Déclaration de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur la gouvernance de la Zone euro et la crise financière en Grèce, à Paris le 16 avril 2010.

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Circonstance : Ouverture d'une Matinée de l'Europe exceptionelle sur le thème "Quelle gouvernance pour la Zone euro", à Paris le 16 avril 2010

Texte intégral

Monsieur le Premier ministre, Cher Edouard Balladur,
Monsieur le Ministre, Cher Gérard Longuet,
Monsieur le Ministre, Cher Jean-François Lamour,
Monsieur le Ministre, Cher Tony Dreyfus,
Monsieur le Ministre, Cher François Loncle,
Monsieur le Ministre, Cher Pierre Bernard-Reymond,
Monsieur le Député-Maire, Cher Guy Malherbe,
Monsieur le Député-Maire, Cher Bruno Bourg-Broc,
Monsieur le Député, Cher Loïc Bouvard,
Monsieur le Député-Maire, Cher Michel Herbillon,
Madame la Sénatrice, Chère Catherine Dumas,
Monsieur le Député, Cher Jean-Paul Gauzès,
Madame la Députée, Chère Sophie Auconie,
Madame la Députée, Chère Constance Le Grip,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Chers Amis,
C'est un grand honneur pour moi de pouvoir accueillir aujourd'hui au Quai d'Orsay le Premier ministre Edouard Balladur. Je suis particulièrement honoré de la présence à nos côtés de cette grande figure politique française et européenne, fin connaisseur des questions économiques. Je remercie chaleureusement le Premier ministre d'avoir bien voulu accepter mon invitation d'intervenir devant nous sur la gouvernance de la zone euro, en ces temps difficiles pour l'économie européenne et l'avenir de la monnaie unique.
Je souhaite profiter de ce moment pour dire toute mon admiration pour votre action menée en France et en Europe. Je me souviens notamment de l'ardent défenseur de la cause européenne que vous fûtes, à un moment crucial de notre histoire européenne : le référendum pour le Traité de Maastricht. En tant que Premier ministre, vous avez contribué ensuite à la mise en place de l'Union économique et monétaire, qui a conduit à la création de l'euro. Vous avez également contribué à travers le Pacte de stabilité pour l'Europe centrale à résoudre les problèmes de cette région et ainsi à préparer leur marche vers l'Union européenne et la réunification du continent européen. Les Français et les Européens vous sont particulièrement reconnaissants !
Aujourd'hui, au moment où la zone euro doit faire face à une crise sans précédent, nous pouvons désormais compter sur la vision et l'action de notre président de la République, Nicolas Sarkozy. Comme vous le savez, la crise dans laquelle est plongée la Grèce est, pour l'avenir de la zone euro, un test majeur : c'est, en premier lieu, le premier vrai test de crédibilité pour la zone euro depuis l'avènement de la monnaie unique ; c'est aussi un test pour le futur "gouvernement économique européen", appelé de leurs voeux par le président de la République, Nicolas Sarkozy, et la chancelière fédérale, Angela Merkel.
Beaucoup d'idées ont été mises sur la table : le fonds monétaire européen de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, le renforcement du rôle de la Commission, la coordination des politiques budgétaires au sein de la zone euro comme souhaitée par la France il y a déjà 20 ans, ou encore le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance.
Je note, à ce titre, que le commissaire Olli Rehn en charge des Affaires économiques et monétaires reprend à son compte bon nombre d'idées exposées dans votre excellente tribune publiée dans Le Figaro le 17 février dernier, en particulier l'examen des projets de lois budgétaires nationales avant leur adoption finale.
Vous êtes venus écouter le Premier ministre. Je serai donc bref et rappellerai rapidement les faits :
a) en premier lieu, la Grèce, qui a connu une explosion de son déficit et de sa dette publique, a subi, au début de l'année 2010, des attaques spéculatives sur les cours de ses obligations souveraines et sur les primes d'assurance contre le défaut de paiement. Ces attaques spéculatives ont certainement été encouragées par les lourdes incertitudes qui pesaient sur la qualité des statistiques publiques grecques - qui avaient d'ailleurs déjà été mises en cause par le passé, en 2004.
Les marchés financiers ont joué dans cette affaire un jeu malsain, alimenté par le fonctionnement opaque du marché de produits dérivés, l'absence totale de régulation dans ce domaine et le comportement prédateur de certains opérateurs (hedge funds en particulier) : encouragés par l'état des finances publiques grecques, ces opérateurs ont joué à la baisse la valeur de la dette grecque, et joué symétriquement à la hausse la valeur des primes d'assurance sur la dette grecque.
