des portiques de sécurité ont aussi été proposés (1 % des préconisations).
* Enfin, nous avons engagé la formation des personnels prioritaires : personnels de direction des établissements les plus exposés, directeurs de cabinet des recteurs, inspecteurs d'académie, ce qui représente environ 400 personnes. La formation porte sur l'exercice de l'autorité en situation de crise et se déroule à l'Institut national des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ). Elle est organisée en sessions de 4 jours successifs par groupes de 15 stagiaires. De son côté, l'École supérieure de l'Éducation nationale va assurer la formation des chefs des EMS. C'est dans ce cadre que vous êtes aujourd'hui réunis et j'ajoute que deux autres journées de formation sont dès à présent programmées les 23 et 24 février prochains. Elles porteront sur le fonctionnement de l'administration scolaire, sur les partenaires de l'action éducative et les caractéristiques de la violence en milieu scolaire.
Nous devons nous réjouir de ces avancées importantes. Elles sont le fruit d'une mobilisation sans précédent des autorités académiques, des chefs d'établissement, mais aussi, je le souligne, de nos partenaires. Elles démontrent surtout l'efficacité du partenariat engagé avec le ministère de l'Intérieur et l'ensemble de la chaîne de sécurité.
Mais, ensemble, nous devons produire un effort supplémentaire pour achever la mise en oeuvre de notre dispositif de sécurisation des établissements scolaires.
C'est la raison pour laquelle Brice Hortefeux et moi-même allons signer ce matin même une nouvelle instruction à destination des préfets, des recteurs et des inspecteurs d'académie.
Nous avons, en effet, souhaité préciser les mesures prioritaires et accélérer les échéances de réalisation. Nous avons identifié 4 champs d'action prioritaires :
* Le premier champ est celui des diagnostics de sécurité. Les réponses à l'insécurité prennent des formes différentes d'un établissement à un autre. C'est pourquoi la réalisation ou l'actualisation du diagnostic de sécurité est nécessaire. Nous souhaitons que l'ensemble des 8 000 établissements scolaires aient réalisé cette opération au plus tard le 30 juin prochain. Et je vous demande de les aider pour y parvenir. Dans le même temps, nous devons garantir la protection de nos personnels et de nos élèves dans les 184 établissements les plus exposés aux intrusions et violences graves. Pour cela, je vous demande d'achever, avant la fin de l'année scolaire, et en partenariat avec les collectivités territoriales, la mise en oeuvre des préconisations issues des diagnostics menés à l'automne.
* Le deuxième champ est celui des équipes mobiles de sécurité. La constitution des équipes mobiles de sécurité, dans chacune des académies est la première des priorités. Pour cela, il nous faut finaliser le recrutement, mais également poursuivre la formation des équipes et achever leur déploiement. En tout état de cause, il devra avoir eu lieu avant le 30 mars. Pour faciliter le déploiement des équipes, nous avons rédigé un cahier des charges très précis sur leur composition, leurs missions et les modalités de leur action. Il est annexé à la circulaire que je vais signer avec le ministre de l'Intérieur.
* Le troisième champ d'action est celui des correspondants sécurité-école, également appelés policiers ou gendarmes référents. La liste des correspondants a été mise à jour et tous les chefs d'établissement connaissent désormais leurs noms et leurs fonctions. Nous avons souhaité préciser leurs missions : ils fixent les modalités de partage des informations en cas de fait de violence ; ils contribuent à l'élaboration des diagnostics de sécurité ; ils organisent des séances d'information et de prévention à destination des élèves, par exemple sur les questions de racket, de toxicomanie ou encore de sécurité routière. Pour favoriser le fonctionnement de ce dispositif partenarial, j'ai demandé que les correspondants bénéficient d'une information précise sur l'organisation des établissements scolaires et l'environnement éducatif. Nous mettrons en ligne très prochainement une mallette pédagogique sur le site eduscol.
* Le quatrième et dernier champ d'action est celui de la formation aux problématiques de sécurité et à la gestion de crise. Au niveau national, nous avions prévu de former les personnels prioritaires entre 2009 et 2011. Je souhaite accélérer le calendrier de ce plan de formation pour qu'il soit achevé en décembre 2010. Je demande à l'ESEN et à l'INHESJ de prendre dès à présent les mesures pour y parvenir. Par ailleurs, nous souhaitons que la formation des 14 000 personnels de direction soit désormais envisagée comme une priorité dans le cadre des plans académiques de formation. C'est pourquoi nous avons adressé aux recteurs un cahier des charges des formations académiques. Pour assurer leur mise en oeuvre, l'ESEN poursuivra la formation des formateurs académiques. Ainsi, nous serons en mesure de démultiplier cette politique volontariste.
Un nouveau bilan de l'ensemble des mesures de sécurisation sera établi par les préfets et les recteurs au début du mois d'avril.
À côté de ces quatre chantiers que nous menons ensemble, notre action passe aussi par une réflexion sur l'évolution des règles et des sanctions disciplinaires mais aussi sur le rôle des familles dans la prévention de la délinquance. C'est le sens de la mission que j'ai confiée à Alain Bauer à la fin du mois de novembre. Il est actuellement au travail et s'appuie sur les compétences de nos personnels. Il me remettra ses conclusions le mois prochain. J'aurai l'occasion de m'exprimer rapidement sur ce second volet afin que des actions concrètes puissent être mises en oeuvre dès la prochaine rentrée.
Voila l'ambition qu'avec Brice Hortefeux nous souhaitons partager avec vous. Le succès de notre politique de sanctuarisation des établissements scolaires repose largement sur votre engagement et votre action. Je compte donc sur une mobilisation totale de votre part dans les mois à venir.
Source http://www.education.gouv.fr, le 9 février 2010