Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
J'ai l'honneur d'ouvrir en votre compagnie un colloque. Et ce mot de « colloque », je l'entends d'emblée de trois manières différentes.
Il est d'abord le premier colloque que j'ai le plaisir d'organiser cette année, comme Secrétaire d'État chargée de la Prospective et du développement de l'économie numérique.
Il a ensuite cette particularité d'être un colloque en temps de crise, une crise dont il fait son objet et qui lui donne à la fois une certaine urgence et une certaine gravité.
Il est enfin, comme je m'en rends compte avec satisfaction, un colloque attendu. Nous n'avons malheureusement pas pu accueillir tout le monde. Nous tâcherons de voir plus grand la prochaine fois ! Merci à vous, chers participants, cher public, d'avoir accepté de nous rejoindre pour qu'il y ait ici une parole commune, c'est-à-dire un « colloque ».
Un même mot, celui de colloque, s'entend donc en plusieurs sens. Les mots que prononceront pour les examiner nos différents orateurs sont des termes qui à leur tour portent avec eux, selon les contextes et les usages, des significations multiples. La langue et le sens vivent ainsi au gré des usages, et le contexte les infléchit, les rend, comme l'on dit, plus « lourds » de sens, plus effrayants parfois.
Le contexte dans lequel nous allons prononcer ces mots est celui de la crise. Voilà maintenant plus de 7 mois que le monde entier vit à l'heure d'une crise dont l'ampleur est sans doute inégalée depuis 1929.
Cette crise a d'abord frappé la sphère de la finance et de la banque avant de s'étendre à l'ensemble de l'économie. Si la France semble moins touchée que d'autres pays, beaucoup de nos entreprises et de nos emplois ont déjà été victimes du ralentissement brutal de l'activité.
Le Président de la République et l'ensemble du Gouvernement ont pris d'importantes mesures pour contrecarrer les effets de cette crise. D'une part en soutenant l'activité économique par l'intermédiaire d'un plan de relance ambitieux qui est désormais dans sa phase d'exécution.
D'autre part en apportant une aide solide aux Français les plus touchés par la crise, je veux parler des chômeurs bien sûr mais aussi des familles les plus modestes, celles qui subissent dans leur vie quotidienne les effets les plus éprouvants de la baisse de leurs revenus.
Pour autant, cette crise est loin d'être résorbée et je ne crois pas faire injure aux économistes, ici présents, en disant que le retour de la croissance reste une inconnue.
Une inconnue parce que nous ne savons pas quand ce retour aura lieu. Une inconnue, également, parce que les leviers de cette sortie de crise sont difficiles à définir. Nous partageons tous plus ou moins le sentiment que notre modèle de croissance a trouvé ses limites. L'hyperconsommation, l'accumulation des objets en tous genres, la recherche du prestige à travers des symboles de réussite sociale...Tout cela ne va évidemment pas disparaître du jour au lendemain, mais cette crise nous montre que beaucoup de Français aspirent à une forme plus humaine de prospérité économique. Plus respectueuse aussi des grands équilibres de notre planète.
Ce colloque m'a paru être l'occasion idéale de réfléchir ensemble à ces enjeux, de porter sur eux un jugement (c'est-à-dire, comme l'indique l'étymologie du mot, de formuler une krisis). Mais plutôt que de réunir simplement des experts qui discuteraient de l'ampleur de la crise et des moyens d'en sortir, il nous a semblé plus intéressant de partir du ressenti des Français et de la manière dont ce contexte particulier affecte les usages et significations de notre langue.
Les mots nous offrent à ce titre des enseignements précieux. Ils sont bien souvent les révélateurs des aspirations, des valeurs, des craintes et des espoirs qui traversent notre société.
L'étude que vous allez découvrir livre en la matière des leçons parfaitement suggestives : elle nous révèle notamment que les Français sont loin de vivre cette crise dans un même état d'esprit.
La signification des bouleversements que nous vivons depuis la faillite de la banque Lehmann Brothers n'est en effet pas la même pour tous. Si certains y voient une forte turbulence sans réelles conséquences sur nos modes de vie, d'autres sont convaincus que notre économie ne pourra pas redémarrer sans un changement en profondeur.
En partant des éléments que nous fournit cette étude, il nous a semblé utile d'ouvrir la discussion sur la signification profonde de cette crise. C'est l'objet de la première table ronde qui va suivre la présentation de l'étude.
Il nous a également paru pertinent de replacer cette crise dans une perspective historique. La grande dépression qui a suivi le Krach de 1929 est souvent évoquée à titre de comparaison. Mais cette comparaison est-elle si pertinente ? Les intervenants de la deuxième table ronde nous le dirons.
Mais au-delà de qu'ils évoquent dans l'esprit des Français, les mots de la crise, ce sont aussi les termes que les millions internautes utilisent actuellement sur Internet dans leurs requêtes de tous les jours.
Ces requêtes nous livrent une mine d'informations précieuse. D'abord sur les demandes des Français, les produits et les services qu'ils plébiscitent, les informations qu'ils recherchent. Mais si nous allons plus loin, Internet nous offre, il me semble, un miroir tout à fait révélateur des changements de fond qui se dessinent dans nos habitudes de vie et de consommation. C'est ce que nous montreront les intervenant de la dernière table ronde.
Avant de vous quitter pour me rendre au conseil des ministres où je suis attendue, je voudrais adresser à chacun de vous une invitation. A l'issue de cette matinée, je vous recevrai avec grand plaisir à mon secrétariat d'Etat, à deux pas d'ici, pour prendre un verre en votre compagnie.
J'espère que vous serez nombreux à venir, même si le temps persiste à vouloir nous priver d'un apéritif dans le jardin.
Je veux remercier pour finir l'institut TNSofrès qui a réalisé l'étude qui va vous être présentée dans quelques instants. Je sais que Brice Teinturier, Emmanuel Rivière et leurs collaborateurs ont travaillé d'arrache pied pour achever cette enquête dans les temps. Permettez-moi de leur tirer mon chapeau et de vous souhaiter à tous de féconds travaux.
Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 22 avril 2010