b) Confronté à cette situation, le gouvernement grec a pris des engagements très forts d'austérité budgétaire, consignés dans le programme de stabilité que la Grèce a fait parvenir à la Commission au mois de janvier, en particulier la réduction de son déficit de près de 4 % du PIB en 2010. C'est la conséquence logique de sa participation à la zone euro, et c'est un message fort adressé par la Grèce : la contrepartie de la participation à la monnaie unique, c'est le respect du Pacte de Stabilité et de Croissance. C'est à ce seul prix que la crédibilité de la zone peut être maintenue.
c) Troisième élément factuel, l'Union européenne a, en réponse aux engagements du Gouvernement grec, pris ses responsabilités politiques. Le Conseil européen informel du 11 février, organisé à l'initiative de Herman Van Rompuy, a su réagir, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, avec fermeté.
Une déclaration politique y a été annoncée, qui se décompose en trois points principaux : 1) le rappel à une responsabilité partagée pour la stabilité économique et financière dans la zone euro ; 2) le soutien des engagements solennels pris par le gouvernement grec de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l'adoption de mesures additionnelles ; 3) le suivi de près de ces engagements par la Commission, en liaison avec la BCE et en s'appuyant sur l'expertise technique du FMI.
Le sujet a été de nouveau abordé lors du Conseil européen des 25 et 26 mars, qui a débouché sur l'adoption d'une nouvelle déclaration. Celle-ci rappelle tout d'abord que les membres de la zone euro doivent mener des politiques nationales saines, conformes aux règles agrées, et qu'ils ont une responsabilité partagée pour la stabilité économique et financière dans la zone ; elle réaffirme le soutien des chefs d'Etat et de gouvernement aux efforts du gouvernement grec et souligne le caractère subsidiaire du mécanisme de soutien retenu, dans la mesure où la Grèce n'a demandé aucune aide financière.
Le texte décrit ensuite avec précision ce mécanisme de soutien. Il s'agit de prêts bilatéraux consentis par les Etats membres de la zone euro, susceptibles d'intervenir dans le cadre d'un accord comprenant une implication financière substantielle du FMI et une majorité de financement européen. Ce mécanisme ne peut être utilisé qu'en dernier recours ; les prêts bilatéraux seront décidés par les Etats membres de la zone euro à l'unanimité, les participations étant attendues au prorata de leur part de capital de la BCE ; enfin, ces prêts ne pourront en aucune façon être assimilés à des subventions et viseront à une tarification adéquate du risque pris.
La déclaration comporte enfin un appel décisif au renforcement de la gouvernance européenne. Elle reconnaît explicitement que "le Conseil européen doit renforcer le gouvernement économique de l'Union européenne" et précise que "la surveillance des risques économiques et budgétaires et les instruments de leur prévention, y compris la procédure de déficit public excessif, doivent être renforcés".
Dans ce cadre, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy a été invité à constituer un groupe de travail avec les Etats membres, la présidence tournante et la BCE, afin de présenter d'ici à la fin de l'année les mesures nécessaires. Le président de la République a annoncé une contribution franco-allemande aux travaux de ce groupe et la Commission proposera d'ici à juin 2010 des mesures visant à renforcer la coordination entre les membres de la zone euro, en faisant usage des nouvelles perspectives ouvertes par l'article 136 du Traité de Lisbonne. (vote requis au niveau des Etats membres de la zone euro pour élaborer des orientations de politiques économiques pour la zone).
Enfin, dimanche dernier, les seize Etats membres de l'Eurogroupe, présidé par Jean-Claude Juncker, ont décidé qu'en parallèle de la contribution du FMI, un montant global de 30 milliards d'euros de prêts bilatéraux, à un taux de 5 %, pourra être accordé à la Grèce au cours de l'année 2010. Cette mise en oeuvre du plan de soutien du Conseil européen, synonyme de véritable solidarité au sein de la zone euro, a ainsi permis au ministère des Finances grec de lever, avec succès, mardi dernier, environ 1,5 milliards d'euros d'obligations à un taux beaucoup plus faible que celui esquissé la semaine dernière.
C'est donc, dans le cadre de cette période économique palpitante et des réflexions actuelles sur la gouvernance de la zone euro, c'est-à-dire "la transformation de l'union monétaire en union économique" que vous appeliez déjà de vos voeux dans votre tribune du 17 février dernier, que j'ai le plaisir, Monsieur le Premier ministre, de vous passer la parole.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 avril 2010